Le Métropolite Athanasios de Limassol partage avec nous, dans son livre «Le Cœur Ouvert de l’Église», publié en 2016 par les Éditions du Monastère de la Sainte Rencontre à Moscou, l’immense trésor de l’expérience spirituelle qu’il a accumulée au cours des six décennies de sa vie, dans sa prière, au contact de ses frères et sœurs en Christ, et surtout au contact des saints de notre Église qu’il a eu la grâce de rencontrer. Les textes précédents évoquaient différents saints et anciens de notre Église. Le présent chapitre est traduit des pages 143 à 148 du livre précité.
Ces jours-ci, nous célébrons la Fête des fêtes : la Nativité de notre Seigneur Jésus Christ. La Nativité est l’une des plus grandes fêtes de notre Église dans la mesure où nous célébrons cet événement incommensurable : Dieu Lui-même S’est fait homme pour déifier l’homme, pour nous amener à Lui.
Les hymnes de la Nativité témoignent de cet indicible miracle par lequel Dieu Se fit homme, de la Toute Sainte Mère de Dieu, Qui fut jugée digne de donner corps à Dieu le Verbe, et de l’homme appelé à devenir Dieu par la grâce. Ces hymnes témoignent aussi des mages, des bergers et des Anges qui chantaient «… Gloire à Dieu au plus haut des Cieux, et paix sur la terre…» (Lc 2,14). Toutes les lectures, tous les tropaires sont consacrés à cette grande fête. Reste à savoir comment nous, les Chrétiens orthodoxes, pouvons vivre ces fêtes, et ce qu’elles signifient pour nous.
Les fêtes de l’Église, ce sont des «relais», où nous pouvons nous renforcer spirituellement. Quand un homme chemine, il est nécessaire qu’il fasse halte, qu’il reprenne son souffle ainsi que des forces, afin de se remettre ensuite en route. De même, les fêtes de l’Église, et tout particulièrement celles de notre Seigneur et de la Theotokos sont une sorte de « relais » où nous puissions faire halte, nous qui sommes en plein labeur, chargés du fardeau de la croix immatérielle de nos épreuves quotidiennes. Pour l’homme, le but principal de la fête est d’enter en contact avec la grâce de Dieu qui en de tels jours s’écoule en abondance. L’atmosphère festive dans les rues, si on la regarde du point de vue chrétien, ainsi que tout ce qui nous entoure, participe de la préparation à accueillir l’arrivée de notre Seigneur Jésus Christ. Mais il est évident que le sens de la Nativité ne peut être épuisé dans l’apparence des seules célébrations et coutumes.
«Ce jour tout entier est saturé de joie, le Christ est né de la Vierge». Cela signifie tout : le ciel, la terre, et toute créature dotée d’esprit, d’intelligence, toute créature visible est appelée à participer à la fête, à célébrer la venue de notre Seigneur en ce monde.
Il est un récit selon lequel à Bethléem où naquit le Christ, dans une grotte, un ermite nommé Jérôme vécut et mena son exploit ascétique. La nuit de la Nativité, alors qu’il ne dormait pas mais priait, par la grâce de Dieu, alors qu’il revivait l’événement même de la Nativité, il dit au Christ : «Mon Christ, aujourd’hui, tout le monde T’a offert quelque chose, les mages T’ont offert des dons, les Anges T’ont chanté des cantiques de gloire, les pasteurs sont venus s’incliner devant Toi, la terre T’a offert une grotte, et l’humanité T’a donné la Theotokos. Mais que pourrais-je bien t’offrir en ce jour ? Rien de ce que j’ai ne m’appartient, tout cela est à Toi car Tu m’as tout donné». Alors qu’il priait ainsi, le saint vit, par la grâce de l’Esprit Saint, le Christ nouveau-né dans la crèche, Qui lui répondit : «Je ne souhaite qu’une seule chose venant de toi». Jérôme fut saisi d’effroi et souhaitant entendre quel était ce don que notre Seigneur attendait de lui, il demanda : «Que souhaites-Tu de moi, Seigneur?». Le Christ répondit «Je veux tes péchés». En d’autres termes, ‘je veux t’enlever le poids de tes péchés’.
Le sens de cette fête, pour nous, esclaves des passions et du péché, réside dans la libération du péché que nous donne le Christ par Sa Nativité, la libération de l’esclavage du péché et des ténèbres qui découlèrent de notre chute. Mais c’est aussi la possibilité de se réjouir de la vie en notre qualité d’enfants de Dieu, de sentir que Dieu est notre Père et de comprendre que nous revêtons une grande valeur, non pas parce que nous représenterions en soi quelque chose de particulier en ce monde, mais en notre qualité d’enfants de Dieu et que c’est pour nous, pour chacun d’entre nous en particulier, que Dieu Lui-même S’est fait Homme.
Les Anges eux-mêmes ne peuvent comprendre le mystère de la Nativité. «Seigneur… ils ne comprirent pas comment Tu t’incarnas, Tes Anges incorporels». Il s’agit d’un immense et indicible mystère. Comment l’intelligence humaine, temporelle, créée, pourrait-elle comprendre et concevoir ce que fit Dieu par son Amour divin illimité ? L’intelligence humaine ne peut concevoir cela. Cette chose inaccessible peut seulement être ressentie dans le cœur de l’homme. Elle sort du cadre de toute explication logique. Avec l’aide de la grâce de Dieu, et au moyen d’une ascèse spirituelle, de prière, de jeûne, à l’aide de la confession et de la participation aux événements de l’Église, l’homme devient plus réceptif et peut participer à la grâce de ces miraculeux événements. Alors, son intelligence et sa logique parviennent à exprimer, autant que faire se peut, l’expérience de la compréhension de ces mystères.
Il en fut ainsi avec les Saints Pères qui écrivirent les hymnes de la Nativité du Christ. Ils commencèrent par faire l’expérience de ce mystère, et ensuite, par effusion du cœur, ils mirent par écrit ces hymnes ; d’abord on fait l’expérience de la connaissance, et à l’issue de celle-ci procède l’articulation logique.
La chute dans le péché détruisit notre lien avec Dieu et nous soumit à la mort. La Nativité du Verbe de Dieu renouvelle la créature et fait renaître l’homme à la vie éternelle. Cette fête signifie le début de notre salut. C’est pourquoi on chante : «Tu es venue, tu t’es manifestée, Lumière inaccessible ». Nous voyons le Christ, déjà, nous ne l’attendons plus, nous ne lisons à Son propos des prophéties selon lesquelles Il viendra. Il est venu, Se manifestant comme la Lumière inaccessible. «Il nous a visités du haut des cieux, notre Sauveur, l’Orient des Orients, nous qui étions dans les ténèbres et dans l’ombre de l’erreur…» Pour nous, il s’agit d’une donnée. Nous avons trouvé la vérité, nous ne la cherchons plus. Dans l’Église, nous ne sommes pas des chercheurs de vérité, nous ne cherchons pas la vérité car la vérité, c’est le Christ et non un concept philosophique. De même, cette paix que chantèrent les Anges, ce n’est pas l’absence de guerre, c’est la présence du Christ dans le monde. Quand le Christ Se fit homme, la paix de Dieu arriva sur la terre.
Le cadeau que le Christ veut que nous lui fassions le jour de Sa Nativité, ce sont nos péchés. C’est-à-dire qu’Il veut que nous nous donnions à Lui, nous pécheurs, que nous nous installions dans la crèche et que nous Lui demandions d’entrer en notre cœur impur pour qu’Il y naisse, de la même façon qu’Il s’abaissa à naître dans la crèche malpropre d’animaux dépourvus de conscience. Car alors notre cœur se transformera en ciel, il commencera à se transformer en paradis et nous vivrons en Christ, et nous nous réjouirons de la présence de Dieu le Père en notre humble cœur.
L’Église, c’est la salle des noces, le lieu où se déroule l’union de Dieu et de l’homme. C’est précisément dans l’Église que Dieu S’est fait homme : «Et la parole a été faite chair, … et nous avons contemplé sa gloire, une gloire comme la gloire du Fils unique venu du Père» (Jean 1,14). Nous avons vu le Verbe de Dieu, nous L’avons touché, nous nous sommes entretenus avec Lui, nous L’avons ressenti et nous sommes unis à Lui.
Traduit du russe.