Né en 1888, le Saint Hiéromartyr Nikon (Beliaev) fut hiéromoine à la Skite du Monastère d’Optina. Il en fut un des derniers startsy, ayant eu pour père spirituel Saint Barsanuphe, lui-même fils spirituel du Saint Starets Anatole (Zertsalov) d’Optina. Un récit de sa vie a été traduit en plusieurs parties sur le présent blogue et est accessible ici. Le Monastère a publié le journal tenu par le novice Nicolas pendant les trois premières années de sa vie monastique. (Дневник послушника Николая Беляева (преподобного Оптинского старца Никона). Le texte ci-dessous est la traduction (sur base de l’édition de 2016) des premières pages de cet ouvrage remarquable, inédit en français. Le début de la traduction se trouve ici.
(…)
(…) Batiouchka dit aussi: «Une femme ne peut pas vivre sans la foi. Soit, après un temps d’incroyance, elle revient bientôt à la foi en Dieu, soit elle commence à se décomposer rapidement. L’homme, c’est autre chose : il peut vivre sans la foi. Il se pétrifie complètement, devient comme une colonne de sel et il vit ainsi, tout rigide. Mais une femme ne peut pas le faire.»
Batiouchka a dit aussi qu’une personne pouvait rapidement changer.
Alors, j’ai dit:
– Oui, Batiouchka, j’avais un camarade, un ami. Il était croyant, pratiquait la religion. Il fut un temps où il était plus religieux que moi (mais je n’ai jamais perdu la foi, même si j’étais indifférent), et maintenant, c’est un athée intégral.
Je parle de Yach Vassiliev. Il disait parfois des choses effrayantes et me terrifiait. Il m’a parlé de suicide plus d’une fois. Batiouchka a prié pour lui. Puis j’ai dit que son père était très religieux, bien que tourné vers le monde.
– Il reviendra à la foi. La religiosité est héréditaire, a déclaré Batiouchka.
Et aujourd’hui, Batiouchka a également dit que Caïn a produit une descendance impie, alors qu’Abel a eu une descendance croyante. «De la même manière que l’hérédité est transmise dans la chair, l’hérédité concerne aussi l’âme et l’esprit. Bien sûr, il y a des exceptions. Parfois, le grand-père transmet la religiosité directement au petit-fils, alors que le fils est impie. Mais malgré celui-ci, cette hérédité est généralement préservée.»
Je me souviens que récemment, Batiouchka a dit: «Remarquez, tous les peuples et les tribus qui ont tenté d’éliminer la Russie, ou ils ont été complètement effacés de la surface de la terre, ou ils ont perdu leur pouvoir, ou, enfin, sont dans un état de cadavre en décomposition, comme, par exemple, la France. Au contraire, ceux qui ont aidé la Russie se renforcent, comme l’Allemagne…» Et à propos de la France, Batiouchka a dit aujourd’hui qu’elle n’existerait plus très longtemps, une trentaine d’années, et que je vivrais jusqu’à ce moment-là.
Récemment, Batiouchka a également parlé des propriétés vertueuses des japonais, comme les japonais convertis à la foi chrétienne prennent aux sérieux le christianisme et ses règles, par exemple les jeûnes. Quand ils auront le monachisme, ils rappelleront les anciens héros de l’ascèse d’Égypte.
«Il existe un lien mystérieux entre le peuple et le tsar. Telle est la moralité du tsar, telle est celle du peuple. A travers la personne du peuple, le tsar est puni par le Seigneur, et le peuple l’est par la personne du tsar…»
«Souvent, les archimandrites et les higoumènes tombent dans la passion d’accumuler de l’argent; le malin est toujours là à insister sur la mauvaise idée qu’il faut avoir quelque chose pour quand ils seront vieux. Et ils se perdent à cause de cela. Par conséquent, il est très nécessaire de se tenir à l’écart de ça…»
Batiouchka m’a dit aussi:
– Savez-vous quel genre de jour est le 17 décembre pour moi?
– Non.
– Ce jour-là, en 1891, j’ai quitté Kazan pour ne plus jamais y retourner. Aujourd’hui, on commémore les trois jeunes gens qui sont sortis sains et saufs de la fournaise, et le Seigneur m’a permis de quitter ce jour-là le monde, qui est aussi la fournaise des passions. Les jeunes gens ont été jetés dans la fournaise pour n’avoir pas voulu adorer les idoles, c’est pourquoi le Seigneur les fit sortir sains et saufs de cette fournaise. De même, nous, moines, tant moi que vous, sommes sortis du monde, bien sûr, parce que nous ne voulions pas adorer les idoles. Et les idoles y sont placées partout: l’idole de la fornication, l’idole de l’orgueil, de la gourmandise, etc. Prions Dieu pour qu’il nous rende dignes de Son Royaume des Cieux. Là, il y a une beauté qui, en vérité, et ne peut être vue par l’œil ni entendue par l’oreille, et [qui] n’entre pas dans le cœur de l’homme.»
Un jour, avec Son Éminence l’Évêque Kyrill, Batiouchka fut stupéfait par la vue merveilleuse de la lune à Kazan, dans la nuit. Involontairement il se mit à parler de la beauté éternelle incorruptible du Royaume des Cieux. «Et comment?! Et comment, Pavel Ivanovitch», répliqua Son Éminence Kyrill. Alors, bien sûr, il appréciait ce que moi, je ne pouvais même pas imaginer. Bienheureuse âme!.. J’adorais parler avec lui. Et parler de cela avec vous me procurer une telle consolation…»
20 décembre
Aujourd’hui, une grande affliction m’est arrivée avec Batiouchka. Je suis venu pour travailler, mais ce ne fut pas possible: il y avait des confessions tout le temps. Quand quelques minutes de temps libre apparurent, je me suis approché de Batiouchka, qui m’a dit: «Lors des fêtes, l’ennemi essaie toujours de produire des désagréments, des afflictions. À un tel, un coup, à un autre, une claque, à tout le monde il essaie de donner quelque chose pour la fête .Et plus vous vivez en vous surveillant, plus strictement, au plus l’ennemi est armé, et en particulier lors des fêtes; il a toujours quelque chose à offrir. Il faut s’attendre à tout, se préparer à tout. Mais le Seigneur est miséricordieux, et lors des fêtes, les cadeaux sont aussi distribués. Et vous aussi recevrez quelque chose, mais vous ne le remarquerez que dans 40 ans, peut-être. Alors vous saurez quel don le Seigneur vous a envoyé pour cette fête.»
Batiouchka est très gentil avec moi. Sauve-le, Seigneur!
Batiouchka m’a dit à plusieurs reprises que les «âmes bienheureuses» venaient à lui. Et en général, lors de la conversation, il utilise cette expression à plusieurs reprises. Et hier, Batiouchka m’a expliqué pourquoi il les qualifiait d’âmes bienheureuses.
«Je les appelle bienheureux, parce qu’ils ont une grande conscience de leur faiblesse, de leur péché, et avec cette conscience, une foi ferme en Dieu.»
Et il a également récemment dit ce qui suit: «Il y avait un homme riche, qui soudain devint un mendiant; c’est difficile, mais réparable. Un autre était en bonne santé, il devint malade; c’est réparable, car le Christ est avec le pauvre et le malade. Mais perdre la foi est un grand malheur. C’est terrible parce que l’homme n’a plus de soutien…» (A suivre)
Traduit du russe
Source :
Saint Père Nikon, prie Dieu pour nous.