«Romanité ou barbarie? L’Origine historique du conflit séculaire entre Hellénisme et Occident», est un ouvrage écrit par Anastasios Philippidès et publié en 1994 sous le titre «Ρωμηοσύνη ή βαρβαρότητα». Outre l’originalité et la pertinence de son analyse historique, dans la lignée des enseignements du P. Jean Romanides et du Métropolite Hiérotheos de Naupacte, il constitue un éclairage extrêmement intéressant de la situation de crise qui s’est déployée en Grèce depuis quelques années. Il semble que le livre précité n’ait pas été traduit en français à ce jour. Voici la traduction de l’introduction de l’ouvrage. Pour la cohérence avec le propos de l’auteur nous avons traduit le grec Ελλάδα et Έλληνες non par Grèce et Grecs, mais par Hellade et Hellènes (la version anglaise du livre ayant retenu Hellas et Hellènes).
(…) En dépit des importants transferts de fonds de la Union Européenne, l’Hellade semble s’éloigner de ses collègues européens, plutôt que s’en rapprocher. A ce jour, la réaction politique hellénique se limite à des tentatives d’obtenir des Fonds européens les montants d’aide les plus élevés possible. En d’autres mots, le point de vue qui prévaut est celui selon lequel le problème est purement un problème ‘d’inégalité de développement’, qui peut être résolu uniquement au moyen de fonds et de know-how technique à transférer de l’Union Européenne vers l’Hellade. Read more
Edinoverie (Единоверие, prononcé à peu près, ‘yedinəverié’) est le nom de la communauté de Vieux-Croyants de Russie qui sont parvenus à un accord avec le Patriarcat de Moscou, et sous la juridiction duquel ils se sont placés, tout en conservant leurs particularités. On recourt parfois aussi au terme ‘coreligionnaires’ pour les nommer. L’expression ‘Vieux-Croyants Unis’ est la traduction reprise dans le «Dictionnaire russe-français des termes en usage dans l’Église Russe», de l’Institut des Études slaves. Taras Sidash, traducteur du grec ancien, écrivain, philosophe russe vivant à Saint-Pétersbourg, dont nous avons publié la traduction de quelques textes, fait partie de cette communauté de Vieux-Croyants Unis. En 2011, Taras Sidash a accordé un entretien au magazine russe ‘Valeurs Familiales‘, au cours duquel il présente sa communauté, la manière dont les Vieux-Croyants comprennent le schisme, et son analyse, acide, des événements de l’histoire de l’Église. Taras Gennadievitch, dans la conscience commune, l’évocation des Vieux-Croyants fait surgir l’image du barbu obstiné fronçant les sourcils, l’idée de la Sainte Rus’, le signe de croix à deux doigts, les longs offices sans interruption, la boyarine Morozova de Sourikov, et l’une ou l’autre chose à propos de l’Archiprêtre Avvakoum. Dans quelle mesure ces stéréotypes correspondent-ils à la réalité ?
Les stéréotypes que vous avancez relèvent clairement du genre de l’affiche politique, et même de la caricature politique. Comme c’est chaque fois le cas pour ce genre d’image, cela en dit plus long sur son créateur que sur la «réalité». Cela nécessite d’admettre qu’il existe quelque part une réalité à laquelle cela correspond. Mais, en même temps, pourquoi seul le Vieux-Croyant devrait-il faire penser aux longs offices et pas les moines du nouveau rite orthodoxe, ou les moines catholiques dans ces ordres qui remontent au Moyen-Age? Et j’ose à peine parler de ceux sur les visages desquels s’imprime, de nos jours, «l’idée de la Sainte Rus’» (Sourire). Comment doit-on dire, ‘Croyant de la Vieille Foi’ (старовер) ou ‘Croyant du Vieux Rite’ (старообрядец )? Quelle est la différence ?
Le terme correct est ‘Croyant de la Vielle Foi’, car le désaccord avec les successeurs de Nikon ne consiste pas seulement en divergences de rite, mais surtout en une conception différente de ce qu’est la foi, l’homme et l’Église. Toutefois, les appellations intervenues au cours de l’histoire, et même celles utilisées par les intéressés recourent à l’autre terme. Par exemple, la hiérarchie la plus ancienne et la plus imposante, s’opposant à l’Église synodale/patriarcale, se nomma elle-même Église Orthodoxe Russe du Vieux Rite. (Русская Православная Старообрядческая Церковь). Selon moi, ce qui est tout à fait correct c’est l’appellation «Vieil-Orthodoxe» utilisée par certaines communautés, comme par exemple les Pomores : Église Vieil-Orthodoxe du Pomorié. L’expression ‘Vieil-Orthodoxe‘ reflète le mieux ce qui a réellement été changé, renouvelé par les uns et préservé dans son état antique par les autres.
Le Schisme.
Le schisme du XVIIe siècle ne survint-il pas surtout à cause de divergences rituelles ? Dans tous les livres d’histoire, on lit à peu près ceci : les zélateurs de la piété, Avvakoum, Neronov et les autres, se sont élevés contre les «nouveautés» grécophiles du Patriarche Nikon et tout le grabuge commença ainsi…
Il nous suffit de nous pencher sur les œuvres des opposants à Nikon pour constater que la «nouveauté grécophile» fondamentale fut la définition du pouvoir épiscopal et tsariste sur l’Église toute entière, selon laquelle on reconnaissait à ces pouvoirs le droit de prescrire, à leur seule discrétion et volonté, n’importe quoi à l’Église entière.
Il est très clair qu’à la fin de leur vie, renonçant à leurs nouveautés rituelles, le Patriarche Nikon et le Tsar Alexis Mikhaïlovitch, relativement omnivore en matière de rituel, pensaient que l’essentiel dans la réforme n’était pas son contenu, c’est-à-dire le refus de certaines dispositions, mais bien l’obéissance totale au pouvoir dans les questions concernant la foi. Comme l’a dit à cette époque le bourreau sanguinaire, le Patriarche Joachim : «Vielle foi, nouvelle foi, crois ce qu’on ordonne». Je cite de mémoire. Le sens de la réforme de Nikon ne fut pas l’introduction de l’une ou l’autre nouveauté en matière de rituel, mais la confirmation par la Chrétienté russe du renoncement au statut proclamé par l’Apôtre Paul, des Chrétiens comme «peuple de Dieu» et «prêtrise royale». De nombreux Russes ne purent évidemment admettre une telle «nouveauté».
Il suffit de lire les lettres du dirigeant de la première génération d’opposants, l’Archiprêtre Jean Neronov, pour se convaincre une fois pour toutes que pour lui, c’était la toute puissance injustifiée du patriarche qui était tout à fait inacceptable. Quand aux rites, ils étaient seulement, pour un côté comme pour l’autre, des signes: pour les uns ils permettaient de montrer son pouvoir papal illimité, pour les autres, ils manifestaient la dénonciation de la nature non-orthodoxe de pareille ambition. Bien sûr, pour les gens simples, les rites peuvent revêtir une signification suffisante en soi, mais pour les «héroïques archiprêtres» formant l’élite intellectuelle et morale du peuple et le noyau de l’opposition anti-nikonienne, les choses ne pouvaient en être ainsi. Bref, la dimension véritablement grecque de la «grécophilie» de la cour d’Alexis Mikhaïlovitch se concentrait dans la ‘philia’ qui jusqu’à cette époque n’était pas vraiment une caractéristique des Russes ; car évidemment le contenu de cet emballement singulier, la nouvelle conscience ecclésiologique, n’avait rien de grec. Il s’agissait d’une importation latine de seconde main, une marchandise facile à écouler, sortie des bagages de certains évêques grecs vagants, réduits au négoce d’une foi de provenance inconnue. Je comprends. Le pouvoir aurait du faire preuve de plus de douceur. Mais auparavant les choses se passaient-elles autrement ? C’était bien l’empereur et les évêques qui représentaient l’Église toute entière lors des Conciles Œcuméniques. C’était tout de même dur à cette époque-là également.
Effectivement, c’est ainsi que les choses se déroulaient alors. Et des schismes pareils au nôtre, l’Église Œcuménique en a connu quelques-uns. A quoi tout cela a-t-il mené? Ne serait-ce pas à cause de cela que les Orthodoxes du Patriarcat Œcuménique occupent encore juste un quartier d’Istamboul et quelques îles? Ne serait-ce pas à cause de cela que les schismatiques catholiques-romains sont plusieurs fois plus nombreux que tous les Orthodoxes pris ensemble? Ne serait-ce pas à cause de cela que tout le Moyen-Orient ensanglanté par les confrontations entre ceux qu’on nomme les Nestoriens et l’Église impériale constantinopolitaine, est devenu le terreau idéal pour la propagation de l’Islam ?
L’époque des Conciles Œcuméniques est celle du fiasco de la mission chrétienne. La mission fut accomplie par les méthodes impériales, en politique et en matière de spéculation, et mis à part quelques icônes miraculeusement sauvées des iconoclastes et une liste, obtenue à l’arraché, des erreurs dogmatiques qui furent rejetées, cette mission ne laissa rien pour le futur, rien sur quoi nous puissions nous appuyer dans les temps de détresse de l’Église. Cela devint évident dès que survint la première situation problématique; les Russes ne purent la résoudre sans s’appuyer sur l’autorité extérieure, grecque. De ce qu’on nomme l’héritage patristique, il est possible de déduire des conclusions très différentes, de sélectionner des précédents diamétralement opposés pour résoudre certains problèmes. Et ainsi, ni le Patriarche Nikon, ni ses opposants ne durent se priver du plaisir de se lancer à la tête toutes sortes de citations bibliques et autres. La déchéance la plus profonde qui atteignit, dès les premières décennies qui suivirent le schisme, la partie de l’Église qui avait remporté la victoire, s’explique, et sûrement pas en dernier ressort, par le fait qu’aucun de ceux qui «participèrent au débat» ne conservait après une décennie de conciles et de disputes, la moindre considération pour l’Église grecque, dont traditionnellement, l’Église russe (et particulièrement son secteur ‘nikonien’) se qualifie de prolongement et de protubérance. (A suivre)
Le site Pravoslavie.ru a publié un cycle d’entretiens consacrés à Byzance, son histoire, ses enseignements. Quand et comment apparut l’appellation «Empire Byzantin»? Comment les scientifiques érudits de pays différents évaluent-ils le rôle et la signification de Byzance dans l’histoire du monde? Pourquoi, à l’époque soviétique, La ‘byzantistique’ fut-elle déclarée «science dangereuse»? Qu’est-ce qui relie la Russie à Byzance et pourquoi essaierions-nous de connaître cette puissance dont de nombreux siècles nous séparent? Premier entretien du cycle, avec l’historien Pavel Vladimirovitch Kouzenkov. Pour les francophones, un des intérêts de ce texte est de soulever un coin du voile sur l’approche de l’histoire de «Byzance» par des Orthodoxes, en l’occurrence, les Russes. Les ouvrages disponibles en français sur le sujet sont, dans leur immense majorité, soit écrits par des Français, soit par des Anglo-saxons, et ensuite traduits. La traduction française de l’ouvrage de Georgije Ostrogorski, byzantiniste serbe qui a exploité des sources non seulement occidentales, mais aussi slaves et grecques, fait exception. La traduction des travaux des historiens russes Vassiliev et Ouspienski est introuvable.Read more
Le site Romanity.org propose une série de textes du Père Jean Romanidès. Certains en Anglais, d’autres en grec. La traduction ci-dessous est celle du début d’un très long texte en anglais dont le titre complet est : «Thérapie de la maladie neurobiologique de la Religion.La Civilisation hellénique de l’Empire Romain, Le Mensonge de Charlemagne en 794 et son Mensonge aujourd’hui.» Ce texte est présenté sur le site précité comme celui d’une conférence donnée à deux reprises aux États-Unis en 1997, et dont la base fut un long article écrit en grec et publié dans un ouvrage édité par le Saint Monastère de Koutloumousiou en 1996. La longueur de ce texte obligé d’en proposer la traduction en extraits successifs. En voici le sixième.
Dans la mesure où tous les fantasmes produits par le court-circuit précité sont à l’origine de tous les phénomènes sociologiques et historiques, y compris tout ce qui relève de la religion et de la criminalité, il est inopportun de tracer une ligne séparant société et religion, comportement anormal ou soi-disant normal dans la société humaine. Tous les être humains et toutes les sociétés souffrent de ce même court-circuit. De nombreux chrétiens orthodoxes et juifs ne se sont pas activement engagés dans leur thérapie traditionnelle traitant la maladie de la religion, alors que c’est censé être le fondement de leurs croyances et de leurs pratiques. C’est pourquoi ils sont dans certains cas capables de dépasser autrui en matière de cruauté et de barbarie. En tous cas, l’idée selon laquelle la religion serait bonne ‘en soi’ et nécessaire à la société est un pur non-sens. Il existe dans l’histoire des cas où existent des gens croyant qu’ils jouiront de privilèges spéciaux dans les Cieux, et qu’ils auront de nombreuses femmes ‘à leur disposition’, pour les récompenser d’avoir tué ou réduit en esclavage d’autres êtres humains. Read more
Le site Romanity.org propose une série de textes du Père Jean Romanidès. Certains en Anglais, d’autres en grec. La traduction ci-dessous est celle du début d’un très long texte en anglais dont le titre complet est : «Thérapie de la maladie neurobiologique de la Religion.La Civilisation hellénique de l’Empire Romain, Le Mensonge de Charlemagne en 794 et son Mensonge aujourd’hui.» Ce texte est présenté sur le site précité comme celui d’une conférence donnée à deux reprises aux États-Unis en 1997, et dont la base fut un long article écrit en grec et publié dans un ouvrage édité par le Saint Monastère de Koutloumousiou en 1996. La longueur de ce texte obligé d’en proposer la traduction en extraits successifs. En voici le premier.
1. La tâche qui nous attend et les quatre clés de la présente étude. Il est impossible de traiter de la réalité de l’Église Orthodoxe contemporaine sinon en termes de falsification franco-latine de l’histoire de l’Empire Romain. Le fait que les dogmes et les canons des neuf Conciles Œcuméniques Romains, de 325 à 1341, furent intégrés à la Loi romaine rend claire l’évidence qu’il s’agit de la seule manière de procéder. Pour accéder à cette réalité, nous sommes obligés de traiter de la falsification de cette réalité historique par les Franco-Latins depuis l’époque de Charlemagne d’une part, et par les Russes depuis Pierre le Grand d’autre part. Ces événements historiques constituent simplement la transformation de segments entiers de l’Église, centres de guérisons de la maladie de la religion, en missions chargées de disséminer la maladie de la religion. Read more
Extrait de «L’Empire Byzantin», d’Evangelos Konstantinou Chrysos, byzantiniste grec renommé dans son pays et dans les pays germanophones. Cet ouvrage fut publié par les éditions Edisud en 2004, dans la série «Encyclopédie de la Méditerranée» (pages 111 à 113). Les rapports de Byzance avec le peuple des Rôs (Russes) s’articulent en trois périodes. Dans la première, qui va du milieu du IXe siècle au milieu du Xe siècle, Byzance fut victime d’une série d’incursions effectuées pour raisons principalement de pillage, mais qui conduisaient régulièrement des accords commerciaux. Read more