La Bienheureuse Staritsa Théodosia : Vivez en paix, restez avec le Seigneur Dieu ! (3)

L’original russe de ce long texte a été préparé par Madame Olga Orlova et publié le 15 mai 2017 sur le site Pravoslavie.ru, sous le titre «Vivez en paix, restez avec le Seigneur Dieu! Souvenirs de la Moniale du grand schème Théodosia (Kossorotikhina)». («Живите в мире,оставайтесь с Господом Богом!» Памяти схимонахини Феодосии (Косоротихиной)). Voici l’introduction de Madame Orlova.(…) Nous nous souvenons de Matouchka Théodosia, la staritsa qui décéda le 15 mai 2014. Matouchka priait sans relâche, clairvoyante, elle jouissait de nombreux dons spirituels. Physiquement, elle était non seulement invalide, mais immobile. Elle demeura allongée, paralysée, presque soixante ans, dont quasiment vingt dans une sorte de coma. Mais en esprit, Matouchka demeurait vive, elle était toujours avec Dieu. Elle resta toujours une travailleuse. Maintenant, elle travaille dans le champ spirituel ; elle console, encourage et aide par ses conseils et ses prières une foule de gens toujours grandissante.

«Vivre avec Dieu»
Matouchka accueillait tout le monde. «Matouchka, il y a là tout une bande de tziganes. On les empêche d’entrer?». Les enfants spirituels de Matouchka voulaient préserver la tranquillité de la staritsa. «Comment-ça, empêcher les tziganes d’entrer!?» répliqua Matouchka. Il s’avèrent qu’ils étaient venus lui présenter un couple de jeunes pour qu’elle les bénisse avant leur mariage. Dans leurs familles, les anciennes générations décidaient entre elles qui parmi les jeunes doit se marier avec qui, et ensuite, ils allaient chez Matouchka : qu’allait-elle dire? Allait-elle bénir? Il n’y avait alors quasiment pas de discussion.
Un jour, une voyante essaya de se faufiler dans la cellule de Matouchka. Les gens l’empoignèrent par les coudes et la portèrent dehors : «Tu n’as rien à faire ici!». Elle parvint toutefois à s’échapper et à ramper sur le sol jusqu’au lit de Matouchka, qui la regarda d’un air attendri et la plaignit : «Petite sorciérette! Comme je t’aime…». La femme éclata en pleurs et là, dans la cellule de Matouchka, elle déchira son «diplôme» de voyante extralucide.
Même les bandits, Matouchka ne les rejetait pas, s’étonnait le maire de Skopine, Ivan Mikhaïlovitch Eganov. Elle leur manifestait aussi ses bienfaits, trouvait pour quoi intercéder en leur faveur. alors, on voyait leur coeur s’attendrir, la grâce les avait touchés. Ils sortaient de chez elle le visage rougi par les larmes.
Il arrivait que les héritiers se querellent au sujet de l’héritage, ne pouvant se supporter les uns les autres. Dans une situation semblable, le frère aîné demanda pardon à ses parents, à genoux en larmes dans la cellule de Matouchka Théodosia. Plus tard, des racketteurs tirèrent sur toute sa famille devant ses yeux; c’était dans les années 1990. Que serait-il arrivé si les membres de la famille, ensanglantés, étaient définitivement séparés de la sorte, dans un état d’âme mutuellement hostile? Mais il fit un vœu à Dieu : s’ils demeuraient en vie, il se retirerait dans un monastère. Le Seigneur les épargna à cause de ce repentir.
«L’ennemi se réjouit quand vous vous querellez», disait Matouchka. Quand elle raisonnait les fidèles, elle se réjouissait : «Soyez en paix et je suis avec vous». De façon générale, elle essayait toujours d’attirer à sa table, d’offrir le thé, de la nourriture, afin que nul ne parte «maigre et inconsolé», et elle pardonnait à tous toutes les offenses.
Elle parlait de la beauté du paradis, de ce qu’ici, en fait, tout n’a guère d’importance, tout est éphémère. Quelqu’un vit que Matouchka vivait dans une vieille petite maison et proposa de lui en construire une normale. «C’est là-bas que j’ai ma maison», répliqua-t-elle.
«Faites tout selon Dieu. Le coupable doit compenser quadruplement», répétait-elle. «La Justice, c’est celle du Seigneur Dieu. Nulle part ailleurs vous ne la trouverez. Priez. La Justice parlera. Vivez avec Dieu». Ses instructions étaient simples. Ici, dans cette minuscule maison à la limite du village d’Octobre, dans la région de Skopine, les députés de la Douma, les gouverneurs, les puissants de ce monde et le simple peuple étaient des habitués.
Mère Spirituelle
Matouchka se réjouissait quand des prêtres venaient lui rendre visite. Ne connaissant pas vraiment sa date de naissance, son anniversaire fut fêté pendant toute sa vie le quatre novembre, jour de la fête de l’icône de la Très Sainte Mère de Dieu de Kazan. Parfois, lors des fêtes de la Très Sainte Mère de Dieu, elle ne recevait personne. C’était en de tels jours que venaient les prêtres, jusqu’à vingt à la fois. Ils célébraient des molebens et lisaient les acathistes. Matouchka Théodosia aimait beaucoup l’Archevêque Cyrille (Nakonetchnyi)de Iaroslavl et Rostov, aujourd’hui Métropolite d’Ekaterinbourg et Verkhotour. Elle l’appelait «fiston». Et on sait que ce surnom fut largement entendu lors des funérailles de la juste moniale du grand schème Théodosia. Avec toute la révérence qu’elle éprouvait envers les hiéromoines et prêtres mariés, elle était une authentique mère spirituelle. Le fait qu’elle fut tonsurée directement au grand schème fut un signe de l’Église, autorisé par les dons de l’Esprit Saint que l’héroïne de l’ascèse fut digne de manifester : la prière, la consolation spirituelle, les guérisons, la clairvoyance et la prophétie. Avec la bénédiction du Métropolite Simon (Novikov) de Riazan et Kasimov, la tonsure fut célébrée en 1997 par un autre héros de l’ascèse, de haute vie spirituelle, un athonite, l’Archimandrite Abel (Makedonov), Supérieur du Monastère Saint Jean le Théologien à Pochoupovo, dans la région de Riazan.

L’Archimandrite Naum (Baiborodine)

Quelques années auparavant, Matouchka Théodosia avait reçu la visite de l’Archimandrite Naum (Baïborodine), de la Laure de la Trinité-Saint Serge, qui lui avait prédit sa tonsure (tout comme à une des filles spirituelles de Matouchka, Agathe, qui devint la moniale Pélagie). Le Père Naum rendit seulement deux fois visite à Matouchka, mais en prière, leurs esprits étaient de façon mystérieuse en communion. Matouchka pouvait lui envoyer ses propres enfants spirituels si c’était nécessaire (par exemple pour recevoir des conseils au sujet du séminaire), et elle leur disait : «Ne vous en faites pas, il ne reçoit personne, mais vous, il vous recevra». Et de fait, l’un d’eux, un jeune homme, rencontra «par hasard» le Starets dans l’escalier et put s’entretenir avec lui. (A suivre)
Bienheureuse Matouchka Théodosia, prie Dieu pour nous!
Traduit du russe
Source

La Bienheureuse Staritsa Théodosia : Vivez en paix, restez avec le Seigneur Dieu ! (2)

L’original russe de ce long texte a été préparé par Madame Olga Orlova et publié le 15 mai 2017 sur le site Pravoslavie.ru, sous le titre «Vivez en paix, restez avec le Seigneur Dieu! Souvenirs de la Moniale du grand schème Théodosia (Kossorotikhina)». («Живите в мире,оставайтесь с Господом Богом!» Памяти схимонахини Феодосии (Косоротихиной)). Voici l’introduction de Madame Orlova.(…) Nous nous souvenons de Matouchka Théodosia, la staritsa qui décéda le 15 mai 2014. Matouchka priait sans relâche, clairvoyante, elle jouissait de nombreux dons spirituels. Physiquement, elle était non seulement invalide, mais immobile. Elle demeura allongée, paralysée, presque soixante ans, dont quasiment vingt dans une sorte de coma. Mais en esprit, Matouchka demeurait vive, elle était toujours avec Dieu. Elle resta toujours une travailleuse. Maintenant, elle travaille dans le champ spirituel ; elle console, encourage et aide par ses conseils et ses prières une foule de gens toujours grandissante.

Matouchka s’étonnait : «Pourquoi les gens n’aspirent-ils pas à Dieu aujourd’hui ? Les églises sont ouvertes, les bus roulent, presque tout le monde a une voiture…» Cette situation ressemble à celle qui prévalait voici environ un siècle, avant la révolution de 1917, que les chercheurs appellent aujourd’hui la «révolution des rassasiés». Et Matouchka ne donnait pas sa bénédiction pour détruire les anciens poêles et les remplacer par les installations au gaz. «Mes petits enfants bien-aimés, je vous observe, comme vous êtes jeunes, et je vois ce que vous allez devoir vivre…» Parfois, elle soupirait. Mais en aucun cas elle ne voulait faire peur, que du contraire, elle encourageait : «Priez Dieu, et le Seigneur vous donnera la force de tout supporter. Quand vous avez quelque chose, remerciez Dieu. Quand vous n’avez rien, remerciez Dieu aussi! Aujourd’hui tout est en abondance, il faut se réjouir. Quand viendra le manque, il faudra rendre gloire au Seigneur». Elle donnait sa bénédiction pour qu’on conserver au moins quelques réserves et provisions à la maison. Elle disait : «Tout peut arriver en une minute. Vous ne vous y attendrez pas et cela arrivera. Attention, je ne vous exhorte pas à être avides,mais a sentir ce qu’il vous faut pour l’avenir. Maintenant, tout est en abondance. Prenez une part de votre abondance et offrez-la au monastère ou à une famille nombreuse. Pour ces dons charitables, le Seigneur prolongera vos bonnes années».
«Son visage est si vivant»
Natalia avait dix-huit ans quand la guerre commença. Eux, les jeunes, étaient envoyés au front pour creuser les tranchées. «Où nous envoient-ils? Où vont-ils nous emmener? Où allons-nous vivre? Qu’allons-nous manger? On n’en savait rien, on ne voyait que le travail». Après la guerre, de nouveau le travail et encore le travail. Elle travailla avec les prisonniers de guerre, à la mine, ensuite, dans une brigade de construction… A cette époque, beaucoup de gens devenaient estropiés ou invalides au travail. Toute l’année on les transportait dans les bennes ouvertes des camions à benne basculante. C’est ainsi que Natalia eut son premier accident, avec sa jeune sœur Olga, au début des années 1950. Le camion qui les transportait bascula. Les blessures étaient importantes, on voulu même déclarer les sœurs invalides, mais elles refusèrent : «Comment ça ne plus rien faire? Les jeunes ça doit travailler!». Ces circonstances voulues par la Divine Providence révèlent au monde celle qui allait intercéder sans cesse lorsqu’il ne lui resterait plus d’autre possibilité que de se consacrer entièrement au soin d’autrui. Les soeurs avaient faim. Elles voulurent trouver un fiancé à Natalia. A cette époque, peu d’hommes étaient revenus de la guerre. Natalia faisait une fiancée de premier plan. «Seigneur, ne permets pas que je sois fiancée», pria-t-elle l’Époux auquel elle aspirait, en revenant de la communion lors de la fête de la Dormition en 1953. «Ce fut le dernier office auquel j’allai assister sur mes deux jambes», se souvint Matouchka par la suite. C’était le jour même où les fiançailles étaient prévues pour la soirée, et le jour où survint le second accident. Lorsqu’on déchargea les briques, la ridelle du camion bascula sur ceux qui travaillaient. Un homme fut tué sur le coup, laissant quatre orphelins, qui jusqu’à nos jours vinrent fréquemment prendre conseil chez Matouchka. Natalia fut emmenée à la morgue, où une infirmière dit : «Son visage est si vivant…». On plaça un miroir devant sa bouche et il se couvrit de buée. Ils refusèrent longtemps de rendre Matouchka à sa famille, prétextant qu’elle ne disposait pas des moyens nécessaires pour faire face aux soins d’une telle malade. Ils voulurent l’envoyer, comme ils faisaient d’habitude dans ces cas, à Moscou.
Alors, le mari d’Olga la soeur cadette, qu’il venait juste d’épouser, rédigea une déclaration signifiant qu’il prenait sa parente dans le coma sous sa responsabilité. Seulement, il était militaire, et on venait de l’envoyer dans un lointain cantonnement. C’est dès lors Olga qui se consacra aux soins de sa soeur alitée. Le mari, elle ne le virent plus jamais.
Qu’est-ce qui se passa dans l’âme de Natalia pendant toutes ces années, seuls le Seigneur et Sa Très Sainte Mère le savent. «Le Sauveur est avec nous, la Mère de Dieu est avec nous», répétait souvent Matouchka Théodosia. Et elle ajoutait : «Priez le Seigneur et aimez Mamouchka (ainsi appelait-elle la Très Sainte Mère de Dieu)».
«On m’a instruite là-bas.»
Matouchka reprit conscience lors de la clôture de Pâques 1973, bien qu’auparavant, en fait, son âme manifestait mystérieusement sa présence dans son corps endormi. Lors des funérailles de Thècle, la soeur aînée, Natalia dit soudain «Mam-ma». La soeur aînée avait été une mère pour eux-tous. Leur frère Tikhon vint demander pardon à Natalia, et ensuite il mourut. Quand on emmena le corps dans son cercueil, des larmes coulèrent sur les joues de Matouchka. Plus tard, il lui arriva de dire sans raison apparente à un parent: «Petia, transmets mes métanies à mes parents». Et bientôt, ce même parent décédait prématurément… Matouchka connaissait les dates de départ de chacun d’entre nous. Mais elle n’en parlait pas à tout le monde. On dit quelque chose à quelqu’un, mais on ne sait pas comment il va réagir, explique l’Archiprêtre Oleg Vorobiov, responsable du Doyenné des Danilov à Moscou : je me souviens qu’un jour j’étais à Jérusalem et Matouchka m’a téléphoné : «Dis à untel qu’il célèbre et communie chaque jour». Littéralement le lendemain, je rencontrai ce prêtre , qui avait vu Matouchka une fois, en tout et pour tout. «Matouchka m’a demandé de te dire… » «Pourquoi donc?» «Pourquoi, Eh bien ?!??»… Exactement un an, jour pour jour, après que Matouchka m’ait téléphoné, ce prêtre décéda. Elle le lui révéla car il construisait une église dédicacée au Saint Archange Gabriel, messager de la vie, et de la mort. Et je me souviens aussi que décéda l’Archiprêtre Mikhaïl Khaliouta, doyen à Alouchta. Il n’était jamais allé voir Matouchka, mais un jour que j’étais chez elle, je lui racontai qu’il était mort. Matouchka sembla perdre conscience, comme elle en avait l’habitude, et puis, revint à elle. «Tu sais, là-bas, il a rencontré la Sainte Megalomartyre Barbara». Je fus ébahi. Je téléphonai à son fils Serguei, aujourd’hui doyen à Sébastopol. Je lui répétai mot pour mot ce que Matouchka avait dit… Et il répondit : «Père avait une grande icône du XVIIe siècle représentant la Sainte Mégalomartyre Barbara. Toute sa vie, il l’emmena dans les paroisses, où on faisait des molebens et des acathistes devant elle. Et avant sa mort, il l’a placée pendant deux ans dans l’autel de sa dernière église à Alouchta, l’église de tous les Saints de Crimée et de Saint Théodore Stratilate, et y a lu l’acathiste chaque semaine jusqu’à sa mort».

Matouchka voyait le monde invisible de même que le monde visible, physique, même quand ses yeux étaient encore fermés quand elle est sortie du coma. Par la suite, clouée au lit, elle voyait des choses qui se produisaient loin dans le temps et dans l’espace. «Natacha, tes yeux, quand vont-ils s’ouvrir?», demanda une parente quand Natalia s’éveilla. «A l’Ascension», répondit-elle. Et effectivement, ils s’ouvrirent au cours de cette année, lors de cette fête. Parmi les premières paroles de Natalia, on se souvient de ceci : «Pourquoi m’avez-vous donné à manger? La Très Sainte Mère de Dieu Elle-même me nourrissait». Et par la suite encore, certains jour, sa jeune soeur Olga lui apportait un repas, mais c’était comme si elle n’en avait pas besoin. «Mais avant, quand tu étais inconsciente, tu mangeais?…». Et puis elle se souvenait que sa soeur avait une sorte de parenté céleste. Certains entendaient Natalia prononcer des prières qu’elle n’avait pu connaître en sa jeunesse… «Comment les connais-tu?» «On m’a instruite là-bas». Qui avait enseigné quoi? Devant elle se trouvait un labeur colossal de quarante années de prières. La croix de staritsa qui doit nourrir les fidèles.. (A suivre)

Bienheureuse Matouchka Théodosia, prie Dieu pour nous!
Traduit du russe
Source

La Bienheureuse Staritsa Théodosia : Vivez en paix, restez avec le Seigneur Dieu ! (1)

L’original russe de ce long texte a été préparé par Madame Olga Orlova et publié le 15 mai 2017 sur le site Pravoslavie.ru, sous le titre «Vivez en paix, restez avec le Seigneur Dieu! Souvenirs de la Moniale du grand schème Théodosia (Kossorotikhina)». («Живите в мире,оставайтесь с Господом Богом!» Памяти схимонахини Феодосии (Косоротихиной)). Voici l’introduction de Madame Orlova.(…) Nous nous souvenons de Matouchka Théodosia, la staritsa qui décéda le 15 mai 2014. Matouchka priait sans relâche, clairvoyante, elle jouissait de nombreux dons spirituels. Physiquement, elle était non seulement invalide, mais immobile. Elle demeura allongée, paralysée, presque soixante ans, dont quasiment vingt dans une sorte de coma. Mais en esprit, Matouchka demeurait vive, elle était toujours avec Dieu. Elle resta toujours une travailleuse. Maintenant, elle travaille dans le champ spirituel ; elle console, encourage et aide par ses conseils et ses prières une foule de gens toujours grandissante.

«Le bébé grandira!»
1923. Le pays était sur le Golgotha. Dans le petit village de Vélémia, dans la région de Riazan, naquit une fillette qu’on appela Nataliouchka. Dans la famille de Nicéphore et Euphrosine Kossopotikhine, il y avait déjà trois enfants : les soeurs aînées, Thècle et Ania (que tout le monde appelait Onia), et leur frère Tikhon. Après Natalia vint au monde la soeur cadette, Olienka. D’autres enfants naquirent, mais ils moururent en bas-âge. Matouchka Théodosia (ainsi fut nommée Natalia lors de sa tonsure monastique), disait de ces derniers : «Ce sont des anges!. Ils sauveront toute la lignée par leurs prières. Mais surtout, il ne faut pas les tuer». Matouchka pleurait abondamment quand elle apprenait qu’un avortement avait été pratiqué. Une habitante du village se souvient que Matouchka l’avait accueillie en disant : «Mais pourquoi t’es-tu laissée aller à un tel malheur?». Cet avortement avait occasionné des complications ; une infection du sang qui provoquait un décollement de la peau des jambes, comme des bas. Matouchka pria et la villageoise promit de ne plus recourir à cette pratique. Le gynécologue commenta : «Vous n’accoucherez plus!». Mais deux mois plus tard, raconta cette femme, j’étais de nouveau enceinte. Son mari buvait. Matouchka disait des «petits ivrognes», comme elle les appelait, que «La Très Sainte Mère de Dieu S’est détournée d’eux. Elle ne veut plus les regarder». Le fils aîné de cette femme allait déjà à l’école, mais elle lui donnai toujours le bain et le portait dans ses bras. Un jour, elle alla, accompagnée de sa mère, auprès de Matouchka. Celle-ci la regarda d’un air très attristé… D’habitude elle l’accueillait par un gentil surnom, mais cette fois elle utilisa son patronyme et dit : «Mais à quoi penses-tu? Tu n’arriveras à rien de bon». La mère, assise à côté de la femme, pria Matouchka pour celle-ci, qui était pétrifiée, et l’interrogea, apprenant alors que sa fille était à nouveau enceinte. Quand elle sortirent, la femme garda le silence, mais la mère s’écria en pleurant : «Seigneur! Mais pourquoi ne dis-tu rien à ta propre mère ?! Qu’as-tu encore manigancé?» La femme raconta tout à sa mère, qui lui répondit «Mon Dieu! Mais pendant la guerre, on élevait jusqu’à huit enfants. Ton bébé, tu vas l’élever!». Bien plus tard, nous nous trouvions dans la maisonnette de Matouchka, décédée déjà depuis longtemps, et cette femme héla son fils : «Kolienka, viens donc!». Approcha un fringant et beau jeune homme, qui sourit. Il s’avère qu’il amenait ici en voiture des gens âgés, les aidait pour la visite et les ramenait chez eux. Sa maman déclara : «Je suis comme Matouchka m’a bénie. J’ai cessé d’aller à l’hôpital pour des analyses. Je suis juste venue ici et Matouchka m’a dit : «Ne pleure pas! Tout ira bien» Je travaillais dans la production de produits nocifs. Et au sujet de mon prochain accouchement, elle dit : «Tout le monde trouvera ce petit merveilleux».
Cette génération qui suivit la révolution, la génération de la guerre, vit tellement de morts qu’elle savait apprécier la vie. Le pays dégrisé des rouges par le sang des néomartyrs et des héros-défenseurs de la Patrie, même en ces années effroyables, resplendissait d’une splendeur pascale, qui est restée dans la mémoire de ceux qui demeurèrent fidèles au Christ.
«Le Seigneur aime le labeur.»
En, 1937, année que l’on désigne comme la plus sanglante dans l’histoire de notre pays, la maman Kossorotikhine décéda, non pas victime de répressions, de «dékoulakisation», ni de déportation, mais d’épuisement sous la charge inhumaine de travail, en la Terre bénie de Riazan. Elle mourut dans les bras de Natalia. Ils étaient nombreux à cette époque à pratiquer des travaux physiques : dans les kolkhozes, dans la construction, les travaux d’intérêt publics. A ce sujet, Matouchka Théodosia n’émit jamais le moindre murmure, la moindre insatisfaction : «Il faut travailler. Comment ne pas travailler?». Elle ne se fatiguait jamais de répéter : «Le Seigneur aime le travail. Il a dit «Vous, travaillez comme de bons serviteurs, et Moi, Je vous aiderai». Il fallait partir tôt aux champs dès que la terre avait séché, car il fallait semer. Toute cette désolation est due à notre négligence. Notre terre nourricière est délaissée, c’est pourquoi les âmes sont envahies par les mauvaises herbes. Il faudra répondre de tout cela devant le Dieu». Les parents qui affluaient vers elle avec des questions concernant leurs enfants s’affligeaient : «C’est vrai, nous n’avons pas la crainte de Dieu. Que demander aux enfants?» Avant, au milieu des durs labeurs, on élevait les enfants des familles nombreuses, dans l’esprit d’entraide. Dès l’aurore, on était dans les potagers, printemps comme été. Et il y avait encore l’une ou l’autre tête de petit bétail à nourrir, et la volaille. Et tout cela était grevé à l’époque, d’un impôt exorbitant. Comme aujourd’hui d’ailleurs, tous les hommes d’alors devaient aller travailler, et c’était le cas du papa Nicéphore Kossorotikhine, si bien que les labeurs de la maison et de l’agriculture reposaient sur les épaules de la maman. Bien entendu, les enfants aidaient ; ils avaient grandi dans la compassion, pas dans l’égoïsme. Il n’y avait pas de chauffage central en ces temps anciens, et après une éreintante journée de travail, il fallait encore s’enfoncer dans la forêt pour ramener du bois sec. Et puiser des seaux d’eau et les rentrer à la maison. Sans même rappeler qu’il fallait préparer la nourriture, laver la vaisselle, nettoyer, faire la lessive, recoudre les vêtements, ravauder, réparer. Sachant tout le labeur que cela requérait, les enfants vivaient de façon parcimonieuse, évitant toute dépense, toute avidité. Toujours, ils avaient un peu faim. Le pain était précieux. Matouchka l’appelait toujours un «don de Dieu». Elle disait qu’il fallait en chérir chaque croûton, ne pas le gaspiller. Souvenez-vous comment le Seigneur bénit les apôtres pour qu’ils récoltent les restes de pain, jusqu’à la dernière miette, par corbeilles entières (J.6;12). Les enfants grandirent dans la gratitude, c’est pourquoi chez eux, la vivacité de l’âme était joyeuse. «Avant, on vivait joyeusement! On avait froid, on avait faim, mais on partait travailler en chantant, se souvenait Matouchka. On se vêtait avec ce qu’il y avait. Personne n’avait de chaussures. Plus tard, apparurent les galoches. Là-dedans, les pieds gelaient pendant le travail. En tous lieu, on battait le sol en passant d’un pied à l’autre ; il faisait froid. Aujourd’hui, il y a de tout. Tout le monde est rassasié, habillé, chaussé. Comment donc être désespéré? L’âme doit être dans la joie! Tes pieds et tes mains sont entiers? De quoi d’autre as-tu besoin? Tu peux récolter des plantes sauvages!», s’étonnait-elle de ses contemporains prédisposés à la dépression. Elle-même se rappelait de son enfance, quand ils allaient à la cueillette des champignons et des baies. Et surtout, quand ils allaient communier à l’église.
«Rendez-grâce à Dieu!»
Ils étaient guettés et humiliés quand ils approchaient l’église locale, alors, ils allaient à pieds à l’église Saint Nicolas de la ville de Skopine, marchant entre deux et trois heures pour y aller à l’office. Ils communiaient, et puis prenaient le chemin du retour. Et le long de ce chemin, il y avait tellement de sainte sources où on priait. De nos jours, Matouchka donnait encore sa bénédiction pour qu’on aille nettoyer les anciennes saintes sources qu’elle connaissait depuis sa jeunesse. «Le Seigneur donne tout selon la prière», disait la Staritsa. (A suivre)

Bienheureuse Matouchka Théodosia, prie Dieu pour nous!
Traduit du russe
Source

La Bienheureuse Staritsa Matouchka Théodosia (Skopinskaïa) . Résumé de sa vie (2)

Le texte ci-dessous est la deuxième partie de la traduction d’un original russe publié sur un site russe consacré à une staritsa contemporaine très attachante, émouvante et pourtant peu ou pas connue en Occident, mais largement vénérée en Russie, Matouchka Théodosia. La traduction du résumé de sa vie est proposée en deux parties. Ensuite, plusieurs textes viendront compléter le portrait de cette merveilleuse représentante de la maternité spirituelle en Russie.

«Si je meurs alors que je continue a accueillir des gens, c’est bon. C’est pour cela que je vis, et tant que je vivrai, j’accepterai de les recevoir». Et la pression continua à augmenter, avec parfois trois cents visiteurs par jour, mais elle continua à les accueillir, en disant : «Non! Je dois les accueillir tous!Je dois servir Dieu!».
L’amour qui émanait de Matouchka Théodosia était tellement vaste et puissant qu’il arrivait que les gens entrent dans la cellule et se mettent à pleurer. Quand ils en sortaient, tout était arrangé. Sans une parole. Et aujourd’hui encore, cela continue à se produire dans la chapelle où elle est inhumée. Cet amour était ressenti de façon tellement claire qu’on ne savait plus si on se trouvait sur terre ou au ciel.
Allongée pendant plus de quarante ans, elle endura tout, et accueillit humblement ceux qui venaient à elle, priant de manière ininterrompue dans le village d’Octobre de l’agglomération urbaine de Skopine, Oblast de Riazan.
Il y eut certains cas lors desquels les visiteurs virent la Très Sainte Mère de Dieu entrer dans la cellule de Matouchka alors que les portes étaient fermées.Plus tard, ces cas furent confirmés par Matouchka.
Se conseils étaient tout simples, exprimées dans un langage rural. Elle disait : mieux vaut chanter que désespérer! Et elle composait même des vers et des chansons. On regrette que le cahier dans lequel les enfants spirituels de Matouchka les consignèrent n’ait pas été retrouvé. Elle disait à ceux qui ne voulaient pas l’écouter : «Comme vous savez! Comme tu veux».
A tout le monde, elle donnait des chocolats en guise de bénédiction. Ses enfants spirituels amenaient les chocolats et les visiteurs les recevaient comme bénédictions et consolations de la part de Matouchka. Elle offrait également du thé et de la nourriture. C’est la raison pour laquelle, à côté de la chapelle est installée une table à laquelle, lors des jours de commémoration, on sert vraiment toutes les variétés de tartes couvertes, accompagnées de thé, de confiture et de confiseries.
Matouchka demandait toujours que l’on soit en paix avec tout le monde. C’était son commandement principal à ses enfants spirituels, de même, bien sûr, que la confession fréquente, la communion et la participation aux offices de l’Église. Elle ne comprenait pas comment il était possible de ne pas aller à l’église le dimanche. Les bus roulent, beaucoup de gens ont une voiture, alors, pourquoi on ne va pas à l’église, c’était incompréhensible.
«Bien sûr, je finirai par mourir, je ne serai pas éternellement ici avec vous. Mais ne vous affligez pas, là-bas, je prierai pour vous!». Un jour, Zénaïde Jdanov, qui fréquentait Sainte Matrone de Moscou, vint rendre visite à Matouchka. Tout le monde lui disait : «Vous en avez de la chance, de voir souvent Matronouchka!». Mais Zénaïde répondait : «Et vous en avez de la chance d’avoir près de vous Matouchka Théodosia! C’est une deuxième Matrone!»
Un jour, Matouchka Théodosia dit : «Patientez, endurez ! Moi, je suis carrément brûlée par le feu! Mais je supporterai cela! Une tentation? Endurez-la de toutes vos forces! Ne vous en émouvez pas! Ne murmurez pas, mais dites : Seigneur, donne-moi la force !. Vous voyez, je suis allongée depuis tant d’années! Apprenez à endurer un peu!»
«Comme Elle pleure, la Très Sainte Mère de Dieu! Et moi, je pleure avec Elle! Elle est venue, et Elle m’a dit que les femmes ne devraient jamais se montrer en pantalons. Ceux-ci sont un outrage à la femme!
Comme elle est pure, la Terre de Riazan, comme elle est bonne. Tant de saints y sont nés!
Serrez-vous les coudes dans les temps difficiles! Tous ensemble! Soyez en paix! Et souvenez-vous : vous devrez venir sur ma tombe et m’adresser vos demandes. Je vous aiderai toujours. Je n’abandonnerai aucun d’entre vous. Je n’abandonnerai personne. Souvenez-vous de cela! Celui qui, après ma mort, se souviendra de moi et m’appellera, je lui viendrai en aide.»
Jusqu’à sa fin, Matouchka Théodosia demeura allongée, immobile. Elle décéda le 15 mai 2014. La veille encore, elle avait accueilli des visiteurs. Le matin de ce dernier jour, elle reçut la Sainte Communion. Et ensuite, elle s’en alla vers le Seigneur. Toute la Russie participa à ses funérailles. On vint aussi de l’étranger, de tous les coins de la terre, gens du peuples, prêtres, métropolites, évêques, errants, moines du grand schème, fols-en-Christ, startsy, tous vinrent prendre congé de Matouchka. Un tel afflux de gens n’avait encore jamais été vu dans la petite ville provinciale de Skopine. Les gens marchaient en une foule de neuf kilomètres de long, derrière la voiture qui emmenait le cercueil contenant le corps de Matouchka Théodosia. Quand on sortit Matouchka de l’église, on chanta «Le Christ est ressuscité!». On souleva le voile du schème de Matouchka, et sur son visage, tous virent un sourire. La tombe de Matouchka devint le site d’un pèlerinage continuel. A l’initiative de ceux qui la vénèrent, à côté du cimetière du village, on acheta un lopin de terre et pour y ériger une église dédicacée à l’icône de la Très sainte Mère de Dieu de Kazan. La construction de l’édifice est en cours. Quand Matouchka dit qu’il fallait l’inhumer à Velemié, personne ne compris. Le cimetière était pratiquement à l’abandon. Sa soeur Olga dit : «Mais Matouchka, personne ne viendra nous voir là-bas!». Mais Matouchka répondit : «Il en viendra! Encore et encore!». Et effectivement, après les funérailles de Matouchka, il suffit d’une année pour que le cimetière prenne une toute autre allure. Beaucoup de gens avaient recommencer à y honorer leurs parents défunts. Aujourd’hui, il est impossible de savoir à quoi le cimetière ressemblait auparavant. En 2019, les autorités ont même fait construire une route asphaltée de Skopine à Velemié. La prédiction de Matouchka s’accomplit complètement.
«Je mourrai quand le jardin fleurira. Vous commencerez à fêter Pâques dans la joie et vous terminerez dans les larmes. Ma joie, ne pleurez pas, tout se passera bien! Le Seigneur aime ceux qui endurent patiemment. Venez me voir. Je viendrai comme un petit oiseau. Vous verrez un petit oiseau et vous saurez que c’est moi ! Vous me raconterez tout et je vous aiderai. Maintenant, je n’ai plus mal! Si vous saviez comme mon âme aspire à s’unir avec le Seigneur! Et le Seigneur m’écoute! Là où est la paix, là se trouve la grâce de Dieu. Je suis désolée pour les gens, ils sont comme des chatons aveugles, ne sachant où ramper. Mais il faut aller selon la vie! Vous ne pouvez pas baisser les bras, vous devez essayer! Pourquoi être découragé!? Il faut vivre! Auparavant, il faisait froid, on avait faim, mais nous vivions gaiement, avec des chansons, même s’il n’y avait pas de chaussures. L’essentiel est de n’offenser personne! Mes petits enfants, n’offensez personne! Il faut être patient! Restez avec le Seigneur! Avec Dieu!»
Matouchka alla en esprit dans de nombreux endroits et on pourrait en parler longtemps, de même que d’autres choses très inhabituelles, qui furent confirmées par Matouchka Théodosia, et de la grandeur de son podvig. Elle recevait des gens la nuit, priait le jour et ne dormait pratiquement pas, demeurant immobile pendant 57 ans. Elle vécut 92 ans. Dans toute la Russie, au Mont Athos, dans la CEI et dans de nombreux autres pays, on la connaissait. Elle avait un lien spirituel avec l’Archimandrite Pavel Grouzdev, avec le Starets Kirill Pavlov et bien d’autres.
Et le témoignage de sa sainteté, ce furent et ce sont les files interminables et le flux sans fin des pèlerins, qui coule non en un ruisseau, mais en un fleuve vers le lieu de son repos. Après tout, ce n’est pas pour rien qu’on dit: on ne va pas chercher de l’eau dans un puits vide!
Bienheureuse Matouchka Théodosia, prie Dieu pour nous!
Traduit du russe
Source

La Bienheureuse Staritsa Matouchka Théodosia (Skopinskaïa) . Résumé de sa vie (1)

Le texte ci-dessous est la traduction d’un original russe publié sur un site russe consacré à une staritsa contemporaine très attachante, émouvante et pourtant peu ou pas connue en Occident, mais largement vénérée en Russie, Matouchka Théodosia, que certains appelaient «la deuxième Matrone». La traduction du résumé de sa vie est proposée en deux parties. Ensuite, plusieurs textes viendront compléter le portrait de cette merveilleuse représentante de la maternité spirituelle en Russie.

Matouchka Théodosia naquit en 1922. Elle considérait le quatre novembre comme jour anniversaire de sa naissance, au village de Velemia, dans le Raïon de Skopinska, Oblast de Riazan. Elle fut nommée Natalia, c’était une jeune fille simple, plutôt humble et bonne. Sa famille était pauvre. Tous travaillaient au village. Un accident de travail survint et Natalia tomba malade. Ensuite, lors d’un autre accident, l’arrière d’un camion la heurta, directement à la tête. Elle avait trente trois ans. Le diagnostique des médecins fut : commotion cérébrale. Avant tous ces événements, plus tôt, Natalia avait fait un songe dans lequel une femme venait vers elle en disant «Ne te marie pas, tu seras entourée de fleurs!». Lors de l’accident, Natalia fut hospitalisée. Ses sœurs pleuraient. Un jour un vieillard vint à elles, plus tard, il s’avéra que c’était Saint Nicolas le Thaumaturge, et leur dit: «Ne pleurez pas! Beaucoup de gens viendront chez vous. Vous ne serez pas seules».
Le mal de tête de Natalia était terrible ; elle pleurait et criait de douleur. Elle fut emmenée à Riazan où on la reconnut comme invalide. Plus tard, alors que Natalia avait perdu conscience, on la plaça dans une clinique neuro-psychologique. Natalia réclama avec insistance qu’on la sortît de là car on lui administrait des injections qui rendaient son état plus insupportable encore. Alors, sa soeur Olga la prit chez elle. La maladie causée par le traumatisme crânien se développa et fut qualifiée d’encéphalopathie traumatique avec changement de personnalité. L’invalidité reconnue fut élevée au degré le plus haut. Soudain, Matouchka s’endormit, non pour un jour, ni encore pour deux, mais pendant quasiment quatorze ans.
Après l’accident, Matouchka Théodosia se réveilla à Pâques 1971, le 18 avril. À l’Ascension, le 27 mai, elle ouvrit les yeux. Il fallut longtemps pour s’habituer à son nouvel état. Ses yeux ne s’ouvraient pas. Le premier mot qu’elle prononça fut «maman». Son sommeil s’était poursuivi depuis l’automne 1957, soit environ 13 ans et 5 mois. Quand elle s’est réveillée, elle avait quarante-huit ans. Pendant que Matouchka Théodosia dormit, elle ne vieillit pas. À la surprise de beaucoup, Matouchka sembla soudainement connaître tout l’Évangile, les psaumes, les prières, les acathistes, alors qu’elle était complètement analphabète.
Matouchka a dit plus tard: «Quand mes yeux se sont ouverts, ils étaient tout remplis de sang. On y mit des gouttes. Mes yeux ont commencé à briller et j’ai finalement vu la lumière. Et puis j’ai commencé à voir». Pendant qu’elle dormait, on la nourrissait de la tétine et à la cuillère. Si elle était rassasiée ou pas, on n’en savait rien. Quand elle se réveilla, elle dit: «J’étais rassasiée, la Mère de Dieu m’a nourrie. Ne vous inquiétez pas pour moi, ma joie! Et j’ai tout entendu pendant que je dormais, et les mouches m’ont mordu! Mais dans cet autre monde, ils lisent, ils chantent, et je répétait après eux. C’est là que j’ai appris! Je dois servir Dieu!» Le plus souvent, Matouchka parlait en paraboles et dévoilait tout de façon particulière.
A propos de la façon dont Matouchka dormit et où elle était pendant ce temps-là, elle ne l’a pas dit, mais elle a dit un jour: «Par exemple, l’une d’entre elles a dormi, a dormi… elle a dormi pendant une petite semaine. Elle a été conduite dans l’autre monde, et là, on lui a tout montré. Et non seulement ils ont montré qui d’entre les morts était où, mais même où les vivants vivront maintenant. Et puis ils lui ont dit : «ce que tu as vu, ne le dis à personne!».
Mère Théodosia dit alors: «Le Seigneur a tout préparé pour nous, il y a tout, et le paradis, et l’enfer, et nous répondrons de tout!».
Un jour, Matouchka nous raconta ce qui suit, pour nous affermir. Elle était fatiguée d’être tout le temps en position allongée, cela lui était pénible. Et elle se mit à pleurer : «Seigneur, je suis si fatiguée! Reprends-moi!». Et longtemps, elle pleura… Le toit de la maison s’ouvrit, dit-elle, les cieux s’ouvrirent, et un Ange apparut. L’Ange déposa un livre sur la table, l’ouvrit et dit «Lis!». Elle lut et se calma, la vision se dissipa. C’était le livre de sa vie. Alors, elle se résigna.
On appelait souvent Matouchka «notre petit soleil!». Elle rayonnait la lumière bien qu’elle accomplissait un podvig insupportable pour la majorité des gens, complètement immobile et dépendante de ceux qui s’occupaient d’elle. Pélagie, qui s’occupait de Matouchka, la rudoyait souvent, ne lui donnait pas à manger, ne laissait pas approcher les gens. Avec quelle humilité Matouchka supportait tout cela, ne se plaignant jamais, que du contraire, c’était elle qui plaignait Pélagie! Comment imaginer chose pareille?
Matouchka se révéla particulièrement à une certaine femme : en entrant dans la cellule, celle-ci vit toutes les icônes vivantes, tous les saints bougeaient et Matouchka leur parlait. Matouchka Théodosia dit alors : «Ce que vous avez vu, ne le dites à personne!». Et elle disait aussi: «Depuis longtemps, je suis prête à partir, mais vous ne me lâchez pas, vous priez tous pour moi!»
Pour Matouchka Théodosia, sa propre sœur a renonça à sa vie personnelle et lui sacrifia toute sa vie. L’amour pour ses sœurs infirmes (il y avait en plus la sœur Anna) était supérieur à l’amour pour l’élu qui voulait prendre Olga comme épouse. Ce podvig, Olga le porta jusqu’à la fin de sa vie. Matouchka aimait beaucoup sa sœur, elle disait qu’elle avait survécu grâce à elle. Des médecins de Moscou vinrent la voir; ils voulaient savoir quelle était cette maladie, ils demandèrent de la mettre à la disposition de l’institut pour la recherche, mais Olga répondu sévèrement: «Tant que je serai en vie, je ne donnerai pas Natasha pour l’envoyer où que ce soit!». Quand Olga mourut, Matouchka Théodosia souffrit de son départ. Elle sanglotait si fort que son lit en tremblait.
Matouchka fut également douloureusement éprouvée et pleura amèrement quand sur NTV dans l’émission «Maximum», elle fut déshonorée, comparée à Vanga, une sorcière diseuse de bonne aventure. Ils avaient envoyé des femmes alcooliques de la région dans la cellule de Matouchka, avec une caméra cachée. A la suite de cela, des enfants spirituels de Matouchka adressèrent une lettre au Président de la Fédération de Russie sur ce qui s’était passé et, bientôt cette émission fut interdite. (A suivre)

Bienheureuse Matouchka Théodosia, prie Dieu pour nous!
Traduit du russe
Source

Le Starets Kirill, les justes et le monde contemporain (2)

Le texte ci-dessous est deuxième partie de la traduction d’un original russe publié sous le titre «Sois forte, mère! Tu as vu quelqu’un qui a enduré plus et qui a eu le pouvoir d’aimer! L’Archimandrite Kirill (Pavlov) dans les mémoires de son auxiliaire de cellule, la moniale Euthymia (Axamentov)» («Крепись, мать! Ты видела того, кто терпел поболее и имел силы любить!»). Le texte a été mis en ligne sur le site pravoslavie.ru le 10 mars 2022. Il y est précédé de l’introduction suivante. La moniale Euthymia (Aksamentova) passa plus de deux décennies de sa vie, à commencer par sa jeunesse monastique, aux côtés de l’Archimandrite Kirill (Pavlov). Elle est son disciple, son enfant spirituel. Mais nous avons décidé de parler avec la moniale Euthymia non seulement du Père Kirill, mais aussi des justes et de ce qu’est être juste, de la façon dont c’est possible dans le monde moderne, ce qui nous manque pour au moins en approcher.

Dans mon petit livre de souvenirs du Père Kirill, publié récemment grâce aux éditions de la Métropole de Simbirsk, il y a cette dédicace : «A mes chers amis partis pour l’autre monde…». Cette dédicace est très importante pour moi, car ce sont eux, précisément, mes chers défunts, qui furent les modèles de la vie de juste dans les conditions réelles du monde contemporain. Le chemin parcouru par certains d’entre eux, qui vécurent dans des conditions de vie dramatiques, fut la voie, dirais-je, du martyr non-sanglant sur cette terre. Ce ne fut peut-être pas un chemin irréprochable, sans erreur, mais il fut grand par sa tendance décidée vers la justice d’En-Haut.
Oui, le Père Kirill fut une pépite, un homme rare, et de plus, un starets béni par la grâce… Toutefois, je dois préciser ce qui suit. Je vis maintenant au Monastère de l’Exaltation de la Sainte Croix de Jérusalem dans la périphérie de Moscou. Après la mort du Starets, je craignais un peu de vivre dans une communauté monastique, de plus, de façon générale, dans la vie, on s’habitue à ce qu’il y ait à côté de nous un homme parfait. Et quand il part pour l’éternité, on a peur de la froideur de la solitude… Et donc, je regardai autour de moi et observai que pratiquement toutes mes sœurs actuelles sont des justes et des héroïnes de l’ascèse, chacune à sa mesure!

Moniale Euphémia, auteur du texte

Elles travaillent humblement de l’aube à l’aube, endurant les défauts les unes des autres, essayant de garder la paix et le bien dans l’âme; que faut-il de plus?! Parfois, je les admire toutes et je ne cesse de remercier Dieu pour le fait que j’ai encore le bonheur de voir de belles personnes autour de moi, des gens qui se sacrifient, gentils, sensibles!
Et je remercie mon précieux starets de m’avoir exaucée par ses podvigs et ses souffrances avant sa mort. Voici donc un regard sur le monde qui m’entoure:un regard reconnaissant.
J’entendis un jour des mots amers, de la bouche d’un célèbre hiérarque : «Dès ma jeunesse, j’ai reçu la tonsure monastique pour éviter les compromis moraux inévitables dans le monde, mais dans ma vie ecclésiastique, et en particulier épiscopale, ces compromis se sont révélés beaucoup plus importants que ce qu’ils auraient été dans le monde». De quoi cela dépend-il ? De ce que l’un est prêt à faire des compromis et que l’autre ne l’est pas pas? Est-ce exact que c’est inévitable? Est-ce que cela dépend de l’homme lui-même, ou des circonstances aussi? En termes simples: pourquoi le Père de Kirill a-t-il réussi à éviter les compromis avec la conscience chrétienne, et d’autres, apparemment aussi des gens bons et sincères, n’y parviennent pas?
J’ai connu des moines qui avaient du mal à vivre le fait que notre vie monastique moderne vous met parfois devant un choix qui, par définition, ne devrait pas surgir dans notre environnement… Oui, nous, comme on dit, n’atteignons pas la hauteur du podvig qui nous est destiné. Beaucoup d’entre nous ne voient même pas notre sécularisation et notre hypocrisie, ou celle-ci sont devenues la norme habituelle, ce qui est effrayant… Mais il y a aussi dans les monastères ceux qui souffrent profondément, réalisant à quel point nous sommes loin des idéaux d’une véritable solitude. Et maintenant, ces hommes et ces femmes qui souffrent, peu de gens les connaissent, même au sein de leur communauté. Ce sont les justes de nos jours. Souvent, ils sont étrangers parmi les leurs. Je pense que le Père Kirill ressentait profondément l’imperfection de ce monde et souffrait également intérieurement, et ne fut jamais vraiment satisfait de lui-même. Il n’avait aucune illusion sur la qualité de notre vie monastique. Mais il devait «porter les fardeaux» de tous ceux qui l’entouraient, et dans le rayonnement de sa bienveillance envers tout homme, il croyait en quelque sorte au meilleur, l’âme s’ouvrait à l’espoir que tout n’était pas perdu…
Pour être honnête, je n’en suis qu’à apprendre cette véracité intérieure. Et je me trompe, et je me mens à moi-même, et je suis hypocrite, très souvent. Mais j’ai remarqué une chose: la grande force motrice de la justesse de l’homme, c’est l’amour de Dieu. Seulement l’amour de Dieu! C’est tellement simple de se dire: «C’est fini, à partir de demain, l’intransigeance sera mon deuxième prénom!»… secousse d’air dans le vide. Devenir juste pour se prouver quelque chose est une motivation insignifiante. Et la grandeur du plan c’est de se tenir devant la Face de Dieu. Ensuite de Lui seul viennent et la force et le courage. Le Père Kirill était un homme qui aimait Dieu et l’Évangile… En disant cela, tout est sans doute dit…
Je me souviens de vos paroles au sujet du Père Kirill: «Jamais, même dans les conversations sur des sujets domestiques, il n’y avait un sentiment de glissement superficiel.» Pourriez-vous expliquer ce qui nous rend superficiels? Pourquoi glissons-nous l’un sur l’autre?»
Je pense que c’est parce que nous ne nous intégrons pas complètement à l’autre, à l’interlocuteur, pendant la conversation avec lui. Nous ne donnons pas à l’autre l’attention qu’elle devrait recevoir : à la périphérie de la conscience, nous réfléchissons déjà à ce que nous dirons en réponse, ou en général nous pensons à nos affaires… le Père était extrêmement attentif à chaque moment de sa conversation avec autrui. Et il priait. Par conséquent, toute situation devenait aux yeux de Dieu votre présence commune à vous et lui…
Vous écrivez que le Starets Kirill restera dans votre mémoire «non un clairvoyant, non le prédicateur visionnaire de certains événements du futur (bien que dans le trésor de la mémoire de mon cœur il soit tout cela), mais un bon maître qui, choisissant avec précision et délicatesse ses outils, fit de vous, avec chaleur et grande sagesse un être humain». Je ne suis pas la seule à jeter un regard en arrière sur ma vie et à voir à quel point j’ai manqué d’éducateurs intelligents… pourquoi un tel déficit? N’est-ce pas parce que seule l’attitude évangélique envers l’homme peut être à la base de la pédagogie morale?
Oui, nous manquions tous cruellement de maîtres intelligents et doués à cette époque. Ils manquent aujourd’hui, et les monastères ne font pas exception… Mais vous avez tout à fait raison de noter que seul l’exemple moral, l’exemple de l’attitude évangélique d’homme à homme, c’est la vraie pédagogie. Et il arrive que de tels exemples nous soient donnés par des gens qui ne sont ni particulièrement mécréants, ni vraiment religieux… En vérité, «l’âme humaine est par nature chrétienne». Je me souviens maintenant comment mon papa «mécréant» me fit honte, avec cœur, parce que j’avais agi de manière impolie et arrogante envers une fille malade mentale. L’âme de papa avait senti que «nous, les forts, devons supporter les infirmités des faibles plutôt que nous satisfaire» (Rom.15,1). Cela, je ne le comprenais pas encore à ce moment-là… Mais jusqu’aujourd’hui, je lui suis reconnaissante pour cette leçon. De même, au monastère, nous apprenons tous les uns des autres, une fois par des erreurs, une fois par des exemples très dignes du comportement de nos frères et sœurs. Dans le monastère, quand j’avais admis certaines erreurs, j’étais toujours fortement impressionnée par la non-sévérité, la clémence douce des autorités, la générosité, le pardon, une telle attitude secoue votre conscience et vous encourage à changer pour le mieux…
A propos de l’amour. C’est incroyablement difficile d’apprendre l’amour le plus élevé, d’ordre évangélique, pas l’amour-réaction («Ici avec cet homme, je suis bien; il me réchauffe, me soutient, me protège, m’inspire, c’est pourquoi je l’aime»), mais l’amour-compassion, l’amour-don. Vous essayez de le faire, mais vous vous fatiguez très vite des gens. Vous voulez pardonner, mais vous ne le pouvez pas. L’exemple du Père de Kirill est frappant; mais pouvez-vous dire qu’il a enseigné cela aux autres? Mais est-ce même possible de l’enseigner?
Non, évidemment! J’étais si proche de lui, mais je n’ai pas appris… Et ce n’est pas de la coquetterie. Mais combien il est encore important qu’un échantillon d’un tel amour et d’une telle considération pour autrui ait été devant vos yeux! Dans un moment d’extrême faiblesse, je peux me dire en toute responsabilité «Sois forte, matouchka! Tu as vu quelqu’un qui a enduré plus que toi et qui a eu la force d’aimer!» Et, qui sait, peut-être que cette mémoire me sauvera à elle seule d’un pas qui me perdrait. Mais, d’un autre côté, il n’est pas nécessaire d’être avec quelqu’un dans la même pièce pour apprendre de lui ses meilleures qualités. Et maintenant se promènent sur terre des gens qui ont rendu visite au Starets seulement deux ou trois fois, et qui ont gravé à jamais dans leur cœur l’exemple de son humilité et de sa bonté, et qui imitent cet exemple. Et Dieu leur donne Sa grâce. Et ils acquerront, le moment venu, l’amour dans lequel Dieu agit….
Le sacrifice le plus dur du Père Kirill fut ses treize ans de maladie, pénétrés de faiblesse, très difficile à accepter. Une question involontaire se pose «Pourquoi? Pourquoi ce tourment pour lui?..» Avez-vous eu des questions similaires? Si oui, qu’est-ce qui a aidé à trouver la réponse?
Aujourd’hui, je peux dire une chose : ce sont les voies de Dieu… et c’est la dernière gloire du Starets à son Créateur, si je peux le dire ainsi. Un homme n’est pas toujours noble et beau pendant les périodes de souffrance qui précèdent sa mort. Le Père Kirill était beau et noble pendant toutes ces treize années de tourments. Sa souffrance, comme si elle avait donné une taille particulière à la pierre précieuse de son âme, est devenue comme le sommet de son exploit monastique et pastoral. Voilà ce que je pense… (…)
Traduit du russe
Source