Eugène E. Alferev (1908-1986) est un historien de l'émigration russe, ingénieur de profession, né dans une famille noble. Il quitta la Petrograd dès octobre 1917 et alla s'établir à Kharbin', ensuite à Paris, à Shanghai et aux États-Unis, où il entra au service de l'ONU, à Genève, d'où enfin il retourna aux États-Unis. Il passa les seize dernières années de sa vie tout à côté du Monastère de la Sainte Trinité de Jordanville. Il consacra dix ans de sa vie à écrire un livre rétablissant la vérité au sujet du «Tsar-Martyr», à l'encontre de l'image d'un autocrate, et donc dictateur, en «fin de cycle», sanguinaire par moment (1905), mais aussi, impréparé, faible, hésitant, mal entouré, malchanceux, retranché dans sa vie familiale aux valeurs devenant désuètes, manquant d'inspiration, prenant de mauvaises décisions. Le livre fut édité en 1983. Son titre était «Император Николай II как Человек Сильной Воли» L'Empereur Nicolas II en tant qu'homme à la ferme volonté, et son sous-titre : «Материалы для составления Жития Св. Благочестивейшего Царя-Мученика Николая Великого Страстотерпца» «Matériaux destinés à l'élaboration d'une Vie du Pieux Tsar-Martyr, le Grand Strastoterpets Nicolas». Le texte ci-dessous est extrait du chapitre XV du livre, intitulé : «L'Activité ecclésiastique de l'Empereur Nicolas II. La Sainte Rus'. Le rempart apostolique du bien sur terre. Le souhait du Souverain de rétablir le patriarcat et sa disposition à renoncer au service monarchique et à prendre sur lui le podvig du trône patriarcal». Compte tenu de la longueur du chapitre, la traduction sera proposée en quatre ou cinq parties. Compte tenu de sa taille, l'appareil de notes du texte original russe n'a pas été traduit. Elles font largement appel aux travaux de l'historien de l’Église N. Talberg. Voici la quatrième partie.
Dans le deuxième rescrit, donné à l’occasion du centenaire de la Guerre Patriotique, le Souverain écrivit:«Voici un siècle, quand notre antique capitale, et avec elle tout la Sainte Rus’, vécut les heures de l’invasion de douze peuples, le clergé orthodoxe, endurant en même temps que tout le peuple russe les privations et les tribulations, redit un fier service à la Patrie. Il éveilla dans les cœurs du peuple et de la vaillante armée une foi ardente en Dieu, une dévotion sans réserve au Tsar et l’amour de l’église et de la Patrie. Humilié et outragé par les ennemis, le clergé, entourés par l’effroi de la mort, des incendies et de a dévastation, soutint le courage et une résistance sans faille pour la Sainte Rus’, réchauffant l’espoir de l’aide rapide et de l’intervention de Dieu. Elles demeureront pour l’éternité, les paroles inspirées qui prononça Sa Sainteté Augustin rencontrant à Moscou l’Empereur de heureuse mémoire, Alexandre le Béni: «Dieu est avec nous! Entendez, peuples, et repentez-vous, car Dieu est avec nous! La Puissance de Dieu est avec toi, Tsar!»
L’activité ecclésiastique de l’Empereur Nicolas II était très vaste et embrassait tous les aspects de la vie de l’Église. Pendant son règne, la Russie continua à embellir monastères et églises. La comparaison des statistiques disponibles en 1894 et en 1912 indique qu’au cours de ces dix-huit ans 211 nouveaux monastères, tant masculins que féminins, furent ouverts, ainsi que 7546 nouvelles églises, sans compter les nouvelles chapelles et maisons de prières. Parmi les nouveaux édifices, on ne peut passer sous silence la superbe église Feodorovski des Souverains, à Tsarskoe Selo. Elle fut érigée sur une étendue herbeuse choisie par le Souverain lui-même dans le parc, à proximité du Palais Alexandre, et sa construction fut achevée en 1912. En plus de l’église principale, à l’étage inférieur, l’édifice accueille une seconde église dédiée à Saint Seraphim le Thaumaturge de Sarov. L’église Feodorovski des Souverains, construite, sous la supervision attentive et au moyen de l’important financement personnel de leurs Altesses, se caractérisait par sa décoration intérieure exceptionnelle, et l’église inférieure se distinguait par sa collection impressionnante d’objets sacrés anciens. Elle fut détruite par le pouvoir communiste athée, au même titre que d’innombrables autres sanctuaires, mémoriaux historiques et objets sacrés orthodoxes de la Russie de jadis.
En outre, grâce aux dons généreux du Souverain, dix-sept nouvelles églises russes furent érigées dans de nombreuses villes d’Europe auxquelles leur beauté faisait honneur.
Suivant l’exemple de son père, l’Empereur Alexandre III, le Souverain Nicolas II accordait en matière ecclésiastique, un soin particulier à l’amélioration des conditions matérielles de vie du clergé et à la formation spirituelle de celui-ci. Sa Majesté ayant approuvé en 1892 l’avis du Conseil d’État relatif à l’octroi d’une allocation à tous les prêtres, sans exception, l’Empereur Alexandre III écrivit à l’Ober-procureur du Saint Synode, Konstantin P. Pobedonovtsev:«J’en rêvais depuis longtemps, c’était ma conviction profonde. Il était nécessaire de venir en aide et de veiller au bien-être des prêtres des campagnes, et maintenant, Gloire à Dieu, voilà qui est finalement fait. Mon grand-père, Nicolas Pavlovitch avait commencé le travail, dans les années quarante, et je l’ai continué». L’Empereur Nicolas II veilla à introduire d’autres mesures allant dans le même sens. Ainsi, par exemple, en 1902, il approuva un règlement concernant les pensions et primes forfaitaires des prêtres, diacres et chantres. Le Souverain indiqua en marge de sa signature:«Je suis convaincu de ce que dans nos éparchies, le clergé accomplira avec un zèle plus intense encore son service pastoral dans un véritable esprit chrétien».
L’Empereur Nicolas II accordait une attention tout aussi grande à l’amélioration de la formation spirituelle du clergé. Tout comme son père l’Empereur Alexandre III, il prit un soin particulier des écoles paroissiales, contre lesquelles la nouvelle Institution de l’État, la Douma, avait récemment mené campagne. Néanmoins, en 1913, la Russie comptait 37641 écoles de ces paroisses de l’Église, et le nombre des élèves qui y étaient instruits atteignait les deux millions. Dans ce domaine, le Souverain bénéficiait d’un collaborateur irremplaçable, son propre ancien professeur de théologie, Konstantin P. Pobedonovtsev, qui occupa pendant plus de vingt-cinq ans la fonction d’Ober-procureur du Saint Synode. Dans la longue lettre qu’il adressa à celui-ci en 1905 à l’occasion de la fin de son ministère d’Évêque de Volhynie, l’Évêque Antoine (Khrapovitski) écrivit entre autres:«L’instruction du peuple en union étroite avec l’Église commença en 1884, exclusivement grâce à vous, et votre soutien indéfectible jusqu’au dernier jour de votre service est une chose grande, sainte, éternelle, et vos mérites eu regard de l’Église, du Trône et de la société d’autant plus élevés, que dans cette affaire, vous étiez moralement quasi seul. Vous ne fûtes pas le continuateur d’une routine administrative, tel qu’aiment vous présenter les critiques pathétiques et médiocres. Que du contraire, vous avez élevé un mode de vie et des mœurs frustes, et vous avez entrepris ce qui était nécessaire à la Russie, mais inconnu de l’Administration avant que vous n’y œuvriez… Tout d’abord, l’affaire des écoles des paroisses de nos églises vous l’avez portée à bras le corps. Ensuite, vous vous êtes efforcé de rapprocher les écoles de théologie des besoins du peuple, de la vie de l’Église et certaines de vos démarches ont réussi à assainir de leur lumière l’esprit de l’Église et du peuple.» Les institutions de l’enseignement de la foi furent organisées en fonction du niveau d’enseignement:inférieur, moyen et supérieur, par conséquence, les instituions furent dénommées écoles de théologie, séminaires de théologie et académies de théologie. En 1913, à l’occasion du tricentenaire de la Maison Romanov, le Souverain souhaitait souligner l’importance de l’enseignement théologique supérieur et les académies de théologie furent qualifiées d’«impériales».
Homme d’une foi profonde et pratiquant celle-ci, le pieux Souverain promouvait et soutenait le développement des diverses formes d’art contribuant à l’ornementation artistique de l’intérieur des église ainsi qu’ à la beauté et la solennité des célébrations du culte. En cette matière il était épaulé par une collaboratrice de non moindre ferveur en la personne de la pieuse Impératrice Alexandra Feodorovna. Le Souverain compris le sens historique de la Rus’ d’antan dans le domaine ecclésiastique, et il entrepris d’en développer la mise en œuvre. Sa Majesté institua en 1901 le Comité de Tutelle d’Iconographie russe, et l’intérêt qu’il y porta alla croissant au fur et à mesure de son règne. En 1913 fut organisée à Moscou une exposition d’icônes anciennes à l’occasion du trois centième anniversaire de la Maison Romanov. P.P. Mouratov, l’un des plus grands connaisseurs en cette matière écrivit:«Il semble que cet intérêt atteignit son apogée au printemps 1914. Il ne fait en effet aucun doute que la religiosité du Souverain et de la Souveraine et leur intérêt marqué pour le lointain passé de la Russie, éveillé tout particulièrement par le jubilé de 1913, attira Leur sincère attention sur l’art pictural religieux de la Russie de jadis, qui trouva en Eux Ses protecteurs. Tout cela ne fait aucun doute». Pour sa part, Sergueï S. Oldenburg nota «L’Exposition Religieuse et Archéologique des Romanov, organisée en 1913 à Moscou, au Monastère du Miracle, ainsi que l’Exposition de l’Art Russe Ancien de l’Institut Archéologique Impérial offrirent la possibilité à de vastes cercles de la société russe de faire connaissance avec l’art russe du XIVe au XVIIe siècle, que le Souverain appréciait tant. La dimension artistique de l’iconographie russe rencontra pour la première fois l’estime qui lui était due».
Le Souverain connaissait à la perfection les règles du déroulement des offices, il connaissait, comprenait et aimait les chants liturgiques. Selon un commentaire du célèbre Chef de chœur P.A. Alexandrov, le règne tout entier de l’Empereur Nicolas II «peut être qualifié de dernière étape du parcours sinueux du chant liturgique russe. Cette étape est caractérisée par l’important développement artistique de la musique ecclésiastique, l’établissant sur sa voie nationale particulière». Durant le règne de l’Empereur Nicolas II, la cessation des persécutions des croyants du vieux rite élargit la possibilité d’étudier le chant liturgique russe ancien et ses éléments constituants, comme la notation en crochets, devenus maintenant accessible à un grand nombre de spécialistes. A l’issue d’un concert de chants liturgiques donné par le chœur du Saint Synode à Moscou en présence de Sa Majesté, le Souverain a affirmé que «le chœur avait atteint le plus haut niveau de perfection, à un point tel qu’il est difficile d’imaginer comment encore évoluer». (…)
Le dévouement de l’Empereur Nicolas II envers l’Église de Dieu s’étendait loin au-delà des frontières de la Russie. Dans maintes églises de Grèce, de Bulgarie, de Serbie, de Roumanie, du Monténégro, de Turquie, d’Égypte, de Syrie, de Libye, d’Abyssinie et de Palestine, on trouve encore l’un ou l’autre cadeau offert par le Tsar-Martyr. Des ensembles complets d’ornements liturgiques tissés d’argent, des icônes et des livres liturgiques furent adressés aux éparchies des Églises autocéphales de Serbie, de Grèce, de Bulgarie, du Monténégro, d’Antioche, de Constantinople, de Jérusalem, sans mentionner les largesses financières et les subsides en leur faveur. Lui, et lui seul, intervint dans le monde enter en défense de la foi et de l’Église orthodoxes et garantit la paix de l’Église dans le monde entier. En vérité, il fut le gardien tutélaire l’Église Orthodoxe Œcuménique. Et lui, lui seul, s’avança pour défendre les Chrétiens arméniens quand ils furent massacrés par les Turcs et quand ceux-ci opprimèrent et pourchassèrent les Slaves. Et il ouvrit largement les frontières de la Russie aux réfugiés fuyant ces pays. (A suivre)
Traduit du russe.