L’entretien ci-dessous fut accordé le 17 septembre 2014 aux rédacteurs de différentes publications orthodoxes ukrainiennes, dont le portail d’informations «l’Orthodoxie en Ukraine» (Православие в Украине). Il a été traduit en russe pour le site Pravmir le même jour, et repris le 19 septembre 2014 sur le portail Pravoslavie.ru. Ce premier grand entretien était accordé par Vladika Onuphre à l’issue du premier mois écoulé après son intronisation en qualité de Métropolite de l’Église Orthodoxe d’Ukraine. Ce long entretien, présenté ici en deux parties permet de découvrir la personnalité de Vladika à travers le récit des moments et éléments importants de sa vie tels qu’il les a vécus et les rapporte lui-même. Voici la seconde partie de cet entretien, la première se trouve ici.
Toujours, tant que je le pouvais, je me suis adressé à chacun avec respect.
Il y eut ensuite Tchernovitsy… Pouvez-vous raconter à quoi ressemble la Bucovine orthodoxe?
Je pense que chaque région a sa spécificité. Il en va de même de la Bucovine. Il s’agit d’un oblast multiethnique. Y vivent des Ukrainiens, des Russes, des Roumains, des Moldaves, des Juifs, des Polonais, des Géorgiens. Traditionnellement, tous y ont toujours vécu en paix. Chacun préservait ses caractéristiques, mais dans la vie commune n’apparaissait aucune rivalité, mais bien de l’entraide. Ils vivaient en toute amitié. Mais voilà, lorsque qu’apparut la perestroïka, l’éclatement de l’Union, l’oblast fut ébranlé par la vague du nationalisme: les Ukrainiens étaient les bons, les autres, n’étaient rien… Il fallut alors déployer beaucoup d’efforts pour montrer que tous étaient bons devant Dieu. Devant Dieu, il n’y a pas d’Ukrainien, de Russe, d’Américain, de Juif, de Biélorusse. Il y a des enfants. Il y a la créature de Dieu et il y a le Créateur. Le fait que nous soyons devenus des nations, ce n’est ni grâce aux vertus, ni aux péchés. La tour de Babylone fut le fruit de l’orgueil humain, et pour faire cesser cette folie, Dieu a mélangé les langues des hommes. Avant cela, tous parlaient une seule langue et se comprenaient. Un jour, je me trouvais à la Sainte Montagne, auprès d’un ermite, le Starets Joseph, pas loin de la Grande Laure. Nous discutions ensemble, lui en grec et moi en russe, avec un interprète. Nous nous entretenions encore quand il hocha la tête et dit:«Ahhh, qu’est-ce que le péché a fait de nous!Maintenant, nous avons besoin d’un interprète…». Chacun se vante de ce que sa nation est meilleure que celle des autres. Dieu n’accorde pas sa préférence à des nations, mais à des hommes! Si une nation est unanime dans son amour de Dieu, évidemment, ce sera agréable. Mais Dieu ne m’attribue pas de la valeur parce que je suis Ukrainien, ou Russe, ou autre chose, mais bien parce que j’éprouve de la crainte envers Dieu. Si j’obéis à Dieu, si je veux faire Sa volonté, je suis agréable à Dieu. Sinon, quelle que soit ma nation, je serai le dernier des derniers. Quand les mouvements nationalistes se développèrent dans l’oblast de Tchernovitsy, j’essayais autant que je le pouvais de ne pas y participer et, là où c’était possible, je tentais d’expliquer qu’il n’y avait pas de nations, pour Dieu. Pour Dieu, il y a Sa création. Il aime de la même façon le nègre, le blanc et le jaune. C’est celui qui se fera le plus humble devant Dieu, qui essaiera de vivre le plus conformément à Ses commandements, qui sera le meilleur aux yeux de Dieu. Petit à petit, tout se calma. Il demeurait quelques petits bastions, mais les gens vivent en paix et dans la concorde depuis lors. Read more