Né en 1888, le Saint Hiéromartyr Nikon (Beliaev) fut hiéromoine à la Skite du Monastère d’Optina. Il en fut un des derniers startsy, ayant eu pour père spirituel Saint Barsanuphe, lui-même fils spirituel du Saint Starets Anatole (Zertsalov) d’Optina. Un récit de sa vie a été traduit en plusieurs parties sur le présent blogue et est accessible ici. Le Monastère a publié le journal tenu par le novice Nicolas pendant les trois premières années de sa vie monastique. (Дневник послушника Николая Беляева (преподобного Оптинского старца Никона). Le texte ci-dessous est la traduction (sur base de l’édition de 2016) des premières pages de cet ouvrage remarquable, inédit en français. Le début de la traduction se trouve ici.
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27 novembre
Aujourd’hui, en attendant la bénédiction, je me suis assis auprès des auxiliaires de cellules de Batiouchka et j’ai parlé de la révélation des pensées, de la paternité spirituelle, du monachisme en général et de la littérature ascétique. Il est très possible qu’ils m’aient mis à l’épreuve, on aurait dit qu’ils parlaient contre moi.
Je suis entré chez Batiouchka, lui ai dit ce qui était nécessaire, mais alors, Batiouchka lui-Même commença à dire ce qui suit:
«Le monde entier est comme sous l’influence d’une force qui domine l’esprit, la volonté, et toutes les forces spirituelles de l’homme. Une jeune femme de bonne famille a raconté qu’elle avait un fils. Il était religieux, chaste, un bon garçon de façon générale. Il s’est mis a fréquenter certains amis et est devenu mécréant, dépravé, comme si quelqu’un le maîtrisait et le forçait à faire tout cela; il est évident que c’est une force de l’ombre, une force mauvaise. Sa source est le malin, et les hommes ne sont qu’un instrument, un moyen. L’antéchrist va venir dans le monde, c’est son précurseur. À propos de cela, l’Apôtre dit: «Dieu leur envoie des illusions puissantes qui les feront croire au mensonge, en sorte qu’ils tombent sous son jugement, tous ceux qui ont refusé leur foi à la vérité» [2Thess.2;10-11]. Quelque chose de lugubre, d’horrible arrive dans le monde. L’homme se retrouve même comme sans défense: il est tellement dominé par cette force maléfique qu’il n’a pas conscience de ce qu’il fait. Tout ces grévistes… Même le suicide est insufflé, et commis. Et pourquoi cela arrive-t-il? Parce qu’ils ne prennent pas les armes en mains: ils n’ont pas avec eux le Nom de Jésus ni le signe de Croix. Personne n’accepte de dire la prière de Jésus et de faire le signe de Croix: ce sont, disent-ils, des antiquités archéologiques, qui ont complètement dépassé leur temps. Ayez constamment avec vous la prière de Jésus: «Seigneur Jésus-Christ, Fils de Dieu, aie pitié de moi, pécheur», et révélez vos pensées.
Tous les Saints Pères disent qu’il est impossible de pratiquer la prière de Jésus sans s’examiner attentivement soi-même. Le Nom de Jésus détruit tous les attributs du malin, ils ne peuvent pas résister à la puissance du Christ. Toutes les ruses du mauvais s’envolent en poussière. Pourquoi donc, et comment cela se passe, nous ne savons pas. Nous savons seulement que c’est vraiment le cas. Si on met de la dynamite dans une pièce et qu’elle explose, toute la pièce vole en éclats. C’est ce que nous savons; nous savons que cela arrivera ainsi. Mais pourquoi, nous ne le savons pas. Il en va de même pour le Nom de Jésus: nous voyons clairement que le pouvoir du Nom de Jésus existe et agit, mais comment, nous ne le savons pas…
On voulut, un jour, inciter un prêtre à faire quelque chose d’inconvenant pour lui, danser, ou quelque chose d’autre, et on lui dit:
«Nous allons vous forcer à le faire». Il répondit : «Non!» Et peu importe comment ils essayèrent, peu importe comment ils voulurent, ils ne purent rien faire. «Votre corps ne collabore pas», disaient-ils. «Quelles que soient vos vaines paroles, je fais la prière de Jésus, vous ne pouvez rien me faire faire!» Surtout ce qui n’était pas même orthodoxe !
Il y avait chez nous à la Skite un bienheureux hiéromoine. Le soir, il sortait et se promenait dans la Skite. Bien sûr, il priait la prière de Jésus. Il marchait, il marchait et il quand il entendait qu’au monastère, on sonnait pour les matines, il passait à la prière de sa règle… Tous les Saints Pères disent que la nuit favorise la prière. Les forces de l’âme ne s’éparpillent pas. Ce hiéromoine disait qu’on devait entendre sonner minuit… De façon générale, il est bon de prier la nuit.
S’examiner attentivement lors de la prière de Jésus, cela doit principalement consister en la révélation des pensées (c’est ainsi que je l’ai compris). Par exemple, votre pensée dit: priez ainsi, portez le cilice, seulement que personne ne le sache. On le met, et immédiatement surgit la vaine gloire: ne serais-je pas comme les autres..??? Moi!.. Et ce «moi» ira partout et ruinera tout. Il fallait révéler cette pensée. Et répondre «Non, il vaut mieux être plus humble, et se faire des reproches; aucun cilice n’est nécessaire», et on est ainsi sauvé de la vaine-gloire et de l’exaltation de soi».
Batiouchka se leva, serra ma tête dans ses bras et dit : «Le plus important, ce qu’il faut avant tout, c’est se faire humble, encore et encore!» Il me bénit et me donna congé. Batiouchka était fatigué aujourd’hui. Il a promis de me donner à lire les pensées qu’il a confessées au Père Anatole, mais il ne m’a pas obligé de noter comme lui mes pensées, disant qu’il était encore un peu trop tôt pour cela.
28 novembre
Aujourd’hui, lors de la bénédiction, j’ai parlé des pensées vaniteuses qui me dérangent surtout pendant ma règle en cellule. J’essaie de lire aussi lentement que possible et de comprendre le sens de la lecture. Souvent survient la pensée que je lis et quelqu’un de ma famille ou de mes amis m’écoute et même me voit, même si moi je ne les vois pas. Quand persiste cette pensée, je commence à mieux comprendre le sens de ce que je lis, parfois même un sentiment y est ajouté et de façon générale, je lis mieux. Et il me semble que mes auditeurs sont satisfaits de ma lecture. C’est ce que j’ai raconté à Batiouchka.
– Eh bien, il s’agit d’une vanité à combattre. N’acceptez pas cette pensée.
– Comment ne pas l’accepter?
– Ne pas accepter, c’est ne pas y accorder d’attention. Cet esprit mauvais ne sera pas repoussé immédiatement; c’est comme un chien: il faut le fouetter et le chasser loin de soi, et il finit par s’en aller; et la vanité sera partie.
N’y accordez pas attention. Et si vous voyez que vous commencez à lire mieux et avec plus de sentiment, alors tournez-vous vers Dieu avec gratitude et en vous adressant des reproches. Alors ce serviteur du malin ne pourra plus rien vous faire, et il partira. Mais pas tout à fait. Il ne vous abandonnera pas, et le lendemain, il s’y remettra. Oui, chez le moine la lutte contre les pensées est incessante.
Saint Jean Climaque considère la vanité non pas comme une passion distincte ; il l’assimile à l’orgueil. La vanité, quand elle se renforce tourne en orgueil. La vanité fait que celui qui n’a pas de voix commence à chanter, que le paresseux devient zélé, que le somnolent devient éveillé, etc. Saint Jean Cassien le Roumain, remarquant cela, s’étonne de la malice, de l’astuce et de la méchanceté de ce serviteur du malin. Et voyez comme tous les saints fuirent la vanité, comme ils la traitèrent avec prudence! Par exemple, Batiouchka Ambroise avait toujours une baguette à portée de main, et quand quelqu’un commençait à dire quelque chose qui pouvait exciter la vanité, il prenait la baguette et commençait à l’agiter. On lui demandait :
– Pourquoi agitez-vous ce bâton?
– Je pense qu’il va bientôt se promener sur ton dos…
– Oui, oui… D’accord, Batiouchka, laissons cette conversation.
– Voilà, ainsi, c’est mieux.
Batiouchka Ambroise apparaissait souvent sous sa forme réelle, dans la réalité, et il donnait des conseils, écartait les dangers. Et cela se passait de son vivant. Une fois, on l’a interrogé à ce sujet: comment, sans quitter sa cellule, il apparaissait à beaucoup de monde, pas en rêve mais réellement. En rêve, c’est plus facile à admettre, mais dans la réalité? Comment était-ce possible? «Ce n’est pas moi, c’est mon ange», répondait Batiouchka Ambroise. (A suivre)
Traduit du russe
Source :
Saint Père Nikon, prie Dieu pour nous.