Le long texte «En mémoire du Dernier Tsar» fut publié en 1943 à Kharbine, dans le magazine «Pain céleste» ("Хлебе Небесном"). Il constitua par la suite un chapitre, aux pages 264-302, du livre Чудо русской истории. (Le Miracle de l'Histoire russe), écrit par l'Archimandrite Konstantin (Zaïtsev) (1887-1975) qui en 1949 rejoignit la communauté de Jordanville où il enseigna au Séminaire. Il dirigea les revues ««Православная Русь» (La Rus' Orthodoxe), «Православная жизнь» (La Vie Orthodoxe), «The Orthodox Life» , et Православный путь» (La Voie Orthodoxe). Il exerça une activité pastorale d'envergure et participa amplement à la contribution majeure de l’Église Russe hors Frontières en matière de théologie, d'histoire de la Russie et d'histoire de la culture russe. A notre connaissance, ce long texte de grande valeur, parfois ardu, n'a pas été traduit et publié en français à ce jour. Il est proposé ici en entier, mais fractionné. Voici la huitième partie. Les précédentes se trouvent ici.
C’était le cas de Stolypine. Il ressentait parfois dans sa grande âme ce malaise qui soufflait sur la Russie, mais en tant qu’homme confronté aux affaires et aux luttes pratiques, il n’approfondit pas ces pressentiments, les chassa hors de lui et continua son travail enthousiaste sur le seul plan politique. Et ici, évidemment, il n’était pas à l’unisson avec le Souverain… La position de Stolypine était claire. Read more
Le long texte «En mémoire du Dernier Tsar» fut publié en 1943 à Kharbine, dans le magazine «Pain céleste» ("Хлебе Небесном"). Il constitua par la suite un chapitre, aux pages 264-302, du livre Чудо русской истории. (Le Miracle de l'Histoire russe), écrit par l'Archimandrite Konstantin (Zaïtsev) (1887-1975) qui en 1949 rejoignit la communauté de Jordanville où il enseigna au Séminaire. Il dirigea les revues ««Православная Русь» (La Rus' Orthodoxe), «Православная жизнь» (La Vie Orthodoxe), «The Orthodox Life» , et Православный путь» (La Voie Orthodoxe). Il exerça une activité pastorale d'envergure et participa amplement à la contribution majeure de l’Église Russe hors Frontières en matière de théologie, d'histoire de la Russie et d'histoire de la culture russe. A notre connaissance, ce long texte de grande valeur, parfois ardu, n'a pas été traduit et publié en français à ce jour. Il est proposé ici en entier, mais fractionné. Voici la septième partie. Les précédentes se trouvent ici.
Ayant créé un système de représentation populaire, le Tsar admit ce nouvel ordre des choses uniquement comme une modification technique du mécanisme supérieur de gouvernement. Homme d’une loyauté extrême et libre de toute passion ou attirance personnelle, il observa, avec un scrupule exceptionnel, les règles organisant le fonctionnement de la Douma d’État, tout comme il observait la loi en toutes circonstances et dans tous les domaines. Mais en son for intérieur, ce mécanisme lui demeura étranger, sans précédent au cours de l’histoire russe. On trouve le témoignage clair de cela dans la correspondance du Tsar avec le Ministre de l’Intérieur N.A. Maklakov, publiée en Russie à l’époque soviétique. Tentant de monter le Tsar contre la Douma, en 1913, Maklakov lui demanda de prendre la décision de la dissoudre s’il ne parvenait pas à la faire fonctionner dans les limites de la légalité. Rien ne sortit des réflexions de Maklakov, car il se heurta à une opposition unie et décidée au sein du Conseil des Ministres. Mais il est curieux que dans sa correspondance avec Maklakov, le Tsar exprimât pleinement son désaccord vis-à-vis de l’ordre régnant de l’État. Il écrivit: «Je considère également nécessaire et de bon ton que le Conseil des Ministres examine sans retard mon idée persistante de modifier l’article instituant la Douma d’État, et en vertu duquel, si la Douma n’est pas d’accord avec les modifications du Conseil d’État, et ne soutient pas un projet de loi, celui-ci est réduit à néant. En l’absence de Constitution, cela est un total non-sens. La soumission des opinions argumentées de la majorité et de la minorité au choix et à la ratification du Souverain serait un bénéfique retour à un cours plus paisible de l’activité législative, et en outre, conforme à l’esprit russe». Tel était l’avis «personnel» du Tsar, sur lequel, évidemment, il n’insista pas, car il était dépourvu de tout esprit mesquin et d’entêtement, dont il était constamment accusé. Au contraire, il couvrit, étonnamment, avec sollicitude de son haut patronage, la remarquable, à bien des égards, «Constitution russe» trouvant son expression suprême dans les Lois Fondamentales du 23 avril – chef-d’œuvre de droit administratif!- Mais cela ne pouvait en aucun cas signifier pour lui qu’il se sentait, toujours et en toutes circonstances, obligé de se soumettre à cette forme exprimée dans les actes législatifs «constitutionnels». Car lui, et lui seul, continuait à porter, même dans le cadre des nouvelles «lois fondamentales», la responsabilité devant Dieu du destin du peuple de Russie! Aucun pouvoir sur terre n’était habilité à priver le Tsar du droit et de lui ôter la responsabilité de se sentir arbitre suprême dans les décisions définitives que réclament des circonstances exceptionnelles. Lorsque l’Empereur allemand lui proposa, en vue de minimiser sa responsabilité dans l’accord de Portsmouth, de soumettre celui-ci à la ratification de la Douma, le Tsar répondit qu’il assumait la responsabilité de ses décisions devant Dieu et devant l’histoire…
Le Souverain continuait à se considérer comme l’arbitre devant lequel aucun appel n’était possible, même en politique intérieure. C’est précisément cette disposition d’esprit du Tsar qui généra l’Acte 3 de juin 1917, qui, pris en violation de la «constitution», sorti la Russie de l’impasse où l’avait menée l’incapacité de fonctionnement de la Douma. «Par le pouvoir sur notre peuple que le Seigneur donna au Tsar, devant Son Trône, nous répondrons du destin de la Puissance qu’est la Russie», lisons-nous dans le manifeste du 3 juin! Il arrivait également au Tsar de prendre sur sa conscience certaines décisions concernant des questions relatives à l’Église, et dans ces cas, il ne se sentait pas formellement lié par les décisions du Saint Synode. Un témoin bien informé, Jévakhov, a écrit qu’au cours de son règne, le Tsar manifesta seulement à trois reprises sa volonté d’Autocrate à l’égard du Saint Synode. La première fois, ce fut à l’occasion de la glorification de Saint Ioasaf de Belgorod, en 1910. Attendant avec impatience que le Synode détermine le moment de la cérémonie officielle, le Tsar ne s’arrogea pas le droit d’interférer dans les travaux du Synode en lui demandant de se presser. Mais lorsque le Synode déclara qu’il état nécessaire de postposer cette cérémonie, le Tsar marqua son désaccord avec les conclusions de l’Ober-procureur et du Synode et fixa lui-même le délai. Il manifesta une deuxième fois sa volonté dans le cas de la glorification de Saint Jean Métropolite de Tobolsk. Et finalement, la troisième fois survint lors de la décision concernant le Métropolite Vladimir de Kiev… Il y aurait eu, toutefois, d’autres cas semblables, que Jévakhov ne releva pas. Ainsi, Gourko mentionne l’abrogation par le Souverain du déplacement du Hiéromoine Iliodore, prescrit par le Synode, abrogation qui, selon Gourko, produisit une impression pénible sur le Métropolite Antoine. Nous ne mentionnerons pas deux autres cas individuels; dans pareilles circonstances, les différences d’opinions et les évaluations divergentes sont toujours possibles.
Pour ce qui concerne la glorification des saints, on est forcé d’admettre que le Tsar avait toujours, sur le plan spirituel, un temps d’avance sur le Synode, influencé par les opinions mondaines bien connues et caractérisées par leur indifférence et leur scepticisme en matière de foi. Ce fut le cas particulièrement lors du report de la glorification du Métropolite Ioann, que le Synode motiva par la nécessité de prendre en compte les implications politiques. Pour ce qui concerne ces dernières, le Tsar pouvait, quoi qu’il en soit, se considérer plus compétent que le Synode! En 1930, le Métropolite Antoine (de Kiev et de Galicie) qualifia le sens de la position du Tsar en matière de glorification des saints comme suit: «Le règne de l’Empereur Nicolas II correspondit à une réelle ouverture vis-à-vis de l’invention des reliques des saints et de la glorification de ceux-ci. Les choses étaient devenues très délicates à ce propos en Russie les derniers temps, suite à ce qui se produisit lors de l’invention des reliques de Saint Tikhon de Zadonsk. L’événement déclencha un tel enthousiasme populaire et tant de miracles se produisirent, que se répandit en Russie le bruit selon lequel l’Empereur Alexandre II aurait dit qu’il n’y aurait plus de nouveaux saints en Russie. Je ne crois pas que le Souverain ait pu prononcer pareille phrase, mais le simple fait que cette rumeur se répandit caractérise à souhait l’opinion publique de l’époque. Pendant le règne de l’Empereur Nicolas II, on procéda à l’invention des reliques de Saint Théodose de Tchernigov, en 1896, de Saint Seraphim de Sarov, en 1930, de Saint Ioasaph de Belgorod, en 1911, de Saint Ioann de Tobolsk, de Sainte Anne de Kachine et de Saint Pitirim de Tambov. Je me souviens d’une des sessions du Synode au cours de laquelle un hiérarque fit remarquer qu’on ne pouvait continuer indéfiniment à glorifier des saints. Les regards des participants se tournèrent vers moi et je répondis: «Si nous croyons en Dieu, nous devons nous réjouir de la glorification des Saints». De ce point de vue, conclut Vladika, d’autant plus grande était la dévotion du Souverain qui était quasiment le premier à prendre les décisions en ce domaine».
Le matériel que nous avons présenté suffit à prendre la mesure de la nature de la divergence de pensée et de sentiment entre le Tsar et la société russe, dans la mesure où il s’agissait d’une divergence dans la conception et l’évaluation de l’essence du pouvoir impérial et des prérogatives de celui-ci en Russie. Mais ce faisant, nous n’avons pas encore résolu la question dans son ensemble. Nous n’avons encore rien dit de l’essentiel; nous ne l’avons pas même effleuré! Comme nous le savons, on constatait ces différences de pensées et de sentiments non seulement entre le Tsar et les gens indifférents à l’Église (nous ne voulons pas même parler de ceux qui étaient hostiles à celle-ci), mais entre lui et les gens proches de l’Église, soumis au Tsar, parfois jusqu’à la dernière goutte de leur sang! De ce qui vient d’être dit, on peut comprendre pourquoi le Tsar et les Kadets, ni même le Tsar et Witte, ne pouvaient trouver langue commune. Y eut-il réellement langue commune entre le Tsar et Stolypine, que le Souverain respectait et appréciait sincèrement et profondément, un homme qui de son côté prouva son dévouement au Tsar par ses activités et par sa mort elle-même? La même divergence essentielle de pensée et de sentiment, à un degré évidemment moindre, était perceptible entre Stolypine et le Tsar. Nous abordons ici une énigme dont la solution apparaîtra seulement dans des événements ultérieurs, inaccessibles à ceux qui vécurent au cours de son règne. En même temps, nous approchons des éléments que, bien souvent, les gens, même ceux qui ne sont pas très éloignés de l’Église, collent une étiquette du genre «humeur mystique», «mysticisme», etc. Effectivement, le Tsar était soumis à ce genre «d’humeur». En d’autres termes, il était capable de connaître et de voir ce que ne pouvaient connaître ni voir les gens moins doués spirituellement et menant une vie moins spirituelle.
Et c’est précisément cette prédisposition, que le Souverain fit mûrir en une «supra-conscience mystique» qui le rendit relativement indifférent à tout ce qui brillait dans les domaines culturel, économique et politique, qui pourtant embellit son règne et pour lesquels œuvrèrent avec tant d’enthousiasme, avec tant de ferveur authentique, certains de ses proches, de ses collaborateurs, Stolypine plus que tous les autres. On notera d’ailleurs que Stolypine, selon certains témoins le connaissant de près, n’était pas complètement étranger à une perception «mystique» de l’abîme qui menaçait d’engloutir la Russie. Ce sentiment était, à des degrés différents, inhérent à quasiment tous les conservateurs notables, quelque différentes que fussent leur caractéristiques psychologiques ou intellectuelles. Et il était le fondement du scepticisme envers les résultats positifs du développement civil du pays, exprimé avec alacrité par Pobedonovtsev et Leontiev. Il était inhérent à différentes doses à la majorité de ceux qui soutenaient les piliers de la «réaction». Par ailleurs, cette crainte, ils la ressentaient la plupart du temps de façon tout à fait instinctive, sans chercher à en articuler les arguments, et se retrouvaient parfois en complète contradiction avec les positions politiques qu’ils défendaient. (A suivre)
Traduit du russe
Le long texte «En mémoire du Dernier Tsar» fut publié en 1943 à Kharbine, dans le magazine «Pain céleste» ("Хлебе Небесном"). Il constitua par la suite un chapitre, aux pages 264-302, du livre Чудо русской истории. (Le Miracle de l'Histoire russe), écrit par l'Archimandrite Konstantin (Zaïtsev) (1887-1975) qui en 1949 rejoignit la communauté de Jordanville où il enseigna au Séminaire. Il dirigea les revues ««Православная Русь» (La Rus' Orthodoxe), «Православная жизнь» (La Vie Orthodoxe), «The Orthodox Life» , et Православный путь» (La Voie Orthodoxe). Il exerça une activité pastorale d'envergure et participa amplement à la contribution majeure de l’Église Russe hors Frontières en matière de théologie, d'histoire de la Russie et d'histoire de la culture russe. A notre connaissance, ce long texte de grande valeur, parfois ardu, n'a pas été traduit et publié en français à ce jour. Il sera proposé ici en entier, mais fractionné. Voici la sixième partie. Les précédentes se trouvent ici.
Nous nous limiterons à un dernier extrait, tiré de quelqu’un à première vue éloigné de la Russie et de son Tsar, mais qui fut en mesure, du fait de sa position d’observer attentivement le caractère du Tsar. Il s’agit du Président de la République Française Loubet. Voici l’opinion qu’il émit au sujet du chef de l’État allié à la France: «D’habitude, on voit dans l’Empereur Nicolas II, un homme bon, magnanime, mais un peu faible, incapable de résister aux influences et aux pressions. Voilà une profonde erreur. Il était dévoué à ses idées et les défendait avec patience et obstination; ses plans étaient préparés longtemps à l’avance et il travaillait patiemment à leur mise en œuvre… Sous des apparences timides, un peu féminines, le Tsar avait l’âme forte, le courage au cœur et une foi inébranlable. Il savait où il allait et ce qu’il voulait». Nous ne continuerons pas à énoncer les opinions et témoignages des qualité confirmant les qualités morales exceptionnelles du Tsar et la force de sa volonté. Nous n’ajouterons plus d’extraits soulignant la puissance mentale exceptionnelle du Tsar. Il nous suffit de renvoyer le lecteur au livre de S.S.Oldenburg. Après s’être familiarisé avec les matériaux rassemblés par l’auteur, le lecteur pourra se convaincre des qualités éminentes du Souverain en tant qu’homme et en tant que dirigeant. La persistance de la légende d’un Souverain très différent n’en est que plus surprenante, de même que la profondeur du gouffre qui séparait la société du Tsar et qui favorisa la production d’un terreau fertile à l’émergence de ladite légende. C’est à peine si l’explication de ce phénomène permet de limiter la vague de calomnies malicieuses dirigée contre le Tsar, de tempérer l’activité de cette puissance ténébreuse. La simple mention générale du désaccord et de la dissonance en matière de sentiments entre la société et le Tsar sur lesquelles nous avons déjà attiré l’attention est insuffisante. Il importe ici de relever deux circonstances qui mettent en lumière la nature de cette divergence de pensée et de sentiment, dont les racines ne plongent pas seulement dans la mentalité de la société mais dans certaines propriétés, ou plus précisément certaines dispositions de la conscience du Tsar lui-même, qui empêchaient de trouver langue commune entre lui et ses contemporains dont l’orientation psychologique divergeait. Read more
Entretien de Serguei Gueryk, pour le site Pravoslavie.ru, avec l’Archevêque Théodose, au sujet de la situation problématique de l’Église orthodoxe en Ukraine, à l’occasion du 1030e anniversaire du baptême de la Rus’. L’Archevêque Théodose est Vicaire de la Métropole de Kiev, et fut un des intervenants principaux lors des festivités, au nom de l’Église Orthodoxe d’Ukraine. L’entretien fut tenu le 20 août 2018, avant, donc, les surprenantes et regrettables déclarations et démarches du Patriarcat de Constantinople en cette matière. Les questions abordées ne sont dès lors pas concentrées sur ce point, mais proposent un tableau plus général de la situation telle qu’elle est vécue par la hiérarchie de l’Église Orthodoxe d’Ukraine, seule canonique, dont le Synode est dirigé par son Éminence Mgr Onufre.
Vladika, une première question, très importante dans le contexte du jubilé qui vient de se dérouler et des événements intervenus ces derniers temps concernant l’Église Orthodoxe d’Ukraine : Le lien entre l’Église d’Ukraine et le Patriarcat de Moscou sont-ils réellement profonds, historiquement et du point de vue actuel? Concrètement, les Églises d’Ukraine et de Russie sont-elles des Églises différentes, presque antagonistes, comme disent les schismatiques?
Bien sûr que non! Le lien a été et demeure très profond. Historiquement et spirituellement. Nous avons toujours, au cours d’un millénaire, été une seule Église. L’Église Russe, née des «fonts baptismaux» de Kiev en 988, a répandu la foi évangélique et la vie ecclésiale sur tout le territoire de la Rus’. Et le Saint Prince Vladimir et sa grand-mère Olga égale-aux-apôtres naquirent à Pskov et le Prince Vladimir fut par la suite Prince de Novgorod. C’est ainsi qu’il conseilla de disséminer la Foi Orthodoxe vers le Nord, le Sud, l’Est et l’Ouest. Dans toute la Rus’.
A cette époque de l’antiquité russe, l’Église revêtait le statut canonique de métropole orthodoxe du Patriarcat de Constantinople. Plus tard, suite aux guerres et aux pillages, la résidence du Métropolite de Kiev et de toute la Rus’ fut transférée à Vladimir-sur-Kliazma et après, à Moscou. Le transfert du centre dirigeant de la Métropole de Kiev fut officiellement approuvée par le Synode du Patriarcat de Constantinople. Par la suite, au XVe siècle, des événements historiques provoquèrent la séparation temporaire de la Métropole Occidentale, avec Kiev, de l’autre partie de l’Église Russe. La séparation se prolongea un peu moins de deux cents trente ans, et au XVIIe siècle, l’unité fut restaurée. Dès lors, spirituellement, nous avons toujours été une seule Église. Administrativement, ce fut différent. Au cours des derniers temps, à la fin du XXe siècle, après l’effondrement de l’Union Soviétique, et la formation d’un État d’Ukraine indépendant, l’Église Orthodoxe d’Ukraine devint autonome et reçut le droit à une large autonomie, avec une pleine indépendance dans sa gestion. Essentiellement, notre Église Ukrainienne reçut des droits qu’elle n’avait jamais eu auparavant au cours de l’histoire. Nonobstant cela, l’Église Orthodoxe d’Ukraine nourrit un lien spirituel et canonique entier avec toute l’Église Russe. A la lumière de vos propos se pose la question souvent mise en avant par les schismatiques ukrainiens : Pourquoi le Patriarcat de Moscou est-il l’Église-mère de Kiev et non l’inverse? Moscou n’existait même pas encore lors du baptême de la Rus’. Et Constantinople répète sans relâche qu’elle est l’Église-mère de l’Ukraine.
Comme d’habitude, les schismatiques ont recours à leur traditionnelle substitution de concept. En comptant sur l’ignorance des auditeurs. En droit canonique, le terme Église-mère (ou Église «kyriarchale1») est le Patriarcat, ou l’Église Locale, dans la juridiction duquel entre à un moment donné, canoniquement et administrativement, un territoire ecclésial. Il ne s’agit pas du tout de cette Église de laquelle fut reçue en son temps la Foi Orthodoxe. Car avec une pareille logique, l’Église kyriarchale devrait alors être aujourd’hui pour le monde entier l’Église de Jérusalem, et aucune autre. Mais il n’en est pas du tout ainsi.
Et pour l’Ukraine, l’Église kyriarchale est l’Église Orthodoxe Russe, que cela plaise ou non. Même dans le cas de figure, contesté aujourd’hui par certains historiens du Phanar, où l’on tient compte du processus de retour à la soumission de la Métropole de Russie Occidentale au XVIIe siècle, cela ne change rien à l’affaire. Le Droit Canon détermine la durée de trente années comme étant la preuve irréfutable de la soumission canonique d’un territoire à un évêque précis. De facto, cette soumission ne peut faire l’objet d’aucune polémique, afin d’éviter querelles et conflits dans l’Église. Et ici, trois cents ans se sont écoulés [depuis le XVIIe siècle N.d.T.]. Comment peut-on contester cette situation? De quoi veut-on parler? On a l’impression que certains «théologiens» ne voient rien de ce qui se passe hors de leur bureau et ne regardent même jamais par la fenêtre. S’il-vous-plaît, rappelez-nous quelques chiffres relatifs à la taille de l’Église Orthodoxe d’Ukraine, combien de paroisses, de prêtres, de fidèles?
L’Église Orthodoxe d’Ukraine est la confession la plus importante d’Ukraine. On compte dans sa juridiction douze mille cinq cents paroisses, plus de deux cents cinquante monastères, douze mille prêtres, plus de cinq mille moines et moniales. Par comparaison, les autres confessions orthodoxes d’Ukraine ont, toutes ensemble, environ cinq mille paroisses et un peu plus de deux cents moines et moniales.
Pour ce qui concerne le nombre de fidèles, je crois qu’il s’agit de nombreux millions. Mais il n’est pas possible d’en préciser exactement le nombre car des statistiques de ce genre n’existent pas sur place. Pour la Grande Procession à Kiev, on rassemble deux cents cinquante mille hommes et femmes ; il est possible d’en faire le compte. Évidemment, la majorité des fidèles ne participent pas à la procession, seulement une petite proportion, mais ils proviennent de toutes les éparchies. Et il faut tenir compte du fait qu’il est de nombreux qui voudraient venir à Kiev, mais dont l’organisation du voyage est empêchée par les autorités qui mettent des bâtons dans les roues à différents niveaux… La «toute petite proportion» rassemblée en un jour dans une ville s’élève à deux cents cinquante mille.
Nos opposants se basent sur des enquêtes d’opinions et des statistiques, en particulier sur les indications de leur centre de recherches politiques et économiques, Razoumkov, qui, comme on le sait, sert les intérêts politiques antirusses des autorités ukrainiennes.
Tout d’abord, les résultats des différentes enquêtes d’opinions différent diamétralement. Parfois, ils sont complètement contradictoires. Ensuite, et c’est essentiel, aucune enquête sociologique ne donne un tableau objectif de la vie religieuse dans le pays. Ils n’abordent jamais le nombre de fidèles pratiquants. Mais ce tableau de la vie religieuse, il existe pourtant. Ils ne travaillent pas avec des statistiques de remplissage des paroisses et des monastères, ils donnent seulement un spectre de préférences de «l’audience TV». Il ne s’agit donc pas de gens croyants, mais du «tout venant». Ils mènent l’enquête parmi des répondants qui savent à peine comment tracer le signe de croix. Mais pour le reste, ils savent très bien ce qu’on leur enseigne à la télévision, quelle Église est «la bonne» et quelle est l’«ennemie». Mais en réalité, le véritable indicateur de la quantité de fidèles de l’une et l’autre confession, ce sont les paroisses, les monastères, les prêtres, les moines et les moniales, et nous en avons parlé voici quelques instants. Au cours des derniers mois, la presse s’est empressée de faire de la propagande pour le «tomos de l’autocéphalie de l’Église d’Ukraine», thème soulevé par les politiciens ukrainiens. L’adresse du Président Porochenko et de la Rada au Patriarche de Constantinople ont enfreint la séparation de l’Église et de l’État telle qu’en dispose l’article 35 de la Constitution ukrainienne. Qu’en est-il?
Cela est incontestablement le cas. Les tentatives d’intrusion dans la vie religieuse de la société, qui ont été menées par les acteurs politiques ukrainiens, peuvent être qualifiées d’inconstitutionnelles. Il ne s’agit pas même de la soi-disant adresse que vous évoquiez. A la suite de celle-ci, des fonctionnaires de rangs divers ont chacun dans leur sphère de compétences, «travaillé» activement à cette question ; des diplomates, des responsables de districts, des oblasts, etc… Et dans l’ignorance des questions ecclésiastiques, l’audience se demande ce qu’il pourrait y avoir de nocif dans l’initiative des politiciens ? Qu’y aurait-il de mal à ce que l’Ukraine ait sa propre Église, autocéphale?
L’Ukraine a son Église. Absolument autonome. La plus grande en nombre. Et il s’agit de l’Église Orthodoxe d’Ukraine. Les possibilités et les droits générés par notre autonomie sont beaucoup plus grands que ceux dont jouissent la plupart des Églises Orthodoxes bénéficiant du statut autocéphale. Il s’agit d’un fait objectif et important : le droit à l’autonomie de notre Église est beaucoup plus grand que celui de nombreuses Églises Orthodoxes Autocéphales. Dans leur grande majorité, les fidèles de l’Église Orthodoxe Ukrainienne comprennent cela. Ils le comprennent et l’apprécient à sa juste valeur. Mais en même temps, ils apprécient l’unité spirituelle avec toute la plénitude de l’Église Russe fondée par le Saint Prince Vladimir, dont nous avons parlé. Au moment présent de notre histoire, la majorité écrasante de l’épiscopat, des prêtres et de tous les fidèles de notre Église est satisfaite de son statut canonique et n’a initié aucun changement. Et je suis convaincu de ce que les hommes de Dieu ne permettront pas que l’on utilise l’Église comme monnaie d’échange dans un jeu politique.
On nous dit que l’autocéphalie supprimera les tensions et les oppositions des schismatiques, qu’elle guérira le schisme. On nous dit qu’ils reviendront dans le sein de l’Église. Mais c’est une tromperie. Aucune autocéphalie n’a jamais rien guéri, tout le monde peut très facilement le comprendre.
La guérison du schisme ne passe pas par l’autocéphalie, mais par le repentir, par la prise de conscience d’une situation ecclésiologique injuste, qui se traduirait par la restauration des «Mystères» et la canonicité de l’ordination de leurs prêtres. Mais seraient-ils prêts à une démarche en ce sens aujourd’hui? Que du contraire, nous entendons de la part des schismatiques une rhétorique des plus agressives au sujet de la capture des laures, des églises, etc.
Mais là n’est pas la question. Il faut bien comprendre que l’initiative des politiciens qui «proposent l’autocéphalie» n’a aucun lien direct avec l’Église Orthodoxe d’Ukraine canonique et la plus importante en nombre. Cette initiative masque seulement le souhait des non-canoniques de légaliser les églises schismatiques d’Ukraine, l’Église Orthodoxe d’Ukraine-Patriarcat de Kiev et l’Église Autocéphale Orthodoxe d’Ukraine. Voilà de quoi il s’agit, cacher tout cela derrière un «tomos de l’autocéphalie».
L’examen attentif de la question révèle une substitution des concepts. L’Église Orthodoxe d’Ukraine-Patriarcat de Kiev n’a besoin d’aucune «autocéphalie», c’est-à-dire d’indépendance. Ils ne dépendent de personne et sont «autocéphales». Cette structure n’a pas besoin d’autocéphalie, mais de légalisation aux yeux du monde ecclésiastique. Voilà ce qu’ils souhaitent. Ils ne veulent pas entrer par la porte, mais en même temps, ils essaient de passer par-dessus la clôture. Tout cela est très simple, pour revenir dans le sein paisible de l’Orthodoxie, la porte est ouverte, mais pour cela il est nécessaire d’observer les règles qui sont définies : les Canons de l’Église. C’est une voie simple et compréhensible, et elle est ouverte. Et si le Patriarche Bartholomée décidait unilatéralement de légaliser malgré tout L’Église Orthodoxe d’Ukraine-Patriarcat de Kiev?
Si la question est de savoir si le Patriarche Bartholomée va enfreindre l’ordre canonique de l’Église pour légaliser le schisme ukrainien, en tous cas, les dernières informations émanant des consultations et rencontres inter-orthodoxes consacrées à cette question, témoignent de ce que le Patriarche comprend très bien le problème complexe ukrainien. Il semble improbable qu’il prenne sur lui la responsabilité d’une démarche aux conséquences imprévisibles. De ce point de vue, on place beaucoup d’espoir dans la rencontre des Patriarches Kyrill et Bartholomée prévue fin août. Connaissant la sagesse, la fermeté canonique et l’expérience diplomatique de notre Patriarche, les brebis du troupeau ukrainien partagent l’espoir que cette rencontre, non seulement apaise la tension régnante dans la question ukrainienne, mais apporte un réchauffement général et constructif dans les relations inter-orthodoxes.
Dieu veuille qu’il en soit ainsi. Mais dans l’entretien qu’il a accordé, Philarète2 a déjà affirmé que la Laure des Grottes de Kiev et d’autres sanctuaires devaient être «expropriés» de l’Église canonique.
Effectivement, dans son dernier entretien, le chef de l’Église Orthodoxe Ukrainienne-Patriarcat de Kiev, Philarète, a répété sans cesse qu’en cas de légalisation canonique de sa structure, ils prétendront à leur droit de propriété, ainsi qu’à l’appellation d’Église Orthodoxe d’Ukraine. Et cela enchantera les juristes, les fonctionnaires et les politiciens ukrainiens. Des comités de la Rada ont déjà préparé des projets de lois de pillage pour réaliser ces plans. Où tout cela peut-il nous conduire? Je crains que cela ne devienne un mécanisme déclencheur d’une confrontation civile à grande échelle sur une base religieuse. Il me semble que c’est évident pour tous les gens capables de raisonner un tant soit peu. Toutefois, Philarète, malicieux comme toujours, a nié que les laures et monastères de l’Église Orthodoxe d’Ukraine seraient pris par la force.
Oui, il a essayé de nier ses propos quand on lui a expliqué que les exposer prématurément porterait préjudice au plan. Et sur quoi a-t-il fondé sa volte-face? Sur l’honnêteté de ses paroles? Mais s’il fallait croire tout ce qu’il dit, en Ukraine, il n’y aurait pas de schisme aujourd’hui (souvenons-nous de ses propos d’Archevêque devant la Croix et l’Évangile, en 1992, selon lesquels il allait quitter son poste et ne créerait pas de trouble). Quoi encore? Les affirmations mensongères selon lesquelles tous les fidèles passeraient aimablement et volontairement au Patriarcat de Kiev? Eh bien, on constate en Ukraine occidentale que les fidèles sont chassés des églises qu’ils ont construites de leurs propres mains et au mépris des décisions de justice. Et en plus on affirme : «Ils le font volontairement». Ce ne sont que des contes pour les téléspectateurs. Je pense que Philarète comprend parfaitement ce qu’il veut et comment il projette d’agir. Mais Dieu n’est ni dans la force, ni dans la haine, mais dans la justice et la douceur. Notre troupeau espère et croit que les politiciens et les schismatiques n’iront tout de même pas jusqu’à cette folie et cette démarche autodestructrice. S’ils le font, les fidèles défendront leurs sanctuaires comme ils le pourront. Et s’ils ne le peuvent?…
Même si on envisage que quelqu’un planifie une persécution de l’Église à grande échelle en Ukraine, comme elle exista sous les communistes, les fidèles n’auront aucune raison de perdre courage. Comme le dit l’adage populaire, Dieu n’est pas dans les bûches mais dans les côtes3. Nous prierons à la maison. Nous l’avons déjà fait jadis. Mais il convient de ne pas oublier qu’avec l’aide de Dieu, l’Église tiendra bon «et les portes de l’enfer ne prévaudront pas contre elle»(Mat.16,18). D’autant plus que nous le savons, Kiev est l’un des apanages de la Mère de Dieu, et nous croyons qu’Elle ne permettra pas aux fidèles de subir des épreuves plus dures que celles qu’ils peuvent endurer. Je pense toutefois qu’il ne faut pas aller jusqu’à la confrontation dans la violence. L’Église Orthodoxe d’Ukraine occupe aujourd’hui une position difficile : en Ukraine, la Fédération de Russie a été déclarée pays agresseur. Toutefois, l’Église Orthodoxe d’Ukraine conserve son lien canonique avec le Patriarcat de Moscou. Quel est le degré de loyauté de la société ukrainienne envers les fidèles de l’Église Orthodoxe d’Ukraine?
La situation est difficile non seulement pour l’Église Orthodoxe d’Ukraine, mais pour tout le peuple ukrainien. Et les fidèles, en tant que partie du peuple, ne font pas exception. Mais à la différence des autres confessions d’Ukraine, notre Église représente tout le pays dans ses diversités. Elle englobe réellement toute l’Ukraine, de région en région. Comme aucune autre confession, nos fidèles représentent toutes les régions sans aucune exception.
C’est pourquoi notre Église, en tant que communauté des fidèles de toutes les régions, comprend parfaitement que le problème de la guerre en Ukraine ne peut, de façon simpliste, être réduite à «une guerre entre deux pays». Ce problème est beaucoup plus vaste et global. Les sociologues ukrainiens disent à raison que chez nous en Ukraine, et pas seulement sur la ligne de front, se déroule une confrontation de deux visions du monde, de deux mentalités différentes, de deux référentiels communautaires. Un pro-occidental d’une part, et un pro-oriental, pro-russe, d’autre part. Ces deux groupes de la société ukrainienne à la mentalité différente vécurent longtemps en paix, se considérant et se disant ukrainiens et ils construisirent notre pays sur des principes paritaires.
De façon plus large, en Ukraine, comme dans les pays multiethniques et aux facettes multiples, il existe d’autres fractions sociales significatives, avec leur propre mémoire historique et leur vision du monde. Jusqu’ici, cette diversité n’avait jamais posé de problème. Nous avions toujours formé une société ukrainienne unie, aux aspects multiples, mais tranquille et paisible.
Et naturellement, l’Église Orthodoxe d’Ukraine a existé et continue à exister aujourd’hui partout. Des millions de nos fidèles prient et créent des monastères et des églises depuis la Transcarpatie jusqu’à Donetsk et Lougansk, de Tchernigov à Simferopol. J’attire votre attention sur le fait que l’Église Orthodoxe d’Ukraine est la seule institution sociale dans l’Ukraine contemporaine, qui est parvenue à survivre structurellement et territorialement au cours de ces pénibles années, dans une grande mesure, sans dommage. Pourquoi en est-il ainsi? Le secret est simple, l’Église ne divise pas, elle unit. Elle ne fomente pas les confrontations et la haine, mais au contraire, elle s’efforce de calmer et de ramener la paix. Que toutes les parties de la société vivent et se développent librement et calmement et tout sera paisible et bon dans notre maison commune. C’est ainsi qu’agit et pense l’Église Orthodoxe d’Ukraine. Si tous les politiciens en faisaient de même, la tragédie contemporaine serait évitée. Vladika, pensez-vous que nous soyons encore loin de la paix en Ukraine?
Je pense que tous les facteurs externes du conflit perdront leur force si nous réglons nos contradictions internes, si la société ukrainienne devient une, non pas en paroles, mais en actes. Et pour l’Ukraine, cette unité n’est possible que dans la diversité. Il en a été ainsi au cours de notre histoire et on ne peut rien y faire. Pour atteindre cette unité dans la diversité, il faut fuir la radicalisation de la société, et l’exacerbation de la haine sur les terreaux religieux et national. Il faut s’efforcer de dialoguer et de respecter le point de vue d’autrui, et se pardonner mutuellement. Je pense que cette voie pourrait dans une perspective prévisible conduire à l’apaisement et la fin du conflit. Que Dieu nous vienne en aide.
Traduit du russe Source.
Le long texte «En mémoire du Dernier Tsar» fut publié en 1943 à Kharbine, dans le magazine «Pain céleste» ("Хлебе Небесном"). Il constitua par la suite un chapitre, aux pages 264-302, du livre Чудо русской истории. (Le Miracle de l'Histoire russe), écrit par l'Archimandrite Konstantin (Zaïtsev) (1887-1975) qui en 1949 rejoignit la communauté de Jordanville où il enseigna au Séminaire. Il dirigea les revues ««Православная Русь» (La Rus' Orthodoxe), «Православная жизнь» (La Vie Orthodoxe), «The Orthodox Life» , et Православный путь» (La Voie Orthodoxe). Il exerça une activité pastorale d'envergure et participa amplement à la contribution majeure de l’Église Russe hors Frontières en matière de théologie, d'histoire de la Russie et d'histoire de la culture russe. A notre connaissance, ce long texte de grande valeur, parfois ardu, n'a pas été traduit et publié en français à ce jour. Il est proposé ici en entier, mais fractionné. Voici la cinquième partie. Les précédentes se trouvent ici.
De ce point de vue, le petit livre honnête et intelligent «Le Tsar et la Tsaritsa» de V.I. Gourko est révélateur. L’auteur, un des meilleurs fils de cette Russie qui s’en est allée, un des piliers de son enseignement d’État, était une des dignitaires de la bureaucratie russe. Son nom demeurera inoubliable dans la mesure où il fut vraisemblablement au sein de l’Administration le précurseur principal des célèbres réformes de Stolypine. Il tomba, victime d’intrigues, et lorsque les réformes furent mises en œuvre, il était condamné à une relative inactivité, mais il n’en tint pas grief et s’employa dans le cadre d’une opposition prometteuse. Demeurant, grâce à ses relations, au courant de ce qui se faisait ‘en haut’, mieux que quiconque, il pouvait observer et évaluer, d’autant qu’il n’appartenait à aucun parti et restait étranger aux passions, tant de droite de que de gauche. Mais il était un conservateur et un monarchiste convaincu. Il est difficile d’imaginer un homme plus adéquat pour réhabiliter le Tsar aux yeux de la société! Read more
Le long texte «En mémoire du Dernier Tsar» fut publié en 1943 à Kharbine, dans le magazine «Pain céleste» ("Хлебе Небесном"). Il constitua par la suite un chapitre, aux pages 264-302, du livre Чудо русской истории. (Le Miracle de l'Histoire russe), écrit par l'Archimandrite Konstantin (Zaïtsev) (1887-1975) qui en 1949 rejoignit la communauté de Jordanville où il enseigna au Séminaire. Il dirigea les revues ««Православная Русь» (La Rus' Orthodoxe), «Православная жизнь» (La Vie Orthodoxe), «The Orthodox Life» , et Православный путь» (La Voie Orthodoxe). Il exerça une activité pastorale d'envergure et participa amplement à la contribution majeure de l’Église Russe hors Frontières en matière de théologie, d'histoire de la Russie et d'histoire de la culture russe. A notre connaissance, ce long texte de grande valeur, parfois ardu, n'a pas été traduit et publié en français à ce jour. Il sera proposé ici en entier, mais fractionné. Voici la quatrième partie. Les précédentes se trouvent ici.
La lecture des dix dernières lignes de la troisième partie facilitera la lecture du début du présent texte.
Le deuxième système est, peut-être, plus délétère encore. Il consiste à enseigner aux enfants, dès leur plus jeune âge, la réalisation des rites religieux, prières, fréquentation de l’église, etc. Les parents concernés invoquent d’habitude le fait que l’aspect extérieur de la religion est l’expression, et en même temps le moyen d’éveil, de besoins intérieurs, de la même façon que naissent le cri de joie et le frisson d’effroi. Quel sens peut avoir la prière d’action de grâce à Dieu dans la bouche d’un enfant, alors qu’il n’en a pas le ressenti? Nous trouverions parfaitement absurde le système d’éducation qui obligerait par exemple les enfants, chaque jour à une certaine heure, d’exprimer haut et fort la joie, non seulement en paroles mais avec l’expression corporelle qui accompagne celle-ci. Et pourtant, n’est-ce pas ce que l’on fait avec les enfants en les obligeant à lire et réciter, sans en comprendre le sens, des prières toutes faites, etc.? Read more