Né en 1888, le Saint Hiéromartyr Nikon (Beliaev) fut hiéromoine à la Skite du Monastère d’Optina. Il en fut un des derniers startsy, ayant eu pour père spirituel Saint Barsanuphe, lui-même fils spirituel du Saint Starets Anatole (Zertsalov) d’Optina. Un récit de sa vie a été traduit en plusieurs parties sur le présent blogue et est accessible ici. Le Monastère a publié le journal tenu par le novice Nicolas pendant les trois premières années de sa vie monastique. (Дневник послушника Николая Беляева (преподобного Оптинского старца Никона). Le texte ci-dessous est la traduction (sur base de l’édition de 2016) des premières pages de cet ouvrage remarquable, inédit en français. Le début de la traduction se trouve ici.

Le 3 juin, à 21 heures, notre évêque, Son Éminence Benjamin de Kalouga, est venu chez nous à Optina. Nous, les moines de la Skite, sommes allés le rencontrer au monastère. Le 4 juin, Vladika a célébré la liturgie. Deux archimandrites, tous deux frères d’Optina, étaient arrivés avec Vladika. Je ne connais pas le nom de l’un d’eux, l’autre était le Père Laurent. On m’a appelé à l’autel, enfilé un sticharion, et on m’a chargé de servir pendant la liturgie et le moleben célébré pour le Père Laurent.
Après la Liturgie et le moleben, Vladika a prononcé une brève homélie. Je vais essayer d’en transmettre l’essentiel.
«Vos sages fondateurs, dit Vladika, ont jugé qu’il était approprié d’ériger parmi les autres églises du monastère, une église dédiée et sanctifiée au nom de la Très Sainte Mère de Dieu, et plus particulièrement en l’honneur et à la gloire de son Entrée au Temple. La Toute Sainte Jeune Vierge, vécut dans le Temple, une vie des plus agréables à Dieu. Elle passait la plupart de son temps à prier, à lire les écritures, et le reste du temps à faire des travaux d’aiguille. Entrant au Temple, La Très Sainte Jeune Vierge prit les vœux de virginité, de pauvreté et d’obéissance. De même, vous tous qui avez franchi le seuil de cette sainte demeure, avez aussi pris ces vœux devant Dieu. Gardez ces vœux. Dans toute la Russie, votre sainte demeure est connue pour la vie pieuse de ses moines et de ses grands startsy. De partout, des gens viennent dans ce monastère pour obtenir des conseils et du réconfort. Que Dieu accorde à tous ceux qui viennent ici de s’en retourner réconfortés et fortifiés spirituellement. La bonne gloire se répand très loin, mais tout aussi loin est colportée la rumeur des mauvaises actions. C’est pourquoi, que le Seigneur vous préserve de toute œuvre inappropriée, indigne de l’appellation de moine et de l’ordre monastique. Craignez de tromper quelqu’un qui est venu en cette sainte demeure pour y chercher un profit spirituel, malheur à ceux qui sont touchés par de telles tentations. Efforcez-vous de vivre en vrai moine. Ne cachez rien à vos startsy, dites-leur tout, confessez-leur toutes vos pensées chaque jour, sinon chaque heure…»
Je ne me souviens de rien de plus maintenant, mais il semble que tout l’important est dit.
Vers une heure, Vladika est venu à la Skite. Il pleuvait. On l’a tous rencontré. Vladika est passé dans l’ancienne église, puis auprès du comte français du Chaillat, que Batiouchka a installé dans notre bâtiment, pour autant que je me souvienne, le deux juin. Concernant ce comte, j’en dirai plus par la suite. De chez le comte, Vladika est allé à la nouvelle église, puis chez Batiouchka, ensuite, auprès du Père Joseph. De chez le Père Joseph, Vladika est passé par les saintes portes et a rejoint le Père Archimandrite pour le déjeuner.
En ce qui concerne ce comte, il s’appelle Alexandre Maximovitch. Croyant en la vérité de l’Orthodoxie, dans sa France lointaine, à Lyon pour autant que je me souvienne, il décida de se convertir. Ce qu’il fit. Il a environ vingt-cinq ans. Sa mère lui pardonna, mais son père ne pardonna pas et il semble même qu’il l’ait maudit. Il arriva en Russie, chez le Métropolite Antoine. Celui-ci lui recommanda Optina, et il vécut à l’hôtellerie pendant plusieurs mois. Il envisage d’entrer à l’Académie de Théologie.
4 juin
Le jour de l’ange de Batiouchka, a coïncidé avec la venue de Vladika.
Hier, c’est la première fois que j’ai été lecteur pour une journée pendant laquelle il y avait des vigiles. Batiouchka a célébré au monastère.
12 juin
Aujourd’hui est le jour de l’invention des reliques de la Sainte Princesse Anna de Kachine.
Moi, pécheur, j’ai été trouvé digne de confesser mes péchés. Après la confession, Batiouchka m’a dit: «Faites couler la Volga plus souvent, elle lavera et rincera tout. La Volga, c’est l’humilité qui purifie toute souillure pécheresse».
Puis je me suis souvenu que parfois j’avais des pensées qui jugeaient Batiouchka ou qui murmuraient contre lui. Je l’ai dit à Batiouchka.
Batiouchka, après avoir écouté, m’a dit: «Vous, répondez à cette pensée : ‘Ce n’est pas mon affaire, c’est le starets qui est responsable, pas moi.’ Dans les Écritures Saintes, il est dit que le starets ne sait parfois pas ce qu’il fait ni pourquoi il le fait. Souvent, c’est seulement après un an ou deux qu’apparaît clairement la raison pour laquelle le starets a fait telle ou telle chose. Le Seigneur incite le starets à agir et met en avant une raison, mais pas la principale; celle-ci sortira d’elle-même quand l’action sera accomplie.»
13 juin
Aujourd’hui, le Seigneur m’a donné, à moi pécheur, de recevoir le Mystère des Saints Dons du Christ avec tous les frères de la Skite. Batiouchka n’a pas communié à cause du nombre de ceux qui voulurent se confesser. Le comte français communia. Il fut très difficile pour lui de se préparer, c’est-à-dire de manger maigre, car c’est inhabituel pour lui.
«Le mental, dit un jour Batiouchka, c’est une force auto-motrice, mais de nous dépend ce que nous lui donnons. Tout comme la meule tourne, mais c’est de l’homme que dépend ce qu’on y verse: du blé, du seigle, ou une herbe, ou des graines toxiques. Et la farine sortira soit bonne, soit toxique, selon ce qui est versé. Donc, le mental est ainsi; il va tout retravailler, mais il faut lui donner seulement du bon.»
14 juin
Sans cesse, il pleut. Nous à la Skite et, comme on l’entend dire, un peu partout, nous prions pour que cesse cette pluie. Il me semble que c’est le troisième ou le quatrième été humide et pluvieux.
Quand nous sommes allés avec Batiouchka à la datcha, j’ai dit:
– Père, j’ai remarqué que la lecture de livres athées et généralement ceux en désaccord avec ma vision du monde, bien qu’elle ne change pas mon point de vue, laisse après elle une sorte de sédiment.
Batiouchka répondit :
– Oui, les Saints Pères et nos startsy conseillaient de lire les livres conformes à leur vision du monde et de renforcer et de développer leur conviction par la lecture…
Batiouchka m’a fait remarquer un jour que je ne parle pas clairement, c’est-à-dire que j’ai une prononciation troublée, surtout quand je suis pressé. Après que Batiouchka m’eût dit cela, j’ai commencé à le remarquer davantage. Batiouchka m’a conseillé de corriger ma prononciation. Pour ce faire, je dois écrire sur une feuille de papier les propos que je ne prononce pas clairement, et quand je suis seul dans ma cellule, essayer de les prononcer aussi clairement que possible, en appuyant sur chaque mot. «Ainsi, Clément Zederholm, dit Batiouchka, avait auparavant une très mauvaise prononciation. Batiouchka Ambroise lui a conseillé d’y prêter attention. Il a obéi, et après trois ans de labeur, il a commencé à parler très bien, clairement et même musicalement. Bien sûr, la grâce de Dieu l’a aidé en cela, car il l’a fait par obéissance. Donc, vous parlerez bien, clairement, si vous y accordez de l’attention. Pour chacun, la première, et principale, condition d’une correction de soi est la conscience de son propre défaut ou de sa faiblesse.» (A suivre)

Traduit du russe
Source :

Saint Père Nikon, prie Dieu pour nous.