Karpets. Ontologie de la Monarchie en Russie 3/3

karpec-00Vladimir Igorievitch Karpets, juriste, historien, publiciste, réalisateur, traducteur, poète, Orthodoxe du Vieux Rite (edinoverets) à la foi très robuste,  père d’une famille de quatre enfants, a écrit entre autres un ouvrage intitulé Социал-Монархизм (Le Social-Monarchisme), publié en 2014 et dont certains extraits ont été traduits et proposés sur ce site. Vladimir Igorevitch, homme juste et bon, emporté par une subite aggravation de la maladie qui l’accablait, s’en est allé auprès du Père,  le 27 janvier 2017. Le site Katehon.ru a publié le 13 janvier 2016 un chapitre de ce qui fut alors annoncé comme un nouveau livre  de V. Karpets, «La Monarchie Sociale», en russe, dont nous ne savons s’il sera finalement publié par les Éditions ‘Projet Académique’ (Академический проект). Voici la traduction française de la  troisième et dernière partie de ce chapitre.
Le Problème posé par la Restauration de la Monarchie
Je pars du point de vue selon lequel il ne peut être aujourd’hui question d’une restauration mécanique de tout ce qui exista jusqu’en 1917. Sur base de l’organisation d’État, nous devons extraire un modèle, une matrice contenant l’autocratie et la représentation du Zemski Sobor. Par représentation du Zemski Sobor, nous voulons signifier une représentation territoriale et professionnelle. La Rus’ Moscovite adopta une forme qui semble être idéale pour notre pays : le pouvoir illimité du Souverain, le pouvoir législatif confié à la Douma, qui serait l’Assemblée de tous les ‘Zemski Sobor’, plus une autonomie locale. Read more

Karpets. Ontologie de la Monarchie en Russie 2/3

karpec-00Vladimir Igorievitch Karpets, juriste, historien, publiciste, réalisateur, traducteur, poète, Orthodoxe du Vieux Rite (edinoverets) à la foi très robuste,  père d’une famille de quatre enfants, a écrit entre autres un ouvrage intitulé Социал-Монархизм (Le Social-Monarchisme), publié en 2014 et dont certains extraits ont été traduits et proposés sur ce site. Vladimir Igorevitch, homme juste et bon, emporté par une subite aggravation de la maladie qui l’accablait, s’en est allé auprès du Père,  le 27 janvier 2017.  Le site Katehon.ru a publié le 13 janvier 2016 un chapitre de ce qui fut alors annoncé comme un nouveau livre  de V. Karpets, «La Monarchie Sociale», en russe, dont nous ne savons s’il sera finalement publié par les Éditions ‘Projet Académique’ (Академический проект). Voici la traduction française de la deuxième des trois parties de ce chapitre. La première partie se trouve ici.

Le Schisme et le sacrifice propitiatoire impérial

M. V. Skopine-Chouïski
M. V. Skopine-Chouïski

Peu de temps avant la tenue du Zemski Sobor, dans d’étranges circonstances, Mikhaïl Vassilievitch Skopine-Chouïski fut empoisonné. Il n’était pas seulement de la lignée de Riourik, il était aussi un héros national, libérateur du pays. Il s’agit là d’une page étrange et sombre de notre histoire. Il est très possible que si la dynastie des Skopine-Chouïski avait accédé au trône, le schisme n’eût pas existé. Ce n’est sans doute pas un hasard si le Souverain Nicolas Alexandrovitch écrivit cette note énigmatique dans son journal : «Une victime propitiatoire est sans doute nécessaire. Pourquoi pas moi?» Propitiatoire à l’égard de quoi, peut-on se demander… Je pense que la culpabilité remonte précisément au XVIIe siècle. Dans les années qui suivirent le schisme, le raskol, on élimina quasi deux fois plus de gens qu’au temps de la répression communiste. C’était l’époque de Sophie. Le camp des Solovki était prédestiné à se trouver à l’endroit du monastère où les moines moururent courageusement pendant les années du raskol. Les deux sont certainement liés. Ainsi, le Tsar Nicolas Alexandrovitch prit sur lui non seulement la culpabilité du peuple russe, coupable uniquement de ce qu’il ne l’a pas soutenu, mais aussi celle de la dynastie même, et de la hiérarchie ecclésiastique qui contribua à l’élimination de la meilleure partie du peuple russe. Ceci atteste d’autant plus en faveur de sa sainteté, et même d’une sainteté tout à fait particulière. Read more

Vladimir Karpets. Ontologie de la Monarchie en Russie 1/3

karpec-00En cette période au cours de laquelle les événements du monde nous incitent à réfléchir au modèle de société dans laquelle nous vivons, il s’indique de se rappeler que d’aucuns s’efforcent, de nos jours, de penser un modèle de société construit autour de notre foi orthodoxe. Vladimir Igorievitch Karpets, juriste, historien, publiciste, traducteur, réalisateur, poète, Orthodoxe du Vieux Rite (edinoverets) à la foi très robuste,  père d’une famille de quatre enfants, a écrit entre autres un ouvrage intitulé Социал-Монархизм (Le Social-Monarchisme), publié en 2014 et dont certains extraits ont été traduits et proposés sur ce site. Vladimir Igorevitch, homme juste et bon, emporté par une subite aggravation de la maladie qui l’accablait, s’en est allé auprès du Père,  le 27 janvier 2017.  Le site Katehon.ru a publié le 13 janvier 2016 un chapitre de ce qui fut alors annoncé comme un nouveau livre  de V. Karpets, «La Monarchie Sociale», en russe, dont nous ne savons s’il sera finalement publié par les Éditions ‘Projet Académique’ (Академический проект). Voici la traduction française de la première des trois partie de ce chapitre. 

Ontologie de la Monarchie
Qu’est-ce que le «Projet Monarchique»? Il s’agit d’envisager la monarchie en Russie comme un projet, c’est-à-dire, quelque chose à inventer, à concevoir, probablement de façon incorrecte. La monarchie russe ne doit pas être tirée du néant ; elle n’a jamais disparu, elle demeure autour de nous et en nous. Dans l’évangile apocryphe de Thomas, on trouve ces paroles : «Le Règne de Dieu est autour de nous, mais nous ne le voyons pas». S’inspirant de ces paroles, comme d’un modèle artistique, nous pourrions les paraphraser ainsi : la monarchie existe en Russie, mais nous ne la voyons pas. La forme de gouvernement monarchique a toujours existé chez nous, soit ouvertement, soit de façon déformée, c’est-à-dire empreinte de connotations impropres à la véritable monarchie des points de vue métaphysique, ontologique et idéologique. Read more

L’Aspect religieux de la Guerre de Crimée (1853-1856)

vigilyanskii1_0L’Archimandrite Vladimir Vigilianski, ancien directeur du service de presse du Patriarcat de Moscou, a écrit le texte ci-dessous, publié le 29.03.2016, sous le titre Религиозный аспект Крымской войны (1853-1856) dans les pages en langue russe du site multilingue Katehon.ru
Depuis que j’aperçus à Londres, au croisement de Regent Street et Pall Mall, la statue érigée en la mémoire des soldats anglais tombés lors de la Guerre de Crimée (1852-1856), mon intérêt pour cette guerre ne fit que croître. J’ai beaucoup lu, à propos des causes géopolitiques de cette guerre, des motifs concrets, des opérations militaires, et de la défaite de la Russie. Voici quelques conclusions que j’ai tirées : Read more

Saint Luc de Crimée. Le Mépris de la Patrie et la Vénération de l’Europe.

agios-louka-st-lukaInnombrables sont les miracles accomplis par l’intercession du Saint Archevêque et Confesseur de la Foi Luc de Crimée. Saint Luc a illuminé la Terre de Russie et il illumine aujourd’hui le monde entier. Puisse-t-il nous accompagner dans la joie sur notre chemin vers le Christ et nous donner la force de porter notre croix. Afin de nous y aider le Saint homme a prononcé ses homélies et écrit ses textes. Ce site propose la traduction d’homélies et de textes de Saint Luc, à notre connaissance inédits en langue française. L’homélie ci-dessous, intitulée : «Les sources de l’athéisme contemporain»,  a été prononcée le vendredi de la semaine du publicain et du pharisien, le 27 février 1948. Elle est intégrée dans le recueil intitulé «Hâtez-vous à la suite du Christ» (Спешите идти за Христом)

Vous savez ce que dirent les contemporains juifs du Christ : «Peut-il venir de Nazareth quelque chose de bon?» (Jean 1,46). Voilà ce qu’ils disaient de Lui. Quand le Seigneur entra à Nazareth, où Il avait grandi, où Il avait été élevé, les gens le considéraient avec mépris. Ils ne Le prenaient ni pour un saint, ni pour un prophète, disant «Nous savons bien qu’Il est le fils du charpentier Joseph». C’est avec pareil mépris qu’aujourd’hui encore, une partie significative du genre humain parle du Sauveur, cette partie du genre humain qui fut jadis largement chrétienne et qui a maintenant quitté Dieu. Pourquoi, à cause de quoi ? Précisément parce que l’enseignement du Christ est simple au plus haut degré, tellement simple qu’il est accessible à la compréhension de l’homme le plus simple, le moins éduqué. Mais les gens fiers n’ont que mépris pour les simples, les petits, alors qu’ils s’inclinent devant ceux qu’ils trouvent grands et de valeur. Conformément à leur fierté, à leur grandeur d’esprit, ils ne veulent rien savoir de notre Seigneur Jésus Christ ; ils se choisissent d’autres maîtres, d’autres guides.
Ils ont renoncé à notre Seigneur et Sauveur. Mais n’allez pas imaginer que ce rejet du Seigneur, le dénigrement de Son Nom, soient propre à notre époque. Dès les temps très anciens, aux premiers siècles du Christianisme, apparurent le refus du Seigneur, le dénigrement des enseignements du Christ. Dans tous les peuples, au cours de tous les siècles, il exista des gens qui rejetaient l’Évangile.
Mais, comme je vous l’ai dit à maintes reprises, jusqu’à la fin du XVIIe siècle, tous les gens étaient très pieux dans notre pays, tous étaient chrétiens. Le rejet des enseignements chrétiens et le mépris du Nom du Christ survinrent voici  plus de deux cents ans déjà, au cours de la première moitié du XVIIIe siècle. D’où vint ce dénigrement du Christianisme, ce rejet de l’Évangile dans notre pays ? Il vint de France avec l’apparition, là-bas, des philosophes matérialistes, ceux qu’on nomme ‘encyclopédistes’, quand commença le ‘siècle des lumières’, et plus particulièrement lorsque toute la haute société, les gens éduqués, adoptèrent Voltaire comme idole, ce philosophe français athée et calomniateur du Christ. Il jouissait d’une intelligence acérée et se moqua du Christ et Le bafoua en des termes extrêmement caustiques. Et ces railleries alimentèrent les tendances blasphématoires des gens, en tous lieux et à tout moment. Et je vous assure qu’il n’y eut nulle part autant d’admirateurs de Voltaire que chez nous, en Russie, dans la soi-disant haute société.

C’est donc dès l’époque de l’Impératrice Catherine II que débuta le rejet généralisé du Christ au sein de cette haute société. Catherine elle-même fut une fervente admiratrice de Voltaire. Tout ce qui était russe était méprisé, on se moquait du patriotisme, on raillait l’amour de la patrie, on avait honte de se dire russe, honte de notre langue russe. Et tous les gens aisés, tous les nobles se mirent à éduquer leurs enfants dans l’esprit français athée. Ils faisaient appel à des éducateurs venus de France. Et ces éducateurs, libres-penseurs formés par la philosophie des ‘encyclopédistes’ propageaient ces sentiments et ces idées dans les jeunes cœurs et les éduquaient dans l’esprit de la France athée, dans l’esprit du voltairien, dans l’esprit du dédain envers le Christianisme. Ils instillaient en eux le mépris de la patrie et la vénération de l’Europe. Et ces choses en vinrent à ce que les nobles avaient quasiment oublié la langue russe. Les enfants étudiaient seulement en français, lisaient exclusivement des livres français. La langue russe devint la langue du petit peuple. La religion était tournée en dérision, le clergé était humilié. Il était devenu indigne de compter un prêtre dans sa maisonnée. Et on ne souffrait jamais, au grand jamais, aucune admonition, aucune remontrance.

Saint Tikhon de Zadonsk

Parviendrez-vous à croire qu’un jour, alors que le grand Saint Tikhon de Zadonsk se mit à admonester avec douceur un jeune aristocrate, invitant celui-ci à abandonner la libre-pensée et à revenir à la foi de ses ancêtres, ce jeune homme audacieux osa gifler le Saint au visage ? Celui-ci tomba alors aux pieds de l’aristocrate, implorant son pardon. Le jeune homme en éprouva un choc tel qu’il se sentit couvert de honte ; il renonça alors à la libre-pensée et devint un Chrétien exemplaire.
Tel était l’état d’esprit qui prévalut pendant la seconde moitié du XVIIIe siècle, jusqu’au début du XIXe. Au XIXe siècle apparut et se répandit largement une nouvelle tendance, remplaçant la libre-pensée voltairienne : les enseignements mystiques de la pensée protestante, loin de tout Christianisme authentique. La maçonnerie se manifesta, hostile au Christianisme. Sous Alexandre Ier le Bienheureux, une vague de sectes mystiques se développa au sein de la haute société. Et les Russes continuaient de la sorte à se tenir à l’écart de l’humble christianisme de l’Évangile. Voyez comme elles sont profondes, comme elles remontent loin, les racines de notre athéisme.
Pour quelles raisons les gens ont-ils été attirés par l’athéisme, pourquoi jadis succombèrent-ils à la vague de «voltairisme» ou à la vague des sectes mystiques? Uniquement parce que ces gens étaient et  orgueilleux, en eux il n’y avait aucune humilité, seulement parce qu’ils se tenaient infiniment loin de l’état d’esprit qui imprégnait entièrement le cœur de l’Apôtre Paul, qui disait ne rien vouloir connaître à l’exception du Christ. Il rejetait toute sagesse humaine, il ne voulait connaître que le Christ crucifié. Il nous avertit de ne pas nous laisser emporter «par tout vent de doctrine» (Eph.4,14), ou par la philosophie.
Depuis les années ’50 et même ’40, toute la société russe devint fascinée par la philosophie de Hegel, qui contredit le Christianisme, philosophie tenue de nos jours en haute estime. Les Russes ne veulent pas entendre l’avertissement de l’Apôtre Paul de ne pas se laisser entraîner par tous les vents des enseignements et des philosophies, mais de vivre dans une chrétienne simplicité.

Les gens ne comprennent pas que les paroles du Christ sont d’une force incomparable, qui surpasse tout, à cause justement de leur simplicité, cette simplicité grâce à laquelle elles pénètrent, avec une force que nul ne peut arrêter, au plus profond du cœur de l’homme, même le plus simple. C’est une telle simplicité qui nous est demandée, à chacun et chacune d’entre nous. Notre Seigneur Jésus Christ a dit que nous devions être pareils à des enfants, et que si nous ne devenons pas comme eux, nous ne pourrons entrer dans le Royaume des Cieux. Le Seigneur exige de nous cette simplicité d’enfant, cette crédulité. Le Seigneur nous demande d’ouvrir notre cœur, pour qu’Il y entre et y fasse la demeure de Son Père. C’est seulement lorsque notre cœur se fera simple, d’une simplicité d’enfant, quand il se détournera des audacieuses théories philosophiques, seulement quand il comprendra que les paroles du Christ sont supérieures à tout, que nous entrerons dans le Règne de Dieu. Que notre Dieu et Seigneur Jésus Christ nous l’accorde ! Amen.
Traduit du russe.

Romanité ou Barbarie ? Prologue

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Le Métropolite Hiérotheos de Naupacte a rédigé le prologue du livre «Romanité ou barbarie? L’Origine historique du conflit séculaire entre Hellénisme et Occident», écrit par Anastasios Philippidis et publié en 1994 sous le titre «Ρωμηοσύνη ή βαρβαρότητα». Il semble que le livre précité n’ait pas été traduit en français à ce jour. Voici la traduction du prologue, à partir de la version anglaise du texte. Celle d’extraits du livre suivra.

Prologue
Bien souvent au cours de conversations variées, il m’est arrivé de remarquer que le terme «byzantinisme» était utilisé avec une connotation négative. On utilise le terme byzantologie quand quelqu’un parle pour ne rien dire. On recourt à ces termes sans y penser, alors que la raison de leur utilisation et de leur prévalence dans ces contextes est tout à fait tombée dans l’oubli. Read more