Le texte ci-dessous fut publié le 9 décembre 2013 dans le journal orthodoxe «Blagovest», de Samara. Il brosse le portrait de la moniale Eugénie, dont il fut brièvement question dans la traduction du texte relatif à la Bienheureuse Maria Ivanovna, mise en ligne ici la semaine dernière. La moniale Eugénie (Mavrinskaia), fut ‘keleinitsa‘, auxiliaire de cellule, de la moniale du grand schème Maria (Matoukassova). Elle est décédée le 25 novembre 2013, à Optina Poustin’. Le texte ci-dessous fut rédigé par une de ses sœurs spirituelles de Samara, Galina Gorbatcheva.
Eugénie Illarionovna Mavrinskaia, la future moniale Eugénie, naquit le 2 décembre 1949 en Ouzbékistan, dans la ville de Kitab, dans l’oblast de Kachkadaria. En 1977, elle déménagea à Samara (appelée alors Kouibychev), où elle travailla d’abord comme pharmacienne dans le domaine de l’optique, et puis dans une pharmacie. En 1990, son neveu décéda ; cette mort provoqua chez elle un grand bouleversement et l’amena à la foi en Dieu, et Eugénie Illarionovna se fit baptiser dans l’Eglise Orthodoxe. Dès 1991, elle devint paroissienne de l’église des Saints Pierre et Paul. Son père spirituel fut l’Archiprêtre mitré Mikhaïl (Florov), qui décéda le 4 septembre 2006.A partir de 1993, Eugénie, mon mari Victor et moi, nous commençâmes à aller rendre visite à la future moniale du grand schème et Bienheureuse Maria Ivanovna Matoukassova à Kinel-Tcherkassy, et un lien spirituel nous unit à Matouchka Maria, qui nous accueillait toujours avec joie en disant : «Oh, les miens sont venus!». Lors de notre première rencontre, Eugénie proposa à Maria Ivanovna de l’aider à porter ses sacs, énormes, remplis de saletés. Matouchka Maria répondit par une question : «Tu les porteras?». «Je les porterai, Matouchka». Et ainsi, Eugénie Mavrinskaia souleva sa croix, s’occupant de la moniale du grand schème Maria.
Ayant pour cela reçu la bénédiction du Métropolite Ioann de Saint-Pétersbourg et Ladoga, Eugénie Illarionovna ouvrit en 1996 une pharmacie privée. Envoyant des médicaments aux monastères et soignant les nécessiteux, elle s’occupait de bienfaisance. Elle aurait enlevé son manteau pour le donner à quelqu’un qui n’avait rien sur le dos. Il lui arrivait de distribuer tout l’argent qu’elle possédait.
Un jour, mon mari Victor et moi, décidâmes de faire un don d’argent à Maria Ivanovna, mais elle refusa, disant : «Vous empruntez pour me donner!». Et elle ne voulut rien prendre. Eugénie enchaîna : «Alors, moi je donne de l’argent». Et Matouchka de répondre : «Dans ton porte monnaie tu as tout juste vingt kopecks!… Combien faut-il ajouter à 20 kopecks pour acheter du pain?». A l’époque, le pain coûtait deux roubles. Mais Eugénie répliqua : «J’ai de l’argent», et Maria Ivanovna : «Plus rien, plus rien!». Un peu plus tard, il advint qu’Eugénie distribua tout son argent à des nécessiteux. Dans son porte-monnaie, il lui restait tout juste 20 kopecks. Le soir, elle me téléphona : «Galia, il te reste quelque chose à manger chez toi? Je n’ai plus que 20 kopecks, même plus de quoi m’acheter un pain». Victor et moi, nous allâmes lui porter de la nourriture.
Voilà comment était notre Eugénie. Maria Ivanovna la mettait toujours à part des autres gens. Elle l’appelait Choura Korabliova1. Et Eugénie lui disait : «Matouchka, moi, c’est Eugénie !… » «Non, Choura! C’est pas bien, peut-être? Choura, c’est Alexandre Nevski. Et Korabliova, c’est vogue mon petit bateau, avance, avance vers moi, oui, vers moi…». Ces paroles avaient un sens qui nous était caché, et la langue de la Bienheureuse était difficile à comprendre.
A l’automne 1997, Eugénie décida de se retirer dans un monastère et remit sa pharmacie à une nièce. A cette époque, Maria Ivanovna résidait au village de Tachla, à l’église de la Sainte Trinité. Nous sommes allés la voir. Eugénie prit congé : «Matouchka, je pars au monastère!». Mais Matouchka lui répondit : «Et moi alors?», et elle se blottit dans les bras d’Eugénie, comme un tout petit enfant. Et elles ne se quittèrent plus à partir de septembre 1997. Elles allaient ensemble à Optino, revenaient à Samara. En janvier 1998, elles reçurent la tonsure monastique à Optino Poustin’, dans l’église de Saint Hilarion le Grand. C’est le Starets Élie (Nozdrine) qui les tonsura. Elles conservèrent leurs noms, mais la moniale du grand schème Maria fut tonsurée en l’honneur de Saint Marie-Madeleine, l’Égale-aux-Apôtres, et Eugénie en l’honneur de la Sainte moniale martyre Eugénie la Romaine, comme lors de son baptême. La moniale Eugénie fut la ‘keleinitsa‘, l’auxiliaire de cellule de la moniale du grand schème Maria, jusqu’au décès de celle-ci, au Monastère de l’icône de la Très Sainte Mère de Dieu de Kazan, à Vychni Volotchek, dans la Métropole de Tver. Après ce décès, Eugénie retourna vivre à Optina Poustin’. Son état de santé ne lui permit pas d’accomplir d’obédience particulière, mais elle aida beaucoup matériellement à la restauration du monastère et à la réparation de ses églises détruites. La croix qu’elle porta était lourde. Elle souffrait de diabète, mais avec l’aide de Dieu et les prières de sa mère spirituelle, la Bienheureuse moniale du grand schème Maria, elle s’en sortait. Éternelle mémoire !
Traduit du russe
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