Le 31 juillet/13 août, l’Église célèbre la mémoire du Saint Hiéromartyr Benjamin, Métropolite de Petrograd et Gdov, et de ses trois compagnons de martyre, l’Archimandrite Martyr Serge (Cheïne), le Martyr Youri (Novitski) et le Martyr Ioann (Kovcharov). Le texte ci-dessous est la traduction d’un original russe paru sur le site «L’Outre-Kama Orthodoxe» (Православное Закамье ). L’Outre-Kama est un doyenné de l’Éparchie de Kazan.

Il est devenu difficile, de nos jours, de s’imaginer comment vivaient les Orthodoxes à l’époque des persécutions ouvertes, systématiques et cruelles envers l’Église. Il est malaisé de reproduire l’atmosphère sociale et humaine épouvantable qui entourait la vie de l’Église. En ce temps-là, n’importe que membre de l’armée rouge pouvait sans craindre d’être puni fusiller un prêtre soupçonné de trahison ou d’activité contre révolutionnaire, et tout «homme de bonne conscience» membre convaincu de la société soviétique pouvait dénoncer «ceux des églises», ou déposer contre ceux-ci, soupçonnés d’être les ennemis de la nouvelle vie.En janvier 1918, après la promulgation du Décret Relatif à la Séparation de l’Église et de l’État, considéré par le pouvoir en place comme le signal du début de la persécution de la foi, une vague de fermeture et de destruction des églises, d’arrestations massives, d’emprisonnements et de punitions des croyants déferla sur tout le pays. Le Métropolite Benjamin (Kazanski) de Petrograd fit partie des victimes. Le futur Hiéromartyr Benjamin naquit en 1873 dans une famille nombreuse, dans un village du Gouvernorat d’Olonets, dans le Nord de la Russie. A son baptême, il fut nommé Vassili. Vassili Kazanski termina avec distinction le cycle d’études du séminaire de théologie, et continua son éducation à l’Académie de Théologie de Saint-Pétersbourg. Pendant ces années d’étude, il participa activement aux œuvres de la «Société d’éducation religieuse et morale», organisant des entretiens avec les ouvriers dans les usines. Il était étudiant de troisième année lorsqu’il reçut la tonsure monastique, et le nom de Benjamin. Lorsqu’il eut fini ses études, le Hiéromoine Benjamin fut nommé inspecteur dans un des séminaires de théologie en province. Voici ce qu’écrivit à son sujet le directeur de ce séminaire : «C’était un moine jeune, doux, humble et souriant. Les tâches qu’on lui confiait, il les accomplissait d’une main ferme et experte, et il obtenait de bons résultats». Au bout de deux ans, Benjamin revint à Saint-Pétersbourg, où il fut nommé inspecteur à l’Académie de Théologie. Bientôt, il reçut l’ordination épiscopale et le rang de recteur de l’Académie de Théologie. Devenu évêque, Benjamin ne délaissait pas les obligations de ses tâches pastorales, ni ses homélies apostoliques.
Un de ses contemporains se souvint de lui : «L’Évêque Benjamin se distinguait par son contact étroit avec ses ouailles. Il célébrait souvent dans les églises des quartiers ouvriers, et dans les villages éloignés. Il marchait des dizaines de verstes, souvent sous la pluie et dans la boue, lors de processions, donnant l’exemple aux prêtres et aux laïcs. Chaque fois qu’il célébrait il ne manquait pas de prononcer un prêche cordial, avec des mots familiers et compréhensibles pour les gens simples… Il trouvait toujours le chemin qui mène au cœur des gens simples. Et les fidèles l’aimaient sincèrement pour cela. Malgré qu’il fût évêque, souvent, ils l’appelaient simplement ‘notre batiouchka’. Vladika Benjamin accourait au premier appel de ses ouailles, littéralement comme un prêtre de paroisse tout simple. La simplicité évangélique du Saint Evêque, sa compassion, sa cordialité, sa disponibilité le rendaient accessibles même aux hétérodoxes. L’endroit où on pouvait le rencontrer à l’Académie était toujours plein de monde. Et invariablement, il essayait d’écouter et de consoler tous ceux qui venaient à lui. La reconnaissance populaire envers Mgr Benjamin se manifesta particulièrement lorsqu’un nouvel occupant dût être choisi pour le siège épiscopal de la capitale. Benjamin fut élu à l’unanimité du diocèse. C’était la première fois qu’une élection populaire était organisée pour un évêque. Lorsqu’il dirigea la Métropole de la capitale, Benjamin fut l’évêque le plus apolitique de toute l’Église de Russie.
Cela est confirmé par ses propres mots. Immédiatement après son élection au siège épiscopal de Petrograd, le Saint Évêque déclara : «Je suis pour une Église libre. Elle doit être étrangère à la politique, car elle en a beaucoup souffert dans le passé. La tâche la plus importante est maintenant d’organiser et de mettre en place notre vie paroissiale». À l’été de 1921, la famine apparut dans le Bassin de la Volga. Le Métropolite Benjamin ne pouvait pas demeurer indifférent au malheur d’autrui. Il appela toutes les paroisses et les monastères de l’Éparchie de Petrograd à venir à l’aide de ceux qui souffraient de la famine. On se souvient de ses paroles : «Je suis prêt à enlever de mes propres mains la précieuse chasuble de l’icône très vénérée de la Très Sainte Mère de Dieu de Kazan, et de l’offrir afin de sauver les gens qui souffrent de la faim».Et cette initiative spontanée du Vladika de Petrograd fut entreprise avant même que ne démarre le processus de «confiscation des biens ecclésiastiques» mis en place par les autorités. En effet, selon l’instruction secrète du conseil des ministres du 19 mars 1922, la saisie des biens de l’Église devait être effectuée de manière violente et «se traduire par une violente campagne anti-religieuse, à la suite de laquelle il était nécessaire d’exterminer le plus grand nombre possible de membres du clergé et de la bourgeoisie réactionnaires». Par conséquent, le nouveau gouvernement n’avait pas besoin de dons volontaires. L’affaire forgée de toutes pièces contre Mgr Benjamin l’accusait du contraire: la résistance à la saisie des biens. Il fut arrêté et jugé. En même temps que lui, 85 autres membres du clergé et laïcs furent impliqués. Ce procès révéla pleinement le respect voué par les habitants de Petrograd à Benjamin. Quand il entra dans la salle d’audience, toutes les personnes présentes se levèrent. S’adressant au tribunal révolutionnaire, son avocat souligna: “C’est un homme du peuple! Le premier représentant du peuple. Jamais il n’a rompu avec le peuple». Mgr Benjamin consacré ses paroles de conclusion à faire la preuve de l’innocence des autres accusés, et dit de lui-même: «quel que soit le verdict qui sera prononcé en ce qui me concerne, je me chargerai de la Croix et je dirai : Gloire à Dieu pour tout!»

Comparution du Saint Hiéromartyr Benjamin

Vladika et trois de ses compagnons furent condamnés à la peine de mort. Ils attendirent un mois avant que la sentence ne soit exécutée.
Avant d’être fusillés, ils furent rasés. Ils étaient vêtus de haillons, de sorte qu’il était impossible de reconnaître qu’il s’agissait de gens d’Église. Dans la dernière lettre que Vladika Benjamin écrivit avant sa mort, nous lisons ceci: «Dans mon enfance, j’ai lu les vies des martyrs chrétiens et j’ai admiré leur héroïsme, leur inspiration, regrettant de toute mon âme que les temps ne fussent pas les mêmes et qu’il ne soit plus possible de vivre ce qu’ils ont vécu. Mais les temps ont changé, la possibilité de souffrir pour le Christ s’ouvre à nouveau… Ma souffrance a atteint son apogée, mais la consolation a augmenté elle aussi. Je suis heureux et tranquille, comme toujours. Christ est notre vie, notre lumière et notre paix. Avec Lui, tout est bien, toujours et partout … pour l’Église, nous ne devons pas nous plaindre et nous ne devons pas sacrifier l’Église pour nos intérêts individuels». Le Saint Évêque Benjamin suivit ce principe tout au long de sa vie véritablement désintéressée et il l’a légué à ses successeurs.
Éternelle mémoire à Vladika Benjamin et à ses trois compagnons de martyre !
Traduit du russe
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