Né en 1888, le Saint Hiéromartyr Nikon (Beliaev) fut hiéromoine à la Skite du Monastère d’Optina. Il en fut un des derniers startsy, ayant eu pour père spirituel Saint Barsanuphe, lui-même fils spirituel du Saint Starets Anatole (Zertsalov) d’Optina. Un récit de sa vie a été traduit en plusieurs parties sur le présent blogue et est accessible ici. Le Monastère a publié le journal tenu par le novice Nicolas pendant les trois premières années de sa vie monastique. (Дневник послушника Николая Беляева (преподобного Оптинского старца Никона). Le texte ci-dessous est la traduction (sur base de l’édition de 2016) des premières pages de cet ouvrage remarquable, inédit en français. Le début de la traduction se trouve ici.
17 janvier
On a célébré la liturgie. Samedi, c’est la fête de la dédicace de l’église à Saint Macaire l’Égyptien. Je suis allé au monastère pour mon obédience, et il semble que mon travail soit tout à fait inutile. Le Père Éraste n’envisageait pas du tout l’affaire comme ça. Il me suffisait de composer des titres et de les transcrire dans un livre. Et en fait, il y a déjà beaucoup de titres. Il suffit de les raccourcir; le but du travail est purement pratique.
Le 15 janvier, j’ai très tôt interrompu le journal; il n’y avait plus de kérosène. Je vais continuer un peu.
«Ceux de la première réponse, on peut dire directement qu’ils sont eux-mêmes à blâmer, personne n’empêche de lire, au contraire, on leur a même demandé de lire, maintenant ils doivent s’en prendre à eux-mêmes. A la deuxième réponse on peut dire presque la même chose. Vient alors la troisième réponse, la plus intéressante. Ceux-ci méritent même des excuses. Ils ne purent comprendre l’Évangile, c’est-à-dire croire. Même eux sont à quia: ils ont reçu la clé de la compréhension; il faut alors faire l’expérience de l’esprit. Pourquoi n’avez-vous pas voulu en faire l’expérience? Donc, ils sont aussi à blâmer. Donc, eux aussi restent sans réponse».
Ce que signifie expérimenter, je l’ai déjà écrit le 15 janvier. Et aujourd’hui, je ne peux écrire beaucoup plus. Le temps file.
19 janvier, le matin.
Hier soir, j’ai oublié d’écrire, il y avait des vigiles, j’étais un peu fatigué et j’ai oublié. J’ai commencé à corriger ce que j’avais écrit pour mon obédience.
Batiouchka est très faible, aujourd’hui il concélébrait et il me semble qu’il a eu du mal à arriver au bout, on pouvait le voir sur son visage, et il avançait comme s’il allait tomber. Et il n’est pas venu prendre le thé sucré communautaire.
J’écrirai encore ce soir si Dieu me prête vie: je file au réfectoire, le poêle chauffe, je n’ai plus le temps.
Le soir
Aujourd’hui on a des vigiles de toute la nuit; j’ai oublié que demain, c’est dimanche. Déjà onze heures, depuis dix huit heures trente dans l’église, quatre heures sur pieds; je ne me fatigue pas, seulement j’ai l’estomac tout ballonné par la nourriture de carême, et rester debout accentue encore l’inconfort. Cela devient tellement pénible de se tenir debout.
Batiouchka n’était pas là et ses deux auxiliaires de cellule non-plus. Serait-il malade? Après tout, il n’était pas au réfectoire pour le repas. Que la volonté du Seigneur soit faite! J’ai lu 85 pages de la vie du Starets Lev. J’ai vraiment aimé. Si Dieu le veut, je lirai tout le livre.
20 janvier
Batiouchka est malade, mais il va déjà un peu mieux, toutefois il ne peut pas bouger sans aide. Qu’est-ce que Dieu donnera demain? Mais souvent je me souviens de ses paroles, de ce qu’il a dit qu’il ne vivrait plus longtemps.
Je me suis souvenu de ses instructions et je me suis souvenu de ce qu’il disait. «Si vous vivez mal, alors personne ne touche à vous, mais si vous commencez à bien vivre, alors tout de suite, affliction, tentation et vexations». Par ces mots, il a voulu me dire, qu’il faut endurer humblement les insultes infligées par les autres, et en général les afflictions. «Les moines, et en général tous nos frères, sont aussi des hommes, et quand on est un homme, cela veut nécessairement dire ses passions, ses vices: l’un est fier, l’autre est méchant, le troisième est fornicateur, etc. Tous ces hommes sont venus ici, à l’hôpital, pour être soignés, chacun de sa maladie, et guéris avec l’aide de Dieu. Je dis cela parce que vous verrez les vices de vos frères, mais il faut essayer de ne pas juger, c’est notre devise. Tous les hommes sont infirmes, tous ont leurs passions; nous devons pardonner.»
Ensuite, je me souviens que Batiouchka a parlé de nos contemporains, comment ils regardent tout superficiellement :
– La famine sévit dans une telle province.
– Pourquoi cette famine? Demandent certains?
D’autres répondent:
– C’est très clair : le printemps a été froid, puis la sécheresse a commencé.
– Oui, oui, c’est juste.
– Et de plus dans plusieurs endroits il y a eu des incendies, beaucoup de blé a brûlé.
– Eh bien voilà, c’est très clair d’où elle vient, la famine. Bien sûr que c’est ça! Eh bien non, ce n’est pas ça. Pourquoi tout cela s’est-il passé, pourquoi toutes ces circonstances se sont-elles produites? Juste comme ça? Non ! Rien n’arrive comme ça. C’est une punition de Dieu pour les péchés, afin que les gens se repentent de leurs péchés. Mais maintenant, sans doute riront-ils de telles paroles. Certes, il y a des gens qui le pensent, mais il y en a qui en rient. Ces gens sont comme ceux assis devant une horloge et qui raisonnent ainsi. L’un dit:
– Qu’est-ce qu’une horloge?
– Tu vois l’aiguille?
– Oui, et alors, qu’est-ce que je vois?
– Eh bien, voici: l’aiguille tourne, et au fur et à mesure que la journée passe, elle fait le tour deux fois.
– Qu’est-ce que cela veut dire?
– Comment, qu’est-ce que cela veut dire? Il y a un balancier, il oscille selon la loi de la gravité vers le sol, et les heures passent, et l’aiguille tourne.
– Quel est le but?
– Eh bien voilà, quel est le but!.. Je pense, et tout le monde le comprend, que les heures doivent s’écouler si le balancier oscille. Tout est clair!
Et il ne sera jamais convaincu qu’il y a un but raisonnable à l’horloge, à savoir la détermination du temps afin de savoir quelle heure il est, ou combien de temps s’est écoulé depuis une heure connue. C’est ainsi que ces gens raisonnent, ne regardant que l’apparence.»
Ce sera tout pour l’instant. J’ai encore mes cinq cents à faire. (A suivre)
Traduit du russe
Source :
Saint Père Nikon, prie Dieu pour nous.