Geronda Arsenios, le Spiléote. Vie et enseignements (21)

Le texte ci-dessous est la suite de la traduction en français de la version russe du livre «Geronda Arsenios, le Spiléote, compagnon des exploits ascétiques de Geronda Joseph l’Hésychaste».
La version russe utilisée est «Старец Арсений Пещерник, сподвижник старца Иосифа Исихаста / Монах Иосиф Дионисиатис», éditée en 2002 à Moscou par le Podvorié de la Trinité-Saint Serge. L’original grec (Ο Γέρων Αρσένιος ο Σπηλαιώτης (1886-1983)) ne semble plus édité depuis 2008. Il en existe une version anglaise datée de 2005, sans mention de la maison d’édition. Une traduction officielle en français de ce remarquable petit livre n’existe pas à notre connaissance.

Derniers podvigs

Les bonnes dispositions permettent, même quand vient la vieillesse, d’inventer différentes formes de podvig. Quand le Père Arsenios eut atteint un âge avancé et n’eut plus la force de travailler, il continua toutefois à refuser de manger son pain sans rien faire en échange. Il s’asseyait sur un banc, priait ou parlait avec les pieux pèlerins tandis que ses mains bénies tressaient des komboschinis qu’il distribuait à ses enfants spirituels, leur enseignant comment les utiliser, en prononçant à chaque nœud: «Seigneur Jésus-Christ, aie pitié de moi».
Geronda fixa la règle de nos vigiles quotidienne comme ceci: d’abord, la prière était dite chacun dans sa cellule pendant cinq à six heures. Pendant ce temps, chaque moine accomplissait sa règle monastique, composée de cent cinquante à trois cents grandes métanies et de quatre komboschinis de trois cents nœuds, faits avec le Signe de Croix. Les vigiles se poursuivaient par l’office commun qui durait entre deux heures et deux heures et demie et se terminait par la Divine Liturgie quotidienne.
Quand nous avons déménagé à Bourazeri, le Père Arsenios avait près de quatre-vingt-cinq ans. Malgré un mode de vie très austère, jamais au cours de sa vie, comme il le disait lui-même, il ne prit un médicament. Read more

Saint Païssios l’Athonite. Une conversation avec Dieu

A ce jour, trois volumes des Paroles de Saint Païssios l’Athonite ont été traduits en français. Alors que les six volumes en grec ont été traduits en russe depuis des années. Le texte ci-dessous est la traduction d’un extrait du volume VI De la Prière, dont la traduction russe a été publiée en 2021 aux Éditions Orthograph à Moscou. Le présent texte sera sans doute moins fidèle à la lettre de l’original grec que la traduction française officielle que nous attendons tous, mais malgré cela, les lecteurs francophones auront un avant-goût de ce que nous attendons tous et que la patience nous proposera dans plusieurs années peut-être, lors de la parution de ce volume en français. Il s’agit ici d’un extrait du chapitre 1 de la première partie, pages 19 à 22, de l’édition russe.

– Geronda, que signifie la prière pour vous personnellement?
Quand je prie, j’envoie un signal radio et je demande de l’aide. Je demande constamment de l’aide au Christ, à Sa Très Sainte Mère, aux saints… Pour moi-même et pour les autres. Si tu ne demandes rien, tu ne reçois rien.
Je me souviens, pendant la guerre civile, nous avons été encerclés et bloqués sur une hauteur par un bataillon de communistes, environs seize cents hommes. Nous étions en tout cent quatre vingt soldats. Nous avons creusé des tranchées et tenu notre ligne de défense à l’abri de rochers. S’ils nous prenaient, il n’y aurait pas un seul survivant. Comme j’étais radio-télégraphiste, je voulais essayer de monter l’antenne pour établir une liaison avec notre Centre. Oui, mais où? Elle était sans cesse frappée par les projectiles.
Le commandant de compagnie me cria : «Maintenant, laisse tomber cette antenne, arrive ici et aide à transporter les caisses de grenades!». Quand le commandant de compagnie a rampé plus loin vers les mitrailleurs pour voir comment ils s’en sortaient et pour leur donner des instructions, je suis retourné à ma radio. Pendant qu’il donnait ses ordres, je m’escrimais encore et encore à monter l’antenne, et puis je revenais traîner les caisses de grenades pour ne pas me faire houspiller par le commandant. Finalement, à l’aide de bâtons et d’une pelle de sapeur, j’ai pu consolider l’antenne et établir la liaison avec le point de commandement. J’ai tout juste réussi à faire passer deux mots… nos coordonnées. Grâce à Dieu, les deux mots suffirent pour tout changer! A l’aube, nos avions d’assaut arrivaient et bombardaient les positions de l’ennemi. Nous étions sauvés! Pour toi, qu’est-ce que cela signifie, des bagatelles? Cent quatre vingt soldats encerclés par seize cents hommes, et en fin de compte, on s’en sort tous vivants!
C’est alors que j’ai compris la grande tâche spécifique des moines:aider par la prière. Les gens jacassent : «A quoi s’occupent donc ces moines? Pourquoi ne vont-ils pas dans le monde, aider la société?». C’est la même chose que, pendant la guerre, reprocher au radio-télégraphiste : «Qu’est-ce que tu fabriques avec ta radio ? Lache ça, prends ton fusil et dépêche-toi d’aller tirer!»
Même si établissons le contact avec toutes les stations radio du monde, cela ne nous sera d’aucune utilité si nous n’avons pas de contact et de relation céleste avec Dieu. La relation et le contact avec Lui sont nécessaires pour Lui demander de l’aide. Et pas seulement demander, mais aussi recevoir. Bienheureux ceux qui ont établi une liaison avec le Centre de Commandement Céleste, et qui, vénérant Dieu, travaillent avec Lui sur la même fréquence.
– Geronda, ma prière me cause souci et tristesse. Elle ne fonctionne pas du tout. Que dois-je faire?
Converse de façon familière avec le Christ, avec la Très Sainte Mère de Dieu, avec les anges et avec les saints, de façon sincère, et ne choisis pas spécialement certains mots. Fais cela où que tu te trouves, et parle de tout ce que tu veux. Par exemple : «Mon Christ!», ou «Très Sainte Mère de Dieu, Tu sais tout de même dans quelle situation je me trouves. Aide moi!». Parle constamment avec Eux, simplement et humblement, de ce qui te trouble. Et après, récite la prière de Jésus «Seigneur Jésus Christ, aie pitié de moi».
– Geronda, je suis distraite quand je prie.
Prie en pensant à Qui tu t’adresses. A Dieu Lui-même! Il est quoi à ton avis, un clochard? Quand quelqu’un parle à un fonctionnaire haut placé regarde donc comment il choisit chaque mot. Il veille à ne laisser échapper aucune bêtise. Parfois, il bégaie, sa langue s’embrouille d’humilité… Mais si nous parvenons à parler si attentivement à un homme, combien ne convient-il pas plus de le faire quand nous parlons à Dieu!
Regarde comme le petit enfant qui veut s’adresser à son papa ou à quelqu’un de plus âgé, paraît embarrassé quand il parle. Et quand l’enfant veut parler au professeur, devant lequel tout le monde est un peu impressionné, il est encore plus embarrassé. Et nous? Quand nous parlons à Dieu Lui-Même, à la Très Sainte Mère de Dieu, aux saints, nous ne comprenons pas cela?
– Geronda, avant mon entrée au monastère, je ne doutais pas que le monachisme et la prière soient indissociables. Mais maintenant, c’est si difficile de prier… Il me semble que la prière est le travail le plus difficile et le plus épuisant.
Si je ne me trompe, tu es philologue de formation? La conversation, cela te plaît, et tu ne te fatigues pas de discuter avec les gens. Mais avec le Christ, Qui s’abaisse jusqu’à converser avec toi, tu est fatiguée de parler, et ce genre de conversation te semble difficile. As-tu toute ta tête? C’est la même chose que de dire : «Oh, quel malheur, il faudrait en parler au Roi… On n’en n’a pas envie, mais, il n’y a rien à faire, il faut y aller». Le Christ nous donne la possibilité de communiquer avec lui constamment, à travers la prière, et nous… ne le voudrions pas? A-t-on jamais vu ça? Il est tout à fait extraordinaire, qu’Il veuille converser avec nous parce qu’Il souhaite nous aider, mais nous, voyez-vous, nous sommes trop paresseux pour parler avec Lui!
– Geronda, il m’arrive souvent de bavarder, mais après j’en suis troublée !
Si tu veux discuter, il vaut mieux le faire avec le Christ. Les gens n’ont jamais à se plaindre d’avoir conversé avec le Christ. C’est vrai que la tendance au bavardage, c’est une passion. Mais si tu orientes cette tendance vers un profit spirituel, elle peut devenir prémisse de la prière. Imagine qu’il existe des gens qui sont même trop paresseux pour converser! Mais toi, tu as une telle force en toi, tu veux toujours parler avec quelqu’un…Si tu orientes ces efforts vers un profit spirituel, tu sanctifies ton âme. Essaie de parler avec les gens uniquement de ce qui est nécessaire et converse tout le temps avec le Christ. Tu dois entrer avec Lui dans une humble conversation au point que tu cesses de remarquer ce qui se passe autour, tellement cette relation est douce et intéressante. Moi, même les entretiens spirituels me fatiguent, mais quand je prie, je ressens un calme extraordinaire.
La prière, c’est une conversation avec Dieu. Parfois, j’envie ceux qui vivaient aux temps du Christ car ils Le voyaient de leur yeux, ils L’entendaient de leur oreilles, et ils pouvaient même converser avec Lui.
Mais je considère que notre situation est meilleure que la leur car ils ne pouvaient Le déranger souvent, alors que nous, dans la prière, nous pouvons converser avec Lui sans cesse.
Traduit du russe

Source :  Преподобный Паисий Святогорец «Слова. Том VI. О молитве». Издательство:Орфограф, Москва. Pp. 19-22

Saint Païssios l’Athonite. La logique ruine la foi.

A ce jour, trois volumes des Paroles de Saint Païssios l’Athonite ont été traduits en français. Alors que les six volumes en grec ont été traduits en russe depuis des années. Le texte ci-dessous est la traduction d’un extrait du volume II L’Éveil Spirituel, dont la traduction russe a été publiée en 2001 aux Éditions Orthograph à Moscou. Le présent texte sera sans doute moins fidèle à la lettre de l’original grec que la traduction française officielle que nous attendons tous, mais malgré cela, les lecteurs francophones auront un avant-goût de ce que nous attendons tous et que la patience nous proposera dans plusieurs années peut-être, lors de la parution de ce volume en français. Il s’agit ici d’un extrait du chapitre 2 de la quatrième partie, pages 275 à 278 de l’édition russe.

– Geronda, certains mettent en doute toute la Providence Divine.
Mais comment est-il possible de prendre l’histoire du Christ pour une fable? Et bien sûr, tout ce qu’écrivirent au sujet du Christ les prophètes qui vécurent sept siècles avant Lui et parlèrent de Lui avec tant de détails, cela ne fait pas réfléchir tous ces gens? Dans l’Ancien Testament, on mentionne même avec exactitude la somme pour laquelle le Christ allait être trahi1 , et le fait que les Juifs ne placèrent pas cet argent dans le trésor du temple car il était le prix du sang, et qu’ils allaient s’en servir pour acheter une parcelle de terre pour y enterrer les étrangers2. Ce qu’ont prophétisé Zacharie et les autres prophètes s’est accompli jusque dans les détails. Tout est tellement clair! Les détails sont minutieux! Les Saintes Écritures indiquent même ce que l’on fit des vêtements du Christ3. Et tout cela fut dit de nombreuses années avant Sa Nativité. Mais comment alors, après tout cela puis-je admettre l’idée d’incroyance? Plus tard, nous voyons l’Apôtre Paul. C’était un persécuteur des chrétiens, et il se dirigeait vers Damas dans ce but. En chemin, le Seigneur lui apparut et lui dit : «Saul, Saul, pourquoi Me persécutes-tu?» «Qui es-Tu, Seigneur?», demanda Saul. «Je suis le Christ que tu persécutes», lui répondit le Seigneur. Ensuite, le Christ informa Ananias, qui baptisa le persécuteur. Que d’amertume l’Apôtre Paul dut-il avaler après cela, que d’exploits ascétiques dut-il accomplir, prêchant dans toutes les nations! Après vinrent les martyrs. Onze millions de martyrs! Eh bien, quelque chose n’aurait pas fonctionné pas dans la tête de chacun d’eux? Comment peut-on oublier tout cela? L’homme qui lit un tant soit peu l’Évangile peut-il ne pas croire? Peut-être que si les Évangiles contenaient plus encore de détails, cela aiderait beaucoup de gens à croire. Mais Dieu n’a expressément pas permis cela, pour que les gens soient passés au crible, pour qu’on sache clairement qui L’aimera, qui se sacrifiera pour Lui, sans attendre de miracle ni rien de la sorte. Je pense que quel que soient les blasphèmes qu’entend l’homme rempli de philotimo 4, ils ne le touchent pas, ils ne l’influencent pas.
Il faut croire en Dieu avec philotimo, et ne pas demander de miracle. Tu sais comme je suis troublé quand des adultes viennent me dire qu’ils voudraient voir un petit miracle qui leur permettrait de croire. S’ils étaient encore enfants, ils auraient une excuse liée à l’âge. Mais dire que «pour croire, il faudrait voir quelque chose», alors que soi-même, on ne fait rien pour le Christ, c’est si vil. Et même s’ils voyaient un miracle, cela leur serait-il utile? Ils diraient que c’est de la magie ou quelque chose du genre.
«Augmente notre foi»(Lc17;5)
Geronda, comment se fait-il que certains saints, anciens et nouveaux, savaient quand allait arriver leur dernière heure ou quand un événement particulier allait se produire.
Ce qui les distinguait, c’est leur grand philotimo, leur grande simplicité, leur humilité et leur foi. Il ne mêlaient pas à leur vie la logique, qui déstabilise et ruine la foi. La foi, quelle grande chose! Vous avez vu que l’Apôtre Pierre, par sa foi, a marché sur l’eau, mais dès que la logique s’en mêla, il se mit à couler. Vous ai-je déjà parlé du Père Charalampos qui vivait encore il n’y a pas si longtemps au Monastère de Koutloumoussiou ? Il était tout simple, ardent au labeur, et c’était un moine de grande spiritualité. Quand il était vieux, une méchante grippe le cloua au lit. Le médecin ordonna aux moines du monastère de ne pas le quitter de l’œil parce qu’il ne lui restait plus guère de temps à vivre. Entendant cela, le Père Charalampos sous sa couverture intervint : «De quoi te mêles-tu? Moi, tant que Pâques n’est pas arrivée et que je n’ai pas dit «Christos Anesti!», je ne mourrai pas». Et effectivement, deux mois quasiment passèrent, et Pâques arriva. Il dit «Christos Anesti!», reçut les Saints Dons et s’endormit paisiblement dans l’éternité. Ce geronda tout simple, plein de philotimo était devenu un vrai enfant de Dieu, et avec Dieu, il désigna le jour de sa propre mort!
– Geronda, comment renforcer la foi?
La foi se renforce par la prière. L’homme qui n’a pas cultivé la foi en lui-même dès son enfance, mais qui est disposé à le faire, il peut la faire grandir par la prière en demandant au Christ d’augmenter sa foi. Nous devons demander au Christ d’augmenter notre foi et de la faire grandir. Que demandèrent les Apôtres au Christ? «Augmente notre foi». Si tu dis augmente, cela signifie que tu te confies à Dieu. Car si l’homme ne se confie pas à Dieu, qu’est-ce que Dieu pourrait augmenter en cet homme? Nous devons demander à Dieu d’augmenter notre foi non pour faire des miracles, mais pour L’aimer plus. Tout contribue à l’augmentation de la foi en Dieu, tant les fleurs que les sauterelles, les étoiles et la foudre. Nous voyons tout cela, mais nous n’en tirons aucun profit car nous acceptons les «télégrammes», les pensées que nous envoie l’ennemi. Par exemple, s’il n’y avait pas le sel, la mer pourrirait. Toutefois, si un homme dépourvu de foi analyse de l’eau de mer dans son laboratoire, il n’en tire aucun profit car il n’a pas purifié son propre cœur du sel. Si l’homme travaillait avec philotimo, avec de bonnes pensées il verrait même ce qui lui semble absurde d’un œil différent, à l’aide de l’éclairage de Dieu. Et il rendrait gloire à Dieu.
Traduit du russe

Source :  Преподобный Паисий Святогорец «Слова. Том II. Духовное пробуждение». Издательство:Орфограф, Москва. Pp. 275-278.

Quand le Christ apparut à Saint Païssios l’Athonite

A ce jour, trois volumes des Paroles de Saint Païssios l’Athonite ont été traduits en français. Alors que les six volumes en grec ont été traduits en russe depuis des années. Le texte ci-dessous est la traduction d’un extrait du volume II L’Éveil Spirituel, dont la traduction russe a été publiée en 2001 aux Éditions Orthograph à Moscou. Le présent texte sera sans doute moins fidèle à la lettre de l’original grec que la traduction française officielle que nous attendons tous, mais malgré cela, les lecteurs francophones auront un avant-goût de ce que nous attendons tous et que la patience nous proposera dans plusieurs années peut-être, lors de la parution de ce volume en français. Il s’agit ici d’un extrait du chapitre 2 de la quatrième partie, pages 273 à 275 de l’édition russe.

Geronda, je suis perturbée par des pensées d’incroyance qui s’abattent sur moi.
Le fait que tu sois perturbée et que tu n’acceptes pas ces pensées, cela signifie qu’elles viennent du mauvais. Parfois, Dieu permet que nous ayons des doutes ou une hésitation dans notre foi, pour vérifier nos dispositions et notre philotimo 1 . Mais notre Dieu, ce n’est pas une fable, comme celle au sujet de Zeus, Apollon et les autres soit-disant «dieux». Notre foi, elle est vraie et vivante. Nous avons une nuée de saints (Heb.12;1), comme l’écrit l’Apôtre Paul. Ces gens connurent le Christ, ils firent l’expérience d’une relation personnelle avec Lui, et ils se sacrifièrent pour Lui. A notre époque aussi, il y a des gens qui se consacrent à Dieu et qui font l’expérience d’états célestes. Ils sont en contact avec les anges, avec les saints, et même avec le Christ et la Très Sainte Mère de Dieu. Pour t’aider, je vais te raconter quelque chose à mon sujet. Tu vois, moi aussi, je «donne mon sang», je parle d’actions pour aider les autres.
Voyant comment les connaissances recueillies par l’homme chassent la foi hors de lui, je veux la renforcer, en racontant quelques événements dans le domaine de la foi.
Quand j’étais petit, nous vivions à Konitsa. Je lisais beaucoup de vies de saints, et je les donnais à lire à d’autres enfants, ou je rassemblais les copains et nous lisions ensemble. Je me réjouissais particulièrement des grands saints, héros de l’ascèse de la foi et du jeûne qu’ils s’imposaient, et j’essayais de les imiter. Mon jeûne eut pour conséquence que mon cou ressemblait à une queue de cerise. Les copains se moquaient de moi: «Ta tête va tomber». Qu’est-ce que j’ai enduré à cette époque !… Mais laissons ça. Mon frère aîné, voyant que je devenais malade à cause des jeûnes craignit que je ne puisse terminer l’école, me prit les brochures avec la vie des saints que j’étais en train de lire. Une fois, un de nos voisins, appelé Costas, dit à mon frère : «Je vais lui remettre le cerveau en ordre. Je vais faire en sorte qu’il jette les livres qu’il lit et qu’il arrête le jeûne et les prières». Eh quoi, il vint me trouver. J’avais environ quinze ans, alors. Et il m’enseigna la théorie de Darwin. Il parla et parla, jusqu’à ce que j’en perde la tête. Et avec la tête toute embrouillée, je me précipitai directement dans la forêt, à la chapelle de Sainte Barbara. Y entrant, je demandai au Christ : «Mon Christ, si Tu existes, apparais devant moi!». Je répétais cela sans cesse, en faisant des métanies. C’était l’été. La sueur dégoulinait le long de mes bras, j’étais trempé. Finalement, je m’écroulai de faiblesse. Mais je ne vis rien, ni n’entendis rien. Eh bien, il s’avère que Dieu ne m’aida pas, même pas d’un petit craquement, d’une ombre, rien ; mais finalement, je n’étais encore qu’un gamin. Observant du point de vue humain, ou à l’aide de la logique, ce qui se passa, on pourrait dire : «Mon Dieu, c’est triste pour lui, le pauvre! A partir de onze ans, il a commencé à gravir les échelons, il a mené une fameuse ascèse, et maintenant, il est en crise. Il avait la tête embrouillée par des théories farfelues, à la maison, son frère lui mettait des bâtons dans les roues, il s’est enfui dans la forêt pour demander Ton aide…». Mais pas de réponse, rien de rien !!! Épuisé par les métanies, je m’assis et je me dis : «Mais bon, quelle réponse fit Costas quand je lui demandai son avis sur le Christ?» «C’était l’Homme à la plus grande bonté, le plus juste. Par Ses enseignements, Il a bousculé les intérêts des Pharisiens, qui L’ont crucifié par envie». Alors je décidai ceci : «Puisque le Christ fut cet Homme si bon et juste, à un point tel qu’il n’y en eut pas un autre pareil à Lui, puisque les mauvaises gens Le tuèrent par envie et méchanceté, alors, pour cet Homme, je dois faire plus que ce que je n’ai fait. Je dois même être prêt à mourir pour Lui». Je venais à peine de me dire cela que le Christ m’apparut. Il apparut au milieu d’une lumière intense, la chapelle resplendissait. Il me dit «Je suis la Résurrection et la Vie. Celui qui croit en Moi, fût-il mort, vivra»(Jean11;25-26). D’une main, Il tenait un Évangile ouvert, sur lequel je lus les mêmes paroles. Il se produisit un tel changement intérieur en moi, que je répétais sans aucune arrêt: «Eh ben, Costas, vient donc ici maintenant, et on discutera pour voir si Dieu est ou s’Il n’est pas!»
Tu vois, avant de m’apparaître, le Christ a attendu que je prenne une décision pleine de philotimo. Et s’Il veut une décision pleine de philotimo d’un gamin, combien plus la veut-Il d’un adulte ?
Traduit du russe

Source :  Преподобный Паисий Святогорец «Слова. Том II. Духовное пробуждение». Издательство:Орфограф, Москва. Pp. 273-276.

Saint Païssios l’Athonite pendant la guerre

A ce jour, trois volumes des Paroles de Saint Païssios l’Athonite ont été traduits en français. Alors que les six volumes en grec ont été traduits en russe depuis des années. Le texte ci-dessous est la traduction d’un extrait du volume II L’Éveil Spirituel, dont la traduction russe a été publiée en 2001 aux Éditions Orthograph à Moscou. Le présent texte sera sans doute moins fidèle à la lettre de l’original grec que la traduction française officielle que nous attendons tous, mais malgré cela, les lecteurs francophones auront un avant-goût de ce que nous attendons tous et que la patience nous proposera dans plusieurs années peut-être, lors de la traduction de ce volume en français. Il s’agit d’un extrait du chapitre 3 de la quatrième partie, pages 206 à 209 de l’édition russe.

(…)Pour le Christ, je n’ai rien fait. Si j’avais fait pour le Christ dix pourcents de ce que j’ai fait pendant la guerre, aujourd’hui, je ferais des miracles ! Voilà pourquoi, dans ma vie de moine je dis «A l’armée, quel martyr j’ai enduré pour la Patrie! Mais après qu’ai-je fait pour le Christ?». En d’autres mots, par comparaison au martyre que j’ai enduré à l’armée, dans ma vie de moine, je me sens comme le fils du roi ! Cela ne fait pas de différence que j’aie du sucre ou non. Parce qu’alors, pendant les opérations, quel jeûne on devait supporter! On mangeait la neige! Certains se risquaient aux alentours pour essayer de trouver quelque chose de comestible, mais moi, je devais surveiller les rations, je ne pouvais pas m’en éloigner. Une fois, nous sommes restés treize jours sans nourriture, juste une part de pain et un demi hareng par homme. Je buvais l’eau dans les traces des sabots, et pas de l’eau de pluie pure, de l’eau mélangée à de la boue. Un jour, il m’est arrivé de devoir goûter de la «limonade»! Ce jour-là, je me suis éloigné et j’ai trouvé des traces de sabots, remplies d’eau. Jaune. Et j’en ai bu encore et encore!… C’est pourquoi plus tard, au cours de ma vie monastique, l’eau m’a toujours semblé être une grande bénédiction, même quand elle était pleine d’insectes. Au moins elle ressemblait à de l’eau.
Un soir, on constata que le câble de liaison avait été coupé. C’était en décembre 1948. Partout, de la neige. Des congères. A quatre heures de l’après-midi, on nous donne un ordre : aller jusqu’au village, à deux heures de marche, rétablir la connexion, et revenir. Deux heures plus tard, la nuit allait tomber. Les soldats étaient déjà morts de fatigue. Ils n’avaient pas le courage d’y aller. Et comment retrouver là-bas le câble rompu, en dessous des congères?
Eh quoi, Geronda, vous ne connaissiez pas le chemin, ni le trajet du câble?
Ehhh, le chemin, je le connaissais très bien, mais la nuit allait nous tomber dessus en cours de route. Bref, on me donna quelques hommes, et on se mit en marche. Au début, on se trouvait encore dans le périmètre du camp, et on déblayait la neige du chemin avec des pelles, pour rassurer le commandant et on avançait un peu seulement. Plus loin, je leur dit : «En avant, en avant, on n’est pas encore arrivés, et après on doit encore revenir!». Je suis passé devant parce que les autres n’arrêtaient pas de maugréer. Ils me disaient : «La Grèce, elle, ne peut pas mourir, mais nous, on peut bien mourir!». Et sans fin ils répétaient la même ritournelle. Nous progressions ainsi : je me laissais tomber dans la neige, ils me tiraient. Et je me jetais de nouveau dans la neige et ils me tiraient… J’avais un sabre et je m’en servais pour sonder un peu la neige devant moi pour trouver vers où avancer. Il fallait sans cesse tester. J’avançais en tête et je disais : «En avant, avançons, il n’y a pas de bétail qui passe de ce côté, ce n’est pas ici que le câble peut être endommagé. Nous devons atteindre l’un ou l’autre ravin où le câble pend en l’air, et là uniquement on testera». Finalement nous approchâmes du village devant lequel s’étageaient des terrasses cachées au regard par l’épaisseur de la neige. Je glissai dans la neige et me retrouvai sur une terrasse juste en-dessous. Les autres avaient peur d’avancer pour me tirer de là. Finalement, nous sommes descendus de terrasse en terrasse, comment, il vaut mieux ne pas en parler. Et tard le soir, nous sommes entrés dans le village. Dans un ravin d’un peu moins de deux mètres, je découvris la rupture du câble. Je le réparai et établis la liaison avec le commandant. «Maintenant, rentrez!» nous ordonna le commandant. Mais comment réussir à retourner là-bas? Non seulement la nuit était tombée, mais il fallait encore remonter toutes les terrasses. Et nous les avions descendues tête la première! Et comment retrouver le chemin? Je répondis au commandant : «Mais comment pourrions-nous rentrer? Descendre, nous y sommes parvenus tant bien que mal, mais comment remonter? Ce serait mieux de repartir demain matin, nous sortirons par l’autre côté du village et nous ferons le tour.» «Rien du tout! Vous rentrez aujourd’hui!», répliqua le commandant. Pour notre plus grand bonheur, cette conversation fut entendue par un adjudant qui demanda au commandant de nous autoriser à passer la nuit au village. Nous restâmes donc. Dans une maison, on nous donna deux ou trois couvre-lits en laine. Je me mis à frisonner. C’était bel et bien moi qui avait ouvert et déblayé le chemin. J’étais complètement trempé. Les camarades me plaignaient, j’en avait bavé plus qu’eux, alors, ils me placèrent au milieu du groupe. Nous avons alors soupé avec notre ration de pain seulement. Je ne me souviens pas avoir éprouvé une si grande joie de toute ma vie ultérieure.
Je vous ai raconté cette histoire pour que vous compreniez ce qu’est le sacrifice. Je n’ai pas raconté cela pour que vous me félicitiez, mais pour que vous compreniez d’où provient le joie véritable.
Par la suite, dans le peloton de liaison, les autres me roulaient dans la farine. «Mon père va arriver, je dois aller à sa rencontre, prends ma place pour la garde, s’il-te-plaît», me dit l’un. «Ma sœur va arriver», me dit un autre. Il n’avait pas de sœur, en réalité. Un autre devait aller éclaircir quelque chose, et j’acceptai de me sacrifier. Quand j’avais fini la garde, il fallait remettre de l’ordre. L’entrée des locaux de la section de liaison était interdites à ceux qui n’en faisaient pas partie, même aux officiers des autres services. On était en temps de guerre. Si bien qu’on ne pouvait bénéficier de l’aide de personnel de nettoyage. Je prenais le balai et nettoyais tous les locaux. C’est là que j’ai appris à balayer. Je disais : «Ici, nos locaux de service, c’est une sorte de lieu saint ; il est impossible d’en délaisser le nettoyage». Je n’étais pas obligé de balayer, et je ne savais comment m’y prendre ; à la maison, je n’avais jamais tenu de balai en main. Et si j’avais voulu le faire, ma sœur m’aurait arraché le balai des mains. Les copains plaisantaient à mon sujet : «La nettoyeuse, l’éternel sacrifié!» Mais je n’accordais aucune importance à cela. Je faisait cela non pour entendre «merci», mais parce que j’en sentais la nécessité et je m’en réjouissais.(…)
Traduit du russe

Source :  Преподобный Паисий Святогорец «Слова. Том II. Духовное пробуждение». Издательство:Орфограф, Москва. Pp. 206-209

Saint Païssios l’Athonite. L’aide des saints.

A ce jour, trois volumes des Paroles de Saint Païssios l’Athonite ont été traduits en français. Alors que les six volumes en grec ont été traduits en russe depuis des années. Le texte ci-dessous est la traduction d’un extrait du volume VI De la Prière, dont la traduction russe a été publiée en 2021 aux Éditions Orthograph à Moscou. Le présent texte sera sans doute moins fidèle à la lettre de l’original grec que la traduction française officielle que nous attendons tous, mais malgré cela, les lecteurs francophones auront un avant-goût de ce que nous attendons tous et que la patience nous proposera dans plusieurs années peut-être, lors de la traduction de ce volume en français. Il s’agit d’un extrait du chapitre 3, qui concerne l’aide de la Très Sainte Mère de Dieu et des Saints, pages 108 à 111 de l’édition russe.

[Note du traducteur russe, p. 108: L’église Saint Arsène de Cappadoce fut construite avec la bénédiction de Saint Païssios dans l’hésychastère pour femmes de Souroti en 1974. Après la glorification de Saint Païssios en 2014, en cette église fut célébré un grand office la consacrant aux deux saints pères, Arsène et Païssios.]
– Geronda, que ressent Saint Arsène, maintenant qu’il a son église?
– De la joie! Il a maintenant sa bergerie où il rassemble ses brebis et les protège.
– Geronda, après qu’un saint soit glorifié, les gens reçoivent plus d’aide de sa part qu’auparavant?
– Bien entendu. Quand l’Église a glorifié un saint, il sent qu’il a l’obligation de nous aider. Si je peux m’exprimer ainsi, il est obligé de nous aider plus qu’avant sa glorification. De plus, le Seigneur l’envoie aider les gens.
– Geronda, un saint peut-il demander à Dieu que les fidèles honorent sa mémoire?
– Non, les saints n’adressent pas de pareilles demandes à Dieu. Il ne disent pas à Dieu : «Seigneur, que les fidèles vénèrent ma mémoire, et Toi, aide-les à le faire», ou encore «Aide seulement ceux qui vénèrent ma mémoire». Les saints disent plutôt : «Seigneur, ces gens vénèrent ma mémoire récompense-les pour cela».
– Geronda, j’éprouve une plus grande vénération envers l’Évangéliste Jean le Théologien qu’envers le saint dont je porte le nom.
– Ne t’inquiète pas, ton saint n’est pas jaloux de l’Apôtre Jean parce que tu aimes celui-ci plus que lui. Évidemment, tu dois le vénérer car il est le protecteur de votre hésychastère, mais même s’il n’était pas votre protecteur, ton saint, comme tous les autres saints, se réjouit quand ton cœur est solidement attaché à n’importe quel autre saint et que tu reçois de l’aide de ce dernier. Les saints sont saints et ils n’ont aucune passion humaine, aucune mesquinerie humaine. L’homme reçoit de l’aide de la part du saint qui lui est particulièrement proche. L’un demandera de l’aide à un grand saint et il la recevra, tout comme l’autre en demandera à un saint quasi inconnu et la recevra aussi, car dans un cas comme dans l’autre, c’est la force de Dieu qui agit.
– Geronda, qu’est-ce qui doit précéder le fait qu’un homme ressente une dévotion particulière pour un saint?
– Quand survient une dévotion particulière pour un saint, cela signifie que le cœur de l’homme a d’une façon ou d’une autre entendu la voix de ce saint. Quand l’un ou l’autre parmi nous a reçu l’aide d’un saint, il peut éprouver pour celui-ci un amour particulier, que cette aide concerne des choses importante ou des détails. Dès mon enfance, j’ai fréquenté l’église Sainte Barbara à Konitsa, ainsi j’éprouve une vénération particulière pour cette sainte megalomartyre. La Sainte m’a aidé quand j’étais à l’armée, quand on m’a pris comme radiotélégraphiste alors que cela demandait une formation préalable. Et elle m’aida plus tard aussi, dans la clinique pour tuberculeux après mon opération aux poumons. Les médecins m’avaient prévenu qu’ils enlèveraient les sondes et les appareils de drainage seulement quand les poumons seraient nettoyés. D’habitude, cela prenait environ cinq jours. Mais moi, vingt-cinq jours plus tard, les sondes étaient toujours en place et cela m’occasionnait de grandes douleurs. Le samedi trois décembre, j’attendais les médecins, espérant qu’ils me libèrent de ce martyr, mais ils ne vinrent pas. Le dimanche matin, jour de la Fête de Saint Barbara, je dis : «Si la sainte voulait m’aider, elle l’aurait fait depuis longtemps. Les médecins sont partis, aujourd’hui, c’est dimanche, personne en viendra. Qui donc va me libérer de ces tuyaux?». Je dis encore avec amertume : «Tant de fois j’ai allumé les lampes à huile dans l’église de la Sainte, combien de flotteurs pour les lampes, combien d’huile ai-je apporté là, combien de fois ai-je nettoyé, mais quoi, c’est si difficile de m’enlever deux tuyaux?». Toutefois, après, je pensai : «Sans doute ai-je d’une manière ou d’une autre chagriné Sainte Barbara, c’est pour cela qu’elle ne s’occupe pas de me les faire retirer». Soudain, j’entendis du bruit. Je m’étonnai : «Que se passe-t-il? A qui est-il arrivé quelque chose?». On me dit : «Les médecins arrivent». Je ne sais quelle mouche avait piqué le médecin en chef, mais tôt le matin il avait téléphoné aux médecins en charge de mon cas et leur avait ordonné : «Allez enlever les sondes du moine». Ils entrèrent et dirent : «On nous a donné pour instruction d’enlever le dispositif de drainage». Visiblement mes paroles amères avaient touché Sainte Barbara. (…)

Traduit du russe

Source :  Преподобный Паисий Святогорец «Слова. Том VI. О молитве». Издательство:Орфограф, Москва. Pp. 79-80