Né en 1888, le Saint Hiéromartyr Nikon (Beliaev) fut hiéromoine à la Skite du Monastère d’Optina. Il en fut un des derniers startsy, ayant eu pour père spirituel Saint Barsanuphe, lui-même fils spirituel du Saint Starets Anatole (Zertsalov) d’Optina. Un récit de sa vie a été traduit en plusieurs parties sur le présent blogue et est accessible ici. Le Monastère a publié le journal tenu par le novice Nicolas pendant les trois premières années de sa vie monastique. (Дневник послушника Николая Беляева (преподобного Оптинского старца Никона). Le texte ci-dessous est la traduction (sur base de l’édition de 2016) des premières pages de cet ouvrage remarquable, inédit en français. Le début de la traduction se trouve ici.

3 avril
Ivanouchka a été envoyé à l’hôpital: il a mal à la jambe. Selon ce qu’il en dit, l’affaire me semble sérieuse. Que la volonté de Dieu soit faite.
Frère Kyril est venu en visite. Il est très affligé par le service militaire; en fait, pas par le service lui-même, mais par la vie dans le monde parmi les scandales et les tentations.
Aujourd’hui, j’ai conversé dix à quinze minutes avec Batiouchka. Il semble avoir récupéré, se préparer à reprendre son service. Je ne note qu’une pensée qu’il a dite : «Où et quand la Russie a été en contact avec la France, la Russie a toujours essuyé des dommages matériels et spirituels. Ainsi, l’état actuel de la Russie est une conséquence de l’Alliance avec la France. Alors qu’il était emprisonné, un des héros de l’ascèse contemporains a dit, : «Ce sera un grand miracle de la miséricorde de Dieu si la Russie ne périt pas, car elle a conclu une alliance avec les réprouvés…»
4 avril
4 avril
Je suis allé à l’infirmerie, voir Ivanouchka. Extérieurement, il paraît ne souffrir de rien. J’ai interrogé un infirmier à son sujet. L’infirmier, Père Panteleimon, un hiéromoine, dit qu’il y a probablement une contusion, mais surtout de la fatigue suite aux longues stations debout.
Posant mes questions au sujet de la maladie, j’ai involontairement parlé au Père Panteleimon pendant quinze minutes. Le Père Serge Mosel était assis à côté. Le Père Panteleimon ma parla aussi des circonstances de sa tonsure monastique et de son ordination au rang de hiérodiacre, de ses rêves et des prédictions de sa grand-mère sur sa situation actuelle. Sa babouchka est la moniale du grand schème Euphrosyne. Il a aussi abordé sa relation avec sa maman. Tout cela était extrêmement mystérieux et merveilleux. Alors qu’il était encore dans le ventre de sa mère, il était déjà appelé au monachisme.
Je me suis également souvenu de ces paroles de Batiouchka: «La vie de tout homme, et en particulier du moine, suit un plan mystérieux; tout y est revêtu de sens, très sage…»
Le soir
Maintenant, je viens de chez Batiouchka. Il n’est pas allé aux vigiles, il a lu sa règle dans sa cellule. Le Père Koukcha, le Père Nikita et moi avons chanté et lu, et Batiouchka n’a fait que les ecphonèses et a lu l’Évangile. Pour moi, pareilles vigiles sont une première. Demain, c’est la Semaine de Thomas, la Sainte Pâque est déjà passée.
12 avril
Ces jours-ci, j’étais extrêmement occupé, j’ai été auprès de Batiouchka presque chaque journée dans son entièreté. Aujourd’hui, le Frère Kyrill repart. Pendant le temps qu’il a passé ici, il m’a beaucoup aidé dans mes travaux d’écriture. Sauve-le, Seigneur.

Saint Nikon d’Optina

Hier, on a commémoré Saint Barsanuphe, c’était la fête onomastique de Batiouchka. Voici peu, hier ou avant-hier, Batiouchka m’a dit que quand il était dans le monde, il aimait beaucoup aller à la cathédrale de Kazan vénérer les reliques de Saint Barsanuphe.
Quand Batiouchka a commencé à ressentir le désir de la vie en Dieu, il s’est souvent adressé en prière à Saint Barsanuphe, comme pour l’aider dans son choix de chemin de vie. Et le saint serviteur de Dieu n’a pas laissé vaines les prières qui lui étaient adressées par celui qui accourait à lui avec foi. Et il indiqua à Batiouchka la voie monastique, et le trouva même digne de recevoir son nom lors de la tonsure monastique.
Et le premier pas dans cette direction fut, peut-être, ce que Batiouchka me raconta le 14 mars avant les vigiles.
Il me dit : «À Kazan, quand fut mis en scène pour la première fois l’opéra «Les Huguenots», j’étais dans une des loges avec quelques-uns de mes bons amis. J’aimais beaucoup l’opéra. Mais soudain, dans cette loge, la tristesse s’abattit sur moi. C’était comme si dans mon âme quelqu’un me disait : «Tu es venu dans cette salle et tu es assis ici, mais si tu mourais maintenant, qu’arriverait-il? Le Seigneur a dit «On est jugé comme on est pris»… Sors de cette salle d’opéra au plus vite. Elle va se présenter comment au Seigneur, ton âme, si tu meurs maintenant?!» Je fus remplis d’effroi. J’étais pleinement en accord avec cette voix intérieure et je pensai : je dois partir. Alors, une autre voix se mit à dire : «Mais que vont dire tes amis? Non mais, vaut-il la peine d’attacher de l’attention à la première bagatelle venue !?» La première voix reprit : «Sors, sors vite, tes amis ne le remarqueront pas maintenant, et ils ne penseront plus à toi. Plus tard tu pourras leur raconter ce que tu voudras s’ils te questionnent…» La lutte se poursuivait, la première voix prit le dessus et je décidai de partir. Je me suis lentement levé de ma chaise, je suis arrivé à la porte à pas feutrés, je l’ai vite fermée derrière moi et je me suis rapidement dirigé vers la sortie. J’ai dévalé les escaliers presque en courant. J’ai vite enfilé mon manteau et j’ai couru dans la rue, j’ai hélé un fiacre et je suis rentré chez moi. Ce n’est que lorsque je suis entré dans ma chambre confortable que je pus reprendre mon souffle. C’est alors que j’ai décidé de ne plus jamais aller à l’opéra. Et en effet, je n’y suis plus jamais allé.
Puis, comme c’est le cas avec tout, j’ai oublié cela, au fil du temps. Et les années ont passé. Un jour, je me suis souvenu de cela à nouveau et je voulus savoir quel jour nous étions, qui nous commémorions ce jour-là. J’ai cherché et j’ai appris que nous étions le 4 octobre, et fêtions la mémoire des saints Gouri et Barsanuphe, les thaumaturges de Kazan… Seigneur, c’était donc Saint Barsanuphe qui m’avait sorti de cette salle d’opéra! Maintenant, je pense: quel sens profond dans les événements de notre vie, comme elle se déploie selon un plan particulier, mystérieux!»
Puis je me suis souvenu d’un autre incident quelque peu similaire dans ma vie. Mais alors, je fus vaincu, et le prince de ce monde gagna. J’allais au théâtre et soudain une voix me dit:
– «N’y vas pas. Que se passe-t-il si tu meurs au théâtre?»
– «Comment n’irais-tu pas?», répliqua une autre voix, «que diront-ils à la maison?»
– «Eh bien, d’accord, tu as peur de ce qu’ils diront si tu rentres maintenant. Mais vois combien de chapelles il y a, entre dans l’une d’elles, prie, et le temps passera là»
– «Eh bien, voilà autre chose! Qu’est-ce que tu vas dire si on te demande qui a chanté, etc.?»
Et j’ai été vaincu, bien que j’aie alors ressenti une certaine angoisse, et décidé de ne plus aller au théâtre. Et ce fut vraiment la dernière fois que j’allai au théâtre. (A suivre)

Traduit du russe
Source :

Saint Père Nikon, prie Dieu pour nous.