A ce jour, trois volumes des Paroles de Saint Païssios l’Athonite ont été traduits en français. Alors que les six volumes en grec ont été traduits en russe depuis des années. Le texte ci-dessous est la traduction d’un extrait du volume VI De la Prière, dont la traduction russe a été publiée en 2021 aux Éditions Orthograph à Moscou. Le présent texte sera sans doute moins fidèle à la lettre de l’original grec que la traduction française officielle que nous attendons tous, mais malgré cela, les lecteurs francophones auront un avant-goût de ce que nous attendons tous et que la patience nous proposera dans plusieurs années peut-être, lors de la parution de ce volume en français. Il s’agit ici d’un extrait du chapitre 1 de la première partie, pages 19 à 22, de l’édition russe.
– Geronda, que signifie la prière pour vous personnellement?
Quand je prie, j’envoie un signal radio et je demande de l’aide. Je demande constamment de l’aide au Christ, à Sa Très Sainte Mère, aux saints… Pour moi-même et pour les autres. Si tu ne demandes rien, tu ne reçois rien.
Je me souviens, pendant la guerre civile, nous avons été encerclés et bloqués sur une hauteur par un bataillon de communistes, environs seize cents hommes. Nous étions en tout cent quatre vingt soldats. Nous avons creusé des tranchées et tenu notre ligne de défense à l’abri de rochers. S’ils nous prenaient, il n’y aurait pas un seul survivant. Comme j’étais radio-télégraphiste, je voulais essayer de monter l’antenne pour établir une liaison avec notre Centre. Oui, mais où? Elle était sans cesse frappée par les projectiles.
Le commandant de compagnie me cria : «Maintenant, laisse tomber cette antenne, arrive ici et aide à transporter les caisses de grenades!». Quand le commandant de compagnie a rampé plus loin vers les mitrailleurs pour voir comment ils s’en sortaient et pour leur donner des instructions, je suis retourné à ma radio. Pendant qu’il donnait ses ordres, je m’escrimais encore et encore à monter l’antenne, et puis je revenais traîner les caisses de grenades pour ne pas me faire houspiller par le commandant. Finalement, à l’aide de bâtons et d’une pelle de sapeur, j’ai pu consolider l’antenne et établir la liaison avec le point de commandement. J’ai tout juste réussi à faire passer deux mots… nos coordonnées. Grâce à Dieu, les deux mots suffirent pour tout changer! A l’aube, nos avions d’assaut arrivaient et bombardaient les positions de l’ennemi. Nous étions sauvés! Pour toi, qu’est-ce que cela signifie, des bagatelles? Cent quatre vingt soldats encerclés par seize cents hommes, et en fin de compte, on s’en sort tous vivants!
C’est alors que j’ai compris la grande tâche spécifique des moines:aider par la prière. Les gens jacassent : «A quoi s’occupent donc ces moines? Pourquoi ne vont-ils pas dans le monde, aider la société?». C’est la même chose que, pendant la guerre, reprocher au radio-télégraphiste : «Qu’est-ce que tu fabriques avec ta radio ? Lache ça, prends ton fusil et dépêche-toi d’aller tirer!»
Même si établissons le contact avec toutes les stations radio du monde, cela ne nous sera d’aucune utilité si nous n’avons pas de contact et de relation céleste avec Dieu. La relation et le contact avec Lui sont nécessaires pour Lui demander de l’aide. Et pas seulement demander, mais aussi recevoir. Bienheureux ceux qui ont établi une liaison avec le Centre de Commandement Céleste, et qui, vénérant Dieu, travaillent avec Lui sur la même fréquence.
– Geronda, ma prière me cause souci et tristesse. Elle ne fonctionne pas du tout. Que dois-je faire?
Converse de façon familière avec le Christ, avec la Très Sainte Mère de Dieu, avec les anges et avec les saints, de façon sincère, et ne choisis pas spécialement certains mots. Fais cela où que tu te trouves, et parle de tout ce que tu veux. Par exemple : «Mon Christ!», ou «Très Sainte Mère de Dieu, Tu sais tout de même dans quelle situation je me trouves. Aide moi!». Parle constamment avec Eux, simplement et humblement, de ce qui te trouble. Et après, récite la prière de Jésus «Seigneur Jésus Christ, aie pitié de moi».
– Geronda, je suis distraite quand je prie.
Prie en pensant à Qui tu t’adresses. A Dieu Lui-même! Il est quoi à ton avis, un clochard? Quand quelqu’un parle à un fonctionnaire haut placé regarde donc comment il choisit chaque mot. Il veille à ne laisser échapper aucune bêtise. Parfois, il bégaie, sa langue s’embrouille d’humilité… Mais si nous parvenons à parler si attentivement à un homme, combien ne convient-il pas plus de le faire quand nous parlons à Dieu!
Regarde comme le petit enfant qui veut s’adresser à son papa ou à quelqu’un de plus âgé, paraît embarrassé quand il parle. Et quand l’enfant veut parler au professeur, devant lequel tout le monde est un peu impressionné, il est encore plus embarrassé. Et nous? Quand nous parlons à Dieu Lui-Même, à la Très Sainte Mère de Dieu, aux saints, nous ne comprenons pas cela?
– Geronda, avant mon entrée au monastère, je ne doutais pas que le monachisme et la prière soient indissociables. Mais maintenant, c’est si difficile de prier… Il me semble que la prière est le travail le plus difficile et le plus épuisant.
Si je ne me trompe, tu es philologue de formation? La conversation, cela te plaît, et tu ne te fatigues pas de discuter avec les gens. Mais avec le Christ, Qui s’abaisse jusqu’à converser avec toi, tu est fatiguée de parler, et ce genre de conversation te semble difficile. As-tu toute ta tête? C’est la même chose que de dire : «Oh, quel malheur, il faudrait en parler au Roi… On n’en n’a pas envie, mais, il n’y a rien à faire, il faut y aller». Le Christ nous donne la possibilité de communiquer avec lui constamment, à travers la prière, et nous… ne le voudrions pas? A-t-on jamais vu ça? Il est tout à fait extraordinaire, qu’Il veuille converser avec nous parce qu’Il souhaite nous aider, mais nous, voyez-vous, nous sommes trop paresseux pour parler avec Lui!
– Geronda, il m’arrive souvent de bavarder, mais après j’en suis troublée !
Si tu veux discuter, il vaut mieux le faire avec le Christ. Les gens n’ont jamais à se plaindre d’avoir conversé avec le Christ. C’est vrai que la tendance au bavardage, c’est une passion. Mais si tu orientes cette tendance vers un profit spirituel, elle peut devenir prémisse de la prière. Imagine qu’il existe des gens qui sont même trop paresseux pour converser! Mais toi, tu as une telle force en toi, tu veux toujours parler avec quelqu’un…Si tu orientes ces efforts vers un profit spirituel, tu sanctifies ton âme. Essaie de parler avec les gens uniquement de ce qui est nécessaire et converse tout le temps avec le Christ. Tu dois entrer avec Lui dans une humble conversation au point que tu cesses de remarquer ce qui se passe autour, tellement cette relation est douce et intéressante. Moi, même les entretiens spirituels me fatiguent, mais quand je prie, je ressens un calme extraordinaire.
La prière, c’est une conversation avec Dieu. Parfois, j’envie ceux qui vivaient aux temps du Christ car ils Le voyaient de leur yeux, ils L’entendaient de leur oreilles, et ils pouvaient même converser avec Lui.
Mais je considère que notre situation est meilleure que la leur car ils ne pouvaient Le déranger souvent, alors que nous, dans la prière, nous pouvons converser avec Lui sans cesse.
Traduit du russe
Source : Преподобный Паисий Святогорец «Слова. Том VI. О молитве». Издательство:Орфограф, Москва. Pp. 19-22