Le texte ci-dessous est la suite de la traduction ( proposée en plusieurs parties) d’un résumé détaillé de la vie de Saint Seraphim de Vyritsa écrite par Alexandre Archakovitch Trofimov à partir de son livre qui compte 240 pages. L’original russe du résumé traduit ici, agrémenté de nombreuses photographies, a été publié en six parties sur le site de l’auteur, le 14 mars 2014.
Les proches du Starets se souvinrent de ce podvig : «En 1941, Grand-Père avançait dans sa 76e année. Alors, il était très affaibli par la maladie, et il pouvait à peine se déplacer sans qu’on l’aide. Dans le jardin derrière la maison, à une cinquantaine de mètres, un roc de granit émergeait de terre. Un petit pommier poussait juste devant. C’est sur cette pierre que le Père Seraphim élevait ses demandes vers le Seigneur. On le conduisait par la main jusqu’à ce lieu de prière, et parfois même, il fallait tout simplement l’y transporter. Une icône avait été attachée au pommier, et Grand-Père, ses genoux malades sur la pierre, tendait les mains vers le ciel… Qu’est-ce qu’il lui en coûta! Il souffrait de maladies chroniques des jambes, du cœur, des vaisseaux sanguins et des poumons. Manifestement, c’est le Seigneur Lui-même qui l’aidait, mais il était impossible de regarder ce tableau sans verser de larmes. Souvent, nous l’avons supplié d’abandonner ce podvig. Il pouvait en effet prier dans sa cellule. Mais en l’occurrence, il demeura impitoyable vis-à-vis de lui-même, et de nous. Le Père Seraphim priait tant qu’il en avait la force, parfois une heure, parfois deux, parfois des heures durant… Je me souviens que Grand-Père me disait : «Un seul intercesseur pour le pays peut sauver les villes et tout…».
La moniale Taïssia se souvient : «Avenue Pilnyi, Batiouchka priait sur une pierre, imitant Saint Seraphim de Sarov. Lorsque la parcelle fut morcelée, le Père Seraphim fit placer une autre pierre. Ces pierres existent encore aujourd’hui. A cette époque, le père Séraphin était tout diaphane. Il était alité et prenait si peu de nourriture qu’il ne lui restait que de la peau couleur cire et les os. Le Père Seraphim jeûnait très strictement: il mangeait un prosphore par jour et un peu de carottes râpées, et buvait de l’eau sainte. Sa santé était très précaire et il ne venait qu’occasionnellement à l’église de Kazan où il célébrait dans la chapelle de Saint Seraphim de Sarov».
Les proches et les enfants spirituels du Starets, qui logèrent à Vyritsa se souviennent que Batiouchka priait toute la nuit. Pendant la journée ceux qui venaient auprès du Starets déposaient d’innombrables notes pour la santé de leurs proches et le repos des âmes de leurs défunts. La nuit, Batiouchka lisait obligatoirement ces notes, et le lendemain, elles étaient apportées à l’église de l’icône de la Très Sainte Mère de Dieu de Kazan à Vyritsa. Il y faisait emmener une grande partie des cadeaux et de l’argent que les visiteurs apportaient.
Une fille spirituelle de Batiouchka décida d’aller lui demander sa bénédiction pour déménager et quitter Vyritsa; son mari insistait. Quand elle dit qu’elle allait demander à Batiouchka, le mari s’indigna:
– Encore! Mais tu vas le voir sans cesse!
Mais elle alla auprès du Starets, et celui-ci lui dit:
– Laisse-le partir, mais toi, reste.
Peu de temps après le départ du mari, la guerre éclata et l’homme disparut.
Pendant la guerre, avant l’évacuation, une femme accompagnée de sa fille vinrent demander à Batiouchka sa bénédiction avant leur départ. Le Starets les retint, cajolant la fillette, les faisant rester là pendant qu’il priait longuement. Ensuite il leur dit :
– Vous êtes sauvées.
Et il les bénit pour qu’elle partent. Le train qu’elle empruntèrent avait eu du retard et avait été retenu avant d’entrer en gare. A ce moment, les Allemands avaient pilonné la gare et le convoi dans lequel elles auraient dû se trouver brûla, alors que le train retardé ne subit aucun dommage.
…Au tout début de l’occupation une femme accourut en larmes auprès du Père Seraphim:
– Batiouchka, les Allemands sont venus dans notre maison, ils nous ont dit de partir!
– Soyez tranquille, on restera ensemble, on n’ira nulle part.
Après un certain temps, les Allemands revinrent, menaçants. Les propriétaires commencèrent à rassembler leurs affaires. Mais le Starets répéta :
– Restez.
Les Allemands ne revinrent plus jamais dans cette maison.
…Pendant l’occupation, une habitante de Vyritsa fut enceinte et décida d’avorter. Elle dissimula sa situation à son mari et attendit un moment propice pour mettre en œuvre son intention. Un jour, elle passa voir Batiouchka Seraphim, qui lui dit:
– Tu sais ce qui se passe maintenant? Certaines mères, imitant la cruauté d’Hérode, deviennent les meurtrières de leurs propres bébés innocents!
La femme comprit que le Starets savait tout, et avec des larmes de remords, elle s’agenouilla devant lui. Quand l’enfant naquit, c’était une petite fille, le Père Seraphim lui choisit son nom et désigna les parrain et marraine.
…En 1944, les Allemands envoyèrent en Allemagne les habitants de Vyritsa capables de travailler. Le Père Seraphim prédit à une famille qui partait que tous ses membres reviendraient dans leur patrie et vivraient dans une grande ville. Il en fut ainsi. Malgré le fait que la famille se retrouva dans un camp de concentration, le Seigneur la préserva. À leur retour de captivité, ils réussirent à s’installer à Leningrad.
… On a conservé l’histoire d’une femme qui vivait à Vyritsa pendant la guerre et allait chez le Père Seraphim presque tous les jours. Pendant les bombardements, c’était très effrayant, c’est pourquoi sa mère et elle avaient peur de passer la nuit dans leur maison et se réfugiaient souvent dans la maison du Starets. Là, elles se sentaient parfaitement à l’aise bien qu’il n’y ait ni cave ni abri contre les bombes.
… Pendant la guerre, une femme arriva en larmes chez le Père Seraphim; elle venait d’apprendre que son fils avait disparu, et ne savait comment prier pour lui, pour sa santé ou le repos de son âme. Le Starets lui dit:
– Va immédiatement à Novorossiysk, sinon tu seras en retard.
La femme partit immédiatement de chez le Starets, et elle arriva à temps pour enterrer son fils. C’était un marin militaire. Son navire avait coulé et tout l’équipage était mort. Le fils de cette femme avait été ramené par la mer sur le rivage. Le jour où elle arriva, le marin n’avait pas été identifié et il allait être enterré dans une fosse commune; aucun document n’ayant été trouvé sur lui. La mère reçut le réconfort d’accompagner son enfant dans la toute dernière partie de son chemin. Il est bien sûr important pour une mère de savoir où se trouve la tombe de son fils!
Alors qu’il était encore confesseur de la Laure Saint Alexandre Nevski, le Père Seraphim avait prédit à l’archevêque Alexis (Simanski) de Khoutyne qu’il deviendrait patriarche. En 1944, lorsque le blocus fut levé, Mgr Alexis, alors Métropolite de Leningrad, rendit visite au Starets à Vyritsa. Ce jour, le Père Seraphim, s’adressant à ses proches, avait dit:
– Aujourd’hui, le métropolite vient nous voir.
Entendant ces mots, Matouchka Seraphima sourit en elle-même, décidant que ce n’était pas possible. Un témoin se souvient: Quelqu’un frappa à la porte. Les hypodiacres du Métropolite Alexis de Leningrad sont entrés, disant que Mgr Alexis venait rendre visite au Starets. A leur suite, le Métropolite Alexis entra dans la cellule de Batiouchka et s’agenouilla devant le Starets couché sur son lit. Batiouchka avança les mains, demandant la bénédiction. Vladika bénit, après quoi le Père embrassa la main du hiérarque. Alors Vladika, restant à genoux, embrassa lui-même la main du Starets.
Le Père Seraphim demanda au Métropolite de se relever, en disant que c’était lui qui devait s’agenouiller devant le Patriarche de Moscou:
– Vous serez Patriarche de Moscou pendant vingt-cinq ans, tout comme votre Saint patron céleste.
Vladika commença à expliquer que cela n’était guère possible, à en juger par l’état actuel des choses. Le Starets dit alors:
– Staline enverra un appel et vous serez élu Patriarche.
Et tout se passa comme Batiouchka l’avait prédit. Toute sa vie, le Patriarche honora la mémoire du Saint Starets avec une vénération particulière. (A suivre)
Traduit du russe
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