Le texte ci-dessous est la suite de la traduction ( proposée en plusieurs parties) d’un résumé détaillé de la vie de Saint Seraphim de Vyritsa écrite par Alexandre Archakovitch Trofimov à partir de son livre qui compte 240 pages. L’original russe du résumé traduit ici, agrémenté de nombreuses photographies, a été publié en six parties sur le site de l’auteur, le 14 mars 2014.
Dans leur immense majorité, les gens venaient auprès du Starets de Vyritsa chercher aide et soutien spirituel, ce qui, évidemment, ne pouvait être dissimulé aux autorités. Des perquisitions eurent lieu plus d’une fois dans la cellule du Starets. D’habitude, ils débarquaient la nuit. Mais une fois, une voiture arriva en plein jour, et trois hommes en civils exigèrent d’être introduit auprès du Père Seraphim, afin de l’arrêter. Marguerite Nikolaevna, la petite-fille du Starets se plaça devant eux et leur dit :
– Vous devrez passer sur mon cadavre. Je ne vous livrerai pas Grand-Père! Il est très malade et ne résisterait aucun déplacement.
Le plus ancien des perquisiteurs ordonna d’appeler leur médecin. Cela fut fait, et ce dernier confirma que les maladies dont souffrait le Père Seraphim empêchaient qu’on le transporte où que ce soit. Ainsi, le Seigneur protégea le Starets. Dans ces années-là des membres du NKVD firent régulièrement des descentes, soi-disant à la recherche de biens ecclésiastiques de valeur provenant de la Laure.
Il y eut un cas au cours duquel, pendant la perquisition, le Père Seraphim malade et alité appela auprès de lui un des tchékistes. Il lui adressa un regard de bonté et d’amour, priant intérieurement pour lui, et il lui prit la main, la caressa , et ensuite plaça sa propre main droite sur la tête de l’homme et dit :
– Que tous tes péchés te soient pardonnés, serviteur de Dieu, et il cita son nom.
Et la puissance de l’amour fit son œuvre. Le visage menaçant du visiteur s’adoucit. Une conversation s’en suivit, comme si le Starets et lui étaient les meilleurs amis. Et s’adoucirent également les cœurs des autres perquisiteurs.
Nonobstant infirmités et maladies, le Père Seraphim priait toute la nuit, et pendant la journée, des milliers de personnes lui apportaient leurs tribulations, leurs maladies et leurs soucis. Il n’est pas exagéré de dire qu’un océan de miracles furent accomplis à Vyritsa par les prières du Starets, surtout pendant la Grande Guerre Patriotique.
A la veille de la guerre, le Starets dit à une de ses filles spirituelles :
– Viens sans faute vendredi. Dimanche, la guerre va commencer et nous ne nous verrons pas pendant longtemps.
Elle ne vint pas le vendredi. Le dimanche qui suivit fut le 22 juin 1941. [Premier jour de la Grande Guerre Patriotique. N.d.T.]
Quand la guerre commença, de nombreux habitants de Vyritsa vinrent demander ce qu’ils devaient faire ; quitter leur maison et évacuer, ou rester. Le Starets leur répondit d’une voix assurée :
– Vos maisons demeureront indemnes. Vyritsa sera protégée ; ici, pas un seul ne mourra.
Et il en fut ainsi. Les Allemands entrèrent à Vyritsa en septembre 1941, mais il n’y eut ni meurtre ni pillage dans le bourg. A cette époque, le Père Seraphim priait tout particulièrement pour le salut de l’âme des habitants, pour la protection du bourg et de ses églises. Selon les récits des anciens de Vyritsa, l’église de la Très Sainte Mère de Dieu de Kazan fut fermée par les autorités après Pâques de l’année 1938. Quasiment dès le début de l’occupation allemande, les églises ouvrirent, et on y célébra les offices. Les fidèles y étaient nombreux. Pendant les années de guerre, l’église de Kazan fut la seule église en service dans la zone d’occupation derrière la ligne de front.
Il n’y eut pas d’objections de la part des autorités allemandes, car le poste de commande arrière des roumains (alliés d’Hitler) était stationné à Vyritsa. Ces roumains étaient originaires de la partie orientale de leur pays, adjacente à la Russie. Ils parlaient un peu le russe, comprenaient les offices en slavon d’église et fréquentaient donc souvent l’église de Kazan. Les paroissiens louchaient d’abord un peu sur ces soldats en uniforme allemand, mais ils s’habituèrent, voyant comment ils priaient, et observaient les règles de l’église. Leur dirigeant était un capitaine allemand.
Les Allemands, ayant entendu parler du Saint Starets et de sa clairvoyance, venaient auprès de lui, lui demandaient quand la guerre allait finir, si Hitler allait gagner. Le Père Seraphim répondait clairement qu’Hitler ne pourrait pas vaincre la Russie:
– Vous ne prendrez jamais Leningrad. Nous sommes une puissance orthodoxe. La foi est maintenant persécutée, mais bientôt, l’Église renaîtra.
Au capitaine, dirigeant le poste, le Père Seraphim dit:
– Si tu vas en Pologne, ce sera ta fin. Tu ne rentreras pas à la maison!
… Après de nombreuses années, dans les années 1970, un Roumain âgé vint à Vyritsa. Il avait servi dans ce poste de commandement, et il raconta que leur capitaine avait été tué près de Varsovie, comme l’avait prédit le Père Seraphim.
Le Starets avait vu qu’au Val du Prince, où se dressait l’église de la Très Sainte Mère de Dieu de Kazan, le sang humain ne serait pas versé. Et malgré qu’en 1944, à trois kilomètres du village, à la gare de Vyritsa se déroulèrent de violents combats, pas une seule maison du Val du Prince ne fut endommagée. Le Starets répétait sans cesse que les Allemands partiraient :
– Ils sont chez nous de passage. Les gens de passage ne restent pas longtemps ; ils doivent rentrer chez eux.
Quelqu’un rapporta ces paroles au commandant et celui-ci ordonna de tuer le Père Seraphim. Aux soldats qui vinrent le trouver, le Starets dit :
– Oh, les assassins sont arrivés ! Sur qui allez-vous tirer? Regardez, je porte sur moi la croix avec le Sauveur. Vous allez tirer sur le Christ, et après cela, vous direz encore que vous êtes croyants.
Il dit cela en allemand, car lorsqu’il était commerçant, il allait en Allemagne pour affaires et y avait appris la langue. Il ajouta encore, s’adressant à chaque soldat :
– Zwei Kinder, drei Kinder ( C’est-à-dire, tu as deux enfants, toi, trois), et il conclut l’entretien en disant : Dites au commandant que ce qu’il a semé en Russie, il le récoltera à la maison.
Les soldats ne touchèrent pas au Starets. Ils partirent et firent leur rapport au capitaine. Les témoins de cette conversation se rappellent que Batiouchka transmit au capitaine une prédiction qui le concernait personnellement. Après cela, il décida de ne plus causer aucun tort au Starets.
Pendant la guerre, en plus d’un jeûne sévère et de la prière permanente, le Starets prit sur lui un podvig particulier pour le salut de la Russie et de son peuple : pendant mille nuits, il se tint sur une pierre «dans le jardin, dans la nuit calme» les mains tendues vers l’icône de Saint Seraphim de Sarov, imitant ainsi le podvig de son protecteur céleste. Au sujet de ces veilles, le Starets rédigea des vers spirituels, en 1942 :
Dans la joie ou la tristesse, le moine, starets malade,
Va vers la sainte icône dans le jardin, dans la nuit calme,
Prier Dieu pour le monde et tous les hommes.
Et le Starets vénère sa patrie :
Prie la Souveraine de Bonté, grand Seraphim,
Elle est la Dextre du Christ, l’Aide des malades,
L’Avocate des pauvres, le Vêtement des déshérités,
Dans les grandes et nombreuses afflictions, Elle sauve Ses serviteurs…
Dans les péchés, nous périssons en nous éloignant de Dieu,
Et nous offensons Dieu par nos actes.
Le Starets priait la Très Sainte Mère de Dieu et Saint Seraphim. Et nous avons un témoignage remarquable de l’efficacité de sa prière. L’hiver 1942, Matouchka Seraphima eut un songe : Le Père Seraphim en bottes de feutre et en long sarrau blanc au milieu d’une plaine enneigée chassait une multitude de soldats allemands armés, fuyant devant lui, terrorisés (A cette époque, les Allemands occupaient encore Vyritsa). Le matin, quand Matouchka Seraphima vint demander la bénédiction du Starets et lui raconter quel rêve incroyable elle avait fait, il lui dit, avant qu’elle ne parle:
– Ah, tu as vu ! Maintenant, va faire sécher les bottes de feutre et le sarrau.
En ces nuits d’hiver, il sortait dans le jardin et priait sur une pierre, chaussé de bottes de feutre, et se couvrait d’un long sarrau blanc pour se dissimuler afin que les voisins ne le reconnaissent pas. Les bottes et la robe, comme se rappelait Matouchka Seraphima, étaient mouillées. Comment le Starets résista à ces veillées nocturnes avec ses jambes malades, Dieu seul le sait.(A suivre)
Traduit du russe
Sources 1, 2