Ukraine: le repentir plutôt que l’autocéphalie comme méthode de guérison du schisme

L’Archevêque Théodose (Sniguiriov), Vicaire de la Métropole de Kiev

Entretien de Serguei Gueryk, pour le site Pravoslavie.ru, avec l’Archevêque Théodose, au sujet de la situation problématique de l’Église orthodoxe en Ukraine, à l’occasion du 1030e anniversaire du baptême de la Rus’. L’Archevêque Théodose est Vicaire de la Métropole de Kiev, et fut un des intervenants principaux lors des festivités, au nom de l’Église Orthodoxe d’Ukraine. L’entretien fut tenu le 20 août 2018, avant, donc, les surprenantes et regrettables déclarations et démarches du Patriarcat de Constantinople en cette matière. Les questions abordées ne sont dès lors pas concentrées sur ce point, mais proposent un tableau plus général de la situation telle qu’elle est vécue par la hiérarchie de l’Église Orthodoxe d’Ukraine, seule canonique, dont le Synode est dirigé par son Éminence Mgr Onufre.

Vladika, une première question, très importante dans le contexte du jubilé qui vient de se dérouler et des événements intervenus ces derniers temps concernant l’Église Orthodoxe d’Ukraine : Le lien entre l’Église d’Ukraine et le Patriarcat de Moscou sont-ils réellement profonds, historiquement et du point de vue actuel? Concrètement, les Églises d’Ukraine et de Russie sont-elles des Églises différentes, presque antagonistes, comme disent les schismatiques?

Baptême de la Rus’

Bien sûr que non! Le lien a été et demeure très profond. Historiquement et spirituellement. Nous avons toujours, au cours d’un millénaire, été une seule Église. L’Église Russe, née des «fonts baptismaux» de Kiev en 988, a répandu la foi évangélique et la vie ecclésiale sur tout le territoire de la Rus’. Et le Saint Prince Vladimir et sa grand-mère Olga égale-aux-apôtres naquirent à Pskov et le Prince Vladimir fut par la suite Prince de Novgorod. C’est ainsi qu’il conseilla de disséminer la Foi Orthodoxe vers le Nord, le Sud, l’Est et l’Ouest. Dans toute la Rus’.
A cette époque de l’antiquité russe, l’Église revêtait le statut canonique de métropole orthodoxe du Patriarcat de Constantinople. Plus tard, suite aux guerres et aux pillages, la résidence du Métropolite de Kiev et de toute la Rus’ fut transférée à Vladimir-sur-Kliazma et après, à Moscou. Le transfert du centre dirigeant de la Métropole de Kiev fut officiellement approuvée par le Synode du Patriarcat de Constantinople. Par la suite, au XVe siècle, des événements historiques provoquèrent la séparation temporaire de la Métropole Occidentale, avec Kiev, de l’autre partie de l’Église Russe. La séparation se prolongea un peu moins de deux cents trente ans, et au XVIIe siècle, l’unité fut restaurée. Dès lors, spirituellement, nous avons toujours été une seule Église. Administrativement, ce fut différent. Au cours des derniers temps, à la fin du XXe siècle, après l’effondrement de l’Union Soviétique, et la formation d’un État d’Ukraine indépendant, l’Église Orthodoxe d’Ukraine devint autonome et reçut le droit à une large autonomie, avec une pleine indépendance dans sa gestion. Essentiellement, notre Église Ukrainienne reçut des droits qu’elle n’avait jamais eu auparavant au cours de l’histoire. Nonobstant cela, l’Église Orthodoxe d’Ukraine nourrit un lien spirituel et canonique entier avec toute l’Église Russe.
A la lumière de vos propos se pose la question souvent mise en avant par les schismatiques ukrainiens : Pourquoi le Patriarcat de Moscou est-il l’Église-mère de Kiev et non l’inverse? Moscou n’existait même pas encore lors du baptême de la Rus’. Et Constantinople répète sans relâche qu’elle est l’Église-mère de l’Ukraine.

Son Éminence le Métropolite Onuphre, hiérarque de l’Église orthodoxe d’Ukraine, canonique.

Comme d’habitude, les schismatiques ont recours à leur traditionnelle substitution de concept. En comptant sur l’ignorance des auditeurs. En droit canonique, le terme Église-mère (ou Église «kyriarchale1») est le Patriarcat, ou l’Église Locale, dans la juridiction duquel entre à un moment donné, canoniquement et administrativement, un territoire ecclésial. Il ne s’agit pas du tout de cette Église de laquelle fut reçue en son temps la Foi Orthodoxe. Car avec une pareille logique, l’Église kyriarchale devrait alors être aujourd’hui pour le monde entier l’Église de Jérusalem, et aucune autre. Mais il n’en est pas du tout ainsi.
Et pour l’Ukraine, l’Église kyriarchale est l’Église Orthodoxe Russe, que cela plaise ou non. Même dans le cas de figure, contesté aujourd’hui par certains historiens du Phanar, où l’on tient compte du processus de retour à la soumission de la Métropole de Russie Occidentale au XVIIe siècle, cela ne change rien à l’affaire. Le Droit Canon détermine la durée de trente années comme étant la preuve irréfutable de la soumission canonique d’un territoire à un évêque précis. De facto, cette soumission ne peut faire l’objet d’aucune polémique, afin d’éviter querelles et conflits dans l’Église. Et ici, trois cents ans se sont écoulés [depuis le XVIIe siècle N.d.T.]. Comment peut-on contester cette situation? De quoi veut-on parler? On a l’impression que certains «théologiens» ne voient rien de ce qui se passe hors de leur bureau et ne regardent même jamais par la fenêtre.
S’il-vous-plaît, rappelez-nous quelques chiffres relatifs à la taille de l’Église Orthodoxe d’Ukraine, combien de paroisses, de prêtres, de fidèles?
L’Église Orthodoxe d’Ukraine est la confession la plus importante d’Ukraine. On compte dans sa juridiction douze mille cinq cents paroisses, plus de deux cents cinquante monastères, douze mille prêtres, plus de cinq mille moines et moniales. Par comparaison, les autres confessions orthodoxes d’Ukraine ont, toutes ensemble, environ cinq mille paroisses et un peu plus de deux cents moines et moniales.
Pour ce qui concerne le nombre de fidèles, je crois qu’il s’agit de nombreux millions. Mais il n’est pas possible d’en préciser exactement le nombre car des statistiques de ce genre n’existent pas sur place. Pour la Grande Procession à Kiev, on rassemble deux cents cinquante mille hommes et femmes ; il est possible d’en faire le compte. Évidemment, la majorité des fidèles ne participent pas à la procession, seulement une petite proportion, mais ils proviennent de toutes les éparchies. Et il faut tenir compte du fait qu’il est de nombreux qui voudraient venir à Kiev, mais dont l’organisation du voyage est empêchée par les autorités qui mettent des bâtons dans les roues à différents niveaux… La «toute petite proportion» rassemblée en un jour dans une ville s’élève à deux cents cinquante mille.
Nos opposants se basent sur des enquêtes d’opinions et des statistiques, en particulier sur les indications de leur centre de recherches politiques et économiques, Razoumkov, qui, comme on le sait, sert les intérêts politiques antirusses des autorités ukrainiennes.

Procession des 250000 fidèles à Kiev en juillet 2018

Tout d’abord, les résultats des différentes enquêtes d’opinions différent diamétralement. Parfois, ils sont complètement contradictoires. Ensuite, et c’est essentiel, aucune enquête sociologique ne donne un tableau objectif de la vie religieuse dans le pays. Ils n’abordent jamais le nombre de fidèles pratiquants. Mais ce tableau de la vie religieuse, il existe pourtant. Ils ne travaillent pas avec des statistiques de remplissage des paroisses et des monastères, ils donnent seulement un spectre de préférences de «l’audience TV». Il ne s’agit donc pas de gens croyants, mais du «tout venant». Ils mènent l’enquête parmi des répondants qui savent à peine comment tracer le signe de croix. Mais pour le reste, ils savent très bien ce qu’on leur enseigne à la télévision, quelle Église est «la bonne» et quelle est l’«ennemie». Mais en réalité, le véritable indicateur de la quantité de fidèles de l’une et l’autre confession, ce sont les paroisses, les monastères, les prêtres, les moines et les moniales, et nous en avons parlé voici quelques instants.
Au cours des derniers mois, la presse s’est empressée de faire de la propagande pour le «tomos de l’autocéphalie de l’Église d’Ukraine», thème soulevé par les politiciens ukrainiens. L’adresse du Président Porochenko et de la Rada au Patriarche de Constantinople ont enfreint la séparation de l’Église et de l’État telle qu’en dispose l’article 35 de la Constitution ukrainienne. Qu’en est-il?
Cela est incontestablement le cas. Les tentatives d’intrusion dans la vie religieuse de la société, qui ont été menées par les acteurs politiques ukrainiens, peuvent être qualifiées d’inconstitutionnelles. Il ne s’agit pas même de la soi-disant adresse que vous évoquiez. A la suite de celle-ci, des fonctionnaires de rangs divers ont chacun dans leur sphère de compétences, «travaillé» activement à cette question ; des diplomates, des responsables de districts, des oblasts, etc…
Et dans l’ignorance des questions ecclésiastiques, l’audience se demande ce qu’il pourrait y avoir de nocif dans l’initiative des politiciens ? Qu’y aurait-il de mal à ce que l’Ukraine ait sa propre Église, autocéphale?
L’Ukraine a son Église. Absolument autonome. La plus grande en nombre. Et il s’agit de l’Église Orthodoxe d’Ukraine. Les possibilités et les droits générés par notre autonomie sont beaucoup plus grands que ceux dont jouissent la plupart des Églises Orthodoxes bénéficiant du statut autocéphale. Il s’agit d’un fait objectif et important : le droit à l’autonomie de notre Église est beaucoup plus grand que celui de nombreuses Églises Orthodoxes Autocéphales. Dans leur grande majorité, les fidèles de l’Église Orthodoxe Ukrainienne comprennent cela. Ils le comprennent et l’apprécient à sa juste valeur. Mais en même temps, ils apprécient l’unité spirituelle avec toute la plénitude de l’Église Russe fondée par le Saint Prince Vladimir, dont nous avons parlé. Au moment présent de notre histoire, la majorité écrasante de l’épiscopat, des prêtres et de tous les fidèles de notre Église est satisfaite de son statut canonique et n’a initié aucun changement. Et je suis convaincu de ce que les hommes de Dieu ne permettront pas que l’on utilise l’Église comme monnaie d’échange dans un jeu politique.
On nous dit que l’autocéphalie supprimera les tensions et les oppositions des schismatiques, qu’elle guérira le schisme. On nous dit qu’ils reviendront dans le sein de l’Église. Mais c’est une tromperie. Aucune autocéphalie n’a jamais rien guéri, tout le monde peut très facilement le comprendre.
La guérison du schisme ne passe pas par l’autocéphalie, mais par le repentir, par la prise de conscience d’une situation ecclésiologique injuste, qui se traduirait par la restauration des «Mystères» et la canonicité de l’ordination de leurs prêtres. Mais seraient-ils prêts à une démarche en ce sens aujourd’hui? Que du contraire, nous entendons de la part des schismatiques une rhétorique des plus agressives au sujet de la capture des laures, des églises, etc.
Mais là n’est pas la question. Il faut bien comprendre que l’initiative des politiciens qui «proposent l’autocéphalie» n’a aucun lien direct avec l’Église Orthodoxe d’Ukraine canonique et la plus importante en nombre. Cette initiative masque seulement le souhait des non-canoniques de légaliser les églises schismatiques d’Ukraine, l’Église Orthodoxe d’Ukraine-Patriarcat de Kiev et l’Église Autocéphale Orthodoxe d’Ukraine. Voilà de quoi il s’agit, cacher tout cela derrière un «tomos de l’autocéphalie».
L’examen attentif de la question révèle une substitution des concepts. L’Église Orthodoxe d’Ukraine-Patriarcat de Kiev n’a besoin d’aucune «autocéphalie», c’est-à-dire d’indépendance. Ils ne dépendent de personne et sont «autocéphales». Cette structure n’a pas besoin d’autocéphalie, mais de légalisation aux yeux du monde ecclésiastique. Voilà ce qu’ils souhaitent. Ils ne veulent pas entrer par la porte, mais en même temps, ils essaient de passer par-dessus la clôture. Tout cela est très simple, pour revenir dans le sein paisible de l’Orthodoxie, la porte est ouverte, mais pour cela il est nécessaire d’observer les règles qui sont définies : les Canons de l’Église. C’est une voie simple et compréhensible, et elle est ouverte.
Et si le Patriarche Bartholomée décidait unilatéralement de légaliser malgré tout L’Église Orthodoxe d’Ukraine-Patriarcat de Kiev?

La Laure des Grottes de Kiev aujourd’hui

Si la question est de savoir si le Patriarche Bartholomée va enfreindre l’ordre canonique de l’Église pour légaliser le schisme ukrainien, en tous cas, les dernières informations émanant des consultations et rencontres inter-orthodoxes consacrées à cette question, témoignent de ce que le Patriarche comprend très bien le problème complexe ukrainien. Il semble improbable qu’il prenne sur lui la responsabilité d’une démarche aux conséquences imprévisibles. De ce point de vue, on place beaucoup d’espoir dans la rencontre des Patriarches Kyrill et Bartholomée prévue fin août. Connaissant la sagesse, la fermeté canonique et l’expérience diplomatique de notre Patriarche, les brebis du troupeau ukrainien partagent l’espoir que cette rencontre, non seulement apaise la tension régnante dans la question ukrainienne, mais apporte un réchauffement général et constructif dans les relations inter-orthodoxes.

Dieu veuille qu’il en soit ainsi. Mais dans l’entretien qu’il a accordé, Philarète2 a déjà affirmé que la Laure des Grottes de Kiev et d’autres sanctuaires devaient être «expropriés» de l’Église canonique.
Effectivement, dans son dernier entretien, le chef de l’Église Orthodoxe Ukrainienne-Patriarcat de Kiev, Philarète, a répété sans cesse qu’en cas de légalisation canonique de sa structure, ils prétendront à leur droit de propriété, ainsi qu’à l’appellation d’Église Orthodoxe d’Ukraine. Et cela enchantera les juristes, les fonctionnaires et les politiciens ukrainiens. Des comités de la Rada ont déjà préparé des projets de lois de pillage pour réaliser ces plans. Où tout cela peut-il nous conduire? Je crains que cela ne devienne un mécanisme déclencheur d’une confrontation civile à grande échelle sur une base religieuse. Il me semble que c’est évident pour tous les gens capables de raisonner un tant soit peu.
Toutefois, Philarète, malicieux comme toujours, a nié que les laures et monastères de l’Église Orthodoxe d’Ukraine seraient pris par la force.

Le Synode de la Métropole de Kiev réuni autour du Métropolite Onuphre

Oui, il a essayé de nier ses propos quand on lui a expliqué que les exposer prématurément porterait préjudice au plan. Et sur quoi a-t-il fondé sa volte-face? Sur l’honnêteté de ses paroles? Mais s’il fallait croire tout ce qu’il dit, en Ukraine, il n’y aurait pas de schisme aujourd’hui (souvenons-nous de ses propos d’Archevêque devant la Croix et l’Évangile, en 1992, selon lesquels il allait quitter son poste et ne créerait pas de trouble). Quoi encore? Les affirmations mensongères selon lesquelles tous les fidèles passeraient aimablement et volontairement au Patriarcat de Kiev? Eh bien, on constate en Ukraine occidentale que les fidèles sont chassés des églises qu’ils ont construites de leurs propres mains et au mépris des décisions de justice. Et en plus on affirme : «Ils le font volontairement». Ce ne sont que des contes pour les téléspectateurs. Je pense que Philarète comprend parfaitement ce qu’il veut et comment il projette d’agir. Mais Dieu n’est ni dans la force, ni dans la haine, mais dans la justice et la douceur. Notre troupeau espère et croit que les politiciens et les schismatiques n’iront tout de même pas jusqu’à cette folie et cette démarche autodestructrice. S’ils le font, les fidèles défendront leurs sanctuaires comme ils le pourront.
Et s’ils ne le peuvent?…
Même si on envisage que quelqu’un planifie une persécution de l’Église à grande échelle en Ukraine, comme elle exista sous les communistes, les fidèles n’auront aucune raison de perdre courage. Comme le dit l’adage populaire, Dieu n’est pas dans les bûches mais dans les côtes3. Nous prierons à la maison. Nous l’avons déjà fait jadis. Mais il convient de ne pas oublier qu’avec l’aide de Dieu, l’Église tiendra bon «et les portes de l’enfer ne prévaudront pas contre elle»(Mat.16,18). D’autant plus que nous le savons, Kiev est l’un des apanages de la Mère de Dieu, et nous croyons qu’Elle ne permettra pas aux fidèles de subir des épreuves plus dures que celles qu’ils peuvent endurer. Je pense toutefois qu’il ne faut pas aller jusqu’à la confrontation dans la violence.
L’Église Orthodoxe d’Ukraine occupe aujourd’hui une position difficile : en Ukraine, la Fédération de Russie a été déclarée pays agresseur. Toutefois, l’Église Orthodoxe d’Ukraine conserve son lien canonique avec le Patriarcat de Moscou. Quel est le degré de loyauté de la société ukrainienne envers les fidèles de l’Église Orthodoxe d’Ukraine?

Délégation du Synode de la Métropole de Kiev envoyée par Mgr Onuphre au Phanar le 23 juin 2018

La situation est difficile non seulement pour l’Église Orthodoxe d’Ukraine, mais pour tout le peuple ukrainien. Et les fidèles, en tant que partie du peuple, ne font pas exception. Mais à la différence des autres confessions d’Ukraine, notre Église représente tout le pays dans ses diversités. Elle englobe réellement toute l’Ukraine, de région en région. Comme aucune autre confession, nos fidèles représentent toutes les régions sans aucune exception.
C’est pourquoi notre Église, en tant que communauté des fidèles de toutes les régions, comprend parfaitement que le problème de la guerre en Ukraine ne peut, de façon simpliste, être réduite à «une guerre entre deux pays». Ce problème est beaucoup plus vaste et global. Les sociologues ukrainiens disent à raison que chez nous en Ukraine, et pas seulement sur la ligne de front, se déroule une confrontation de deux visions du monde, de deux mentalités différentes, de deux référentiels communautaires. Un pro-occidental d’une part, et un pro-oriental, pro-russe, d’autre part. Ces deux groupes de la société ukrainienne à la mentalité différente vécurent longtemps en paix, se considérant et se disant ukrainiens et ils construisirent notre pays sur des principes paritaires.
De façon plus large, en Ukraine, comme dans les pays multiethniques et aux facettes multiples, il existe d’autres fractions sociales significatives, avec leur propre mémoire historique et leur vision du monde. Jusqu’ici, cette diversité n’avait jamais posé de problème. Nous avions toujours formé une société ukrainienne unie, aux aspects multiples, mais tranquille et paisible.
Et naturellement, l’Église Orthodoxe d’Ukraine a existé et continue à exister aujourd’hui partout. Des millions de nos fidèles prient et créent des monastères et des églises depuis la Transcarpatie jusqu’à Donetsk et Lougansk, de Tchernigov à Simferopol. J’attire votre attention sur le fait que l’Église Orthodoxe d’Ukraine est la seule institution sociale dans l’Ukraine contemporaine, qui est parvenue à survivre structurellement et territorialement au cours de ces pénibles années, dans une grande mesure, sans dommage. Pourquoi en est-il ainsi? Le secret est simple, l’Église ne divise pas, elle unit. Elle ne fomente pas les confrontations et la haine, mais au contraire, elle s’efforce de calmer et de ramener la paix. Que toutes les parties de la société vivent et se développent librement et calmement et tout sera paisible et bon dans notre maison commune. C’est ainsi qu’agit et pense l’Église Orthodoxe d’Ukraine. Si tous les politiciens en faisaient de même, la tragédie contemporaine serait évitée.
Vladika, pensez-vous que nous soyons encore loin de la paix en Ukraine?
Je pense que tous les facteurs externes du conflit perdront leur force si nous réglons nos contradictions internes, si la société ukrainienne devient une, non pas en paroles, mais en actes. Et pour l’Ukraine, cette unité n’est possible que dans la diversité. Il en a été ainsi au cours de notre histoire et on ne peut rien y faire. Pour atteindre cette unité dans la diversité, il faut fuir la radicalisation de la société, et l’exacerbation de la haine sur les terreaux religieux et national. Il faut s’efforcer de dialoguer et de respecter le point de vue d’autrui, et se pardonner mutuellement. Je pense que cette voie pourrait dans une perspective prévisible conduire à l’apaisement et la fin du conflit. Que Dieu nous vienne en aide.
Traduit du russe
Source.

Celles et ceux que le sujet intéresse pourront lire avec profit l’article publié sur le Journal d’un Chrétien Orthodoxe ordinaire.

Toutes les photos illustrant le texte proviennent du site Pravoslavie.ru.

Les startsy s’en vont les uns après les autres. A la mémoire de l’Archimandrite Lazare. (1/2)

Le 4 mai 2018, nous rappelions les décès successifs depuis un an de plusieurs grands starets russes. Entre-temps est venu se rajouter celui du starets Adrian. Et cette triste série se poursuit. Le 17 août 2018, l’Archimandrite Lazare (Abachidzé) est décédé. Il était l’un des auteurs favoris de très, très nombreux fidèles; même dans leur version russe, la plupart de ses livres sont épuisés, malgré les rééditions successives. Le texte ci-dessous est composé à partir de deux originaux russes  publiés les 20 et 27 août 2018 sur le site Pravoslavie.ru sous les titres «Un Prédicateur du Christianisme de la tempérance. A la mémoire de l’Archimandrite Lazare»  et «L’écrivain spirituel Lazare (Abachidzé) est décédé. Le premier texte est dû au Hiéromoine du grand schème Valentin (Gourievitch) et à Madame Olga Orlova.

L’écrivain spirituel, l’Archimandrite Lazare (Abachidzé), est décédé.
Bétanie (Géorgie), le 20 août 2018.

Depuis le 17 août, l’Archimandrite Lazare (Abachidzé) repose en Dieu. Clerc de l’Église Orthodoxe de Géorgie, il fut un zélé serviteur de l’Église du Christ, champion de la pureté de la foi orthodoxe, écrivain ecclésiastique subtil, publiciste et critique de la modernité et de l’œcuménisme dans l’Église.
L’Archimandrite Lazare, originaire d’Abkhazie, naquit le 23 juillet 1959. A la fin de ses études séculières, il reçut la tonsure monastique. Il fut transféré au monastère de Bétanie, en Géorgie, où, grâce à l’Archimandrite Ioann (Maïssouradzé) et à l’Archimandrite du grand schème Ioann (Mkheidzé), qui «travaillaient dans leur propre monastère comme guides pour les excursionnistes», il dissimula son podvig de jeûne et de prière et demeura concentré sur sa vie monastique de prière. Read more

Saint Tsar Nicolas II. «En Mémoire du Dernier Tsar» (3)

Le Saint Tsar Nicolas II
Le long texte «En mémoire du Dernier Tsar» fut publié en 1943 à Kharbine, dans le magazine «Pain céleste» ("Хлебе Небесном"). Il constitua par la suite un chapitre, aux pages 264-302, du livre Чудо русской истории. (Le Miracle de l'Histoire russe), écrit par l'Archimandrite Konstantin (Zaïtsev) (1887-1975) qui en 1949 rejoignit la communauté de Jordanville où il enseigna au Séminaire. Il dirigea les revues ««Православная Русь» (La Rus' Orthodoxe), «Православная жизнь» (La Vie Orthodoxe), «The Orthodox Life» , et Православный путь» (La Voie Orthodoxe). Il exerça une activité pastorale d'envergure et participa amplement à la contribution majeure de l’Église Russe hors Frontières en matière de théologie, d'histoire de la Russie et d'histoire de la culture russe. A notre connaissance, ce long texte de grande valeur, parfois ardu, n'a pas été traduit et publié en français à ce jour. Il sera proposé ici en entier, mais fractionné. Voici la troisième partie. Les précédentes se trouvent ici.

Cette question fut posée d’une manière plus globale encore, et sous un éclairage impitoyablement plus cru et pénétrant par Rosanov, un homme qui pécha beaucoup contre l’Église Orthodoxe, mais qui, à la différence de ses nombreux contemporains, était lié à l’Église de façon tellement organique, que, révolté contre elle, il n’eut pas la force de quitter son enceinte. Rosanov examine le concept même de «culture» dans l’acception que celui-ci revêtait dans la vie courante des «gens éduqués» de Russie. Et il arrive à une conclusion particulièrement défavorable à «l’élite» culturelle russe. Il oppose sans détour le soi-disant «simple peuple» à la «société cultivée», non pas pour souligner l’arriération du premier à l’égard de la seconde, mais au contraire, pour indiquer la supériorité du «simple peuple» sur la «société éduquée». Read more

Métropolite Athanasios. La Grâce descend dans le cœur qui rend grâce. (1/3)

Les éditions du Monastère de la Présentation au Temple viennent de publier un nouveau livre de son Éminence le Métropolite Athanasios de Limassol, intitulé «Сохраним душу живой» (Gardons notre âme vivante), développant un enseignement de la pratique de l’essence de l’Orthodoxie dans la vie quotidienne et surtout dans la famille. Comme de coutume, le site Pravoslavie.ru, lié au Monastère a mis en ligne le 23 mai 2018 quelques extraits de ce nouveau livre. Voici la traduction de la première partie de l’un des chapitres de l’ouvrage.

Le Prêtre clame : « Rendons grâce à Dieu ! »
L’Assemblée répond : « Cela est digne et juste ! »

Imaginez un homme épuisé, malheureux, désorienté, que l’on découvre soudainement et que l’on conduit à un palais en lui disant : Regarde, ce palais appartient à ton père. Il est à toi, c’est ton héritage. Jusqu’à cet instant, était épuisé, affamé, vêtu de hardes, un pauvre homme. Maintenant, le voilà soudain héritier d’une immense richesse et il se réjouit de ce confortable palais. Son cœur déborde littéralement de gratitude et de reconnaissance envers celui qui lui a transmis cet héritage.
La même chose se produit avec nous. Quand nous voyons Dieu, quand nous nous tenons devant Lui, la première réaction de notre cœur, c’est la gratitude: «Rendons grâce à Dieu». Nous répondons: «Cela est digne et juste!...», c’est-à-dire qu’il est digne et juste de Le remercier. Souvent nous avons parlé d’eucharistie, (dont la racine signifie en grec ‘remercier’), mais nous devrions passer à l’acte, encore et encore, car la gratitude envers Dieu est chose très importante. Nous constatons que la Divine Liturgie est aussi nommée ‘Sainte Eucharistie’ (c’est-à-dire, sainte gratitude, saint remerciement), cela signifie que l’homme doit en permanence exprimer ses remerciements à Dieu. Au moment où commence la partie principale de la Divine Liturgie, l’Église nous invite à exprimer intérieurement notre gratitude; elle ne nous demande pas d’éprouver de la crainte ni de tressaillir:’Maintenant commence la Divine Liturgie et malheur à vous! Malheur à vous, car vous êtes des pécheurs! Pensez à l’enfer, aux tourments, à la colère de Dieu, pensez que vous irez tous en enfer!’ Rien de tout cela. Pareilles pensées, semblables sentiments n’ont pas leur place dans la vie spirituelle, ils ne nous orientent pas vers une juste relation à Dieu. Quelle devrait être notre relation à Dieu? Nous sommes les enfants de Dieu et nous devons remercier notre Père Céleste. Évidemment, nous savons cela, nous savons aussi que nous sommes des pécheurs et non de bons enfants de Dieu. Celui qui pense être bon ne cultive pas intérieurement une disposition à rendre grâce à Dieu. Et en même temps, celui qui pense être un homme mauvais, remercie Dieu beaucoup plus sincèrement. Le tropaire qui nous prépare à la Nativité du Christ annonce que nous nous trouvons dans les ténèbres spirituelles, et que la Lumière descend sur nous, et nous devons dès lors Le remercier plus encore. Si seulement nous étions justes et bons, nous dirions : «Nous sommes bons, et il est naturel que Dieu soit à nos côtés!» Read more

Geronda Ephrem, Cathigoumène de Vatopedi : Saint Luc de Crimée, parfait Disciple du Christ

Le Cathigoumène Ephrem du Grand et Saint Monastère de Vatopedi s’est rendu le 13 juin 2016 au Monastère de la Mère de Dieu à Veria, en Macédoine, et il y a prononcé l’homélie suivante, qui développe avec force l’essence du message que nous transmet le Saint Archevêque Luc de Crimée. L’adaptation en langue anglaise de l’homélie a été mise en ligne dans les pages anglaises du site Pemptousia les 13, 15  et 17 juin 2016. En voici la traduction.

La plupart des gens, même chrétiens, éprouvent frustration, découragement et inquiétude face aux inévitables chagrins de la vie: «C’est par beaucoup de tribulations qu’il nous faut entrer dans le royaume de Dieu» (Actes 14,22). Les afflictions de cette vie ne doivent pas être regardées à travers le prisme transitoire des raisonnements, mais plutôt à travers celui de l’éternité. Notre vie prend son sens et le sens des chagrins de la vie nous est révélé lorsque qu’ils prennent la forme du chemin de croix qu’il nous appartient de parcourir pour atteindre sanctification et salut. Read more

Geronda Joseph de Vatopedi: «Non, fils, où es-tu allé chercher cela?»

Ce texte est la traduction française d’un long entretien avec Geronda Joseph de Vatopedi, fils spirituel du saint Geronda Joseph l’Hésychaste, et père spirituel de la Communauté de Vatopedi, accordé à des pèlerins et enregistré en juillet 1987, et ensuite publié dans les pages anglaises du site Pemptousia (lié au Saint et Grand Monastère de Vatopedi) le 14 décembre 2016. Geronda Joseph y parle du pourquoi et du comment de la Création, de la Trinité, du Verbe de Dieu, de la télépathie, de la femme.

Pourquoi ne pouvons-nous suivre de notre propre chef la voie du sacrifice, alors que le Christ le fit?
Geronda: Il le fit de Son propre chef parce qu’Il était réellement Dieu, le Verbe incarné de Dieu. La personne que nous voyons, c’est l’homme Jésus. Mais l’homme Jésus avait aussi en Lui Jésus le Verbe et Dieu. Étant à la fois Dieu et homme, la grâce divine résidait en Lui. Celui Qui est le Seigneur de Vie est l’un d’entre nous, Il est la tête de notre corps. Nous sommes revêtus de Lui. Tous ceux qui ont été baptisés en Christ ont été revêtus de Lui. Nous avons été ‘habillés’ en Lui par le baptême et nous le portons en recevant chaque jour les Saints Mystères. Il partage le même corps et le même sang que nous. Il n’est pas quelque part ailleurs, loin, ce qui nous obligerait à l’appeler pour qu’Il se mette en route et vienne à nous. Il est déjà en nous. Nous invoquons l’aide de Sa grâce: «Nous pouvons surmonter toute chose en Christ car Il nous donne la force de le faire», comme nous dit Saint Paul. Mais je dirais qu’il s’agit là d’un fondement. C’est une base et satan va essayer de vous menacer dans les moments difficiles. Ne vous découragez pas, car toutes ses menaces sont vaines. «Celui Qui est en vous est plus grand que celui qui est dans le monde». Read more