Le Métropolite Athanasios de Limassol a retenu les paroles de l’Apôtre Paul , 2Cor. 6,2, pour donner un titre à son homélie concernant le Grand Carême, que le Portail informatique Pravoslavie.ru publie dans ses pages russes du 13 mars 2017. En voici l’adaptation française.

Le Saint et Grand Carême est l’arène lumineuse et propice aux vertus, que l’Église propose à une certaine époque de l’année, nous ouvrant ses portes afin que nous y entrions dans la joie et habités par de bonnes dispositions, et y menions notre combat, offrant du temps de notre propre vie à Dieu.
«Voici maintenant le temps favorable, voici maintenant le jour du salut». Ce sont les douces paroles que nous entendons à l’office du soir. Voici venu le temps propice au service à Dieu, temps de la repentance, temps du salut. La grâce du repentir caractérise le Saint et Grand Carême ; et elle attire dans le cœur de l’homme la grâce de l’Esprit Saint. C’est la raison pour laquelle notre Mère l’Église pose un fondement, dès le premier jour du Carême : le pardon et l’abandon de l’offense. «Si vous pardonnez aux hommes leurs offenses, votre Père céleste vous pardonnera aussi» (Mat. 6,14), dit le Christ dans l’Évangile.
Quand l’homme combat ses passions et ses infirmités, il a besoin de la Grâce divine, car il n’est pas simple de lutter avec ses propres forces contre soi-même, contre les passions, le diable et le monde (dans l’acception négative de ce terme). Quant au jeûne, il ne s’agit pas d’un régime que l’on suivrait pour des raisons d’hygiène physique, selon un programme strict, et en comptant seulement sur des ressources corporelles. Le jeûne du Grand Carême revêt un sens et une destination très différents. Le sens consiste à attirer la Grâce de Dieu dans le cœur de l’homme, duquel le péché est expulsé, afin d’annihiler les passions qui tuent notre âme. Le cœur étant purifié des passions, le Seigneur l’illumine de Sa lumière divine, et il en devient capable de distinguer le juste chemin qui mène au Royaume Céleste. Nos efforts et labeurs physiques sont nécessaires dans le cadre du jeûne, mais ils requièrent l’aide de Dieu. Nous demandons dès lors pardon les uns aux autres, nous humiliant l’un devant l’autre, afin que l’Esprit Saint éclaire notre âme et ouvre nos yeux pour que nous puissions voir que nous sommes pécheur et devenions capables de nous tourner complètement vers Dieu, Lui demandant de pardonner nos propres péchés. Car si tout notre combat n’est pas orienté vers la demande de rémission de nos péchés et l’état béni du repentir, alors ce combat demeurera hélas stérile.

Photo Diakonima

Selon les enseignements des Pères de l’Église, le combat du repentir purifie le cœur de l’homme. «Tu m’aspergeras avec l’hysope, et je serai purifié ; tu me laveras, et je serai plus blanc que la neige», dit le divin David dans le psaume (Ps 50,9). La voie du repentir se parcourt le cœur brisé, l’âme douloureuse, en compagnie des larmes et de la désolation des péchés commis. Seul un pareil repentir nous procurera de doux fruits car seul le repentir authentique nous «lave» du fardeau du péché. Le cœur qui a été purifié par le repentir peut alors recevoir la visite de la Grâce de Dieu qui nous renouvelle, qui allège notre conscience et nous réinstalle en notre pristin état, celui en lequel Dieu nous créa, selon Son image et Sa ressemblance. Voilà ce en quoi consiste le combat du repentir du Saint et Grand Carême.
Le jeûne physique, les longs offices auxquels on participe debout, les métanies, tous ces efforts liés au Grand Carême visent à attendrir le cœur de l’homme, blessé par le péché. Ce cœur de l’homme, endurci comme une pierre, rendu insensible à toute dimension spirituelle par une multitude de péchés, incapable d’offrir une lamentation qui équivaudrait à tous ses péchés, car il s’est éloigné de Dieu, ce cœur donc, l’Église commence par l’ouvrir, à l’aide de ses enseignements ascétiques et de son ton inclinant au repentir, elle le rend ensuite plus sensible, et elle finit par en pulvériser toute la dureté pétrifiée. Suite à ce processus, à ces ‘coups’ méthodiques portés au cœur endurci de l’homme, celui-ci en vient progressivement à l’attendrissement, qui à son tour purifie l’âme, la renouvelle et l’illumine.
Au début du combat, le repentir est comparable à un feu qui s’allume et commence à brûler en l’homme tout ce qui est ancien, laissant dans l’âme une certaine langueur. Ensuite, alors que le Chrétien s’exerce constamment au repentir, ce feu cesse de le brûler, se transforme en lumière qui l’illumine, lui procure la douceur et lui fait savoir que Jésus Christ l’a pardonné et lui apparaît Lui-même dans cette Douce Lumière qui fait pâlir toutes les richesses de ce monde.
Mettons-nous à ce combat avec toute l’ardeur qui convient, sans pusillanimité ni poltronnerie.
Jamais le poltron ne parviendra au bout de ce chemin, car il ne participe en rien au Règne Céleste puisqu’il ne compte que sur ses propres faibles forces. Il oublie notre Dieu Tout Puissant. Il oublie ce que dit l’Apôtre Paul : «Je puis tout par Jésus Christ qui me fortifie» (Phil. 4,13), et encore : «Dieu a choisi les choses faibles du monde pour confondre les fortes» (1Cor, 1,27), et : «Ma puissance s’accomplit dans la faiblesse» (2Cor, 12,9). Je puis tout, évidemment pas par mes propres forces, mais bien par celles du Christ qui me rend fort. Nous devons nous lancer dans ce combat béni animés par de telles pensées, par une disposition joyeuse ; Saint Jean Chrysostome en dit ceci : nous devons nous élancer comme des lions, et ne pas même imaginer que nous ne serions pas capables de mener le combat ascétique du Grand Carême.
«Dieu est avec nous» chantons-nous lors des vigiles. S’Il est avec nous, ce n’est pas pour nous délaisser, mais pour nous donner force. Offrez à Dieu vos bonnes dispositions et vous recevrez de Sa part la force non seulement de traverser le Grand Carême, mais d’accomplir l’œuvre du salut de votre âme. Si nos faiblesses physiques ne nous permettent pas d’accomplir le carême en observant l’ensemble des règles prescrites, nous devons demander à notre père spirituel la bénédiction d’observer un carême moins strict, sans pour cela nous troubler ; dans l’Église existe ce que l’on nomme ‘l’économie’.
Qui donc nous empêcherait de nous repentir et de faire preuve d’humilité, sinon nous-mêmes ? Il n’est pas nécessaire d’être jeune et en possession de toutes ses forces physiques pour faire preuve d’humilité. Il faut juste avoir une opinion humble de soi, fuir le péché de toutes ses forces, et garder constamment un cœur brisé et humilié. Nous tous, jeunes et vieux, malades et bien-portants, sommes en mesure d’attirer en nos cœurs la grâce qui naît de l’humilité. Ce que le Seigneur nous demande, c’est notre cœur ; tous nos souhaits, tout notre amour doivent être une aspiration à Dieu ; «Fils, donne-Moi ton cœur». Et nous y parviendront pour autant que nous parvenions à nous libérer de nous-mêmes, des passions qui nous entravent.
Sur ce chemin, le jeûne n’est que le premier pas, nécessaire toutefois, qui nous permettra d’atteindre l’état courageux dans lequel nous extirperons tous les liens des passions. Ensuite, dans une lutte spirituelle audacieuse, nous pourrons nous libérer du mal, du mauvais et de tout ce qui noircit l’icône divine qu’est l’homme. Et, je le répète une fois encore, nous devons tous commencer par devenir humbles. Les voies permettant d’accéder à l’humilité ont été amplement décrites dans la littérature ascétique. L’homme humble se repentira aisément de ses péchés, implorera facilement de pouvoir retrouver, corps et âme, une situation saine. Mais l’orgueilleux ne peut se repentir. Il est incapable d’évaluer précisément la situation réelle, de comprendre qu’il a besoin de l’aide de Dieu. Jamais l’orgueilleux n’éprouve un sentiment de culpabilité. Il a toujours raison, jamais il ne demande pardon, toujours il se justifie. Et ce qui est pis encore, dans sa vie, on ne trouve pas le Christ. Le Christ réside dans le cœur de celui qui humblement se dit pécheur, et à qui il semble qu’il n’y a pas de place pour le Christ en son cœur saturé d’orgueil. La Sainte Écriture nous dit que «Dieu résiste aux orgueilleux, mais Il fait grâce aux humbles» (Jac. 4,6).
En cette période bénie, prenons donc la résolution d’accorder la plus grande attention au repentir, en plus de nos efforts physiques. Pensons au sacrifice que nous pourrions offrir au Christ, pensons à Son amour pour nous, voyons combien nous nous sommes éloignés de Lui. Et affligeons-nous de cette distance qui nous sépare de Dieu, implorons-Le de nous pardonner nos péchés, de S’approcher de nous et d’entrer en nos cœurs. Et soyons convaincus de ce que Dieu, voyant notre humilité, viendra en nos cœurs, nous consolera, nous soutiendra et nous rendra dignes de Son amour et de notre salut.
Dans l’Église, nous ne vivons pas des idéaux utopiques et mensongers, une piété toute morale ; nous faisons personnellement l’expérience de la relation à Dieu. Dieu tourne toujours «Son visage» vers nous. Toujours, Il est à nos côtés et l’homme est appelé à construire son expérience personnelle de la relation à Dieu, et cette expérience deviendra pour lui la plus importante, la plus significative de toutes. Les Saints en sont des exemples ; nous voyons clairement la présence de Dieu dans leur vie. En vivant de cette façon, avec le temps, nous deviendrons d’authentiques Chrétiens. L’observance permanente des commandements évangéliques offre en son temps une récolte abondante, transformant notre être, faisant de celui-ci le temple de l’Esprit Saint, une coupe divine et bénie. Amen.

Crédit Photo :Romphea.gr

Traduit du russe
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