Né en 1888, le Saint Hiéromartyr Nikon (Beliaev) fut hiéromoine à la Skite du Monastère d’Optina. Il en fut un des derniers startsy, ayant eu pour père spirituel Saint Barsanuphe, lui-même fils spirituel du Saint Starets Anatole (Zertsalov) d’Optina. Un récit de sa vie a été traduit en plusieurs parties sur le présent blogue et est accessible ici. Le Monastère a publié le journal tenu par le novice Nicolas pendant les trois premières années de sa vie monastique. (Дневник послушника Николая Беляева (преподобного Оптинского старца Никона). Le texte ci-dessous est la traduction (sur base de l’édition de 2016) des premières pages de cet ouvrage remarquable, inédit en français. Le début de la traduction se trouve ici.
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9 décembre
C’est aujourd’hui, ce jour béni, jour de joie, et de joie inattendue au sujet de laquelle j’ai récemment écrit. Cela fait déjà un an que le miracle de la miséricorde de Dieu fut accompli. Des dizaines d’années viendront peut-être à passer, si le Seigneur le permet, mais je n’oublierai pas ce jour-là, car il est impossible que je l’oublie.
Aujourd’hui, j’ai parlé de cela à Batiouchka, et il a confirmé que c’était vraiment un miracle: «Si tout homme examine sa vie, et en particulier un moine, il verra que sa vie est un miracle continu. Bien sûr, maintenant, il est clair que votre grand-père s’occupe de vous. Avant, je vous l’ai dit parce que cela m’avait été révélé; mais maintenant, nous découvrons pourquoi j’ai dit cela. Cela signifie que votre place ici vient d’En Haut…»
Batiouchka a béni que j’écrive à maman à propos de tout cela et lui demande quelques détails.
Aujourd’hui, c’est aussi la commémoration de la Conception de Sainte Anne, lorsqu’elle a conçu la Très Sainte Mère de Dieu. Batiouchka a dit que cela avait également à voir avec tous les événements précités. «Et je mets le sceau de Dieu sur tout cela», a déclaré Batiouchka quand je lui ai tout raconté. Gloire à notre Dieu!
Le 10, j’ai dû aller en ville pour Batiouchka et pour mes affaires. Tout s’est bien passé.
Un jour, quand j’étais chez Batiouchka, un novice du monastère, Frère Gabriel (Aliabiev), est entré. Il a entre autres demandé la bénédiction pour «vénérer l’icône». Batiouchka bénit, et ensuite, soudainement, il décrocha la petite icône de l’Annonciation qui se trouvait près de lui et la donna au Frère Gabriel. Quand ce dernier fut parti, Batiouchka m’a dit: «Pourquoi lui ai-je donné une icône? Je ne le sais pas moi-même, ce qui signifie que c’est nécessaire. Peut-être qu’il deviendra starets…» Personnellement, je ne sais pas non plus pourquoi j’ai décidé d’écrire à ce sujet.
Batiouchka m’a commandé de commémorer grand-père et babouchka le jour anniversaire de leur décès.
Un jour, Batiouchka m’a dit «Ne prenez pas, Nicolas Mitrophanovich, la charge d’higoumène, c’est très difficile!»
Et peu de temps après, il a dit ceci: «Quand vous êtes de bonne humeur, attendez-vous à la tempête. C’est presque toujours le cas…» Et puis: «Vraiment, toute bonne affaire est précédée ou suivie d’une tentation…»
14 décembre
Batiouchka m’a dit à plusieurs reprises que diverses calomnies et fictions sont répandues à son sujet, parfois très drôles et stupides, sans aucun fondement. Par exemple, à Chamordino, on dit à propos de Batiouchka qu’il «décrit toutes les pommes de terre», c’est-à-dire qu’il est très avare et gourmand. Mais ce n’est pas du tout le cas, même bien au contraire.
Maintenant, j’ai une certaine possibilité de voir la vie Batiouchka de façon plus complète, grâce au fait que je passe toute la matinée avec lui. Parfois, j’entends donc aussi ses instructions pratiques et d’ordre économique.
L’origine de cette élucubration, c’est la précision et l’exactitude dont fait preuve Batiouchka dans les affaires économiques et, en particulier, financières. La raison de cette précision et de cette exactitude est que Batiouchka se considère comme l’intendant, le fondé de pouvoir de Saint Jean le Baptiste; l’argent ne lui appartient pas, il est la propriété de la Skite et de Saint Jean le Baptiste.
On offre souvent des choses à Batiouchka, avec des mots:
– C’est pour vous personnellement.
Et Batiouchka réplique :
– Je suis lié par le vœu de pauvreté et je n’ai pas le droit d’accumuler du capital, tout va à la fraternité.
Récemment, on a fait parvenir à Batiouchka, en ma présence, de l’esturgeon étoilé, environ un demi-poud [N.d.T. : environ 8kg] et de nouveau, on lui dit:
– C’est pour vous personnellement.
Alors, Batiouchka me demanda:
– On va bientôt avoir un journée où le poisson est autorisé?
Je répondis:
– Samedi.
– Eh bien, il ira au réfectoire, dans la soupe.
Batiouchka a offert à la Skite des dons considérables, en son temps. Mais maintenant, Batiouchka n’a pas d’argent, à l’exception de la petite somme restante du salaire qui lui fut dû en Mandchourie.
Batiouchka a besoin de pruneaux, sinon son estomac ne fonctionne pas du tout. Nous devons acheter des pruneaux avec l’argent de la Skite. Bien sûr, en général, cela coûte deux fois rien, mais le Père est toujours inquiet «Comment est-ce que je dépense de l’argent pour moi-même?». Il a été rassuré à ce sujet, par qui, je ne sais pas, mais je pense qu’il s’agit de moines et même de hiéromoines. En général, Batiouchka se satisfait du repas de la Skite, il le trouve plus savoureux que tout ce qu’il a mangé dans le monde, alors qu’à cette époque, il avait, selon lui, «tout le bien du monde » dans ses mains.
La vie de cellule de Batiouchka se distingue par sa simplicité. De même, il communique avec une même simplicité avec la fraternité.
– La simplicité apparaissait déjà à l’époque du premier monachisme dans la relation de l’abba avec ses disciples. L’abba était un père, pas un maître ou un chef qui ne pouvait pas être approché. La même simplicité existait avec nos Startsy dans notre Skite. Puis, après le Père Ambroise et le Père Anatole, cette simplicité a commencé à disparaître. Maintenant, on me dit même que je communique avec trop de simplicité. Je ne peux pas faire autrement. Si certains abusent de ma simplicité, ce n’est pas de ma faute. Je ne peux pas, à cause de certains, être dans une relation officielle et froide avec tout le monde. Qu’en pensez-vous?
– Moi, Batiouchka, je suis tout à fait d’accord avec vous, répondis-je.
Cette conversation a eu lieu l’été, encore dans notre ancien bâtiment. C’était le soir. Batiouchka avait du temps libre, et nous déambulions dans la Skite, puis nous nous sommes assis. Ce soir même peut servir de preuve de la simplicité de Batiouchka : nous marchions comme père et fils, la conversation fut des plus simples, des plus sincères, ce que nous avions à l’esprit, et qui nous venait sur la langue. Il n’y avait pas la moindre tension entre nous, mais Batiouchka ne quitta pas sa dignité de starets, ni moi, mon respect et ma vénération pour lui. En dépit de toute la simplicité de cette relation, je demeurais toutefois le disciple et Batiouchka, le starets. (A suivre)
Traduit du russe
Source :
Saint Père Nikon, prie Dieu pour nous.