Vyritsa. Histoire d’un monastère disparu.

Le court texte ci-dessous est traduit des pages 22 à 24 du livre «Vyritsa la bénie» (Благословенная Вырица), publié à Saint-Pétersbourg aux éditions Kontrast, en 2014. Il conte avec peu détails l’apparition et la disparition d’une communauté monastique, sur une période d’environ quinze ans. Le Père Séraphim dont il question dans le récit n’est pas le Saint Père Seraphim (Mouraviev, 1866-1949) de Vyritsa , qui vivait dans le même bourg à cette époque. Vyritsa était donc gardée par deux Seraphims… Dans le délabrement spirituel de l’Occident contemporain, l’attention est retenue par la puissance de la foi des justes qui formèrent cette petite communauté monastique, et l’élan spirituel, souffle de l’Esprit, qui les porta en ces temps d’oppression, de guerre et de persécution. A eux, éternelle mémoire. Puissions-nous avoir le courage de suivre leur voie.

Vyritsa, église Saints Pierre et Paul. 1910

Au début des années ’30, l’Archimandrite Seraphim (Protsenko), revenant des camps, arriva à Vyritsa. Là, au village, dans la maison de Vassili Petrovitch et Pélagie Dimitrievitch Sidorov, se constitua en secret la communauté monastique du Père Seraphim. Élisabeth, la fille aveugle des Sidorov, clouée au lit, reçut secrètement la tonsure monastique vers la fin des années ’30, alors qu’elle était encore enfant, l’Archimandrite Seraphim lui donnant alors le nom d’Euthimia. Dans les années précédant la guerre, le couple des Startsev, Grigori Ivanovitch et Zinaïde Petrovna se joignirent à la communauté et assistaient le Père Seraphim.
Dans la maison des Sidorov et la maisonnette adjacente du Père Seraphim, la communauté commença à se réunir pour les offices, qui étaient célébrés en secret. Participaient à ces offices tous les fidèles enfants spirituels du Père Seraphim vivant à Vyritsa : la famille de Mikhaïl et Maria Trophimenkov, le moine Mikhaïl et la moniale Veronika, la famille Sidorov, Alexandre Savine et une Angelina, une vieille femme très croyante. Outre les proches du Père Seraphim, habitants de Vyritsa, des invités de Leningrad participaient parfois aux offices.

Début du XXe siècle

A la fin des années ’30 et au début des années ’40, la communauté du Père Seraphim devint la seule subsistant à Vyritsa, car toutes les églises avaient été fermées par les autorités. Parfois, les habitants de la localité invitaient le Père Seraphim à venir prier et célébrer un office dans leur maison, et lui demandaient conseil. Nombre d’entre eux considéraient qu’il était clairvoyant, et nous en avons des témoignages. C’est ainsi que vivait cette petite communauté avant le début le la Grande Guerre Patriotique, en 1941.
Pendant la guerre, l’Archimandrite Seraphim (Protsenko) légalisa l’existence de sa communauté, créant sur cette base le Monastère de la Théophanie de Poselok, pour hommes. En 1942, le monastère du Père Seraphim reçut une parcelle de terrain jouxtant la forêt, non loin de la maison des Sidorov, sur le territoire de Poselok. En 1942, un des journaux publiés dans la zone occupée parla du monastère de Vyritsa.
«Un monastère pour femmes fut d’abord fondé, à quarante verstes de Leningrad, dans le bourg de Vyritsa, et à six verstes de Vyritsa, un monastère pour hommes. Celui-ci est dirigé par le Père Archimandrite Séraphim (dans le monde, Protsenko). C’est l’architecte F.M. Lartchenko qui construisit ces deux monastères. Un lopin de terre fut offert au monastère pour hommes, et les moines obtinrent des semences. Les gens des environs offrirent au monastère deux vaches et un cheval. Au bout de trois mois, juin, juillet et août fut construite l’église de Saint Jean le Précurseur, qui sera bientôt consacrée, avec la bénédiction de l’Exarque du Patriarcat Serge (Voskressenski), Métropolite de Lituanie et de Vilnius.»
Après qu’elle soit sortie de clandestinité, la communauté du Père Seraphim s’agrandit, avec l’ouverture du monastère, malgré les pénibles difficultés liées aux circonstances de l’époque, et avec l’aide des habitants de Vyritsa. Plusieurs moines vivaient au monastères. Le moine Lev, mort en 1942, fut auxiliaire de cellule du Père Seraphim. Il y avait aussi le Père Mikhaïl (Olenev) et le moine Ioann (Emelianov). En outre, le monastère recevait l’aide des moniales, filles spirituelles du Père Seraphim. Outre celles qui faisaient partie de la communauté avant la guerre, on comptait les moniales Theodora, tonsurée secrètement juste avant le début des hostilités et Ekaterina. L’architecte F.M. Lartchenko vivait lui aussi au monastère. L’ancien garde forestier, Nikolaï Koulikov (1879-après 1951) était le gardien du monastère. Après la guerre, il fut l’auxiliaire du staroste de l’église de la Très Sainte Mère de Dieu de Kazan, à Vyritsa.

Vyritsa église de la Mère de Dieu de Kazan

Avec le retour des autorités soviétiques, la répression reprit envers tous les membres du clergé régulier et séculier dépendant de la Mission Spirituelle de Pskov. La plupart des prêtres qui célébraient sur ce territoire furent arrêtés, incarcérés et envoyés dans les camps. Après la guerre, la plupart des membres de la communauté du Père Seraphim demeurèrent à Vyritsa. Leur refuge et leur centre spirituel était l’isba de Mère Euthimia. La majorité d’entre eux étaient paroissiens de l’église de la Très Sainte Mère de Dieu de Kazan. Le Monastère de la Théophanie fut fermé et ses bâtiments devinrent un jardin d’enfants.
Traduit du russe.

Paroles de Batiouchka (21)

Né en avril 1937, Valerian Kretchetov, prêtre de village, est le prédicateur le plus âgé de l’Éparchie de Moscou. Fils d’un prêtre, frère d’un prêtre, l’Archimandrite Valerian est père de sept enfants, dont un prêtre, et grand-père de trente quatre petits enfants. Il fut ordonné diacre en novembre 1968, et prêtre en janvier 1969. En 1974, il succéda au Père Sergueï Orlov, comme recteur de l’église du Pokrov, au village d’Akoulovo, dans la région de Moscou. Il fréquenta les plus grands starets pendant des dizaines d’années et accomplit dix-huit séjours sur l’Athos. Une quinzaine de livres ont été édités, reprenant prédications, entretiens multiples et interventions devant des groupes très divers.

«Entretiens au Pokrov d’Akoulovo», page 76

Le livre dont l’extrait est tiré

Selon la logique du monde, les gens deviendraient toujours de plus en plus intelligents. Malheureusement, il n’en est pas ainsi. L’intelligence, ne se résume pas à une somme de connaissances.
Saint Nicolas de Serbie disait que les premiers hommes ne connaissaient pas grand chose, mais comprenaient tout ensuite, progressivement, leurs connaissances ont augmenté, mais ils comprennent de moins en moins et à la fin, ils connaîtront énormément de choses, mais ils ne comprendront plus rien.
Traduit du russe

Le Starets Athonite Jérôme (Solomentsov) (2)

Le texte ci-dessous, propose la première traduction en français de la longue biographie du Saint Starets Jérôme (Solomentsov). En 2012, le Saint Monastère athonite de Saint Panteleimon a publié un épais «Paterikon des Athonites Russes des XIXe et XXe siècles». Ce texte en est extrait. Le 27/14 novembre 1885, le Starets et Père spirituel de tous les agiorites russes, Jérôme (Solomentsov) s’en est allé auprès du Seigneur. Ce puissant guide spirituel, élu par la bénédiction particulière de la Très Sainte Mère de Dieu, dirigea la communauté russe du Monastère Saint Panteleimon. Il devint par la suite le père spirituel de tous les moines russes de l’Athos. La Providence divine le chargea d’une obédience particulière et colossale: la restauration du monachisme russe sur le Mont Athos, non pas formellement, mais en profondeur, conformément aux meilleures traditions de la piété monastique. Le début du texte se trouve ici.

(Photo Romphea)

L’étincelle qui alluma cette vie inestimable surgit le 28 juin 1802, dans la ville de Stary-Oskol (aujourd’hui dans l’Oblast de Belgorod), en la famille de Pëtr Grigorievitch Solomentsov, une famille de marchands craignant Dieu et fréquentant l’Église, et originaires de Slabojansk et Stary-Oskol, dans le Gouvernorat de Koursk. De profondes traditions de piété caractérisaient cette famille, et surtout l’amour pour les églises de Dieu et les offices. Un trait distinctif de la famille Solomentsov est que jamais elle n’organisa festins ou banquets. Les dimanches, jours fériés, et lors des fêtes de famille, elle réunissait la parentèle pour chanter les chants et hymnes des offices:tropaires, stichères, dogmatiques, hymne des chérubins, si bien que les voisins disaient d’eux : «Chez Solomentsov, on célèbre toujours des vigiles».
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Paroles de Batiouchka (20)

Né en avril 1937, Valerian Kretchetov, prêtre de village, est le prédicateur le plus âgé de l’Éparchie de Moscou. Fils d’un prêtre, frère d’un prêtre, l’Archimandrite Valerian est père de sept enfants, dont un prêtre, et grand-père de trente quatre petits enfants. Il fut ordonné diacre en novembre 1968, et prêtre en janvier 1969. En 1974, il succéda au Père Sergueï Orlov, comme recteur de l’église du Pokrov, au village d’Akoulovo, dans la région de Moscou. Il fréquenta les plus grands starets pendant des dizaines d’années et accomplit dix-huit séjours sur l’Athos. Une quinzaine de livres ont été édités, reprenant prédications, entretiens multiples et interventions devant des groupes très divers.

«Entretiens au Pokrov d’Akoulovo», pages 71 & 72

Le livre dont l’extrait est tiré

On raconte l’histoire suivante. Un jour, un homme vint voir un starets et lui dit :
– Je veux apprendre!
– Ah tu veux apprendre ? C’est bien !
Et il commença à lui lire le psautier, jusqu’à ce qu’il arrive au verset : «Je garderai mes voies afin de ne pas pécher par ma langue» (Ps.38). Alors, l’homme dit :
– Cela suffit !
Et il s’en alla. Vingt ans plus tard, il revint. Le starets lui demanda :
– Pourquoi donc n’es-tu plus revenu ?
– C’est maintenant seulement que j’ai appris comment tenir ma langue !
Vous rendez-vous compte quel exploit ascétique représente la capacité de savoir tenir sa langue ?! Dans le Livre de la Sagesse de Sirach, il est écrit : «Le sage garde le silence jusqu’au moment opportun; l’impertinent et l’insensé parlent à tort et à travers» (Sirach, 20,7).

Le Starets Athonite Jérôme (Solomentsov) (1)

La série de traductions proposant pour la première fois une version française des Huit Lettres d’Occident du Saint Hiéromartyr Hilarion (Troïtski) étant terminée, une nouvelle série débute ci-dessous, proposant la première traduction en français de la longue biographie du Saint Starets Jérôme (Solomentsov). En 2012, le Saint Monastère athonite de Saint Panteleimon a publié un épais «Paterikon des Athonites Russes des XIXe et XXe siècles». Le texte ci-dessous en est extrait. Le 27/14 novembre 1885, le Starets et Père spirituel de tous les agiorites russes, Jérôme (Solomentsov) s’en est allé auprès du Seigneur. Ce puissant guide spirituel, élu par la bénédiction particulière de la Très Sainte Mère de Dieu, dirigea, par la bénédiction du Starets Arsène, la communauté russe du Monastère Saint Panteleimon. Il devint par la suite le père spirituel de tous les moines russes de l’Athos, tant cénobites qu’ermites, qu’il rassembla sous l’aile de ses prières et de ses bénédictions. La Providence divine le chargea d’une obédience particulière et colossale: la restauration du monachisme russe sur le Mont Athos, non pas formellement, mais en profondeur, conformément aux meilleures traditions de la piété monastique. Il assuma merveilleusement cette tâche que Dieu lui confia et qui immortalisa son nom dans l’histoire de l’Athos et dans celle de la Sainte Rus’.

Le Monastère Saint-Panteleimon

En 1840, le Hiéromoine du grand schème Paul, guide de la communauté des moines du Monastère de Saint-Panteleimon sur le Mont Athos s’en alla auprès du Seigneur. L’Higoumène Gérassime invita tous les moines à participer aux funérailles. Le chagrin causé par cette perte était d’autant plus profond que le Père Paul ne laissait pas de famille spirituelle derrière lui ; il n’avait pas de successeur qui aurait hérité de ses bénédictions et dons et spirituels et qui aurait rassemblé autour de lui le troupeau devenu orphelin du défunt starets. Et les pères russes ne voyaient parmi eux-mêmes personne qui fût capable de prendre sur lui la croix du supérieur. Par la volonté divine la lignée du très pieux Père Paul s’est éteinte, sans avoir poussé de rameaux. Toutefois, le guide principal et racine même de tous les Russes sur l’Athos, le grand starets et père spirituel, le Hiéromoine du grand schème Arsène, était encore vivant! Read more

Volodia et Valia. Croquis de Pioukhtitsa

L’Archiprêtre Oleg Vrona

Le site Pravoslavie.ru a publié fin 2019 et début 2020 une série de quelques textes portant le sous-titre de ‘Croquis de Pioukhtitsa’, écrits par l’Archiprêtre Oleg Vrona, né en Sibérie orientale, jadis diacre à Pioukhtitsa, et aujourd’hui recteur de l’église Saint Nicolas à Tallinn. Ces textes, à première vue peu spectaculaires, sans doute, proposent quelques pages de la vie spirituelle dans ce célèbre monastère, situé à la frontière de l’Estonie, mais aussi des portraits de certains «justes» qui y séjournèrent. Le présent texte, préparé par Stepan Ignachev, a été publié en russe le 20 janvier 2020.

Vieillard à la hache. Peinture de I. Glazounov. Photo Pravoslavie.ru

Nous étions étendus sur l’herbe, non loin de l’église Saint Serge au pied de la colline, contemplant les ruchers du monastère, jouissant du doux soleil de juin, et nous conversions.
C’était en 1978. Nous étions trois candidats à l’ordination : Volodia, Leonid et moi. Un témoin occasionnel de notre conversation aurait immédiatement compris que nous nous étions rencontrés tout récemment et qu’un désir commun de service sacerdotal dans l’Église nous avait unis et rapprochés. Visiblement, à l’époque, aucun d’entre nous ne pouvait supposer que Leonid serait obligé de quitter l’Estonie au bout de quelques mois d’apprentissage au monastère, et irait chercher la possibilité d’être ordonné dans sa Tchouvachie natale. Un mois plus tard, j’étais ordonné diacre, pour les offices du monastère. Quant à Volodia, il irait célébrer ailleurs. Mais tout cela devait se dérouler plus tard. A ce moment-là, nous parlions de nous-mêmes, de ce qui nous avait amené, chacun, à souhaiter recevoir l’ordination. Nous nous écoutions mutuellement avec intérêt. Read more