Rares
furent
en tous temps
les authentiques
vénérateurs de Dieu.
(Métropolite Innocent de Penza)
Aujourd’hui encore, nous ne réalisons pas combien nombreux furent les justes et les saints dans la Russie du XXe siècle, et notamment dans la Russie de la fin du XXe siècle. Certains seront glorifiés par l’Église, le podvig des autres restera connu seulement d’un cercle restreint, plus local. Le texte ci-dessous est la traduction de la vie d’un de ces héros de l’ascèse très peu connus en Occident. L’Higoumène Boris (Khramtsov) fut un fils spirituel de l’Archimandrite Naum (Baïborodine) de bienheureuse mémoire. Un saint homme, lui aussi. L’original russe est accessible librement sur l’internet, mais il fut également publié en 2005 sous forme de livre intitulé «Крестный Путь Игумена Бориса» (Le chemin de croix de l’Higoumène Boris) aux éditions Palomnik. Le début du texte se trouve ici.
La Skite de Tchernigov.
Avec la bénédiction de la communauté, le Père Boris entra à la Laure de la Trinité-Saint Serge en 1990. Il fut bientôt envoyé à la Skite de Tchernigov, éloignée de quatre kilomètres de la Laure. Ici, toutes les meilleures qualités du Père Boris se déployèrent dans son service à Dieu et aux gens. Il instaura la liturgie quotidienne, introduisit l’office de l’onction et entama les travaux de restauration de la Skite. Des dizaines, des centaines d’hommes et femmes accouraient à lui pour les offices quotidiens de l’onction. La confession pratiquée par le Père Boris avant l’onction aidait les gens à purifier leur âme des taches de leurs péchés et d’orienter leur vie selon les commandements de Dieu. Quand quelqu’un était allé se confesser fût-ce une seule fois auprès du Père Boris, il se souvenait de celui-ci toute sa vie. Nombreux furent ceux qui venaient le voir régulièrement pour résoudre les différents problèmes de leur vie matérielle et spirituelle. Le Père Boris avait pour chacun de bonnes et sages paroles de consolation et de conseil. Ces gens venaient surtout de Moscou et de sa banlieue, mais d’autres, qui avaient connu le Père au début de son ministère arrivaient de Sibérie. Et ceux qu’il avait aidés revenaient avec leur famille et leurs connaissances. Rapidement, il devint connu dans le pays tout entier. Venaient à lui les humbles, les malades et les indigents, tout comme les riches, les nobles, les érudits, les savants, les militaires et les ministres. Et personne ne s’en retournait sans avoir été consolé. Le Père Boris finit par constituer une communauté de frères. Certains de ses novices reçurent la tonsure monastique, et devinrent prêtres par la suite. En même temps, le Père Boris s’employait à restaurer la Skite du Paraclet, située à proximité de celle de Tchernigov.
Varnitsa
En 1955, le Père Boris fut envoyé restaurer le Monastère de la Trinité-Saint Serge de Varnitsa, à deux kilomètres de Rostov, le coin natal de Saint Serge de Radonège. Ce saint monastère au noms chers à tous les chrétiens orthodoxes, fut profanée et détruite à l’époque du pouvoir soviétique. L’église principale du monastère, avec son clocher, fut détruite à l’explosif. Dans les années trente, dans ce monastère sacré, on procéda à des exécutions massives par fusillade. Longtemps y régnèrent l’abomination et la dévastation.
Par le podvig de labeur et de prières du Père Boris et des orthodoxes qui se réunirent autour de lui, le monastère commença bientôt à se relever. Une route carrossable qui traversait le territoire du monastère fut détournée au-delà des limites de celui-ci. La restauration de l’église de l’Entrée au Temple de la Très Sainte Mère de Dieu. Briques, métaux et autres matériaux de construction furent rassemblés. Pour remplacer les vieilles poutres du plafond, une vingtaine de gigantesques madriers de pin furent amenés. Ils avaient été spécialement sélectionnés dans la forêt proche de Moscou, et une autorisation spéciale de la police de la route avait été obtenue pour le transport de cette cargaison hors normes. Restait à trouver un camion adapté au transport d’énormes grumes…
Des recherches furent menées dans les documents d’archives à Moscou et Rostov. Parmi les enfants spirituels du père Boris, il y avait un architecte qui, à partir de quelques photos de l’église de la Trinité et des vues générales du monastère, réussit à réaliser le projet de construction de l’église. Les préparatifs de construction pouvaient commencer: des dessins de travail furent élaborés, et on entama le nettoyage du site autour des fondations. On rénova une maison en bois de deux niveaux (une ancienne femme étrange) à proximité du monastère, adaptée à l’accueil des pèlerins qui venaient à Varnitsa chez le père Boris. Les anciens bâtiments où étaient la résidence du supérieur et les cellules monastiques , avaient échappé à la destruction ; ceux qui étaient venus les occuper les libérèrent progressivement. On nettoya et aménagea l’ancien saint puits du monastère. Selon la traditions, il aurait appartenu aux parents de Saint Serge de Radonège. Il avait été rempli d’ordures et son eau en était devenue impropre à la consommation. Le Père Boris fit venir les pompiers qui pompèrent à deux reprises l’eau du puits. Celui-ci fut alors vidé de toutes les boues et ordures et du limon, et on y versa du sable et des graviers. L’eau redevint potable, et même curative, comme jadis.
Dans le même temps fut restaurée l’église paroissiale de la Résurrection-Saint Nicolas, située près du monastère, et des offices réguliers y furent organisés. La première Liturgie eu lieu à Pâques en 1997. Cette église fut par la suite jointe au monastère.
En outre, le Père Boris prit sous sa protection et ses soins spirituels dix églises rurales abandonnées, situées dans un rayon de vingt kilomètres de Varnitsa. Il constitua les «vingtaines» [Une vingtaine était un groupe formé de vingt personnes nécessaires à l’époque pour accéder au «droit» officiel d’ouvrir et d’entretenir une église. N.d.T.] et les conseils paroissiaux. Il envoya des ouvrier travailler dans ces églises, leur fournissant les matériaux de construction, afin qu’ils interrompent les processus de dégradation et assurent dans un premier temps la conservation de ces églises.
Les gens qui venaient chercher un soutien spirituel auprès du Père Boris lui fournissaient, en remerciement une aide matérielle généreuse. Il a apportaient des victuailles, des vêtements, des chaussures, des matériaux de construction.
Sous le clocher de l’église de la Résurrection-Saint Nicolas, on installa un réfectoire, et environ quatre-vingts personnes y ont étaient nourries quotidiennement: pèlerins, travailleurs, ainsi que les résidents qui n’avaient pas de revenus permanents. Le Père Boris attribuait à chacun un travail afin que tous sachent qu’au monastère, le pain de tombait ne tombait pas du ciel. Le Père Boris fournit également une aide importante aux familles à faible revenu qui vivaient près du monastère, leur offrant de la nourriture, des chaussures, des vêtements pour enfants et d’autres biens nécessaires. Ces gens gardent maintenant encore encore un bon souvenir de lui.
Le Père Boris acquit au profit du monastère de grandes superficies de terres, prairies, pâturages, champs de pommes de terre, coupes forestières, etc. A Proximité du monastère se trouvait le bâtiment abandonné d’une ancienne kolkhozienne. Le Père Boris y installa des vaches et des chevaux achetés pour le monastère: sans ce bétail il eût été impossible de nourrir tous ces gens. Les habitants des environs lui apportaient parfois l’une ou l’autre tête de bétail ou de la volaille.
Une école orthodoxe fut organisée au monastère, de même qu’une bibliothèque et un dispensaire. Malades et indigents trouvèrent au monastère abri et réconfort et ils pouvaient ainsi vivre une vie digne et remplie, vie de travail et de prière.
Les gens des villes qui arrivaient chez le Père Boris s’attachaient à lui et il arrivait qu’ils achètent une maison dans les environs de Varnitsa et s’y installent avec leur famille. Un communauté se constitua, formée par les gens proches de Batiouchka, devenus ses enfants spirituels.
Grâce au Père Boris, le Monastère de Varnitsa, autrefois voué à la profanation et à l’oubli, acquit une vaste notoriété. Et la célébrité du Père Boris croissait en même temps.
Mais l’ennemi du genre humain ne baillait pas aux corneilles. Il suscita des vagues de jalousie, qui s’abattirent sur le Père de tous les côtés. Personne ne sait combien de nuits blanches il passa en prière, combien de maladies lui furent infligées, combien de douleurs et de chagrins lui causèrent ceux qui l’entouraient. Mais tout le monde vit la joie de vivre dans ce monastère, à quel point sa renaissance était un succès, combien de biens matériels y arrivaient. Des accusations anonymes, des plaintes furent déposées auprès de toutes les instances, jusqu’au Supérieur de la Trinité de la Laure de Serge (puisque le monastère de Varnitsa était une de ses procures) et même au Patriarche. En conséquence, le Père Boris fut suspendu de la conduite du monastère par une sentence lourde de sens : «abus de pouvoir». Et il dût déménager dans l’Éparchie d’Ivanovo. (A suivre)
Traduit du russe