L’Higoumène Boris (Khramtsov) (7)

Rares
furent
en tous temps
les authentiques
vénérateurs de Dieu.
(Métropolite Innocent de Penza)

Aujourd’hui encore, nous ne réalisons pas combien nombreux furent les justes et les saints dans la Russie du XXe siècle, et notamment dans la Russie de la fin du XXe siècle. Certains seront glorifiés par l’Église, le podvig des autres restera connu seulement d’un cercle restreint, plus local. Le texte ci-dessous est la traduction de la vie d’un de ces héros de l’ascèse très peu connus en Occident. L’Higoumène Boris (Khramtsov) fut un fils spirituel de l’Archimandrite Naum (Baïborodine) de bienheureuse mémoire. Un saint homme, lui aussi. L’original russe est accessible librement sur l’internet, mais il fut également publié en 2005 sous forme de livre intitulé «Крестный Путь Игумена Бориса» (Le chemin de croix de l’Higoumène Boris) aux éditions Palomnik. La traduction ci-dessous ouvre la troisième partie du livre précité, intitulée : Les yeux tournés vers le ciel. Il s’agit de souvenir d’enfants spirituels du Père Boris. Le début du texte se trouve ici.

J’emmenai à Varnitsa deux lettres destinées à Batiouchka. Sur la première lettre, on avait apposé un sceau. Je l’introduisit dans la deuxième enveloppe. Batiouchka les prit, les regarda et dit : «On a même apposé un sceau!» Il voyait déjà ce qui se trouvait à l’intérieur.
Lors d’un de mes nombreux séjours à Ivanovo j’arrivai pour l’office de l’onction. Il y avait énormément de monde. Les gens se tenaient en rangs serrés dans tous les espaces de la chapelle. Dans mon sac j’avais emporté la prière au Saint Hiéromartyr Cyprien (contre les envoûtements). Quand mon tour arriva, je m’avançai devant Batiouchka; il me dit «Par les prières du Hiéromartyr Cyprien,…»
Un jour que mon obédience consistait à servir à table, j’offris le surplus de pain à une femme. Batiouchka entra, l’air sévère et me dit : «Tu achètes le pain avec ton propre argent?». Je ne compris pas et continuai à donner le pain à cette femme. Il répéta sa question. Alors je compris et me repentis de ce que j’avais disposé arbitrairement de ce qui ne m’appartenait pas.
Batiouchka savait avec précision tout ce que je faisais au podvorié. Il arriva, alors que nous étions dans la voiture, qu’il commence à raconter, comme s’il se parlait à lui-même : «A une telle heure, je me suis levé, et ensuite, j’ai fait ceci, et puis, j’ai fait cela, etc.» Ce faisant, il racontait, à la minute près, tout ce dont je m’étais occupée au podvorié ce jour-là.
Quand aux pensées, il les connaissait toutes. Quand j’étais en sa présence, j’essayais de ne penser à rien, seulement prier, sinon, il répétait à voix haute ce que je pensais. Il n’y avait rien de secret entre nous. Batiouchka se rappelait parfois son enfance. Il racontait qu’ils vivaient pauvrement. L’école même les aidait à se procurer les vêtements nécessaires. Il ne connut pas son père; celui-ci mourut avant la naissance du Père Boris. Il disait de lui que c’était un homme qui avait de mains en or; il pouvait tout faire. Il raconta aussi qu’enfant, il se liait d’amitié avec les petites filles ; on le surnommait «le pâtre des fillettes». Il rêvait alors d’avoir de très nombreux enfants quand il serait grand, et il citait leurs noms. Et effectivement, des enfants spirituels, il en eut d’innombrables, nous tous, si différents les uns des autres. Il se souvenait également de ce qu’ils devaient régulièrement déménager, expliquant que chaque fois, leur maman emballait chaque tasse. Ils n’abandonnaient rien derrière eux. C’étaient les leçons de la vie pénible qu’elle avait vécue ; elle était orpheline et grandit sans maman. Batiouchka se souvenait de ce que sa maman travaillait beaucoup. Il lui demandait : «S’il te plaît, cuis-moi des petits gâteaux». Mais elle n’en avait pas le temps. Alors, il les préparait lui-même, et ils étaient plutôt réussis! Ensuite, Batiouchka étudia dans une école de médecine, et puis, fut appelé à l’armée. Après, il reçut la bénédiction pour devenir moine. Et c’est précisément après en avoir reçu la bénédiction que Batiouchka choisit sa voie de service à Dieu et aux hommes. Il l’accomplissait en toute conscience. Une seule fois je vis Batiouchka après qu’il ait terminé de recevoir les pèlerins (d’habitude, il partait à ce moment-là, sans prévenir). Il avait l’air tout à fait exténué. Il dit «Ma vue s’assombrit, mais les gens continuent à arriver sans cesse». Pour accomplir pareil service, il faut avoir un grand amour pour Dieu et pour les gens.
Ceux qui venaient auprès de Batiouchka étaient très différents les uns des autres. Un jour arriva un jeune homme à l’air très maladif. Voyant son aspect, je n’osai mas lui proposer d’entrer au podvorié. Soudain, Batiouchka me téléphona et me demanda s’il ne restait pas quelqu’un à la porte. Je dus aller appeler cet homme. Batiouchka me donna la bénédiction de préparer pour celui-ci une décoction d’herbes médicinales. Je la lui servit. Ensuite, Batiouchka le fit s’installer près de lui et l’emmena aux office, et le fit communier. Plus tard je demandai à Batiouchka pourquoi il avait agi de la sorte. Il me répondit : «Si je l’avais laissé tomber, il était bon pour la tombe. Il ne serait pas allé mendier ou voler. Il aurait été perdu».
J’entrai un jour dans la salle d’accueil des pèlerins et j’aperçus un homme assis. Ses bottines étaient en lambeaux. Batiouchka avait les larmes aux yeux. Je pris peut, imaginant que Batiouchka avait un malaise. Mais en fait, il se sentait mal car il prenait sur lui les douleurs de l’âme de chacun. Il disait «Je ne peux faire autrement. Je me souviens de mon enfance».
Maintenant, tout ce que je puis faire, c’est déplorer mon incapacité de rester auprès de Batiouchka jusqu’à la fin. «Pardonne-moi, cher Batiouchka, de n’avoir pas été capable de t’offrir toute mon âme, comme toi tu donnas la tienne! Je te fais une grande métanie pour ton amour, le soin paternel que tu m’accordas, pour les larmes que tu versas pour tes enfants».
Un jour, il m’offrit une icône du Saint et Pieux Prince Alexandre Nevski. Deux ans plus tard, Batiouchka décéda, et son cercueil fut déposé dans l’église Saint Alexandre Nevski. Toujours, quand je regarde cette icône, je me souviens du Père Boris.
Je me rappelle de ce jour au cours duquel j’ai accompagné Batiouchka dans son dernier bout de chemin. Le 6 septembre, je m’éveillai au milieu de la nuit. Dans mon âme régnait la même paix que celle qu’on vit après avoir communié aux Saints Dons. Je pensai : «C’est incroyable que toutes les peines et les émotions aient disparu; je me sens presque heureuse». Et soudain, vers quatre heures, le téléphone sonna : «L’Higoumène Boris s’en est allé vers le Seigneur». Mon cœur se serra devant l’inéluctabilité de ce qui avait été dit. Je demandai : «Pourquoi?Comment?». Mais en réponse, j’entendis : «Hâte-toi sinon, tu n’arriveras pas à temps! Et téléphone à tous ceux que tu connais».
Les pensées les plus pénibles surgirent dans ma tête alors que je devais parcourir la route à travers les oblast de Iaroslavl et d’Ivanovo. Mon âme pleurait. C’était la route que j’avais l’habitude de parcourir quand j’emmenais Batiouchka. A Ivanovo, je dépassai le bâtiment de la Police de la Circulation Routière. Souvent, Batiouchka donnait des bénédictions aux inspecteurs : des petits gâteaux, des icônes. Un espoir me traversa l’esprit : c’était peut-être une erreur, peut-être est-il encore vivant! J’arrivai devant la maison où vivait Batiouchka. Le podvorié était entouré de nombreuses voitures, de gens se tenant par groupes, beaucoup de moines. Le dernier espoir s’éteignit. J’entrai dans l’église du Saint et Pieux Prince Alexandre Nevski. Les gens faisaient la file pour entrer dans la chapelle.On ne permettait à personne d’entrer pendant qu’on revêtait Batiouchka de ses vêtements monastiques. Ensuite, nous pûmes entrer. Les gens avaient tous un air désemparé. Un prêtre lisait l’Évangile.
Je m’approchai de Batiouchka, demandant en pensée, bien tardivement, pardon . J’embrassai sa main qui m’avait si souvent bénie. Quel sentiment pénible : celui qui m’avait soutenue sur mon chemin de vie, qui tous nous illuminait, qui nous donnait la force de vivre, nous répondait par le silence. Ensuite, tout le monde fut prié de sortir, à l’arrivée de l’Archimandrite Nikon avec la communauté du Monastère Saint Nicolas de la Chartoma, dont Batiouchka était le confesseur et père spirituel. Ils célébrèrent une pannychide. Le son des hymnes monastiques nous parvenait par les fenêtres ouvertes de l’église. Après, les enfants spirituels de Batiouchka soulevèrent le cercueil au son du Trisagion : «Saint Dieu, Saint Fort, Saint Immortel, aie pitié de nous», et l’emmenèrent hors de l’église. Le corbillard démarra ensuite en direction de la chaussée de Moscou. Le Seigneur me consola en me permettant de placer ma voiture juste derrière le corbillard. C’était comme si le monde entier venait de mourir. On ressent la même chose quand on se trouve dans une pièce éclairée, et soudain, la lumière s’éteint. Un vide….
Je roulais à nouveau sur des routes connues. Nous tournâmes à droite. La chaussée menait à Iaroslavl. Je m’efforçais de coller au corbillard. Il s’immobilisa sur l’accotement de la route. Une voiture arriva de Iaroslavl, amenant Matouchka Appolinaria, la maman du Père Boris. Dernière rencontre, la mère venant prendre congé de son fils. Matouchka demanda que l’on découvrît le visage de son fils. Ce visage était empreint de paix : tout était accompli, toutes les affaires avaient été menées à bien, il pouvait se reposer…
De nouveau nous roulâmes vers Moscou, à travers la nuit. L’aube se mit à poindre. Au matin, nous arrivâmes à la Laure de la Trinité Saint Serge. La liturgie fut célébrée à la Laure dans l’église du Saint Esprit, par l’Archimandrite Dimitri, frère de Batiouchka. Devant l’église, la place était noire de monde. Les funérailles terminées, je suivis à nouveau Batiouchka, sous le pâle soleil de septembre. Le cercueil fut descendu dans la tombe, je lançai sur lui une poignée de terre. Une croix de bois fut dressée sur la tombe. Voilà, c’est fini. Batiouchka, une fois encore, pardonne-moi.
«La mort nous sépara, la mort nous réunira»; ces paroles résonnent, consolation de la rencontre dans l’autre monde. (A suivre)

Traduit du russe

L’Higoumène Boris (Khramtsov) (6)

Rares
furent
en tous temps
les authentiques
vénérateurs de Dieu.
(Métropolite Innocent de Penza)

Aujourd’hui encore, nous ne réalisons pas combien nombreux furent les justes et les saints dans la Russie du XXe siècle, et notamment dans la Russie de la fin du XXe siècle. Certains seront glorifiés par l’Église, le podvig des autres restera connu seulement d’un cercle restreint, plus local. Le texte ci-dessous est la traduction de la vie d’un de ces héros de l’ascèse très peu connus en Occident. L’Higoumène Boris (Khramtsov) fut un fils spirituel de l’Archimandrite Naum (Baïborodine) de bienheureuse mémoire. Un saint homme, lui aussi. L’original russe est accessible librement sur l’internet, mais il fut également publié en 2005 sous forme de livre intitulé «Крестный Путь Игумена Бориса» (Le chemin de croix de l’Higoumène Boris) aux éditions Palomnik. La traduction ci-dessous ouvre la troisième partie du livre précité, intitulée : Les yeux tournés vers le ciel. Il s’agit de souvenir d’enfants spirituels du Père Boris. Le début du texte se trouve ici.

Servante de Dieu A. Le Père Boris dans ma Vie.

C’est à la Skite de Tchernigov que je fis la connaissance du Père Boris, en août 1994. Il y avait en moi un péché que je ne parvenais à confesser à personne. Quand je vis Batiouchka pour la première fois, je me dis : «A un aussi jeune, je ne le raconterai pas, pour rien au monde». Quand je me présentai à lui, il me donna sa bénédiction pour lire le psautier. Ce fut chose très malaisée ; de nombreux mots étaient incompréhensibles. Mais je lus tout, et pendant ce temps, Batiouchka s’occupait d’autres gens. Ensuite, il vint s’asseoir à côté de moi, et je lui racontai tous mes problèmes, avec facilité. Je m’en allai avec un sentiment d’allègement. A la maison, je me souvins d’autres péchés ; je me hâtai de retourner à la skite pour m’en libérer. Quand j’arrivai près de lui pour la deuxième fois, Batiouchka se tourna vers moi et dit : «Vous avez un Évangile, lisez-le». J’étais stupéfaite. J’avais effectivement dans mon sac un exemplaire de l’Évangile, mais il ne pouvait l’avoir vu. Read more

Moniale du grand schème Seraphima : «Si vous saviez ce qui vous attend!»

Traduction d’un texte original russe préparé par Madame Ksénia Mironov et publié dans le numéro 19 daté du 1er octobre 2014 du magazine «Православный Крест» (La Croix Orthodoxe), à l’occasion de la fête du Pokrov de la Très Sainte Mère de Dieu. Vie et exploit ascétique de la Staritsa Seraphima. Elle reçut la tonsure des mains du Starets Archimandrite Macaire (Bolotov), qui la considérait lui-même comme sa mère spirituelle!

A l’époque où le Starets Ambroise d’Optino n’avait plus qu’une année à vivre, la famille de Polycarpe et Catherine Zaïtsev, allaient souvent le consulter au sujet de leurs besoins spirituels. Ils étaient paysans d’État et habitaient le faubourg de Streltsky, de la ville de Lebedian, ouïezd de Lipetsk, Gouvernorat de Tambov. C’est alors que naquit leur huitième enfant, une fille. La naissance se produisit le 1er novembre 1890. A cause de l’épidémie de choléra qui sévissait à cette époque, la fille fut immédiatement baptisée, et appelée Matrone. Ayant l’habitude d’emmener l’un des enfants avec eux auprès du Père Ambroise, Polycarpe et Catherine amenèrent la petite auprès de lui à Chamordino pour qu’il bénisse la petite Matronouchka qui avait alors neuf mois. Read more

L’Higoumène Boris (Khramtsov) (5)

Rares
furent
en tous temps
les authentiques
vénérateurs de Dieu.
(Métropolite Innocent de Penza)

Aujourd’hui encore, nous ne réalisons pas combien nombreux furent les justes et les saints dans la Russie du XXe siècle, et notamment dans la Russie de la fin du XXe siècle. Certains seront glorifiés par l’Église, le podvig des autres restera connu seulement d’un cercle restreint, plus local. Le texte ci-dessous est la traduction de la vie d’un de ces héros de l’ascèse très peu connus en Occident. L’Higoumène Boris (Khramtsov) fut un fils spirituel de l’Archimandrite Naum (Baïborodine) de bienheureuse mémoire. Un saint homme, lui aussi. L’original russe est accessible librement sur l’internet, mais il fut également publié en 2005 sous forme de livre intitulé «Крестный Путь Игумена Бориса» (Le chemin de croix de l’Higoumène Boris) aux éditions Palomnik. La traduction ci-dessous ouvre la deuxième partie du livre précité, intitulée : A la suite du Christ. Il s’agit de souvenir de prêtres qui connurent le Père Boris. Le début du texte se trouve ici.

Souvenirs du Hiéromoine Marc (Koutasevitch)

De nos jours, c’est par le chagrin et la maladie que le Seigneur amène beaucoup de gens à l’église. C’est comme cela que je suis venu du lointain Kazakhstan pour recevoir l’onction de la part du Père Boris. Le prêtre des lieux m’a béni à la Laure de la Trinité-Saint Serge, et de là, on m’ envoya à la Skite de Tchernigov, où le Père Boris s’entretint avec moi, pendant une longue confession. Il m’ interrogea au sujet de ma vie, avec beaucoup de tact. Dans sa communication avec son interlocuteur, il y avait de l’amour et, je dirais, comme un soin maternel. Après cette entretien, je suis allé deux fois encore recevoir l’onction des mains de Batiouchka, et ma santé a commença à s’améliorer. Read more

L’Higoumène Boris (Khramtsov) (4)

Rares
furent
en tous temps
les authentiques
vénérateurs de Dieu.
(Métropolite Innocent de Penza)

Aujourd’hui encore, nous ne réalisons pas combien nombreux furent les justes et les saints dans la Russie du XXe siècle, et notamment dans la Russie de la fin du XXe siècle. Certains seront glorifiés par l’Église, le podvig des autres restera connu seulement d’un cercle restreint, plus local. Le texte ci-dessous est la traduction de la vie d’un de ces héros de l’ascèse très peu connus en Occident. L’Higoumène Boris (Khramtsov) fut un fils spirituel de l’Archimandrite Naum (Baïborodine) de bienheureuse mémoire. Un saint homme, lui aussi. L’original russe est accessible librement sur l’internet, mais il fut également publié en 2005 sous forme de livre intitulé «Крестный Путь Игумена Бориса» (Le chemin de croix de l’Higoumène Boris) aux éditions Palomnik. La traduction ci-dessous ouvre la deuxième partie du livre précité, intitulée : A la suite du Christ. Il s’agit de souvenir de prêtres qui connurent le Père Boris. Le début du texte se trouve ici.

Souvenirs du Hiéromoine Anatoli (Berestov). Un Don de Dieu
Un Grand Starets Russe. Il fut un grand starets entre quarante et quarante-six ans. Imposteur ou don de Dieu à la Terre de Russie ?
Un imposteur qui couvrait de son amour les malades, ceux qui étaient tourmentés par les souffrances et les tentations terrestres, les affligés et les offensés? Un imposteur dont le sourire et la parole affectueuse et douce adoucissait les cœurs durs? Un imposteur qui, par son amour et sa gentillesse, guérissait les malades en phase terminale?
Non, une telle personne ne peut pas être un imposteur spirituel. Dieu n’aurait pas permis que se produise pareille tromperie. Un homme vers qui venaient de toute la Russie et d’autres pays des gens déchirés par la malice humaine et la souffrance, et qui reçurent la douceur, la paix et la joie spirituelle. Je expérimenté cela moi-même, c’est pourquoi j’en parle si ouvertement.
«Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et ployez sous le fardeau, et je vous soulagerai» (Mat.11;28), nous disait le Seigneur, et Il nous appelait à être «parfaits comme votre Père Céleste est parfait»(Mat.11;48).
Alors, ces gens qui souffraient vinrent vers l’Higoumène Boris, chargés de péchés, de douleurs, de tentations et ils repartaient apaisés. Sa bonté s’étendait à tous : bien-portants et malades, souffrants, adultes, adolescents, enfants, à tous ceux qui eurent besoin de lui. Il n’écartait personne, sacrifiant sa propre santé. Combien furent-ils les malades du corps et de l’âme qui bénéficièrent de son aide? Parfois on aurait dit que Varnitsa, ou Ivanovo, là ou il séjournait, c’était une paroisse d’aliénés, d’alcooliques, de toxicomanes. Et effectivement, nombreux furent les toxicomanes qui trouvèrent refuge auprès de lui et guérirent. Les toxicomanes Alexandre D., Pavel K., Alexis, Evgueni, Georgi, Grigori, Georgi, Léonide et beaucoup d’autres, que j’ai envoyés auprès du Père Boris, il les libéra de leur satanique dépendance.
Quand la vie me semblait trop dure, quand j’étais épuisé de travailler à corriger et soigner l’âme de sorciers, de magiciens et de toxicomanes, quand le contact avec ces «frères» pesait trop lourd sur mes pensées et que survenaient alors les problèmes, j’allais chez le Père Boris. Et après avoir parlé avec lui, m’être confessé, dans mon âme, tout devenait léger et lumineux, et revenait la force de combattre à nouveau la vermine satanique, et les passions me quittaient pour longtemps.
Il n’était pas un imposteur, mais bien un don de Dieu. Il était et demeure un starets d’un peu plus de quarante ans, l’Higoumène Boris. Dans l’Orthodoxie, starets, cela signifie beaucoup.
Igor K. Smolich, qui a étudié la paternité spirituelle définit ainsi le starets: «le starets est un moine âgé qui a pratiqué le chemin difficile de l’abnégation et qui a pris sous sa direction spirituelle de jeunes moines et laïcs. Sa tâche, il la voit, avant tout, dans la direction et le soin de l’âme, l’éducation de la volonté de ceux qui n’ont pas beaucoup d’expérience spirituelle, cherchant à les guider à travers toutes les tentations et les peines de cette vie. Par sa propre vie et son expérience, il connaît la variété des chemins sombres sur lesquels l’adversaire nous attend. Aux étrangers venus de l’extérieur, il donne des conseils afin de les protéger des erreurs. Le starets est la volonté de perfectionnement du cœurs de ces croyants…»
On ne peut ranger l’Higoumène Boris parmi les moines les plus âgés, néanmoins, Dieu le dota d’une connaissance spirituelle si remarquable qu’elle l’éleva au niveau du ministère des anciens. Par sa vie, il fut un starets, par l’amour, la miséricorde, la compassion et le service à Dieu et aux hommes, il plut à Dieu. En vérité, il fut un don de Dieu à la Russie.
Ceux que Dieu a appelés, Il les a aussi justifiés ; et ceux qu’Il a justifiés Il les a glorifiés.(Rom. 8 ; 30). Dieu a appelé le Père Boris au service de l’Église et des gens, Il l’a appelé et l’a justifié, justifié par des œuvres d’amour, de miséricorde, de bonté. Et l’amour, il est vrai, est sacrificiel. Et le Père Boris se sacrifia: son temps, ses forces, sa santé, pour aider les gens. Et il aida tellement. Des gens de tous les coins de la Russie et d’autres républiques de l’ex-Union venaient à lui pour obtenir du réconfort dans leurs souffrances, pour obtenir de bons conseils et des instructions pour accomplir des œuvres bonnes. Et ils reçurent…. Le Seigneur a justifié le Père Boris et l’a glorifié — Il a glorifié à travers la reconnaissance des gens, à travers un immense amour, à travers le don de clairvoyance , et le don de l’amour. Ainsi, les paroles du grand apôtre Paul s’appliquent en vérité à l’Higoumène Boris. L’apôtre Luc (14; 24) cite les paroles de notre Seigneur Jésus-Christ: «…beaucoup d’appelés, mais peu d’élus». Il y a beaucoup de clercs appelés au service de Dieu. Mais y a — t-il beaucoup d’élus pareils au Père Boris? Quelques cas isolés solitaires. Et ceux-ci font la gloire de la Russie.
Car il fut seul, Saint Serge de Radonège, il fut seul, Saint Seraphim de Sarov, seul, Saint Jean de Kronstadt, seule, la Bienheureuse Folle-en-Christ Xénia de Péterbourg, seule la Bienheureuse Matrone de Moscou… et seul, l’Higoumène Boris. Mais de tous ces «seuls» naquit et grandit le chœur des saints russes. Pareil au phénix le juste prospérera (Ps. 91, 13). Et il prospéra. Je sais à quel point il est difficile de sortir les toxicomanes de la dépendance. C’est une entreprise qui dépasse les capacités de l’homme. L’homme n’est pas en mesure de corriger le toxicomane, de le sortir de sa dépendance à la cause démoniaque, de le guider sur le chemin de la foi, d’en faire un homme, une femme et un citoyen décents. C’est Dieu qui le fait, mais Il le fait à travers les hommes, Ses élus. Le Père Boris fut un de ces élu de Dieu.
Quand je commençais tout juste à aider les toxicomanes, le Père Boris m’aida beaucoup. En 1997, je lui ai envoyé un de mes pupilles, Artème. Il vécut plusieurs mois avec le Père de Boris, à Ivanovo, à Eliounine, à Antouchkov. Il revint à moi transfiguré, un chrétien fidèle. Il a commencé à chanter au choeur, reprit contact avec sa famille, retourna à l’Université, commença à aider d’autres toxicomanes à sortir de la dépendance. Et il devint mon bon assistant.
Quelques années passèrent. Et ici, nous avons eu un deuxième Artème, également toxicomane. Le premier Artème et moi avons décidé d’envoyer le deuxième Artème à Pereslavl au Monastère Saint Nikita, auprès du frère du Père Boris. Alors qu’Artème traversait Deulino, il croisa un immense cortège funèbre. On inhumait le Père Boris. C’est ainsi que le deuxième Artème rencontra son Père Boris. Depuis lors, en passant devant la tombe du Père Boris, nous venons toujours à lui pour prier, embrasser la Croix, sous laquelle se trouvent les reliques du Père Boris, et lui demander aide et prière.
Et le fait que le flot des cœurs aimants ne cesse pas d’affluer vers la tombe du Père Boris dans le village de Deulino, près de Serguev Posad, témoigne de la justesse des paroles: Ceux que Dieu a appelés, Il les a aussi justifiés ; et ceux qu’Il a justifiés Il les a glorifiés.(Rom. 8 ; 30). (A suivre)

Traduit du russe

«Grand-Père» A la mémoire du Métropolite Ioann (Snytchev) (4)

Portrait par Philippe Moskovitine

Portrait

L’original russe du texte ci-dessous a été publié en trois parties sur le site Pravoslavie.ru en novembre 2020. Son auteur, Madame Tatiana Vesselkina l’a toutefois rédigé «octobre 2005 et octobre 2020». Jeune journaliste, elle rencontra le Métropolite Ioann en 1991 et devint une de ses filles spirituelles. Elle partage donc une tranche de sa propre vie, tout en brossant progressivement un portrait du Métropolite. En russe titre du premier article de la série est «Дедушка», Grand-Père. C’est ainsi que les proches du Métropolite Ioann le surnommaient entre eux, vers la fin de sa vie. Lui-même eut recours à cet affectueux sobriquet pour désigner son propre père spirituel, le Métropolite Manuil (Lemechevski). Le titre de l’original de cette dernière partie est «Alors, tu roupilles?». Le début du texte se trouve ici.

Un jour, je demandai à Vladika Ioann quand la fin du monde allait arriver. Il me répondit «Elle a déjà commencé. Et elle va continuer, par seulement un an ou dix ans, plus longtemps, mais personne ne sait combien de temps. Cela dépendra de nous. Mais ce seront des temps effrayants, ça, c’est sûr». Je demeurai perplexe. «Comment est-ce possible, Vladika? Comment allons-nous survivre?». «Restez proches les uns des autres, en petits groupes de deux ou trois. Aidez-vous les uns les autres chaque fois que vous le pouvez. Voilà comment vous parviendrez à survivre». Et c’est ce qui a commencé à se produire. Nous dûmes traverser une tristesse immense après la mort de Vladika. Sa mort elle-même nous peina terriblement. Ce fut comme si le toit de la maison nous tombait sur la tête, comme si le ciel se fermait. Read more