L’original russe du texte ci-dessous est dû au Hiéromoine Georges (Aïlarov), du Monastère de la Dormition de la Très Sainte Mère de Dieu en Alanie. Publié dans le n°7 du Journal «L’Ossétie Septentrionale», du 18 janvier 2006, il est encore accessible dans les pages internet du site du monastère. La République Souveraine de l’Ossétie du Nord-Alanie est l’une des républiques de la Fédération de Russie. Sa capitale est Vladicaucase. La fin du XXe siècle et le début du XXIe siècle ont coïncidé avec une renaissance du christianisme dans ce haut lieu du Caucase, avant-poste chrétien au milieu d’un environnement non-chrétien. Le texte ci-dessous propose un aperçu de l’histoire du christianisme en ce lieu.
Les Scythes, les Sarmates et les Alains, ancêtres des Ossètes, furent parmi les premiers à entendre la Bonne Nouvelle. Les enseignements du Christ furent apportés sur notre terre par les Apôtres André le Premier Appelé et Simon le Cananéen. Un autre Apôtre, Matthieu, qui prêchait en Perse et en Médie, sachant la proximité de sa mort, se rendit en Alanie et y fut inhumé.
À en juger par les données scientifiques accumulées jusqu’aujourd’hui, avec l’apparition des Scythes dans les steppes du Nord de la Mer Noire et du Caucase au VIIe siècle avant Jésus Christ. commença en ces lieux une longue domination des tribus du rameau ethnolinguistique septentrional de l’Iran. Ce qu’on nomme la «grande ceinture de steppes», qui s’étend de l’Altaï au Danube, passa aux mains des Scythes. Dans les sources écrites du début du Moyen-Âge, les Scythes et Sarmates rescapés des bouleversements impétueux de l’époque de la «grande migration des peuples» furent appelés «Alains».Les plaines et les contreforts du Caucase du Nord, principalement dans sa partie centrale, entre les sommets du Kouban et du Terek sont la principale région occupée par les Alains depuis les premiers siècles de notre ère. Ce territoire dans les sources gréco-byzantines et autres a été appelé «Alanie», et c’est ici que se forma le peuple ossète contemporain.
L’ancienne Scythie se composait de deux parties, la Scythie Mineure et la Scythie taurique. Les premières graines du christianisme y furent semées Ier siècle, en l’an 40 de notre ère, lorsque l’Apôtre André y prêcha les enseignements de la foi chrétienne parmi les ancêtres des Ossètes. La Scythie Mineure comprenait seulement une éparchie, l’Éparchie Scythe ou Tomitaine. La Scythie taurique connut jusqu’à cinq éparchies : de Kherson, Gothique, de Sros, de Phoulloi et du Bosphore. La résidence de l’Éparchie scythe était la ville commerçante de Tolen.
Jusqu’en 451, c’est-à-dire avant le Concile de Calcédoine, les évêques Scythes (on en connaît 12) étaient indépendants dans l’administration de leur éparchie. Ce Concile subordonna le trône épiscopal scythe au Patriarche de Constantinople. Ceci explique la participation active de Saint Jean Chrysostome, Patriarche de Constantinople, à l’illumination des Scythes par l’envoi en Scythie de prêtres et d’enseignants.
L’une des preuves les plus fiables du contact des Alains avec le christianisme se trouve dans les sources arméniennes. C’est «la Vie des saints martyrs de Mesukevi». Au cœur de cette «Vie» est fondée sur un fait historique tout à fait fiable, décrit par Moïse de Khorène: Satenik, Princesse d’Alanie épouse le Roi d’Arménie Artaxias. La princesse d’Alanie fut accompagnée par des aristocrates alains, ses parents qui avaient adopté la doctrine chrétienne que leur avaient transmise de saints hommes, disciples du Saint Apôtre Thaddée, sortis de leur retraite des sources de l’Euphrate. Les saints martyrs demeurèrent sur le Mont Sukavet et ils furent ainsi appelés martyrs «de Mesukevi».
Les sources byzantines mentionnent Grégoire, Roi d’Alanie (VIIe siècle): «le Souverain d’Alanie Grégoire est pieux, chrétien et porte un nom chrétien, il a été baptisé». Ceci est essentiel pour la compréhension de la situation du christianisme en Alanie VIIe siècle. La célébration du Mystère du Baptême, requérait des conditions tout à fait objectives et réelles, telles qu’église, cuve baptismale, prêtres, objets liturgiques. Et donc, la phrase ci-dessus signifie que dans l’Alanie du VIIe siècle tout cela existait. On peut parler avec certitude de l’existence d’un Monastère Saint Jean le Baptiste en Alanie dans la seconde moitié du VIIe siècle, où le Souverain Grégoire d’Alanie fit baptiser son entourage. Ce fut une étape majeure dans l’œuvre de la christianisation de l’Alanie. Selon les documents historiques et archéologiques, les XIe et XIIe siècles apparaissent comme un «âge d’or» dans l’histoire d’Alanie. Les Alains avaient acquis la souveraineté politique, et leur puissance militaire augmenta considérablement. Les dispositions spirituelles favorables à l’acceptation du christianisme comme religion d’État se combinait à un environnement politique favorable. Byzance voyait l’Alanie comme le seul allié fort et fiable dans le Caucase.
En 916, eut lieu le grand Baptême de l’Alanie, comme plus tard, en 988, il y eut le Baptême de la Rus’. Le baptême en masse de l’Alanie prit place dans la ville de Nijniï Arkhyz (près du village de Zelentchouk, en Karatchaïevo-Tcherkessie). Le Mystère fut été célébré dans trois églises d’Alanie: l’église du Nord (de Saint Megalomartyr George le Victorieux); l’église centrale (de la Sainte Trinité); l’église du Sud (du prophète Élie). Il convient de noter que ces trois églises alaines (datant du IXe–Xe siècle) ont été préservées jusqu’à nos jours; elles sont les plus anciennes églises chrétiennes sur le territoire de la Russie. Avec l’église du Saint Megalomartyr Georges le Victorieux on a conservé la plus ancienne piscine baptismale de Russie, celle où nos ancêtres Alains ont reçu le Saint baptême. En outre, de nombreux Alains furent baptisés dans une eau courante : la rivière Bolshaya Zelentchouk, qui serpente entre les plus anciennes églises du Bas-Arkhyz1 et l’icône rupestre alaine de Jésus-Christ.
Le grand Baptême de l’Alanie a joué un rôle positif dans le développement et le renforcement de l’État d’Alanie. Il fut le début de l’âge d’or» de celle-ci, qui se prolongea jusqu’à l’arrivée des hordes mongoles et tatares de Tamerlan et de Gengis Khan, qui exterminèrent nos ancêtres, dévastèrent les églises et des monastères, tuèrent sans pitié le clergé alain par le feu et par l’épée et implantèrent en Alanie chrétienne une religion qui lui était étrangère.
L’existence pendant près de cinq siècles de la grande Métropole d’Alanie suggère que le christianisme avait ici de robustes racines. Rejetés de leurs sanctuaires chrétiens, les descendants des Alains, les Ossètes, repoussés dans les montagnes, fuyant l’extermination en masse (la population d’Alanie est passée de plusieurs millions à quelques dizaines de milliers), transférèrent dans les montagnes de l’Ossétie moderne leurs précieux saints trésors chrétiens.
L’apparition dans le Caucase au début du IVe siècle de Nina, l’Égale aux Apôtre et illuminatrice du Caucase, la parente de Saint George le Victorieux, contribua au renforcement du christianisme, en particulier en Géorgie et en Ossétie. Après avoir prêché la foi chrétienne en Géorgie, Sainte Nina de Mtskheta se rendit en Ossétie, où elle convertit beaucoup de gens au Christ. La prédication de Sainte Nina s’accompagnait de guérisons en masse de malades et d’affligés. En Ossétie, on disait à son sujet:»Cette Sainte femme guérit les malades et de plus, elle prêche la foi même prêchée par les Saints Apôtres André le Premier Appelé et Simon le Cananéen.” Elle construisit des églises, apportant la lumière du christianisme aux peuples d’Ossétie, de Géorgie et de tout le Caucase. Grâce à Sainte Nina, nos ancêtres ont commencé à honorer le Saint Megalomartyr George et ses souffrances en tant que guerrier hardi et courageux du Christ. Malgré le fait que la fête commémorant son supplice sur la roue s’accompagne de nombreuses traditions et coutumes, ses racines demeurent orthodoxes.
L’invasion des hordes de Tamerlan dévasta l’Ossétie. Les guerres intestines causèrent un grand préjudice à l’intégrité de l’Ossétie, la démembrant en Ossétie du Sud et du Nord. Après ce malheur, l’Ossétie obtient à nouveau son indépendance pendant un certain temps et retrouva une situation florissante. À la fin du XIIe siècle, le futur ethnarque Os-Bagatar naquit dans la gorge d’Alaguir dans une ancienne famille d’Alanie… Os-Bagatar lui-même reçut, ainsi que ses frères, une éducation dans l’esprit chrétien. Voyant que ses compatriotes peinaient sous l’oppression impitoyable de Tamerlan, Os-Bagatar échafauda un plan pour libérer l’Ossétie du pénible joug étranger et réunir les Ossètes du Nord et du Sud en un seul État. En prêchant l’Évangile avec zèle , Os-Bagatar et ses frères Isaac, Roman et Vassili réussirent à unir les Ossètes du Nord et du Sud en un seul État et à rétablir le christianisme en tant que religion d’État de l’Ossétie.
Pour commencer, le Monastère de la Sainte Trinité fut construit dans la Gorge de Tseï. On peut encore en voir les ruines de nos jours. Ils en érigèrent un second, en l’honneur des Saints Archistratèges Mikhaïl et Gabriel dans la Gorge de Kassar. Dans toute l’Ossétie, les églises détruites par les hordes de mongoles et tatares furent restaurées et de nouvelles églises construites. Et le clergé ossète guérit les blessures morales de l’Ossétie par la puissance de la parole de Dieu. En Ossétie elle-même, les légendes sur cette glorieuse période de l’histoire de la patrie ont été conservées non seulement dans les chansons et les légendes populaires, mais aussi dans l’inscription historique sur le mur de l’église de Nousal portant une représentation de rois Ossètes. Dans l’antique église orthodoxe ossète de la Sainte Trinité se trouvaient le bouclier et l’épée d’Os-Bagatar. Dans la chapelle de Nousal, pendant des siècles, on conserva une ancienne charte de la famille de Tsarazont. De génération en génération, elle se transmettait comme un trésor sacré. Au milieu du XIXe siècle, cette charte unique, «le Chant d’Algouz», fut emmené par un prêtre géorgien en Géorgie. Par la suite il en diffusa des versions imprimées, l’original étant conservé dans la collection de manuscrits de l’Association Littéraire de Géorgie, sous le numéro 541. Le poème comprend 1140 vers écrits en quatrains, échantillon classique de la poésie ancienne.
La Sainte Reine Tamara, qui régna en Géorgie à la fin du XIIe et au début du XIIIe siècle, apporta une contribution inestimable au renforcement du christianisme en Ossétie. A la sagesse de son administration publique, elle associa un saint zèle dans la propagation et l’affirmation de la foi chrétienne en Géorgie et en Ossétie. Les monuments de cette époque sont les ruines d’églises qu’elle fit construire dans les montagnes et les gorges de l’Ossétie. Tamara était fille de la princesse ossète Bourdoukhan (fille du célèbre roi ossète et chef militaire Khoudan, ami proche du Roi Dimitri de Géorgie et de son fils Georges Kouratpalat.
Bourdoukhan ouvrit en Ossétie un monastère pour femmes, elle en prit soin jusqu’à la fin des jours, et y vint souvent. Elle y enseigna aux religieuses Ossètes diverses sciences. Elle traduisit en langue ossète les livres grecs et géorgiens qu’elle avait lus. Après la mort de Bourdoukhan, ce monastère fut protégé par la Reine Tamara et David Soslan, mais à la fin du XIIIe siècle, il fut détruit par les Tatares et les Mongols.
Dans l’église de la Nativité de la Très Sainte Mère de Dieu, au village de Maïramykaï dans la Gorge de Kourtatine, (cette église a survécu jusqu’à nos jours, à trois kilomètres du Monastère de la Dormition de la Très Sainte Mère de Dieu en Alanie) la Reine Tamara amena l’icône de la Mère de Dieu d’Iviron. Cette icône devint célèbre par la suite à travers ses miracles. Pendant six siècles, cette icône miraculeuse demeura dans la Gorge de Kourtatine, protégeant la terre ossète.
Au XVIIIe siècle vint l’ère du rapprochement de l’Ossétie avec la Russie, qui pratiquait la même foi. Après l’invasion des Mongols et Tatares et l’extermination du peuple Alain (ossète), les Ossètes connurent des moments très difficiles. Mais avec son entrée volontaire au sein de la Russie, la nation ossète connut une renaissance et, en Ossétie, la lumière ardente du christianisme resplendit avec une force nouvelle. Au XVIIIe siècle, les habitants de la Gorge de Kourtatine s’installèrent dans la plaine, dans la région de Mozdok. En partant, ils emportèrent avec eux leur trésor sacré bien-aimé, l’icône De la Très Sainte Mère de Dieu. Arrivés à Mozdok, les colons Kourtatiens firent halte pour la nuit dans sa banlieue. Au crépuscule, ils virent que de l’araba dans laquelle se trouvait l’icône de la Très Sainte Mère de Dieu émanait une lumière merveilleuse qui illuminait tout les alentours. Cette lumière ne cessa de resplendir toute la nuit. Le matin, les Kourtatiens attelèrent leurs bœufs à l’araba dans laquelle se trouvait l’icône, mais malgré toutes les pressions et les coups, les animaux refusèrent de bouger. Tout le peuple afflua vers l’icône, afin de la vénérer.
L’évêque Gaius de Vladicaucase et Mozdok arriva et célébra un moleben. La Très Sainte Mère de Dieu informa miraculeusement l’évêque qu’elle souhaitait que son icône demeure à l’endroit où elle s’était arrêtée et avait passé la nuit dans l’araba ossète. L’évêque se hâta de faire construire une chapelle à cet endroit et ordonna d’y placer la sainte icône…
La foi aida les gens dans les circonstances difficiles de la vie, en ces temps anciens et aide aujourd’hui encore.
Traduit du russe
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