Le texte ci-dessous est la traduction de l’introduction remarquable (pages 4 à 14), rédigée par Athanasios Zontakis, du livre intitulé «Le Cœur ouvert de l’Église», publié en 2016, en russe, par les Éditions du Monastère de la Sainte Rencontre (Сретенский монастырь) à Moscou. Le Métropolite Athanasios est l’un des prédicateurs les plus connus dans l’Église Orthodoxe grecque contemporaine. Il a connu de nombreux gerondas et ils l’ont nourri de leur tradition spirituelle. Nonobstant les obligations dues à son rang archiépiscopal, le Métropolite Athanasios continue aujourd’hui encore à confesser et à dispenser la guidance spirituelle. Depuis de nombreuses années, il s’entretient familièrement avec son troupeau, ce qui lui assure un grand succès, particulièrement auprès des jeunes. En Grèce et ailleurs, les entretiens avec le Métropolite font régulièrement l’objet d’enregistrements. Le présent livre est le premier recueil d’entretiens du Métropolite Athanasios qui soit publié avec sa bénédiction. Certains entretiens furent transcrits à partir d’enregistrements et d’autres proviennent du journal de la Métropole de Limassol, «Paraklisis».
Dramatique fut le caractère de l’histoire de l’Église Orthodoxe cypriote au XXe siècle. La période de domination anglaise fut suivie par celle de l’occupation par les Turcs du Nord de l’île, et les années d’après-guerre se distinguèrent par une profonde crise théologique, spirituelle et pastorale. Vint ensuite l’époque de l’athéisme, qui culmina dans les années ’60-’70. L’Église luttait en vain contre le matérialisme, recourant à des ouvrages apologétiques scolastiques, fondant des écoles du dimanche, sur le modèle protestant, concentrant ses enseignements sur les fondements moraux de la vie. Tous ces efforts n’aboutirent à rien. Les églises se vidaient, et les enfants qui se détournaient de l’Orthodoxie étaient devenus légions. La hiérarchie ecclésiastique avait adopté un caractère séculier, délaissant les questions spirituelles au profit des questions sociales. Le nombre de prêtres diminua drastiquement ; les jeunes gens considérant l’Orthodoxie comme une simple idéologie, refusaient toute ordination. Dans de telles circonstances, pour les Cypriotes ordinaires, baptême, mariage, funérailles, fêtes onomastiques, tout se réduisait à de simples rituels.
«Mais là où le péché a abondé, la grâce a surabondé» (Rom. 5;20). Et au milieu d’un océan d’indifférence et du culte de la consommation, se trouvèrent des gens capables d’observer sous le voile des apparences la véritable beauté de l’Orthodoxie. Et le Métropolite Athanasios (Nikolaou) fut l’un de ceux qui réussirent à sortir la barque de l’Église de la tempête et de lui faire reprendre une juste navigation. (…)
Il naquit à Limassol, le 8 février 1959, dans la famille d’un entrepreneur ayant rencontré un certain succès et fut lors de son baptême, nommé André. Le jeune garçon vécut plus confortablement que la majorité des enfants de son âge ; dès son jeune âge, il eût l’occasion de ne rien se refuser et de jouir de nombreux biens matériels. Mais André était habité par un intérêt tout différent. Dès ses plus jeunes années, son environnement, c’était l’Église Orthodoxe ; toutes ses pensées allaient vers elle, de même que ses espoirs et ses succès. Adolescent, il surprenait en préférant aux satisfactions terrestres la prière et la lecture de la littérature spirituelle.
A quatorze ans, André prit une décision importante : il quitta la maison familiale pour entrer à l’École de la Sainte Métropole de Chypre, à Paphos. Trois ans plus tard, le Métropolite Chrysostome de Paphos (aujourd’hui à la tête de l’Église Orthodoxe de Chypre) l’ordonnait diacre.
Ayant terminé l’enseignement secondaire, le Père André décida de poursuivre ses études à la Faculté de Théologie de l’Université Aristote à Thessalonique. L’atmosphère de la ville du saint et grand martyr Dimitri étonna immédiatement l’adolescent : «Je me souviens, quand je suis parti étudier en Grèce, en 1976, le premier dimanche, j’ai été tellement frappé en entrant dans l’église, de voir tant de jeunes. C’était la première fois que je voyais des jeunes dans une église!»
Les études à Thessalonique permirent à l’adolescent de visiter régulièrement la Sainte Montagne. Depuis son enfance, le Père André avait beaucoup lu au sujet des exploits ascétiques des moines athonites, et voilà que maintenant, il avait la possibilité de faire personnellement la connaissance de ces gerondas athonites porteurs du souffle de l’Esprit : «Ils nous ont dévoilé que l’homme peut réellement devenir enfant de Dieu. A travers leur sainte vie, ils nous montraient que tout ce dont le Sauveur parle dans l’Évangile, tout ce qu’Il nous a promis, tout ce que nous lisons dans les vies des saints, peut devenir réalité, peut se dérouler de nos jours».
En 1980, lorsqu’il termina son cursus académique, le Père André se retira au Mont Athos, au ‘Nouveau Skite’ (en russe, ce nom est masculin, alors qu’en grec, il est féminin), dépendant du Monastère Saint Paul et dont le confesseur et père spirituel était Geronda Joseph (appelé plus tard ‘l’Ancien joseph de Vatopedi’). Le Père Joseph était lui-même disciple du grand geronda athonite Joseph l’Hésychaste (1897-1959).
Après le décès de son ancien, le Père Joseph avait mené pendant quelques temps son combat ascétique à Chypre, au ‘Monastère des Prêtres’ (connu également sous l’appellation ‘Αγία Μονή’, Saint Monastère, car plusieurs saints y auraient séjourné, dont Saint Nicolas, Saint Evtichios, Saint Athanase l’Athonite, etc..), à Paphos. C’est là qu’à la fin des années ’70, Geronda Joseph fit la connaissance de deux jeunes gens : le diacre André (qui devint Athanasios, Métropolite de Limassol) et son camarade d’école, Vassili (qui devint Ephrem, higoumène du Monastère de Vatopedi). Et voilà qu’ils se retrouvaient maintenant tous trois sur la sainte Montagne.
En 1982, le Père André reçu le Grand Schème sous le nom d’Athanasios, et fut ordonné prêtre. En 1987, la fraternité du Père Joseph prit sur elle le labeur consistant à faire reprendre vie au Monastère de Vatopedi. Le Père Joseph continua à être le geronda de la fraternité, le Père Ephrem fut désigné higoumène et le Père Athanase, assistant de l’higoumène et membre du synode des anciens. Grâce à leur travail, très vite, le monastère fut transformé. La communauté devint cénobitique alors qu’elle était idiorythmique, et fut bientôt la communauté la plus peuplée de la Sainte Montagne, accomplissant des œuvres sociales, de bienfaisance et même missionnaires.
La disponibilité et le talent d’organisateur du Père Athanasios ne passèrent pas inaperçus. Il fut élu protoépistate de la Sainte Montagne en 1991-1992. Il est difficile de sous-estimer la signification de cet événement dans la mesure où la responsabilité de la fonction de ‘protos’ au Mont Athos est habituellement confiée à un moine âgé disposant d’une grande autorité et d’une importante expérience de la vie monastique. Le Père Athanasios fut le ‘protos’ le plus jeune de l’histoire millénaire du monachisme athonite.
En 1991, l’Archevêque de Chypre, Chrysostome (Ier), rendit une visite au Mont Athos. Au centre administratif de la Sainte Montagne, il fut accueilli par les représentants de la ‘Sainte Assemblée’, emmenés par le Père Athanasios (Nikolaou). Impressionné par sa rencontre avec le jeune hiéromoine, l’Archevêque Chrysostome proposa à celui-ci de revenir à Chypre et de l’aider à faire renaître un monastère très ancien. Cette proposition attrista le Père Athanasios qui ne souhaitait pas quitter le Mont Athos. Mais ayant reçu l’assentiment de Geronda Porphyrios le Kavsokalyvite ainsi que la bénédiction de son père spirituel, il fit preuve d’obéissance et s’en alla à Chypre.
En 1992, accompagné de trois autres moines de Vatopedi, le Père Athanasios fit son entrée au Monastère des Prêtres à Paphos, qu’on appelle également parfois le Monastère Saint Nicolas. En novembre 1993, la communauté fut transférée au Monastère de la Mère de Dieu à Machaira, et le 4 novembre de cette année, le Père Athanasios fut élu higoumène de cette communauté. Avec un grand zèle, il se mit à l’ouvrage. Il fallait reconstruire le monastère, nourrir spirituellement les frères et les pèlerins dont le nombre croissait de jour en jour. La plupart des résidents du monastère étaient des hommes jeunes dotés d’une formation de haut niveau. Dans un laps de temps réduit, ces moines restaurèrent les édifices à moitié détruits du monastère et construisirent une nouvelle clôture. En dépit de ses innombrables occupations, l’higoumène Athanasios consacrait la majeure partie de son temps à s’entretenir avec les gens ; il discutait avec des groupes, se chargeait des confessions, conseillait hommes et femmes, et accordait même des aides financières.
A nouveau, la manière de servir du Père Athanasios ne passa pas inaperçue. La hiérarchie de l’Église Orthodoxe de Chypre prit la décision de le recommander au rang de métropolite. Le 11 février 1999, il fut élu à l’unanimité des clercs et des laïcs en qualité de Métropolite de Limassol. La chirotonie se déroula le 14 février.
Devenu métropolite, il ne craignit pas d’introduire des changements dans la vie de l’éparchie, tout en agissant dans les limites de la Tradition patristique et l’orientation imprimée était celle acquise par son expérience spirituelle sur la Sainte Montagne. Dans ces conditions, les efforts de son Éminence, ramenant des centaines de jeunes gens vers l’Église, ne manquèrent pas d’attirer les foudres de l’ennemi. Une campagne très planifiée de calomnies fut mise en œuvre contre le Métropolite ; elle devint monstrueuse par son ampleur et l’injustice de ses accusations. Lui-même fit preuve d’une grande douceur envers ses persécuteurs ; il ne jugeait pas ses ennemis, il ne se justifiait pas ni ne réfutait les accusations lancées. Le Métropolite Athanasios fut entièrement et unanimement blanchi devant le tribunal ecclésiastique et le synode. Après cette période d’épreuves, il se rapprocha plus encore de son troupeau, qui s’était tenu à ses côtés pendant tout ce temps, clamant l’innocence de son pasteur.
Sa haute dignité ne l’avait pas changé. Devenu évêque, moine il était demeuré. Tel le bon pasteur, il se montra paternel avec ses brebis, simple, franc et sincère. Le Métropolite restait ouvert et accessible à tous. Au fil d’une année il s’oblige à visiter tous les quartiers militaires, tous les orphelinats, toutes les institutions scolaires (il y en a 130),écoles, universités, collèges et jardins d’enfants de son éparchie, y discutant avec les jeunes et les enseignants, leur parlant de l’Église et du Christ. Le Métropolite s’efforce de célébrer la liturgie ne serait-ce qu’une fois dans toutes les églises de la Métropole de Limassol. Et il consacre des heures interminables à écouter chacun de ceux qui veulent lui parler, partager avec leur hiérarque leurs douleurs et leurs problèmes. Pour chacun, le Métropolite trouve les paroles de consolation et de soutien qu’il ou elle attend, leur donnant la force nécessaire pour sortir de l’impasse et trouver le Christ. Le Métropolite Athanasios réserve une attention particulière aux prêtres et aux moines. Pendant les sept premières années de son épiscopat, il ordonna 42 nouveaux clercs. Ses efforts ont permis la résurrection spirituelle de monastères; trois antiques communautés monastiques furent renouvelées.
Le Métropolite Athanasios se distingue également par ses capacités uniques d’administrateur. Lorsqu’il accéda à la chaire épiscopale de Limassol, l’éparchie était affligée d’un énorme fardeau de dettes. La majorité des habitants étaient mal disposés à l’égard de l’Église, suite à des scandales financiers et autres malversations. Monseigneur Athanasios institua une commission spéciale composée d’économistes professionnels, chargée de résoudre les problèmes qui s’étaient accumulés. En un court laps de temps l’éparchie fut libérée du joug de ses dettes. Partant du point de vue selon lequel tout laïc a le droit de savoir ce que gère l’Église, le Métropolite Athanasios introduisit la tradition d’une conférence de presse annuelle au cours de laquelle les comptes sont présentés, les recettes et les dépenses de la Métropole dévoilées, et les programmes entamés et réalisés sont exposés. Un tiers des recettes de l’éparchie de Limassol est systématiquement affecté à des œuvres et objectifs de bienfaisance.
Le Métropolite Athanasios accorde, comme bien des pères, une attention particulière aux jeunes. A son initiative a été installé un «centre de délassement» qui accueille tout au long de l’année écoliers et étudiants. A Limassol, il a ouvert un centre de développement «holistique», spirituel et physique, pour les jeunes. Jeunes gens et jeunes filles viennent y pratiquer gratuitement les sports, participer à des ateliers d’iconographie, prendre des leçons de musique et de chant byzantin, de céramique artistique et de danses populaires. Les enfants de familles socialement défavorisées y reçoivent gratuitement des leçons de révisions en langues étrangères. En 2014 fut ouvert à l’initiative du Métropolite un centre d’éducation et de formation en sciences naturelles et de l’écologie ; des écoliers de toute l’île de Chypre ont déjà participé à ses programmes de formation. Et en plus de tout cela le Métropolite Athanasios a créé le centre d’aide aux toxicomanes «Sainte Protection de la Mère de Dieu», qui fonctionne à la fois comme institution thérapeutique et monastère orthodoxe. Dans ce complexe situé au-delà des limites de la ville, les jeunes viennent quotidiennement recevoir la thérapie qui leur est nécessaire, et vivre selon le typikon d’une communauté cénobitique. Cela leur permet de trouver un sens à leur vie, de se débarrasser des stupéfiants et de retourner à une vie sociale normale. A l’appel et à l’initiative de Son Éminence, des groupes mixtes de clercs et de laïcs assument un volontariat à la clinique de Limassol, apportant aux patients une aide active, mais aussi sous forme de paroles de consolation.
On pourrait continuer à noircir des pages entières avec l’énumération des initiatives et des réalisations de Monseigneur Athanasios. Ajoutons brièvement qu’il existe également dans l’éparchie de Limassol un centre de soutien aux familles, un centre d’aide à la jeunesse et un centre d’aide aux mères célibataires. Une aide matérielle importante est également fournie au Zimbabwe, en Ouganda, au Kosovo et au Proche-Orient. Et on fournit des repas chauds gratuits aux Cypriotes démunis. Et la radio de l’éparchie, «Apôtre André», jouit d’une grande popularité auprès des auditeurs cypriotes. Le Métropolite répond lui-même régulièrement en direct aux questions des auditeurs.
L’éparchie compte également un centre de formation spirituelle pour les non-pratiquants et les hétérodoxes. Il est animé par des prêtres et des théologiens qui maîtrisent l’anglais, l’allemand, le bulgare, le russe, le persan, le turc et l’arabe. Depuis 1993, le Métropolite Athanasios intervient quatre fois par mois dans des discussions publiques organisées dans les églises de Limassol et à l’Université de Chypre. Très rapidement les propos de ses interventions sont répandus dans toute l’île et ses paroles de prédicateur ont ramené à l’Église des centaines de Cypriotes. Et il semble que ce soit la jeunesse estudiantine qui apprécie particulièrement de pouvoir s’entretenir avec le Métropolite Athanasios. Les entretiens radiodiffusés auxquels il participe sont particulièrement populaires à Chypre et en Grèce ; il est malaisé d’y trouver un chrétien qui n’aurait jamais écouté une seule prédication du Métropolite. A ce jour, les activités du Métropolite Athanasios ne lui ont pas laissé le temps d’écrire un livre. Les quelques publications qui reprennent ses propos sont de simples recueils de ses prédications.
Dans le monde Orthodoxe, on appelle le Métropolite Athanasios le ’Nouveau Bouche d’Or’. A l’image de son grand prédécesseur, il combine la faculté de parler des thèmes d’actualité avec un profond enracinement dans la Tradition de l’Église Orthodoxe. Chacune de ses paroles est fondée sur une riche expérience spirituelle. Parlant des beautés de l’Orthodoxie, Monseigneur Athanasios fuit les phrases toutes faites et élimées, il parle avec simplicité, de façon compréhensible, mais aussi, très profonde.
Il arrive que le Métropolite tienne plusieurs entretiens sur une même journée, et il n’a tout simplement pas le temps de préparer les textes de ses interventions. Et outre transmette l’érudition et le savoir, les prédications doivent faire participer à la grâce de Dieu. Ainsi, avant chacune de ses interventions, le Métropolite Athanasios prie et demande au Seigneur de l’éclairer et de lui souffler ce qu’il convient qu’il dise, à quel auditoire il doit le dire et quand il doit le dire. Son humble espoir en Dieu, combiné à un ferme appui sur la Tradition de l’Église et sa propre riche expérience transforment les paroles du métropolite en source de consolation, de sagesse, de soutien spirituel pour chaque Chrétien orthodoxe vivant en notre époque difficile.
Traduit du russe