Le hiéromoine russe Arsène (Minine) l’Athonite est l’auteur du texte ci-dessous et de ceux qui seront mis en ligne ultérieurement dans cette série. Les textes originaux en langue russe sont accessibles sur le site «Русский Афон». Il s’agit d’extraits d’un livre intitulé «Philocalie Athonite sur le Silence et la Prière» (Афонское Добротолюбие о безмолвии и молитве), publié en 2015 par les éditions du Saint Monastère Athonite Saint Panteleïmon, et que l’on peut lire en ligne ici. Les premiers extraits se trouvent ici.
Prier sans cesse, cela signifie, quelle que soit l’entreprise qui nous occupe ou l’activité de notre esprit, élever notre cœur et notre respiration vers Dieu, implorer Sa miséricorde, Son pardon, Son intervention. Quoique nous fassions, nous devons prononcer sans relâche le nom de Dieu, rendre grâce au Seigneur pour tout, pour les joies et les afflictions, car tout cela nous est envoyé pour notre bien. Alors, notre vie s’illumine et devient prière permanente.
«Veillez et priez, afin que vous ne tombiez pas dans la tentation» nous dit le Saint Apôtre (Mat. 26,41). Mais la prière permanente ne consiste pas seulement en l’activité de prière ininterrompue ; il convient de se souvenir constamment de Dieu, de se Le représenter toujours auprès de soi, observant nos faits et gestes, nos humeurs et nos pensées. Il faut donc s’exercer à prononcer en pensée la prière de Jésus au cours de toutes nos activités : «Seigneur Jésus Christ, Fils de Dieu, aie pitié de moi, pécheur», ou «Très Sainte Mère de Dieu, sauve-moi». Nos Saints Pères ont développé des instructions détaillées au sujet de la prière de Jésus dans la «Philocalie» et d’autres ouvrages ascétiques.
Un père, doté de la divine sagesse dit : «Si tu veux devenir incorporel en ton corps et servir Dieu en permanence, récite la prière secrètement en ton cœur, et avant ta mort, ton âme sera pareille à un ange». Saint Basile le Grand dit que la prière ne doit pas se limiter à des mots ; au contraire, il faut de toutes nos forces l’alimenter de souhaits spirituels et par la lutte incessante pour acquérir les vertus, car il est dit : «Soit donc que vous mangiez, soit que vous buviez, soit que vous fassiez quelque autre chose, faites tout pour la gloire de Dieu » (1Cor. 10,31).
Quoique vous fassiez, récitez le plus souvent possible le nom de Dieu. Saint Tikhon de Voronèje enseigne ce qui suit à propos de la prière : «Prier continuellement, en permanence, ne signifie pas qu’il faudrait lire sans interruption le psautier et les prières écrites, tout en faisant des métanies. Ce serait impossible ; chaque Chrétien doit accomplir les tâches qui lui sont imparties, et le corps fatigué a besoin de repos, de sommeil, etc. Prier sans cesse, cela signifie, quelle que soit l’entreprise qui nous occupe ou l’activité de notre esprit, élever le plus souvent possible notre cœur et notre respiration vers Dieu, implorer Sa miséricorde, Son pardon, Son intervention. La raison en est la suivante : satan et ses mauvais serviteurs nous murmurent le mal et le corps tire l’esprit vers la luxure et nous sommes incapables de résister par nous-mêmes à ces ennemis. Par notre prière, nous demandons l’aide de Dieu, nous nous armons contre eux, nous résistons et nous devenons forts». A un autre endroit, Saint Tikhon dit encore «La prière ne consiste pas à se tenir debout et faire des métanies devant Dieu et lire des prières qui ont été écrites, car il est possible, sans tout cela et à tous moments, en tous lieux, de prier mentalement et en esprit. Nous pouvons prier quand nous le voulons, assis, couchés, chemin faisant, assis à table, accomplissant nos tâches, au milieu de la foule et seuls ; vers Dieu nous élevons notre esprit et notre cœur, Lui demandant Sa miséricorde et Son aide. Dieu est toujours en tous lieux. Sans cesse des portes s’ouvrent vers Lui, nous permettant de L’approcher. Toujours et en tous lieux, par Son amour pour l’homme, Il est prêt à nous écouter et nous aider».
Saint Jean Chrysostome enseigne qu’«il est toujours possible d’ériger un autel, où que l’on soit. Il suffit de manifester de la bonne volonté, alors, ni le lieu ni le moment ne feront obstacle. Même si on ne tombe pas à genoux, si on ne se bat pas la poitrine et si on n’élève pas les mains vers le ciel, tant qu’on offre une âme brûlante, on accomplit tout ce qui est nécessaire à la prière». La femme assise à son métier à tisser, ou occupée à coudre, peut tourner son esprit vers le ciel et appeler Dieu ardemment. L’homme qui sort à cheval ou qui voyage peut prier avec ferveur. Et un autre, assis dans son atelier ou dans sa boutique, peut très bien tourner son âme vers le Seigneur. Le domestique le peut également, de même ceux qui font des achats, ceux qui montent des escaliers et ceux qui s’affairent à la cuisine. Et lorsqu’on ne peut se rendre à l’église, il est possible de prier sincèrement et avec ferveur là où l’on se trouve. Dieu ne méprise aucun endroit, il demande seulement une chose : un cœur enflammé et une âme chaste. Voilà ce que nous lisons dans la «Théologie Morale» de l’Évêque Platon.
Dieu n’a aucun besoin de notre verbosité. Sans le moindre mot de notre part, Il connaît non seulement ce que nous pensons, mais aussi ce que nous souhaiterons à l’instant suivant et à quoi nous penserons un peu plus tard. «Tu as compris de loin toutes mes pensées», dit le psalmiste (Ps 138,2). Ce ne sont pas les mots qui ouvrent grand les cieux et font entendre la prière, mais bien le cri intérieur qui vient du cœur et s’adresse au Seigneur. D’aucuns prétendront que les obligations de leur rang les distraient de la prière, mais nous proposons alors d’examiner les exemples que nous donnent les Prophètes David et Daniel. Le premier était roi d’un vaste royaume fort peuplé et avait fort à faire pour discipliner ses sujets. Malgré cela, il trouva du temps pour la prière : selon Saint Épiphane, David, porteur de la pourpre, priait au début de la nuit, se levait au milieu de la nuit pour prier et priait à l’aube. Il priait aussi le matin, le midi et le soir. Et David lui-même dit : «Sept fois le jour je t’ai loué, à cause des jugements de ta justice» (Ps 118,164).
Lorsque le Prophète Daniel se trouva à la cour de l’Empereur Darius de Perse, c’est la direction du royaume tout entier qui lui fut confiée. (Dan.6,3-28). L’immensité du Royaume de Perse constituait évidemment une raison suffisante permettant de souligner l’importance et le poids des obligations du Prophète Daniel. L’amour dont l’empereur le gratifiait, par priorité à l’égard de tous les courtisans, prouve le soin qu’il accordait à l’accomplissement des multiples tâches liées à sa charge. Malgré tout cela, malgré que, selon ses propres paroles, il servait un roi de ce monde, il consacrait quotidiennement un long temps au service du Roi Céleste. Trois fois par jour, il tombait à genoux, priait et se confessait à Dieu.
Mais, comme le dit l’Apôtre, même si nous prions sans cesse, si nous éprouvons de la rancœur envers un prochain, Dieu ne nous écoutera pas : «Et, lorsque vous êtes debout faisant votre prière, si vous avez quelque chose contre quelqu’un, pardonnez, afin que votre Père qui est dans les cieux vous pardonne aussi vos offenses. Mais si vous ne pardonnez pas, votre Père qui est dans les cieux ne vous pardonnera pas non plus vos offenses» (Mc 11, 25-26). Les Saints Pères disaient aussi que les prières de celui qui ne prie pas pour ses ennemis, Dieu ne les accepte pas. Il se peut que parfois, il nous semble que nous ne soyons pas responsables de la querelle avec un de nos frères, ou encore, que nous serions disposés à nous réconcilier avec lui, alors que lui ne le veut pas. Mais tout cela ne suffit pas ; il faut, avec diligence, demander à Dieu de favoriser les circonstances et conditions de la réconciliation, même si la responsabilité initiale de la querelle ne nous incombe pas. Car alors, du fait que nous avons pris l’initiative de la réconciliation, le Seigneur nous en attribuera le mérite. Et si après cela, le frère s’abstient de se réconcilier avec nous, nous n’en serons pas responsable.
Traduit du russe.
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