Rédigé en grec en 1980 et publié dans sa version française dans le numéro 91 (1982/III) du Messager Orthodoxe, le texte ci-dessous interpelle par sa dimension prémonitoire, son actualité et l’acuité de l’appel qu’il lance. Il a été écrit par le Hiéromoine Syméon du Monastère athonite de Grigoriou. Le Père Syméon, originaire de Lima, a passé une partie de sa jeunesse à Paris, où il s’est converti à l’Orthodoxie. Élevè de l’iconographe Léonide Ouspensky, il s’y est aussi pénétré de culture française et parle encore un français choisi. Parti en Grèce, il devint moine dans un petit monastère d’Eubée, proche de Neo-Procopio où sont vénérées les reliques de Saint Jean-le-Russe. Après la déposition du regretté Métropolite Nicolas de Chalcis, dont l’action favorisait le monachisme, il suivit sa communauté sur la Sainte Montagne. Sous la conduite de l’Archimandrite Georges (Kapsanis), ancien professeur de théologie et auteur de plusieurs études (…) sa fraternité repeupla le monastère athonite de Grigoriou.
Sur la Sainte Montagne, où vit une Communauté matriarcale parce que la Mère du Verbe y règne sensiblement, les pierres des chaussées pavées à la turque sont posées côte à côte et l’une après l’autre. Nous avons le privilège de vivre à une époque où il ne reste plus pierre sur pierre. «Il faut tenir le pas gagné». Depuis un certain temps déjà, les hommes en Occident ont compris l’impasse où se trouve leur civilisation. Il faut que les Grecs deviennent réellement modernes pour qu’ils comprennent la valeur de leur tradition. Le néant est à sa manière fécond : ce n’est que lorsque l’homme y est confronté qu’il est obligé de chercher une issue plus haute. La Tradition est autre chose que du folklore. La Tradition, c’est le Christ.
L’Occident a tellement exalté l’homme que non seulement il ne croit plus en Dieu, mais il ne croit plus davantage en l’homme. L ‘Occident n’est plus aujourd’hui un terme de géographie, mais une façon d’être et un mode de vie. Qui se répandent partout. Historiquement l’insertion de la Grèce dans l’Europe est inéluctable. Dans le désert de l’Occident, les hommes tourmentés cherchent la vérité et une vraie raison de vivre.
La Grèce, en vérité, avec sa richesse spirituelle et sa tradition millénaire, a beaucoup à offrir à l’Europe, au monde entier et… à elle-même. Elle a à offrir l’unique solution : l’Orthodoxie. L’homme se trouve ici-bas pour devenir homme, c’est-à-dire lumière, dieu selon la grâce et sa participation à Dieu. Sa véritable gloire est l’humanité déifiée en Jésus-Christ qui se tient à la droite de Dieu le Père. (…) Je crois qu’arrive un temps où l’Orthodoxie cessera d’être le privilège des Grecs pour devenir l’unique refuge de nombreuses âmes de par le monde. Malheureusement, de nombreux Grecs tombent dans le matérialisme tandis que peu d’entre eux prennent conscience de la valeur de leur tradition. La Grèce est encore un pays orthodoxe, mais elle est aussi une terre chrétienne qui se sécularise et s’occidentalise chaque jour plus vite. En même temps, elle devient plus invivable que l’Occident qu’elle suit aveuglément.(…) Ce n’est qu’en nous appuyant aux pierres déjà posées que nous pourrons nous redresser à notre véritable taille. C’est seulement en nous appuyant sur les Saints et les moines morts mais vivants en Jésus-Christ que nous pourrons retrouver l’axe de notre vie. «La lumière des moines, ce sont les Anges;la lumière de tous les hommes, c’est le monachisme», dit Saint Jean Climaque.(…) C’était la coutume de nos pères (Quoique Péruvien sans une goutte de sang grec, je me sens Grec depuis que je suis devenu Orthodoxe) de recourir aux Saints et aux moines, et de les honorer. La prière du cœur demeure le seul véritable acte d’amour.