Suite de la conversation avec Athanase Zoïtakis, chargé de cours à l’Université d’État de Moscou (МГУ) et rédacteur en chef du site «agionoros.ru», à propos de l’influence mutuelle des Églises russe et grecque. La première partie, concernant Saint Cosme d’Etolie, se trouve ici. Sur le plan professionnel, vous vous occupez d’histoire moderne et contemporaine, et de l’histoire de l’Église. Quelle fut l’influence réciproque des Églises russe et grecque au cours de l’histoire ? Quels ascètes orthodoxes russes furent porteurs d’un enseignement pour les Grecs ?
Selon les termes d’Alexandre S. Pouchkine, «La foi confessée par les Grecs nous donna notre caractère national propre». En acceptant l’Orthodoxie, le peuple russe s’est lié au peuple grec par des liens spirituels indissolubles. L’influence de la tradition grecque ne signifiait pas qu’il s’agissait simplement de copier sans faire preuve d’initiative et d’une vision originale. On reconnaissait des traits propres au type spirituel russe.C’est la Tradition orthodoxe, et non l’individualisme accablant de chaque homme, qui a permis la créativité et le développement au niveau national. Mais en reconnaissant l’influence mutuelle de nos Églises, nous en soulignons un aspect particulier : nous sommes unis par une Tradition commune et aussi par ses représentants, les saints orthodoxes.
Selon Saint Justin (Popovitch), «l’Église est la personne de l’Homme-Dieu, le Christ, il s’agit d’un organisme théanthropique et non pas d’une organisation humaine. L’Église est indivisible, aussi bien en tant que personne de l’Homme-Dieu qu’en tant que Corps du Christ. C’est pourquoi il est fondamentalement erroné de diviser l’organisme Divino-humain en petites organisations nationales».
Chaque Chrétien orthodoxe peut sentir cette unité. Pour les Russes, Saint Païssios l’Athonite et les autres Starets de l’Athos sont devenus des parents, de même Saint Luc de Simferopol et de nombreux autres saints russes le sont devenus pour les Grecs. Dans quasi toutes les églises serbes on voit des icônes de Saint Nectaire d’Égine et de Saint Seraphim de Sarov. J’ai eu plus d’une fois l’occasion d’écouter, lors des repas dans les monastères grecs, la lecture des instructions de Saint Ignace Briantchaninov, des Starets d’Optina et de Saint Théophane le Reclus. Le jour de la fête de Saint Silouane l’Athonite, on célèbre des vigiles qui se poursuivent toute la nuit dans tous les monastères de l’Athos. Parmi les athonites du XXe siècle, on compte de nombreux et vénérés ascètes russes. Parmi ceux-ci, je mentionnerai le hiéromoine Tikhon (Gonenkov), qui fut l’Ancien du Père Païssios, et le Starets Sophrony (Sakharov).
L’Athos a joué un rôle particulier dans l’union de nos peuples au cours des siècles. En Russie, on a toujours suivi d’un regard attentif la vie spirituelle du Mont Athos, et imité soigneusement ce joyau de piété. Saint Antoine de la Laure des Grottes de Kiev, fondateur du monachisme russe, Serge de Radonège, l’higoumène de la Terre de Russie et bien d’autres ascètes, avaient des liens spirituels avec l’Athos.
Des ascètes russes et grecs prirent activement part à la renaissance de l’hésychasme au XIVe siècle et à la «renaissance de la philocalie» des XVIIIe et XIXe siècles. Jusqu’à nos jours, le troupeau de l’Église orthodoxe a pu se nourrir des fruits de ces mouvements. Ce sentiment d’unité de l’Église, qui transcende les frontières et les divisions nationales apparut déjà lors de l’époque des premières communautés chrétiennes. Dans le cadre du système, ce furent les saints orthodoxes qui assurèrent la coordination.
C’est la raison pour laquelle la république monastique de l’Athos fut de toujours un centre de dimension non pas nationale, mais œcuménique. Et cette affirmation peut tout autant s’appliquer à la Laure de la Trinité Saint Serge et à plusieurs autres monastères russes.
La Grèce n’est-elle pas menacée par une nouvelle déchristianisation, semblable à celle qui sévit à l’époque de Saint Cosme d’Étolie, suite à l’actuelle vague d’immigration musulmane et à l’agression des voisins Albanais ?
Cette menace est très réelle. Plusieurs millions d’immigrants illégaux se trouvent dans le pays, dont l’écrasante majorité est constituée de musulmans. La menace albanaise est également à l’ordre du jour. Ce pays a déjà clamé plus d’une fois ses prétentions sur la région grecque de l’Épire et sur d’autres territoires. Des organisations extrémistes albanaises sont actives en Grèce. A plusieurs reprises, les autorités ont découvert des caches d’armes appartenant à ces groupes, et ont empêché des actions illégales. La Turquie soutient activement la diffusion de l’Islam en Grèce ; elle finance l’enseignement islamique et les organisations islamistes, elle exige l’extension des droits de la minorité musulmane, distribue de la littérature et fournit une aide financière aux islamistes.
Dans de telles circonstances, la Grèce et la Russie doivent renforcer la forteresse de leurs prières ainsi que leurs liens culturels et historiques.
Traduit du Russe. Source.