Si les gens
savaient ce qui les attend,
ils prieraient
tout le temps.
(Archimandrite Hippolyte)1
Innombrables furent les enfants spirituels du saint Starets Hippolyte (Khaline) de Rylsk. Ils venaient de tous les horizons du pays, mais les Ossètes y occupent une place à part, même si leur terre natale se trouve à plus de 1500 kilomètres du monastère dont le Starets était le supérieur (Il répétait à l’envi que l’higoumène du monastère, ce n’était pas lui, mais Saint Nicolas le Thaumaturge). Le texte ci-dessous, publié en janvier 2020, fait partie d’un article très long qui présente l’Higoumène Nonna, du Monastère de la Théophanie en Alanie, fille spirituelle du Starets Hippolyte, laquelle fut invitée à abandonner son ancienne vie pour emprunter un chemin spirituel exceptionnel.
«Le Starets a dit que la volonté de Dieu était que je devienne moniale»
Ces paroles prononcées par le Supérieur du Monastère Saint-Nicolas de Rylsk, l’Archimandrite Hippolyte (Khaline) devinrent le point de référence de la nouvelle vie de la jeune réalisatrice Natalia Bagaeva, qui travaillait pour la Société d’État de Radio et de Télévision «Alania». Pour les entendre, cette créatrice au caractère résolu, devait aller, à 1600 kilomètres de sa maison natale, jusqu’aux ruines d’un ancien monastère renaissant en terre de Koursk. Et de penser: cela pourrait arriver, mais vers soixante ans probablement. Mais tout s’est passé étonnamment rapidement: la tonsure monastique, puis la direction, dans la République d’Ossétie du Nord-Alanie, du Monastère, pour femmes, de la Théophanie en Alanie, qu’il fallait créer à partir de rien. Et ensuite, l’higouménat.
L’Higoumène Nonna participa aux travaux de la table ronde régionale «Aspects Pratiques de l’admission au monastère. La règle des moines”, qui eut lieu dans le monastère des femmes Saint-Georges de la ville d’Iessentouki de l’Éparchie de Piatigorsk et de Circassie. À la fin du forum, Matouchka a répondu aux questions du portail «Le Messager des Monastères».
Matouchka, alors que vous étiez déjà higoumène, lors de l’anniversaire de la natalice de l’Archimandrite Hippolyte (Khaline) avez tourné le film «Le Starets». Bien sûr, les images documentaires montrant Batiouchka sont précieuses (et même inestimables), mais c’est avec tout autant d’intérêt qu’on écoute les souvenirs des habitants du monastère, des enfants spirituels du Père Hippolyte et d’autres personnes qui le connaissaient bien. Votre récit est aussi émouvant et mémorable. Pouvez-vous le répéter brièvement afin que nos lecteurs, qui n’ont pas vu le film ni lu les entretiens que vous avez accordés à différents médias avec vous dans différentes éditions, puissent imaginer comment tout s’est déroulé?
En quelques mots, j’avais alors un projet pour la télévision : «Portrait sur fond de montagnes». À la télévision régionale, je parlais de ceux et celles qui influençaient le destin de mon Alanie natale. Et il me semblait très étrange qu’un grand nombre d’Ossètes parmi mes amis avocats, historiens, archéologues, se rendaient dans une ville de province nommée Rylsk, dans un monastère chez un vague starets, et en revenaient illuminés par le sourire, tout heureux. Cela devenait intéressant et je suis allée là-bas avec une équipe de tournage pour «faire un film». Au cours de notre première conversation, avec audace j’ai demandé au starets de m’accorder une «interview». Sur quoi Batiouchka a souri et a demandé: «qu’est-ce que c’est?». Prenant un air intelligent, je lui ai dit ce qu’était une interview: «je vais vous poser des questions, Et vous me répondrez». «Mais je ne sais pas raconter», entendis-je en réponse. Contrariée, j’étais déjà sur le point de partir. Mais le Père Hippolyte me prit la main, me regarda de ses yeux bleus sans fond et dit quelque chose que je ne m’attendais pas du tout à entendre: «Matouchka, savez-vous que vous êtes une moniale?!». Puis il a poursuivi: «Les moines et moniales ont une petite croix qui brille ici!» ; et Batiouchka se traça une croix sur le front. Je sortis, et vingt minutes plus tard, dans le bâtiment où je me trouvais, une femme à l’allure décidée entra. C’était une fille spirituelle du Père Hippolyte. Elle commença à demander à ceux qui travaillaient là qui était Natacha la réalisatrice. Dans ma tête, me vint à l’idée : «Je suppose que j’ai fait quelque chose de mal et je vais me faire morigéner». Cette inconnue m’a emmené dans l’entrée, et m’étreignit en disant : «Tu es mon trésor!». Il s’avère que le Starets lui avait dit qu’une higoumène d’Alanie était arrivée, Natacha la réalisatrice. J’écoutais mais je ne comprenais rien, parce que je ne connaissais même pas ce mot : higoumène…
Dans le film «Le Starets», le Hiéromoine Hippolyte (Soloviev), auxiliaire du Supérieur au Monastère de Rylsk au début des années 2000, dit certains viennent à Dieu par la tribulation, quelqu’un, par la maladie, et lui, comme certains de ses contemporains, est venu à Dieu par l’homme. Comptez-vous aussi parmi ceux qui sont venus à Dieu par l’homme?
Jugez donc sur les faits. Lors de mon premier séjour, journalistique, Batiouchka ne m’a pas béni pour repartir immédiatement, et au lieu de trois jours, je suis restée au monastère pendant un mois. J’ai accompli mon obédience, et je n’ai rien filmé. Quand je m’apprêtai enfin à rentrer à la maison, Batiouchka Hippolyte sortit pour m’accompagner et me dit: «Souviens–toi: ici, c’est un bref instant, mais là-bas, c’est l’éternité».
Plus tard, après avoir suivi les cours de la faculté de l’Institut de Formation Avancée des Travailleurs de la Télévision et de la Radiodiffusion à Moscou, appelée maintenant l’Académie des Médias, j’ai certifié à mes proches que j’allais écrire une thèse et je me suis rendue au monastère. J’ai trompé ma famille, parce que sinon on ne m’aurait pas laissée partir pour une si longue période. Et quand j’ai décidé d’entrer au monastère, mes parents n’en ont pas été immédiatement informés. Bien sûr, ce fut difficile pour eux. A cette époque, en Ossétie, une telle manière d’agir était difficile à comprendre et à admettre. Et ils ont dit que c’était une honte. Mais voilà, Batiouchka m’avait appelée et dit que la volonté de Dieu était que je devienne moniale. Au bout d’un moment, il m’a bénie avec l’icône de la «Résurrection du Seigneur», au dos de laquelle est représenté le Golgotha. Il m’a bénie pour aller à Alaguir, afin d’y construire un monastère pour femmes. J’avais 27 ans.
Dans le film, le Supérieur du Monastère de la Sainte Rencontre à Moscou, l’Archimandrite Tikhon (Chevkounov), maintenant le Métropolite de Pskov et de Porkhovski, se souvient du retour de plusieurs de nos moines du Mont Athos dans notre Patrie. Ils revinrent peu avant le début de la renaissance de la vie spirituelle en Russie, dans les années 90 du siècle dernier. Parlant avec chaleur de chacun d’eux, le Père Tikhon distingue particulièrement l’Archimandrite Hippolyte. Selon lui, Batiouchka avait tout ce dont parle l’Apôtre Paul lorsqu’il mentionne les dons spirituels. La clairvoyance, ce don étonnant du Starets, vous a probablement beaucoup aidée dans la phase initiale de la construction du monastère pour femmes?
A plusieurs reprises, Batiouchka a répété que si nous voulons que l’Ossétie soit sauvée, et tout simplement, qu’elle existe, nous devions construire des monastères et maintenir l’unité avec la Russie. «Le Seigneur attend les prières des montagnes» sont ses propres paroles. Héritière de l’Alanie chrétienne, qui embrassa l’Orthodoxie 100 ans plus tôt que la Russie, l’Ossétie du Nord est aujourd’hui la seule République orthodoxe du Caucase-Nord russe. Et par la grâce de Dieu et par l’intercession du Starets Hippolyte devant le Seigneur, le peuple alanais a acquis au début du XXIe siècle deux forteresses spirituelles: le Monastère pour hommes de la Dormition-en Alanie est le monastère situé le plus haut dans les montagnes de Russie. Le nôtre est le Monastère pour femmes de la Théophanie-en Alanie, situé à l’entrée de la Gorge d’Alaguir. «Cherchez quelque part là-bas à sept kilomètres de chez vous d’une maison de vacances abandonnée», m’a donné ordonné le Starets, qui n’a jamais mis les pieds dans notre région.
Seulement où chercher, dans quelle direction, à droite ou à gauche? Batiouchka était déjà décédé et je dus me résigner, espérant que le Seigneur Lui-même me montrerait. Mais, bientôt, l’Évêque Théophane (aujourd’hui Métropolite de Kazan et du Tatarstan) est fut ordonné dans notre Éparchie et grâce à lui, l’endroit put être déterminé. Il devint le pilote de la volonté de Dieu et accomplit un travail énorme pour fonder et affermir notre monastère. Le plus important, c’est qu’il a cru en nous. Il a également commencé une merveilleuse tradition, celle des baptêmes de masse dans notre lac, quand un jour nous avons baptisé jusqu’à un millier et demi de personnes. Pour en revenir à la clairvoyance du Starets, je préciserai que plus tard, j’ai regardé le compteur kilométrique et à sept kilomètres de notre première résidence, il y avait cette maison de vacances abandonnée! Et il est exact que tout était en ruine.
Traduit du russe
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