Le texte ci-dessous est la sixième partie de la traduction d’un original russe intitulé «10 лет рядом с блаженной Катенькой», de Nika Grigorian, régente du chœur de l’église Saint Alexandre Nevski (la principale église russe de la ville) à Tbilissi entre 1994 et 2004. C’est à proximité de cette église que vécut la Bienheureuse Ekaterina, au sujet de laquelle Madame Grigorian, qui entretint des contacts étroits avec elle, partage ses nombreux souvenirs qui brossent le portrait de Katienka, une folle-en-Christ géorgienne de notre époque, fille spirituelle des startsy de Glinsk. L’original russe a été publié sur le site Pravoslavie.ru le 10 décembre 2021.

Le contrôle de Katioucha concernait également mon alimentation. Elle nous regardait souvent pendant les repas et se joignait souvent à nous. Parfois, elle me conseillait de ne pas manger certains plats, soit-disant que ce n’était pas bon. Souvent, elle apportait quelque chose elle-même, me donnait tranquillement de tout et disait: «Ne le montrez à personne, mangez cela vous-même» (Elle se mettait en colère si je partageais ses offrandes avec quelqu’un). Ou elle mettait tranquillement dans mon sac la nourriture qu’elle avait apportée. Très souvent, elle me faisait boire du lait. Mais ce n’était pas du lait ordinaire. Elle y mettait dedans de l’ananas «Zuko» (Il y avait à cette époque de la poudre d’ananas en sachet, qu’on diluait dans de l’eau, pour obtenir un substitut de jus de fruits). Le lait en devenait aigre-doux avec une saveur chimique piquante d’ananas. Souvent, il piquait tellement il était acide.

La Bienheureuse Katia

Katia saupoudrait cette malheureuse poudre «Zuko» dans tous les plats et elle mangeait tout. Une fois, elle m’en a versé dans ma kacha, et j’ai dû la manger. Pour être honnête, je dirai que c’était peu agréable. Mais la kacha pareillement assaisonnée ce n’est encore rien. Notre chanteur Artiom (Katioucha l’aimait beaucoup) reçu une dose plus forte : elle lui versa de la poudre «Zuko» dans son bortsch et conseilla: «Mangez, et ici (en même temps, elle se passa la main sur la poitrine) tout va se calmer». Je ne sais pas à quoi ça ressemblait, mais l’odeur émanait de l’assiette. Artiom mangea courageusement tout jusqu’au bout, et il termina même héroïquement ma bouillie, à la moitié de laquelle j’avais calé; c’était au-delà de mes forces. Donc, en voyant mes «souffrances», Artiom dit: «Nous devons porter les fardeaux les uns des autres, donne-moi ta kacha, je vais la finir».
Katia me faisait boire du lait pendant le carême. Elle apportait une bouteille et la mettait tranquillement dans mon sac et m’obligeait, sans sortir de là, à boire pour que les autres ne soient pas tentés. Elle savait que j’étais physiquement faible. Je ne voulais pas demander au prêtre de m’autoriser à relâcher mon jeûne, mais c’était difficile. Même avec la bénédiction de Katia, je me sentais mal à l’aise de rompre le jeûne. Par conséquent, volontairement, j’hésitais à manger de la nourriture non-carémique, je le faisait seulement lorsque Katioucha insistait et m’en donnait elle-même. Un jour, j’ai demandé: «Katioucha, comment pourrais-je boire du lait maintenant, après tout, c’est le carême?» Ce à quoi elle répliqua avec indignation: «Non, tu ne peux pas jeûner, tu dois boire du lait.» Et donc, je me suis résignée. Souvent, Katioucha achetait elle-même des choses savoureuses, et parfois, elle mendiait de l’argent pour les acheter. Elle disait: «Donne-moi une telle somme, il y a une telle chose délicieuse à vendre, je l’ai goûtée. Tu veux que je t’en apporte?». Une fois, il y eut une situation drôle. Katioucha demanda de l’argent, disant: «Il y a une variété de pommes de terre à vendre, vraiment très savoureuses. Je les ai goûtées! Comme ça! (Elle montra son pouce dressé). Donne-moi de l’argent, je t’en apporterai». J’étais surprise: «Katia, elles sont comment ces pommes de terre? Bouillies ou quoi?». Elle a répondu «Non, non, crues, c’est excellent!» Je lui donnai de l’argent et attendis avec impatience ce qu’allaient être ces délicieuses pommes de terre crues. Bientôt, Katia arriva, à bout de souffle. Elle apportait quelques… kiwis.
Katienka aimait les châtaignes bouillies et le fromage en caillebotte. Elle avait toujours une cuillère avec elle, souvent en plastique. Elle me donna des cuillères à café en plastique et en métal, me conseillant d’en avoir toujours avec moi, «Si soudain tu veux manger quelque chose, tu prends une cuillère et tu manges.» Souvent, elle mangeait avec ses doigts, tout en se maculant délibérément. Elle aimait ramasser de la nourriture et la lécher sur son doigt. C’est ainsi qu’elle extrait des petits pains le fromage en caillebotte qui s’y trouvait (les petits pains à la caillebotte lui plaisaient beaucoup). Elle ne lava pas sa vaisselle, mais la lécha soigneusement et la cacha dans son sac. Elle me conseilla, ainsi qu’à Artiom de faire de même. Je ne pouvais pas m’y résoudre, mais Artiom suivit héroïquement son conseil.
Parfois, quand Katia mangeait dans l’église, elle jetait sur le sol des peaux de mandarines ou d’autres débris. Cela me surprenait un peu, puis quelqu’un a eu l’idée que cela nous montrait comment nous sommes spirituellement encrassés et que nous encrassons l’église.
Pas de conversations dans l’église!

La Bienheureuse Katia dormant dans l’église

Tout particulièrement, Katia n’aimait pas quand je parlais à quelqu’un à l’église. Immédiatement, elle a «apparaissait« à côté de moi et me tirait par la manche en disant : «Ne discutez pas avec elle (ou avec lui)», et elle me poussait vers le chœur ou me renvoyait à la maison. Après l’office, aussi, parfois elle insistait: «Ne vous arrêtez nulle part, rentrez chez vous et reposez-vous». Elle avait dû voir à quel point j’étais fatiguée. Ma charge de travail dans l’église était importante: tous les jours, les offices du matin et du soir, et souvent dans d’autres endroits pendant la journée.
Parfois, d’autres recevaient des remontrances à cause de moi. Dès que quelqu’un voulait tenir une conversation avec moi, Katia lui disait avec colère: «Vous ne pouvez pas lui parler, éloignez-vous d’elle, ne la distrayez pas!». Parfois, même les batiouchkas en avaient marre. Souvent, Katia me faisait comprendre que je devais être seule, fermer ma «cage intérieure». Elle en faisait le geste. Elle montrait son index dressé, et le faisait tourner d’avant en arrière, puis le faisait piquait plusieurs fois vers la poitrine dans un mouvement circulaire. Elle en fit plusieurs fois la démonstration à d’autres à plusieurs.
Une fois, une des sœurs me demanda quelque chose avec beaucoup de détails à l’heure la plus difficile, quand je me préparais pour l’office et examinais les instructions. J’entendis Katia lui dire: «Cesse d’agacer la psalmiste, sinon tu auras des tribulations telles que tu ne les supporteras pas.» Et un jour, après une dure journée de travail, pleine de toutes sortes de difficultés, Katia me regarda en soupirant avec sympathie: «Oui… Cet endroit est une dure punition». (A suivre)
Traduit du russe

Bienheureuse Matouchka Katia, prie Dieu pour nous!

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