Le texte ci-dessous est la traduction d’un original russe publié le 27 juillet 2011 sur le site Pravoslavie.ru. Il s’agit d’un texte, très probablement d’une homélie, du Saint Archevêque Jean de Shangaï, Bruxelles et San Francisco, consacré au Saint Prince Vladimir égal-aux-apôtres, à l’occasion du jour où l’on fête la mémoire de celui-ci.
«Celui qui (…) aura pratiqués et enseignés [un de ces moindres commandements], sera grand dans le royaume des cieux» (Math.5,19). Pourquoi le grand-duc Vladimir est-il Saint et qualifié d’égal-aux apôtres? Il s’est converti des ténèbres païennes à la lumière du Christ, se faisant lui-même baptiser, baptisant Kiev et faisant baptiser les habitants des autres villes et régions de sa Principauté.
Il fut le premier des souverains de toute la Russie à devenir chrétien et marqua ainsi le début de l’organisation chrétienne de l’État russe. Avec lui, la puissance Russe devient orthodoxe et le christianisme pénètre dans tous les domaines de la vie publique et de la vie du peuple.
A-t-il agi uniquement en tant que souverain? Sa démarche se limita-t-elle à l’activité de l’État? Non, il fut lui-même un véritable chrétien et prêcha le Christ moins par ses paroles que par son exemple personnel. Read more
Vladika Ioann, le Chrysostome russe. Mémoire éternelle!
Le soir du 20 octobre/02 novembre 1995, vers 20h 30 le Métropolite Ioann de Saint-Pétersbourg et Ladoga décédait subitement d’un infarctus, à l’âge de 68 ans, dans un des vestibules de l’Hôtel Septentrional, sur l’Île Petrogradski, à Saint-Pétersbourg, s’y étant rendu par obligation, afin y rencontrer, pour défendre les intérêts de l’Église, le maire de la ville, qui avait refusé de le recevoir pendant deux ans. Nous célébrons donc le vingt-quatrième anniversaire de la natalice du saint Vladika Ioann dont de nombreux Russes attendent la glorification officielle. Le texte ci-dessous a été publié le premier novembre 2017 sur le site Russkaia Narodnaia Linia. Il s’agit de souvenirs de l’Archimandrite Pacôme (Tregoulov), ‘assistant’ de Vladika Ioann et Supérieur du Monastère de la Sainte-Trinité de Zelenets, situé à une centaine de kilomètres à l’Est de Saint-Pétersbourg.
Vladika reçut de Dieu le don de simplicité. Celle-ci se manifestait en tout, dans son mode de vie, dans sa nourriture, dans ses relations, qui jamais ne firent place à la familiarité, avec qui que ce fût. Il était en effet archevêque. Sa résidence de Métropolite ressemblait à un musée, mais Vladika ne s’en rendait pas compte du tout, se sentant à l’aise dans tous les environnements. Il y avait emmené son ancien lit métallique. Il vivait modestement. Ni son transfert dans l’ancienne capitale, ni son ordination épiscopale ne se reflétaient en son comportement. Il avait toujours été un homme simple et il le demeurait, tout en répondant aux exigences élevées du rang de métropolite, en ayant la main ferme que requiert la direction d’une éparchie. Il ne craignait rien ni personne. Il prenait ses décisions en fonction des canons et de la pieuse Tradition de l’Église. Read more
Ukraine: le repentir plutôt que l’autocéphalie comme méthode de guérison du schisme
Entretien de Serguei Gueryk, pour le site Pravoslavie.ru, avec l’Archevêque Théodose, au sujet de la situation problématique de l’Église orthodoxe en Ukraine, à l’occasion du 1030e anniversaire du baptême de la Rus’. L’Archevêque Théodose est Vicaire de la Métropole de Kiev, et fut un des intervenants principaux lors des festivités, au nom de l’Église Orthodoxe d’Ukraine. L’entretien fut tenu le 20 août 2018, avant, donc, les surprenantes et regrettables déclarations et démarches du Patriarcat de Constantinople en cette matière. Les questions abordées ne sont dès lors pas concentrées sur ce point, mais proposent un tableau plus général de la situation telle qu’elle est vécue par la hiérarchie de l’Église Orthodoxe d’Ukraine, seule canonique, dont le Synode est dirigé par son Éminence Mgr Onufre.
Vladika, une première question, très importante dans le contexte du jubilé qui vient de se dérouler et des événements intervenus ces derniers temps concernant l’Église Orthodoxe d’Ukraine : Le lien entre l’Église d’Ukraine et le Patriarcat de Moscou sont-ils réellement profonds, historiquement et du point de vue actuel? Concrètement, les Églises d’Ukraine et de Russie sont-elles des Églises différentes, presque antagonistes, comme disent les schismatiques?
Bien sûr que non! Le lien a été et demeure très profond. Historiquement et spirituellement. Nous avons toujours, au cours d’un millénaire, été une seule Église. L’Église Russe, née des «fonts baptismaux» de Kiev en 988, a répandu la foi évangélique et la vie ecclésiale sur tout le territoire de la Rus’. Et le Saint Prince Vladimir et sa grand-mère Olga égale-aux-apôtres naquirent à Pskov et le Prince Vladimir fut par la suite Prince de Novgorod. C’est ainsi qu’il conseilla de disséminer la Foi Orthodoxe vers le Nord, le Sud, l’Est et l’Ouest. Dans toute la Rus’.
A cette époque de l’antiquité russe, l’Église revêtait le statut canonique de métropole orthodoxe du Patriarcat de Constantinople. Plus tard, suite aux guerres et aux pillages, la résidence du Métropolite de Kiev et de toute la Rus’ fut transférée à Vladimir-sur-Kliazma et après, à Moscou. Le transfert du centre dirigeant de la Métropole de Kiev fut officiellement approuvée par le Synode du Patriarcat de Constantinople. Par la suite, au XVe siècle, des événements historiques provoquèrent la séparation temporaire de la Métropole Occidentale, avec Kiev, de l’autre partie de l’Église Russe. La séparation se prolongea un peu moins de deux cents trente ans, et au XVIIe siècle, l’unité fut restaurée. Dès lors, spirituellement, nous avons toujours été une seule Église. Administrativement, ce fut différent. Au cours des derniers temps, à la fin du XXe siècle, après l’effondrement de l’Union Soviétique, et la formation d’un État d’Ukraine indépendant, l’Église Orthodoxe d’Ukraine devint autonome et reçut le droit à une large autonomie, avec une pleine indépendance dans sa gestion. Essentiellement, notre Église Ukrainienne reçut des droits qu’elle n’avait jamais eu auparavant au cours de l’histoire. Nonobstant cela, l’Église Orthodoxe d’Ukraine nourrit un lien spirituel et canonique entier avec toute l’Église Russe.
A la lumière de vos propos se pose la question souvent mise en avant par les schismatiques ukrainiens : Pourquoi le Patriarcat de Moscou est-il l’Église-mère de Kiev et non l’inverse? Moscou n’existait même pas encore lors du baptême de la Rus’. Et Constantinople répète sans relâche qu’elle est l’Église-mère de l’Ukraine.
Comme d’habitude, les schismatiques ont recours à leur traditionnelle substitution de concept. En comptant sur l’ignorance des auditeurs. En droit canonique, le terme Église-mère (ou Église «kyriarchale1») est le Patriarcat, ou l’Église Locale, dans la juridiction duquel entre à un moment donné, canoniquement et administrativement, un territoire ecclésial. Il ne s’agit pas du tout de cette Église de laquelle fut reçue en son temps la Foi Orthodoxe. Car avec une pareille logique, l’Église kyriarchale devrait alors être aujourd’hui pour le monde entier l’Église de Jérusalem, et aucune autre. Mais il n’en est pas du tout ainsi.
Et pour l’Ukraine, l’Église kyriarchale est l’Église Orthodoxe Russe, que cela plaise ou non. Même dans le cas de figure, contesté aujourd’hui par certains historiens du Phanar, où l’on tient compte du processus de retour à la soumission de la Métropole de Russie Occidentale au XVIIe siècle, cela ne change rien à l’affaire. Le Droit Canon détermine la durée de trente années comme étant la preuve irréfutable de la soumission canonique d’un territoire à un évêque précis. De facto, cette soumission ne peut faire l’objet d’aucune polémique, afin d’éviter querelles et conflits dans l’Église. Et ici, trois cents ans se sont écoulés [depuis le XVIIe siècle N.d.T.]. Comment peut-on contester cette situation? De quoi veut-on parler? On a l’impression que certains «théologiens» ne voient rien de ce qui se passe hors de leur bureau et ne regardent même jamais par la fenêtre.
S’il-vous-plaît, rappelez-nous quelques chiffres relatifs à la taille de l’Église Orthodoxe d’Ukraine, combien de paroisses, de prêtres, de fidèles?
L’Église Orthodoxe d’Ukraine est la confession la plus importante d’Ukraine. On compte dans sa juridiction douze mille cinq cents paroisses, plus de deux cents cinquante monastères, douze mille prêtres, plus de cinq mille moines et moniales. Par comparaison, les autres confessions orthodoxes d’Ukraine ont, toutes ensemble, environ cinq mille paroisses et un peu plus de deux cents moines et moniales.
Pour ce qui concerne le nombre de fidèles, je crois qu’il s’agit de nombreux millions. Mais il n’est pas possible d’en préciser exactement le nombre car des statistiques de ce genre n’existent pas sur place. Pour la Grande Procession à Kiev, on rassemble deux cents cinquante mille hommes et femmes ; il est possible d’en faire le compte. Évidemment, la majorité des fidèles ne participent pas à la procession, seulement une petite proportion, mais ils proviennent de toutes les éparchies. Et il faut tenir compte du fait qu’il est de nombreux qui voudraient venir à Kiev, mais dont l’organisation du voyage est empêchée par les autorités qui mettent des bâtons dans les roues à différents niveaux… La «toute petite proportion» rassemblée en un jour dans une ville s’élève à deux cents cinquante mille.
Nos opposants se basent sur des enquêtes d’opinions et des statistiques, en particulier sur les indications de leur centre de recherches politiques et économiques, Razoumkov, qui, comme on le sait, sert les intérêts politiques antirusses des autorités ukrainiennes.
Tout d’abord, les résultats des différentes enquêtes d’opinions différent diamétralement. Parfois, ils sont complètement contradictoires. Ensuite, et c’est essentiel, aucune enquête sociologique ne donne un tableau objectif de la vie religieuse dans le pays. Ils n’abordent jamais le nombre de fidèles pratiquants. Mais ce tableau de la vie religieuse, il existe pourtant. Ils ne travaillent pas avec des statistiques de remplissage des paroisses et des monastères, ils donnent seulement un spectre de préférences de «l’audience TV». Il ne s’agit donc pas de gens croyants, mais du «tout venant». Ils mènent l’enquête parmi des répondants qui savent à peine comment tracer le signe de croix. Mais pour le reste, ils savent très bien ce qu’on leur enseigne à la télévision, quelle Église est «la bonne» et quelle est l’«ennemie». Mais en réalité, le véritable indicateur de la quantité de fidèles de l’une et l’autre confession, ce sont les paroisses, les monastères, les prêtres, les moines et les moniales, et nous en avons parlé voici quelques instants.
Au cours des derniers mois, la presse s’est empressée de faire de la propagande pour le «tomos de l’autocéphalie de l’Église d’Ukraine», thème soulevé par les politiciens ukrainiens. L’adresse du Président Porochenko et de la Rada au Patriarche de Constantinople ont enfreint la séparation de l’Église et de l’État telle qu’en dispose l’article 35 de la Constitution ukrainienne. Qu’en est-il?
Cela est incontestablement le cas. Les tentatives d’intrusion dans la vie religieuse de la société, qui ont été menées par les acteurs politiques ukrainiens, peuvent être qualifiées d’inconstitutionnelles. Il ne s’agit pas même de la soi-disant adresse que vous évoquiez. A la suite de celle-ci, des fonctionnaires de rangs divers ont chacun dans leur sphère de compétences, «travaillé» activement à cette question ; des diplomates, des responsables de districts, des oblasts, etc…
Et dans l’ignorance des questions ecclésiastiques, l’audience se demande ce qu’il pourrait y avoir de nocif dans l’initiative des politiciens ? Qu’y aurait-il de mal à ce que l’Ukraine ait sa propre Église, autocéphale?
L’Ukraine a son Église. Absolument autonome. La plus grande en nombre. Et il s’agit de l’Église Orthodoxe d’Ukraine. Les possibilités et les droits générés par notre autonomie sont beaucoup plus grands que ceux dont jouissent la plupart des Églises Orthodoxes bénéficiant du statut autocéphale. Il s’agit d’un fait objectif et important : le droit à l’autonomie de notre Église est beaucoup plus grand que celui de nombreuses Églises Orthodoxes Autocéphales. Dans leur grande majorité, les fidèles de l’Église Orthodoxe Ukrainienne comprennent cela. Ils le comprennent et l’apprécient à sa juste valeur. Mais en même temps, ils apprécient l’unité spirituelle avec toute la plénitude de l’Église Russe fondée par le Saint Prince Vladimir, dont nous avons parlé. Au moment présent de notre histoire, la majorité écrasante de l’épiscopat, des prêtres et de tous les fidèles de notre Église est satisfaite de son statut canonique et n’a initié aucun changement. Et je suis convaincu de ce que les hommes de Dieu ne permettront pas que l’on utilise l’Église comme monnaie d’échange dans un jeu politique.
On nous dit que l’autocéphalie supprimera les tensions et les oppositions des schismatiques, qu’elle guérira le schisme. On nous dit qu’ils reviendront dans le sein de l’Église. Mais c’est une tromperie. Aucune autocéphalie n’a jamais rien guéri, tout le monde peut très facilement le comprendre.
La guérison du schisme ne passe pas par l’autocéphalie, mais par le repentir, par la prise de conscience d’une situation ecclésiologique injuste, qui se traduirait par la restauration des «Mystères» et la canonicité de l’ordination de leurs prêtres. Mais seraient-ils prêts à une démarche en ce sens aujourd’hui? Que du contraire, nous entendons de la part des schismatiques une rhétorique des plus agressives au sujet de la capture des laures, des églises, etc.
Mais là n’est pas la question. Il faut bien comprendre que l’initiative des politiciens qui «proposent l’autocéphalie» n’a aucun lien direct avec l’Église Orthodoxe d’Ukraine canonique et la plus importante en nombre. Cette initiative masque seulement le souhait des non-canoniques de légaliser les églises schismatiques d’Ukraine, l’Église Orthodoxe d’Ukraine-Patriarcat de Kiev et l’Église Autocéphale Orthodoxe d’Ukraine. Voilà de quoi il s’agit, cacher tout cela derrière un «tomos de l’autocéphalie».
L’examen attentif de la question révèle une substitution des concepts. L’Église Orthodoxe d’Ukraine-Patriarcat de Kiev n’a besoin d’aucune «autocéphalie», c’est-à-dire d’indépendance. Ils ne dépendent de personne et sont «autocéphales». Cette structure n’a pas besoin d’autocéphalie, mais de légalisation aux yeux du monde ecclésiastique. Voilà ce qu’ils souhaitent. Ils ne veulent pas entrer par la porte, mais en même temps, ils essaient de passer par-dessus la clôture. Tout cela est très simple, pour revenir dans le sein paisible de l’Orthodoxie, la porte est ouverte, mais pour cela il est nécessaire d’observer les règles qui sont définies : les Canons de l’Église. C’est une voie simple et compréhensible, et elle est ouverte.
Et si le Patriarche Bartholomée décidait unilatéralement de légaliser malgré tout L’Église Orthodoxe d’Ukraine-Patriarcat de Kiev?
Si la question est de savoir si le Patriarche Bartholomée va enfreindre l’ordre canonique de l’Église pour légaliser le schisme ukrainien, en tous cas, les dernières informations émanant des consultations et rencontres inter-orthodoxes consacrées à cette question, témoignent de ce que le Patriarche comprend très bien le problème complexe ukrainien. Il semble improbable qu’il prenne sur lui la responsabilité d’une démarche aux conséquences imprévisibles. De ce point de vue, on place beaucoup d’espoir dans la rencontre des Patriarches Kyrill et Bartholomée prévue fin août. Connaissant la sagesse, la fermeté canonique et l’expérience diplomatique de notre Patriarche, les brebis du troupeau ukrainien partagent l’espoir que cette rencontre, non seulement apaise la tension régnante dans la question ukrainienne, mais apporte un réchauffement général et constructif dans les relations inter-orthodoxes.
Dieu veuille qu’il en soit ainsi. Mais dans l’entretien qu’il a accordé, Philarète2 a déjà affirmé que la Laure des Grottes de Kiev et d’autres sanctuaires devaient être «expropriés» de l’Église canonique.
Effectivement, dans son dernier entretien, le chef de l’Église Orthodoxe Ukrainienne-Patriarcat de Kiev, Philarète, a répété sans cesse qu’en cas de légalisation canonique de sa structure, ils prétendront à leur droit de propriété, ainsi qu’à l’appellation d’Église Orthodoxe d’Ukraine. Et cela enchantera les juristes, les fonctionnaires et les politiciens ukrainiens. Des comités de la Rada ont déjà préparé des projets de lois de pillage pour réaliser ces plans. Où tout cela peut-il nous conduire? Je crains que cela ne devienne un mécanisme déclencheur d’une confrontation civile à grande échelle sur une base religieuse. Il me semble que c’est évident pour tous les gens capables de raisonner un tant soit peu.
Toutefois, Philarète, malicieux comme toujours, a nié que les laures et monastères de l’Église Orthodoxe d’Ukraine seraient pris par la force.
Oui, il a essayé de nier ses propos quand on lui a expliqué que les exposer prématurément porterait préjudice au plan. Et sur quoi a-t-il fondé sa volte-face? Sur l’honnêteté de ses paroles? Mais s’il fallait croire tout ce qu’il dit, en Ukraine, il n’y aurait pas de schisme aujourd’hui (souvenons-nous de ses propos d’Archevêque devant la Croix et l’Évangile, en 1992, selon lesquels il allait quitter son poste et ne créerait pas de trouble). Quoi encore? Les affirmations mensongères selon lesquelles tous les fidèles passeraient aimablement et volontairement au Patriarcat de Kiev? Eh bien, on constate en Ukraine occidentale que les fidèles sont chassés des églises qu’ils ont construites de leurs propres mains et au mépris des décisions de justice. Et en plus on affirme : «Ils le font volontairement». Ce ne sont que des contes pour les téléspectateurs. Je pense que Philarète comprend parfaitement ce qu’il veut et comment il projette d’agir. Mais Dieu n’est ni dans la force, ni dans la haine, mais dans la justice et la douceur. Notre troupeau espère et croit que les politiciens et les schismatiques n’iront tout de même pas jusqu’à cette folie et cette démarche autodestructrice. S’ils le font, les fidèles défendront leurs sanctuaires comme ils le pourront.
Et s’ils ne le peuvent?…
Même si on envisage que quelqu’un planifie une persécution de l’Église à grande échelle en Ukraine, comme elle exista sous les communistes, les fidèles n’auront aucune raison de perdre courage. Comme le dit l’adage populaire, Dieu n’est pas dans les bûches mais dans les côtes3. Nous prierons à la maison. Nous l’avons déjà fait jadis. Mais il convient de ne pas oublier qu’avec l’aide de Dieu, l’Église tiendra bon «et les portes de l’enfer ne prévaudront pas contre elle»(Mat.16,18). D’autant plus que nous le savons, Kiev est l’un des apanages de la Mère de Dieu, et nous croyons qu’Elle ne permettra pas aux fidèles de subir des épreuves plus dures que celles qu’ils peuvent endurer. Je pense toutefois qu’il ne faut pas aller jusqu’à la confrontation dans la violence.
L’Église Orthodoxe d’Ukraine occupe aujourd’hui une position difficile : en Ukraine, la Fédération de Russie a été déclarée pays agresseur. Toutefois, l’Église Orthodoxe d’Ukraine conserve son lien canonique avec le Patriarcat de Moscou. Quel est le degré de loyauté de la société ukrainienne envers les fidèles de l’Église Orthodoxe d’Ukraine?
La situation est difficile non seulement pour l’Église Orthodoxe d’Ukraine, mais pour tout le peuple ukrainien. Et les fidèles, en tant que partie du peuple, ne font pas exception. Mais à la différence des autres confessions d’Ukraine, notre Église représente tout le pays dans ses diversités. Elle englobe réellement toute l’Ukraine, de région en région. Comme aucune autre confession, nos fidèles représentent toutes les régions sans aucune exception.
C’est pourquoi notre Église, en tant que communauté des fidèles de toutes les régions, comprend parfaitement que le problème de la guerre en Ukraine ne peut, de façon simpliste, être réduite à «une guerre entre deux pays». Ce problème est beaucoup plus vaste et global. Les sociologues ukrainiens disent à raison que chez nous en Ukraine, et pas seulement sur la ligne de front, se déroule une confrontation de deux visions du monde, de deux mentalités différentes, de deux référentiels communautaires. Un pro-occidental d’une part, et un pro-oriental, pro-russe, d’autre part. Ces deux groupes de la société ukrainienne à la mentalité différente vécurent longtemps en paix, se considérant et se disant ukrainiens et ils construisirent notre pays sur des principes paritaires.
De façon plus large, en Ukraine, comme dans les pays multiethniques et aux facettes multiples, il existe d’autres fractions sociales significatives, avec leur propre mémoire historique et leur vision du monde. Jusqu’ici, cette diversité n’avait jamais posé de problème. Nous avions toujours formé une société ukrainienne unie, aux aspects multiples, mais tranquille et paisible.
Et naturellement, l’Église Orthodoxe d’Ukraine a existé et continue à exister aujourd’hui partout. Des millions de nos fidèles prient et créent des monastères et des églises depuis la Transcarpatie jusqu’à Donetsk et Lougansk, de Tchernigov à Simferopol. J’attire votre attention sur le fait que l’Église Orthodoxe d’Ukraine est la seule institution sociale dans l’Ukraine contemporaine, qui est parvenue à survivre structurellement et territorialement au cours de ces pénibles années, dans une grande mesure, sans dommage. Pourquoi en est-il ainsi? Le secret est simple, l’Église ne divise pas, elle unit. Elle ne fomente pas les confrontations et la haine, mais au contraire, elle s’efforce de calmer et de ramener la paix. Que toutes les parties de la société vivent et se développent librement et calmement et tout sera paisible et bon dans notre maison commune. C’est ainsi qu’agit et pense l’Église Orthodoxe d’Ukraine. Si tous les politiciens en faisaient de même, la tragédie contemporaine serait évitée.
Vladika, pensez-vous que nous soyons encore loin de la paix en Ukraine?
Je pense que tous les facteurs externes du conflit perdront leur force si nous réglons nos contradictions internes, si la société ukrainienne devient une, non pas en paroles, mais en actes. Et pour l’Ukraine, cette unité n’est possible que dans la diversité. Il en a été ainsi au cours de notre histoire et on ne peut rien y faire. Pour atteindre cette unité dans la diversité, il faut fuir la radicalisation de la société, et l’exacerbation de la haine sur les terreaux religieux et national. Il faut s’efforcer de dialoguer et de respecter le point de vue d’autrui, et se pardonner mutuellement. Je pense que cette voie pourrait dans une perspective prévisible conduire à l’apaisement et la fin du conflit. Que Dieu nous vienne en aide.
Traduit du russe
Source.
Celles et ceux que le sujet intéresse pourront lire avec profit l’article publié sur le Journal d’un Chrétien Orthodoxe ordinaire.
Toutes les photos illustrant le texte proviennent du site Pravoslavie.ru.
Saint Tsar Nicolas II. «En Mémoire du Dernier Tsar» (2)
Le long texte «En mémoire du Dernier Tsar» fut publié en 1943 à Kharbine, dans le magazine «Pain céleste» ("Хлебе Небесном"). Il constitua par la suite un chapitre, aux pages 264-302, du livre Чудо русской истории. (Le Miracle de l'Histoire russe), écrit par l'Archimandrite Konstantin (Zaïtsev) (1887-1975) qui en 1949 rejoignit la communauté de Jordanville où il enseigna au Séminaire. Il dirigea les revues ««Православная Русь» (La Rus' Orthodoxe), «Православная жизнь» (La Vie Orthodoxe), «The Orthodox Life» , et Православный путь» (La Voie Orthodoxe). Il exerça une activité pastorale d'envergure et participa amplement à la contribution majeure de l’Église Russe hors Frontières en matière de théologie, d'histoire de la Russie et d'histoire de la culture russe. A notre connaissance, ce long texte de grande valeur, parfois ardu, n'a pas été traduit et publié en français à ce jour. Il sera proposé ici en entier, mais fractionné. Voici la seconde partie. La première se trouve ici.
Pourtant la grâce de Dieu demeura longtemps, patiemment sur la tête de la Russie, avant que l’Oint de Dieu fût assassiné! Et la tournure prise par la Grande Guerre annonçait une victoire. Ce n’est pas une Russie vaincue qui fut victime de la révolution. Que du contraire! La Russie victorieuse fut privée des fruits de sa victoire parce qu’elle fut plongée dans les abysses des troubles de la révolution. La révolution ne fut pas le fruit de la défaite, mais sa cause. La révolution empêcha la victoire. En cela, le Seigneur nous montra avec une clarté des plus ostensible, que ce n’était pas Lui qui nous avait oubliés, mais nous qui L’avions oublié, nous qui L’avions trahi, nous qui avions renoncé à Lui. En renversant le Tsar que Dieu avait donné, nous avons abdiqué l’aide de Dieu; le cours ultérieur des événements fut donc renversé par une logique implacable évoqué par les bolcheviques quand ils disaient «Nous avons fait tomber le Tsar, maintenant, nous allons faire tomber Dieu»… La Russie privée de grâce n’eut déjà pas la force de s’opposer au mal qui l’avait envahie, car sa personne spirituelle était en vérité incarnée par le Tsar. Ayant renversé le Tsar, la Russie perdit sa personnalité et devint la victime des démons… Read more
Le Saint Tsar Nicolas II : Son activité ecclésiale. 2
Eugène E. Alferev (1908-1986) est un historien de l'émigration russe, ingénieur de profession, né dans une famille noble. Il quitta la Petrograd dès octobre 1917 et alla s'établir à Kharbin', ensuite à Paris, à Shanghai et aux États-Unis, où il entra au service de l'ONU, à Genève, d'où enfin il retourna aux États-Unis. Il passa les seize dernières années de sa vie tout à côté du Monastère de la Sainte Trinité de Jordanville. Il consacra dix ans de sa vie à écrire un livre rétablissant la vérité au sujet du «Tsar-Martyr», à l'encontre de l'image d'un autocrate, et donc dictateur, en «fin de cycle», sanguinaire par moment (1905), mais aussi, impréparé, faible, hésitant, mal entouré, malchanceux, retranché dans sa vie familiale aux valeurs devenant désuètes, manquant d'inspiration, prenant de mauvaises décisions. Le livre fut édité en 1983. Son titre était «Император Николай II как Человек Сильной Воли» L'Empereur Nicolas II en tant qu'homme à la ferme volonté, et son sous-titre : «Материалы для составления Жития Св. Благочестивейшего Царя-Мученика Николая Великого Страстотерпца» «Matériaux destinés à l'élaboration d'une Vie du Pieux Tsar-Martyr, le Grand Strastoterpets Nicolas». Le texte ci-dessous est extrait du chapitre XV du livre, intitulé : «L'Activité ecclésiastique de l'Empereur Nicolas II. La Sainte Rus'. Le rempart apostolique du bien sur terre. Le souhait du Souverain de rétablir le patriarcat et sa disposition à renoncer au service monarchique et à prendre sur lui le podvig du trône patriarcal». Compte tenu de la longueur du chapitre, la traduction sera proposée en quatre ou cinq parties. Compte tenu de sa taille, l'appareil de notes du texte original russe n'a pas été traduit. Elles font largement appel aux travaux de l'historien de l’Église N. Talberg. Voici la seconde partie.
Toutefois, au neuvième siècle de son existence, après l’essor étincelant du XIVe au XVIe siècle, la croissance spirituelle de la Sainte Rus’ s’interrompit, avec la Période des Troubles. Nous retiendrons à ce propos l’observation pertinente de l’Évêque Nathanaïl, selon laquelle le signe le plus fiable de l’épanouissement spirituel ou, au contraire, de la chute spirituelle de la société, du peuple ou de l’État est la présence ou l’absence de saints pendant une période donnée de l’histoire. Cette remarque trouve une confirmation intéressante dans l’icône, rare, des «Saintes Femmes Russes» représentée parmi les fresques de l’église du Monastère, féminin, de la Théophanie, à Kostroma. Cette icône présente une procession de trente trois saintes femmes russes, emmenée par la Sainte Princesse Olga Égale aux Apôtres, et dont vingt-neuf appartiennent à la lignée des Riourikides. Toute l’histoire de la Rus’ de Kiev et de la Rus’ de Moscou est résumée dans cette icône, dont la procession est close par Sainte Xénia de Pétersbourg et la Sainte Princesse Anastasia (Dimitrievna). La dernière date mentionnée sur la fresque est 1604, année de la glorification de Sainte Juliane de Mouromsk, située à l’antépénultième place de la procession. Après une période de trois siècles d’essor spirituel qui produisit une abondance de saints dans le peuple de Russie, le XVIIe siècle s’avéra particulièrement pauvre en nouveaux saints. Aucun n’apparut pendant la seconde moitié de ce siècle. Survint ensuite la période des réformes néfastes et insensées de Pierre 1er, qui écrasèrent la Sainte Rus’. Mais il faut souligner que celle-ci fut détruite avec une telle facilité par Pierre car dès le début de la Période des Troubles, les cercles des élites moscovites avaient déjà abandonné leurs anciens idéaux. Néanmoins, il fut le premier à lever la main sur le «Saint des Saints» du peuple russe, le premier à ronger ses racines et à ébranler un ordre puissant, et vieux de huit siècles, dans lequel la Sainte Rus’ fut créée et prospéra. Il anéantit l’unité entre le souverain et le peuple, et jamais plus, on ne réussit à la rétablir. La richesse spirituelle nationale s’était accumulée au cours des siècles, alors que les succès matériels étaient atteints en peu de temps. En soumettant le progrès spirituel à la tendance au matérialisme et en ouvrant largement la porte à l’influence occidentale pernicieuse, le Tsar Pierre construisit un «géant aux pieds d’argile» qui s’effondra en moins de deux cents ans. Read more
Le Saint Tsar Nicolas II : Son activité ecclésiale. 1
Eugène E. Alferev (1908-1986) est un historien de l'émigration russe, ingénieur de profession, né dans une famille noble. Il quitta la Petrograd dès octobre 1917 et alla s'établir à Kharbin', ensuite à Paris, à Shanghai et aux États-Unis, où il entra au service de l'ONU, à Genève, d'où enfin il retourna aux États-Unis. Il passa les seize dernières années de sa vie tout à côté du Monastère de la Sainte Trinité de Jordanville. Il y reçut le titre se doyen du Séminaire, avec une charge administrative. Et il fut inhumé, ainsi que son épouse dans le cimetière du monastère. Il consacra dix ans de sa vie à écrire un livre rétablissant la vérité au sujet du «Tsar-Martyr», à l'encontre de l'image d'un autocrate, et donc dictateur, en «fin de cycle», sanguinaire par moment (1905), mais aussi, impréparé, faible, hésitant, mal entouré, malchanceux, retranché dans sa vie familiale aux valeurs devenant désuètes, manquant d'inspiration, prenant de mauvaises décisions. Durant ces dix ans il fut frappé par une sévère maladie et écrivait à l'aide d'un dispositif spécial fixé à sa main recroquevillée, entouré par les prières, les conseils spirituels et les soins des moines. Le livre fut édité en 1983. Son titre était «Император Николай II как Человек Сильной Воли» L'Empereur Nicolas II en tant qu'homme à la ferme volonté, et son sous-titre : «Материалы для составления Жития Св. Благочестивейшего Царя-Мученика Николая Великого Страстотерпца» «Matériaux destinés à l'élaboration d'une Vie du Pieux Tsar-Martyr, le Grand Strastoterpets Nicolas». Le texte ci-dessous est le début du chapitre XV du livre, intitulé : «L'Activité ecclésiastique de l'Empereur Nicolas II. La Sainte Rus'. Le rempart apostolique du bien sur terre. Le souhait du Souverain de rétablir le patriarcat et sa disposition à renoncer au service monarchique et à prendre sur lui le podvig du trône patriarcal». Compte tenu de la longueur du chapitre, la traduction sera proposée en quatre ou cinq parties. Compte tenu de sa taille, l'appareil de notes du texte original russe n'a pas été traduit. Elles font largement appel aux travaux de l'historien de l’Église N. Talberg.
Parmi les immenses mérites qui reviennent à l’Empereur Nicolas II dans les différents domaines de la vie de l’État, ceux acquis par son activité dans la vie de l’Église prennent une dimension exceptionnelle. Si la révolution n’y avait mis un terme, son règne serait entré dans l’histoire de l’Église Orthodoxe russe, comme le plus lumineux depuis les temps de la Sainte Rus’ et aurait ainsi établi un lien entre la Russie du XXe siècle et la pieuse Sainte Rus’ de nos ancêtres. Et si les hommes de haut calibre, dignes de leur Tsar, l’Oint de Dieu, n’étaient devenus une denrée fort rare, comme nous le verrons plus bas, Nicolas II aurait été l’exemple inégalé d’un podvig monarchique d’une beauté spirituelle inusitée. Read more