Né en 1888, le Saint Hiéromartyr Nikon (Beliaev) fut hiéromoine à la Skite du Monastère d’Optina. Il en fut un des derniers startsy, ayant eu pour père spirituel Saint Barsanuphe, lui-même fils spirituel du Saint Starets Anatole (Zertsalov) d’Optina. Un récit de sa vie a été traduit en plusieurs parties sur le présent blogue et est accessible ici. Le Monastère a publié le journal tenu par le novice Nicolas pendant les trois premières années de sa vie monastique. (Дневник послушника Николая Беляева (преподобного Оптинского старца Никона). Le texte ci-dessous est la traduction (sur base de l’édition de 2016) des premières pages de cet ouvrage remarquable, inédit en français. Le début de la traduction se trouve ici.

(…)
17 novembre
Aujourd’hui, j’ai parlé avec Ivanouchka, et cette conversation m’a fait me souvenir de beaucoup de choses oubliées, auxquelles pendant longtemps je n’ai pas prêté la moindre attention, mais qui sont dignes d’attention.
Mon premier père spirituel fut l’archiprêtre Serge Liapidevski, déjà décédé, le second fut son fils le Père Siméon Sergeevitch. Malgré que maman, mes grands-parents, et papa eussent été des gens religieux, ils nous envoyaient rarement à l’église, surtout en hiver, craignant que nous nous enrhumions. Et un enfant ne peut y aller de lui-même. Nous avons été choyés et dorlotés, mais nous n’étions pas autorisés à agir selon notre propre volonté, et nous n’avons pas osé y aller sans demander.
Un jour, pendant une confession, il me semble, le Père Siméon Sergeevitch m’a dit qu’il était nécessaire d’aller à l’église lors des fêtes : «C’est un devoir envers Dieu.» J’y ai réfléchi et j’ai accepté. Depuis lors, j’ai commencé à aller souvent à l’église, même en semaine, quand j’étais libre. Et c’est devenu une habitude. Je suis allé aussi aux entretiens du soir le dimanche. Certes, j’y allais plus par «intérêt», mais parfois il y avait quelque chose comme de la tendresse. Je me souviens qu’une fois au cours de l’entretien, je me tenais près du pupitre des chantres, j’écoutais l’homélie et j’ai finalement pensé: «A quoi je passerais mon temps à la maison, je ne sais pas, ici au moins, j’entends des choses utiles à mon âme». Après avoir entendu parler un jour du péché de superstition, j’ai appliqué dans ma vie ce que j’avais entendu, et j’ai rejeté toutes les superstitions; par exemple, les signes. Quand j’entendis parler un jour du péché de regarder avec désir filles et femmes, j’en ai été, à vrai dire, affligé: cela me procurait du plaisir. Que faire? Regarder était un péché et ne pouvait me procurer du plaisir. Que faire? Regarder était un péché, ne pas regarder, c’était me priver de plaisir. Et j’ai décidé qu’on pouvait regarder, mais sans convoitise. Je me suis apaisé au moyen de ce marchandage avec ma conscience : le côté charnel avait pris le dessus.
Une nouvelle tentation se présenta: on m’a proposé un jour d’apprendre à danser, mais la danse commençait tout juste pendant les vêpres. Vers où pencher? Je me souviens qu’il y avait un «Seigneur je crie vers Toi» du 6e ton, et mon dogmatique favori à l’époque: «Toi Qui as appelé Ta Mère bienheureuse…» Je voulais, oui,  je voulais y aller. J’ai longtemps lutté, longtemps hésité, et … Oh honte, honte! j’ai piétiné ma conscience et je suis allé danser. Honteux souvenir! Comme l’ennemi essaie de vous éloigner de l’église, même si vous y allez avec indifférence!

Saint Nikon (Fragment de la Synaxe des Saints Startsy d’Optina. T.A. Mouchketov)

Ce prêtre Siméon Sergueevitch, à l’époque de ma colère contre tout le monde, je le détestais presque, alors que c’était lui qui m’avait incité à aller à l’église.
Quand je suis parti pour le monastère, personne n’y croyait, et je considère moi-même cela comme un miracle, la grâce de Dieu. Un de mes anciens amis, un homme incroyant, avec des convictions «rouges», en colère contre ses parents, m’a dit un jour: «Où je vais finir, c’est difficile à dire, sur le gibet, sous le train, ou ailleurs, je ne sais pas. Mais toi, tu vas probablement te marier, avoir des enfants…». Alors j’étais d’accord avec lui. Mais Dieu merci, le Seigneur m’a délivré de cela.
«Vous avez bien fait de ne pas vous marier, de quitter le monde», a déclaré plus d’une fois Batiouchka, et une fois, il a ajouté: «Vous ne savez pas combien elle est complexe, la vie de l’âme féminine».
Je commence de plus en plus à comprendre le bonheur d’être à la Skite.
Batiouchka a dit un jour qu’un saint eut une vision de la façon dont les frères mangent leur nourriture: il y a celui qui mange et murmure, la nourriture est pour lui comme du fumier; il y a celui qui ne murmure pas, mais ne remercie pas, pour lui la nourriture est insipide; et il y a celui qui mange et remercie, lui mange sa nourriture comme du miel. Il en va de même pour la vie monastique. Il fait bon vivre dans un monastère, seulement pour qui remercie Dieu pour Sa miséricorde, pour le fait qu’Il l’a introduit dans le monastère, pour ce qui l’a détaché du monde. Mais celui qui murmure au sujet de sa vie, il lui est très difficile de vivre au monastère…»
Batiouchka a béni de lire en tout temps la Vie des Saints; quand j’aurai fini de lire les douze livres, je devrai recommencer au début. Il a béni de lire Saint Jean Climaque et puis Théodore le Studite, les Saints Barsanuphe et Jean. Aujourd’hui, Batiouchka est au monastère; il y prononce une homélie.
18 novembre
Hier, je ne suis pas resté chez Batiouchka. J’y suis allé, j’ai bu le thé et je suis rentré dans ma cellule. J’ai commencé à examiner les documents pour rédiger une description de la Skite. Maintenant, cette affaire est complètement nouvelle pour moi et donc difficile, mais je l’ai abordée comme une obédience, à la suite de quoi j’espère la mener à bien, si Dieu le veut. Batiouchka m’a dit la même chose hier soir. «Et le Seigneur peut vous rendre sage», ajouta-t-il.
En outre, Batiouchka a parlé de la nouvelle génération: «Elle est caractérisée par un manque de mémoire, une incapacité pour les mathématiques et en général pour toutes les sciences. Les professeurs et les enseignants se plaignent constamment de cela. Et ce qui explique cela, ce n’est rien d’autre qu’une cohabitation précoce. C’est effrayant d’y penser: quasiment à dix ans, ils commencent à vivre; la syphilis est monnaie courante. Elle se décompose, elle se meurt, la nouvelle génération. Ils veulent vivre sans Dieu. Alors quoi? Les fruits d’une telle vie sont évidents!»
Quand maman était à Optina, elle a demandé à Batiouchka: allions-nous, c’est-à-dire moi et Ivanouchka, rester au monastère tout le temps? Maman était inquiète, pensant que la vie monastique serait trop difficile pour nous, qu’elle pourrait nous accabler bientôt. À cela, Batiouchka a répondu à maman : «Ils resteront s’ils n’oublient pas Dieu». Batiouchka me l’a répété.
19 novembre
Peut-être ai-je déjà écrit quelque part ce que je veux écrire maintenant, car c’est une question d’une grande importance.
– Batiouchka, je juge souvent, même ceux qui font du bien. Souvent, je transforme leur bonne action dans le mauvais sens.
– Craignez la suspicion. Le malin domine celui qui fait confiance à ses hypothèses et à ses soupçons, et il peut lui faire paraître des choses qui n’ont pas réellement eu lieu. Vous rappelez-vous le récit d’Abba Dorothée?
– Je me rappelle.
– Et quand le malin vous fait remarquer les défauts et les infirmités d’autrui et vous incite à la condamnation, dites-vous : «Je suis pire que tout le monde, je suis digne des tourments éternels. Seigneur, aie pitié de moi!» Même si vous le dites sans sentiment, vous devez toujours le dire. (A suivre)
Traduit du russe
Source :

Saint Père Nikon, prie Dieu pour nous.