Texte d’Athanasios Zoitakis publié en quatre parties sur le site russe Agionoros.ru. L’auteur est rédacteur en chef du Portail informatique Agionoros.ru, responsable des Éditions «Sviataïa Gora» (Святая Гора) et professeur d’histoire à l’Université d’État de Moscou. La vénération populaire des Saints Cosme et Païssios se répandit au sein du peuple immédiatement après leur décès. Le texte original russe est pourvu d’un important appareil de notes, omis ici ou en partie intégré au texte, en faveur de la lisibilité de celui-ci.
Les Prophéties
Saint Païssios l’Athonite proposa de relire toute une série de prophéties de Saint Cosme d’Étolie, et avant tout, celles ayant trait à la libération de Constantinople. La valeur des explications de Saint Païssios réside en ce qu’il propose une lecture essentiellement nouvelle des prophéties de Saint Cosme. Geronda Païssios possédait lui-même le don de prophétie et s’éloigna des interprétations répétitives dans lesquelles s’étaient enfermés de nombreux auteurs, qui diffusèrent pendant une très longue période une interprétation figée des prédictions de Saint Cosme d’Étolie.
A titre d’exemple, on peut retenir la lecture nouvelle de la prophétie : «Les Turcs partiront, mais ils reviendront et atteindront Examilia. Parmi eux, un tiers périra, un tiers croira en Christ et un tiers partira à Kokkini Milia». Comme le souligna le Hiéromoine agiorite Christodoulos, «Personne n’a jamais pu interpréter cela correctement. Tous fournirent des explications erronées. Il y a un lieu nommé Examilia à Langadas et à Kilkis, en Macédoine, un autre en Thrace et un à Corinthe, mais personne ne mentionne le fait que exa milia, les six milles, ce sont nos eaux territoriales». Le Hiéromoine Christodoulos rapporte encore, à la page 211 de son ouvrage «Geronda Païssios» (Ο Γέρων Παίσιος.) édité en 1994 : «L’Examilia dont parle Saint Cosme, ce n’est rien d’autre que six milles de plateau continental, nos eaux territoriales au large de toutes nos côtes. Au cours des dernières années, ce fut l’enjeu d’une querelle avec les Turcs, dans le cadre de laquelle nous tenons bon. Mais ils n’entreront pas en Grèce. Ils enfreindront juste cette limite de six milles. Un terrible fléau venu du Nord s’abattra sur eux et, comme le disent les écritures, tous leurs plans échoueront».
Dans de nombreux cas, les interprétations de Saint Païssios contredisent la tradition herméneutique. A titre d’exemple, Saint Païssios ne lie pas la prophétie disant «Il viendra un temps pendant lequel, à l’endroit où les gars pendaient leurs armes, les tziganes pendront leurs instruments de musique» aux événements de la période de la Révolution Grecque, en 1821, mais bien à des événements qui nous sont plus contemporains : «Nous arriverons à ce moment qu’évoqua Saint Cosme… Là où auparavant des moines auront mené leur combat ascétique, là ou pendaient les komboschinis, résonnera la musique tonitruante de la radio et pétilleront les sodas». La prophétie disant «Il viendra un temps où la femme armée de sa quenouille chassera dix Turcs» est mise en relation par les chercheurs grecs avec le soulèvement contre les Turcs, en 1821. En effet, les femmes prirent une part active à la lutte armée et combattirent avec succès les soldats turcs. Par contre, comme l’indique Georgios Krasanakis1 , Saint Païssios lie la prédiction à la libération prochaine de Constantinople et à l’effondrement de la Turquie.
Cosme d’Étolie et Païssios l’Athonite furent des porteurs de l’authentique esprit de la Sainte Montagne, comme l’a souligné le Métropolite Hiérotheos de Naupacte. Ces deux ascètes allèrent à l’école du monachisme athonite. Pour eux, la Sainte Montagne n’était pas juste un lieu sur une carte, c’était un mode de vie, de pensée, d’être. Saint Cosme d’Étolie «pleura ses péchés pendant dix-sept ans» à la Sainte Montagne. Le fait qu’il quitta celle-ci ne coupa jamais le lien spirituel qui l’y reliait. Le Mont Athos fut le point de départ de son chemin de missions. Et Saint Païssios éprouvait un sentiment tout particulier envers l’Athos : «La Sainte Montagne peut donner beaucoup à notre peuple. Elle pourrait ressusciter Byzance, dont elle est issue». Les circonstances historiques particulières qui prévalurent à la Sainte Montagne en firent le principal centre du monachisme oriental où fut préservée la tradition spirituelle et l’héritage culturel des peuples orthodoxes. Saint Cosme d’Étolie participa activement au mouvement de formation à la Tradition (la «renaissance philocalique»). Saint Païssios l’Athonite fut l’un des plus éminents gerondas agiorites, qui amenèrent une multitude d’hommes et de femmes à la vie monastique et exercèrent une influence spirituelle prépondérante sur la jeune génération de moines. Tous deux firent partie de ceux qui donnèrent une impulsion nouvelle au monachisme athonite et formèrent une foule de disciples et d’héritiers spirituels. Mais Saint Cosme d’Étolie et Saint Païssios l’Athonite ne furent pas «de simples compilateurs, répétant ce qui avait été dit avant eux», comme le souligna l’Archevêque Basile (Krivochéine) de Bruxelles. Ils en arrivèrent à personnifier la tradition athonite, montrant par là que celle-ci n’était pas la manifestation d’un fondamentalisme mort et d’un conservatisme, mais une création unique dans le cadre de la Tradition. A la vie et aux œuvres de Saint Païssios et Saint Cosme, s’appliquent pleinement les paroles de Saint Grégoire le Théologien : «Il convient tout d’abord de se purifier, pour ensuite enseigner la pureté à autrui. Il convient tout d’abord de devenir sage, pour ensuite enseigner la sagesse à autrui. Il convient tout d’abord de devenir soi-même lumière, pour ensuite éclairer autrui. Il convient tout d’abord de s’approcher soi-même de Dieu, pour ensuite amener autrui à Lui. Il convient tout d’abord de devenir soi-même saint, pour ensuite mener autrui à la sainteté». Ni l’un ni l’autre ne se fixèrent des objectifs grandioses, comme devenir apôtre, missionnaire, prédicateur. Ils se fixèrent un seul but : devenir moine, se purifier de leurs passions et se consacrer à Dieu. Voilà pourquoi leurs œuvres portèrent des fruits grandioses. Les paroles des enseignements de Saint Cosme d’Étolie et de Saint Païssios l’Athonite étaient chargées d’un sens profond car leurs enseignements étaient les fruits d’une vie sainte et de l’illumination du Saint Esprit. Ce ne sont pas leurs efforts intellectuels qui établirent une forme de communauté entre Saint Cosme et Saint Païssios, et avec les Pères de l’Église, mais une expérience spirituelle commune. Leur théologie fut fondée sur le préalable d’une ascèse permanente. Comme le dit Saint Païssios l’Athonite : «La théologie sans l’expérience personnelle est semblable à la taupe qui prétend décrire le soleil». (A suivre)
Traduit du russe.