Dans le texte mis en ligne le 15 janvier 2014 dans sa version russe sur le site Pravoslavie.ru, le Métropolite Athanasios de Limassol transmet, à travers des exemples tirés de sa vie, de son expérience, un long enseignement au sujet de l’importance de la prière, et surtout de la prière pour autrui. Compte tenu de la longueur de la version russe, la traduction française est proposée en quatre parties dont voici la deuxième.
Il est donc important de s’exercer à prier pour autrui. Consacrons fût-ce deux mots de notre prière à nos frères qui souffrent, même quand nous n’avons entendu mentionner aucun événement pénible, ceux-ci surviennent sans que nous le sachions, et nous ne devons pas l’oublier ou imaginer qu’il n’en survient aucun. Quand nous sommes en prière, le soir, pensons à ceux qui, à cet instant, se trouvent dans les hôpitaux, dans les salles d’opération, aux familles accablées par les problèmes, aux enfants et aux gens qui ont faim, à ceux qui sont affligés par le malheur, l’épreuve, la tentation. Et élevons notre prière remplie de douleur et d’amour. Alors, nous aiderons réellement, tout d’abord nous-mêmes, et ensuite nos frères et sœurs dans l’épreuve. N’allez pas penser que Dieu ne vous entend pas. Dieu entend nos prières, Dieu entend les prières que nous élevons pour nos frères et sœurs.
En voici un exemple, qui s’est déroulé en Russie. Un malheureux prêtre était affligé par une passion terrible : il aimait boire. En Russie, le climat est rude, les gens ont tendance à boire plus que nous, à cause du froid, du gel. Et ils ne boivent bien sûr pas de l’eau, mais du vin, de la vodka, des boissons fortes, à cause du climat rude. Et voilà donc que ce prêtre buvait beaucoup plus que de mesure, sans raison. Il s’enivrait et l’ivresse lui faisait perdre la raison et commettre des actions indues. Les paroissiens allèrent se plaindre auprès du métropolite. Et celui-ci, après quelques remontrances, conversations et punitions, fut obligé de remettre de l’ordre. Après une ultime méconduite, il fut appelé par le métropolite qui lui dit:
Tu ne te corriges pas, tu n’es plus digne d’être prêtre. Tu fais injure à Dieu, tu induis les gens en tentation. A partir de maintenant, tu n’es plus autorisé à célébrer la liturgie et les offices. Tu n’exerceras plus la prêtrise car on ne peut d’une part être prêtre et d’autre part se vautrer dans l’ivresse et pousser les gens à la tentation. Que lui restait-il à faire? Il se fit humble et répondit:
D’accord, Vladika, qu’il en soit comme tu le dis. C’est vrai que je suis affligé de cette passion et de ce problème. Je comprends que je ne puis plus être prêtre.
Le soir, le métropolite pria paisiblement et alla se coucher. Il se coucha, mais il ne parvint pas à s’endormir car il entendait des cris. Une multitude de cris poussés par une multitude de voix. «Mais que se passe-t-il?», se demanda le métropolite. Il s’efforça de comprendre, et soudain, il comprit. Cette multitude de voix criaient car il avait interdit au prêtre de célébrer. Il se dit alors : «Que faire? Il s’agit bien réellement d’un homme qui n’est pas digne de la prêtrise!». Il ne trouvait pas la solution et il passa toute la nuit dans cet état de lutte intérieure. Le matin, il fit venir le prêtre et lui demanda :
– Raconte-moi donc de quoi tu t’occupes!
– Vladika, tu ne sais donc pas de quoi je m’occupe? Tu connais ma vie, c’est pourquoi tu m’as puni.
– Non. Il doit y avoir autre chose. Raconte-moi. Que fais-tu encore?
– Tu vois, mon Vladika, je ne fais rien de bon parce que, comme tu le sais, je suis un ivrogne, indigne d’être prêtre. Toutefois, le soir je vais au cimetière et je célèbre la litie pour les défunts, je prie et j’intercède auprès de Dieu pour tous les défunts qui sont enterrés dans ce cimetière. Je prie Dieu de les sauver tous, et par leurs prières, de me sauver, moi aussi. Voilà tout, il n’y a rien d’autre.
Vladika comprit alors que toutes les protestations qu’il avait entendues étaient clamées par les âmes des défunts bénéficiaires des prières et des offices du prêtre. Dès qu’elles en furent privées, elles se mirent à protester.
Voilà, voyez-vous, un prêtre indigne, vraiment indigne. Mais dans la mesure où il prie pour autrui, Dieu l’accepte. Et qu’aucun de vous ne vienne dire : «Mais je ne suis pas digne de prier pour les autres». Non. Nous devons prier pour autrui, il s’agit d’amour, de miséricorde. Mieux vaut prier pour quelqu’un que de lui donner dix euros. Bien entendu, s’il en a besoin, il faut aussi donner les dix euros, si on les a. Mais si on n’a rien qu’on puisse donner ou quand il n’est pas nécessaire de donner, la prière qu’on élève pour quelqu’un aura beaucoup plus de valeur. Et d’ailleurs, combien de dizaines d’euros serions-nous en mesure de donner? On ne peut donner à tout le monde! On peut donner à cinq, dix, cent, mille hommes et femmes, mais que faire pour tous les autres? Notre prière, mes frères, est un bienfait d’ampleur mondiale : elle touche le monde entier et aide vraiment beaucoup. C’est d’expérience que je vous parle, car j’ai moi-même souvent ressenti les prières d’autrui et je comprends qu’elles m’aident dans mes démarches, qu’elles me protègent et attirent la grâce de Dieu. Il est donc important de prier pour autrui, car de cette façon, nous dépassons notre propre ego et participons à la douleur de nos frères et l’autre reçoit alors une grande force qui l’aide à poursuivre sa lutte. Savez-vous ce que la prière d’autrui nous a permis de voir? Des miracles, des transformations d’hommes et de femmes, et d’événements. La prière permet de changer le cours de l’histoire du monde. Si des hommes prient pour cela avec suffisamment de force, ils le modifient. Vous avez entendu ce que, dans l’Ancien Testament, le juste Lot dit à Dieu concernant Sodome et Gomorrhe? Il Lui dit de ne pas détruire la ville s’il s’y trouve cinq justes. Il mena une sorte de joute avec Dieu, et il s’avéra, pour finir, que la ville ne comptait pas même cinq justes. Vous voyez, lorsqu’il y a quelque part des gens qui prient, cet endroit reçoit une force, une solidité, de la part de Dieu, car les prières agissent comme un aimant qui attire la grâce de Dieu, qui attire la garde et les soins de Dieu, et cette garde de Dieu protège le monde, le renforce, le soutient et elle donne force et consolation aux gens. Mais lorsque quelque part il n’y a pas de prière, là manquent aussi la force et la consolation. (A suivre)
Traduit du russe
Source
P.S. Celles et ceux qui souhaitent approfondir le sujet de la prière consulteront avec bénéfice le blog de Maxime, qui lui est dédié, ainsi que ces pages du Journal d’un Chrétien Ordinaire, ou encore cette page du blog Orthodoxologie.