Le texte ci-dessous est la traduction de l’original russe de l’homélie prononcée le douze janvier 2008 par l’Higoumène du Grand Schème Seraphim (Baradel-Pokrovski) du Monastère de Valaam. Cet original est publié sur le site du monastère.
D’origine française, le Père Seraphim fut pendant vingt ans l’auxiliaire de cellule du Saint Archimandrite Sophrony (Sakharov). Il rejoignit ensuite le Monastère de Valaam sur le Lac Ladoga, dans le Nord de la Russie, et devint le Supérieur de la Skite de Tous les Saints. Voici quelques années, pour des raisons de santé, il a quitté Valaam pour servir Dieu dans la région de Moscou.

Mes chers frères! Les jours passent vite; nous voici à la clôture de la Fête de la Nativité du Christ. Et je voudrais parler un peu des premiers mots du tropaire de la Nativité du Christ: «Ta Nativité, Christ notre Dieu, a fait resplendir dans le monde la lumière de la connaissance». Dans quelques jours, nous célébrerons la Théophanie, le Baptême du Seigneur, et dans le kondakion de cette fête, il y a ces mots qui font écho aux mots du tropaire de la Nativité: «Tu es apparu aujourd’hui au monde entier, Seigneur, et Ta lumière nous a marqués de son empreinte, nous qui Te chantons en toute connaissance : Tu es venu, Tu es apparu, Lumière inaccessible ».

Bien sûr, dans ces lignes, on se souvient de l’Évangile de Jean: «Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu. Il était au commencement en Dieu. Tout par lui a été fait, et sans lui n’a été fait rien de ce qui existe. En lui était la vie, et la vie était la lumière des hommes, et la lumière luit dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont point reçue.» [Jean 1:1-5], ainsi que de la merveilleuse prière de l’heure de Prime: «Christ, Lumière véritable illuminant et sanctifiant tout homme qui vient en ce monde, que brille sur nous la Lumière de Ta Face, pour qu’en elle nous voyions ta Lumière Inaccessible: et dirige nos pas vers l’accomplissement de Tes commandements, par l’intercession de Ta Mère Toute Pure, et de tous Tes Saints, amen».
Donc, avant la venue du Christ, avant Jésus-Christ, avant Sa Théophanie, il y avait l’obscurité, il y avait les ténèbres, et après Sa venue, en Lui, par Lui et avec Lui, nous avons la lumière de la vie, la lumière de la raison, la lumière de la connaissance. Si vous vous souvenez, parmi les parémies qui sont lues à la Nativité du Christ, il y a une lecture de la prophétie de Baruch, qui se termine par ces mots merveilleux «Bienheureux sommes-nous, Israël, car il nous est possible de connaître ce qui plaît à Dieu!» (Bar.4:4). Puisque le prophète de l’Ancien Testament a pu écrire de telles paroles, en se référant à la Loi de l’Ancien Testament, nous pouvons encore nous exclamer: «Bienheureux sommes-nous, Nouvel Israël, car il nous est possible de connaître ce qui plaît à Dieu!» Et nous avons vraiment la bénédiction en Christ, par le Christ et avec le Christ de connaître le chemin. Et dans la Nativité du Christ, cette Lumière brille sur le monde en ce scintillement paisible et doux de l’étoile de Bethléem. Et lors de la prochaine fête, la Théophanie, le Christ viendra dans le Jourdain comme un Homme Parfait, pour entamer Son Ministère salvateur pour le monde, le ministère de la Croix.
«Ta Nativité, Christ notre Dieu, a fait resplendir dans le monde la lumière de la connaissance» Adam au Paradis Le contempla directement face à face, il contempla la Lumière du Visage de Dieu et ne voyait rien d’autre, il ne remarquait même pas sa nudité, c’est-à-dire qu’il ne voyait pas un monde matériel. Et quand il a commis la transgression contre le commandement de Dieu par la désobéissance, la convoitise et l’orgueil, il tomba hors de la Lumière. Il devait cultiver le paradis, c’est-à-dire grandir dans le respect des commandements de Dieu et, comme Dieu le lui avait promis, grandir jusqu’à la plénitude du savoir et de la connaissance de Dieu, c’est-à-dire le discernement du bien et du mal. Il était encore petit, un enfant pourrait-on dire, et il ne pouvait pas accueillir toute la plénitude de la connaissance de Dieu, c’est pourquoi le Seigneur lui donna cette élévation progressive. Mais Adam voulut se hâter, voulut être un Dieu sans Dieu et jouir immédiatement de ce savoir, et au lieu de la connaissance, il reçut la folle ignorance, au lieu de la lumière, il plongea dans une terrible, terrible, obscurité, et avec lui toute sa postérité, tous ses fils, et nous tous. Les hommes, ces créatures intelligentes, sont devenus des idolâtres et c’est cela qui indique la profondeur de cette obscurité de la folie et de l’ignorance de l’humanité détachée de Dieu. Ils ont perdu la connaissance du vrai Dieu, ils ont même perdu la connaissance de leur propre dignité humaine, ils ont perdu la connaissance de leur ressemblance avec Dieu. Ils étaient devenus vraiment semblables, comme il est dit dans les psaumes, aux animaux sans raison (Ps.48:21). Pendant des siècles, voire des millénaires, cette obscurité a perduré et est devenue plus épaisse, encore plus épaisse et toujours plus épaisse.
Dans l’histoire de l’humanité avant le Christ, il y eut quelques lueurs, il y eut de grandes civilisations, humainement parlant, en Orient: en Chine, en Inde, au Japon. Il y eut de grands hommes, car l’homme eut toujours soif de vérité, de sa recherche; l’homme se souvenait qu’il avait autrefois été un être du paradis, et une mince lueur rougeoyait faiblement. Et il y eut des hommes d’humaine sagesse: Bouddha, Confucius et d’autres, mais ce n’étaient que des reflets, ils savaient eux-mêmes qu’ils ne pouvaient pas aller jusqu’à la vérité, qu’ils n’avaient pas la plénitude de la connaissance de Dieu. Pourquoi ? Eh bien, parce qu’ils restaient esclaves et prisonniers de la mort.
Les prophètes ont tous annoncé qu’un Sauveur viendrait nous sauver, comme Joseph le prophétisa en mourant. Ils étaient tous conscients de leur impuissance: l’impuissance à vaincre la mort, à se débarrasser de l’esclavage du péché, de l’esclavage de la mort, et à voir la Lumière de la Vérité, à voir la Lumière de la Vie. C’est pourquoi le prophète Isaïe, dans sa perspicacité prophétique, dit aux hommes assis dans les ténèbres et dans la verrière de la mort: «La Lumière a resplendi» (Isaïe 9:2). Cette lumière n’est pas une sorte de philosophie, ni des réflexions humaines, ni des idées sur Dieu et la vie, bien que les philosophes grecs, dans leur quête, avant le Christ, aient également donné au monde des lueurs de vérité. La lumière de la connaissance de Dieu, c’est Dieu Lui-même. Voilà la grande différence avec toutes les philosophies ou sagesse de l’Orient, de la Chine, de l’Inde, etc.: c’est Dieu Lui-même qui est venu, Il est apparu comme une Lumière, en Lui-même et par Lui-même, Il nous a montré la Lumière du Royaume Céleste, Il nous a montré à nouveau la Lumière du paradis perdu, et Il nous a montré la Lumière de la Connaissance Divine, c’est-à-dire le chemin pour atteindre ce paradis perdu. Il a rétabli en Lui-même ce qui avait été perdu par Adam: Il a rétabli l’obéissance, rétabli l’humilité, rétabli la pureté, la virginité.
Par conséquent, il y avait cette nécessité intérieure, que le Christ Dieu, le Sauveur, naisse de la Vierge Toute-Pure, précisément de la Vierge, et qu’Il ne naisse ni à Rome ni dans des palais royaux, mais dans une grotte froide, pauvre, dans l’obscurité. Qu’Il naisse comme l’Humble Bébé, Silencieux, Nourrisson sans défense, et non comme un surhomme ou un géant. Le Seigneur Lui-même est venu, «Il est venu et Il est apparu», et Il nous a montré le chemin vers le Père, Il nous a montré le chemin vers le paradis perdu. Et donc, mes chers frères, nous devons comprendre que nous sommes vraiment bienheureux, nous, chrétiens orthodoxes, parce que nous sommes les possesseurs de la plénitude de la connaissance de Dieu. Comme l’a dit un père, la perfection est cachée dans la Croix, et la vraie science de Dieu, c’est-à-dire la Lumière de la connaissance divine, n’est obtenue que par la croix, il n’y a pas d’autre chemin.
Il y eut avant le Christ, et après le Christ, des tentatives d’atteindre la Connaissance sans la Croix et elles se sont multipliées surtout à notre époque. C’est ce qu’on appelle la gnose, la théosophie, etc., ces mouvements qui sont en fait l’orgueil du malin. Le malin voulut aussi être Dieu et s’est abaissé plus bas que toute créature, parce que, comme le Christ le dit, et cette loi reste immuable: celui qui s’élève sera humilié, et celui qui s’humilie sera élevé (Cf.14:11), élevé et glorifié par Dieu, le Ciel et la terre. Le Christ en tant qu’Homme s’est abaissé au-dessous de toute créature, et pour son exploit ascétique de la Croix (pas seulement à Gethsémani, au Calvaire, car tout le chemin de Sa vie est le chemin de la Croix, le chemin de croix, du service humble et obéissant), Il est glorifié par le Ciel et la terre. Il en est de même de la Toute-Pure ; Elle avec Lui, avec Son Fils bien-Aimé, dès le début, dès le moment de la Conception et de la Naissance, Elle a partagé tout Son chemin de Croix à Lui. Mais Elle a aussi suivi Son chemin de Croix de Mère de Dieu, son Calvaire de Mère de Dieu, et pour cela, pour avoir vraiment accepté et parcouru ce chemin avec humilité, obéissance, amour sans limites et dévouement à la volonté de Dieu, Elle est maintenant glorifiée par le Ciel et la terre. Comme il est dit dans la Divine Liturgie de Saint Basile le Grand : «Ayant résidé dans ce monde et donné ses préceptes salutaires, nous détournant des errements de l’idolâtrie, il nous a amenés à Te connaître, Toi vrai Dieu et Père, et nous a acquis pour Lui-même comme un peuple choisi, un sacerdoce royal, une race sainte…». Et nous chantons pendant le Grand Carême: «Mon esprit T’a désiré pendant la nuit, mon Dieu car, lorsque Tes Commandements s’exercent sur la terre, les habitants du monde apprennent la justice.» Ainsi, mes chers frères, chaque jour et chaque nuit, nous devons donc nous lever à la lumière des commandements du Christ. Comme nous l’avons dit plusieurs fois, les commandements du Christ sont la révélation de Dieu, la révélation de la vie que Dieu Lui-même vit.
Et donc, si nous gardons les commandements de Dieu, du Christ, nous sommes certains d’être éclairés par la lumière de la vérité, la lumière de la vie, la lumière de la joie. Et nous connaîtrons le chemin, nous aurons alors vraiment cette grande bénédiction de connaître le chemin. C’est très important à notre époque; le Starets Sophrony m’a dit à plusieurs reprises: «Le Problème de notre époque est que personne ne sait que faire ni où aller, même dans l’Église.» Maintenant, les prophéties des premiers pères se réalisent, selon lesquelles il n’y aura plus de véritable connaissance de Dieu dans les derniers temps, et nous observons cela: le Corps de l’Église est déchiré à droite et à gauche. Comment trouver exactement la voie royale? Souvenons-nous de ces mots: «Ta Nativité, Christ notre Dieu, a fait resplendir dans le monde la lumière de la connaissance», la connaissance par la croix, l’obéissance, l’humilité, la virginité, et la pureté. À chaque office de minuit, nous lisons le dix-septième cathisme: «Heureux ceux qui sont irréprochables dans leur voie, qui marchent selon la loi de Dieu ! Heureux ceux qui gardent ses enseignements, qui le cherchent de tout leur cœur, qui ne commettent pas l’iniquité et qui marchent dans ses voies !»(Ps.118: 1-3), etc. C’est un cantique merveilleux à la Loi du nouveau Testament du Seigneur. Il y a aussi ces mots: «Ta parole est un flambeau devant mes pas, une lumière sur mon sentier.» (Ps.118:105).
Oui, maintenant les ténèbres s’épaississent: les ténèbres du nouveau paganisme, de l’idolâtrie, les ténèbres de l’impureté blasphématoire, la plus blasphématoire, les ténèbres de la folie. Mais même maintenant, mes chers frères, que la Loi du nouveau Testament, c’est-à-dire la Loi de l’Amour Sacrificiel et de la Croix, soit une lampe devant nos pas et une lumière sur notre étroit chemin. Alors nous ne nous perdrons pas.
Terminons par une prière « O Christ, Vraie Lumière, illumine et éclaire tout homme qui vient au monde et est appelé à la connaissance de Dieu et au Service divin de la vérité. Que la Lumière de Ton Visage, doux, humble, nous imprègne, que nous y voyions la Lumière Inaccessible, la Lumière de Ton Humilité et la Lumière de Ton Amour Indicible. Et dirige notre démarche vers l’accomplissement de Tes commandements, porteurs et donateurs de lumière, par les prières de Ta Très Sainte Mère Toute Pure, dont le Visage est pour nous aussi la Lumière la plus éclatante dans les ténèbres de ce monde, et de tous Tes saints, qui, étant semblables à Toi, sont tous devenus de merveilleuses lumières au firmament de l’Église, amen». Ainsi, mes chers frères, nous voici déjà à la clôture de la Fête de la Nativité du Christ.
Traduit du russe
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