Journal du novice Nicolas (Saint Nikon) d’Optina (95)

Né en 1888, le Saint Hiéromartyr Nikon (Beliaev) fut hiéromoine à la Skite du Monastère d’Optina. Il en fut un des derniers startsy, ayant eu pour père spirituel Saint Barsanuphe, lui-même fils spirituel du Saint Starets Anatole (Zertsalov) d’Optina. Un récit de sa vie a été traduit en plusieurs parties sur le présent blogue et est accessible ici. Le Monastère a publié le journal tenu par le novice Nicolas pendant les trois premières années de sa vie monastique. (Дневник послушника Николая Беляева (преподобного Оптинского старца Никона). Le texte ci-dessous est la traduction (sur base de l’édition de 2016) des premières pages de cet ouvrage remarquable, inédit en français. Le début de la traduction se trouve ici.

(…) Pour autant que je me souvienne, le dix-neuf, j’ai vu, assis dans ma cellule, qu’un arbre tombait. J’ai commencé à regarder attentivement et j’ai constaté que cet arbre était attaché à une corde tirée par l’auxiliaire du père économe et des ouvriers. C’est comme si la fièvre montait en moi; je venais d’entendre le matin Batiouchka affirmer : «Pendant que je suis à la Skite, je ne permettrai pas que l’on coupe fût-ce une seule branche».
J’ai donc pensé que cela se faisait à l’insu de Batiouchka. Et ce, d’autant plus que Batiouchka m’avait parlé de ces arbres, en été lors d’une promenade en soirée. «Ici, il y a deux ou trois arbres (des tilleuls). Peu de temps avant mon arrivée, Batiouchka Ambroise, pointant vers ces arbres (alors il y en avait beaucoup ici, tout un bosquet), ordonna de les préserver, disant: «Le maître viendra et vivra ici, et dans ce bosquet il boira le thé…» Peu de temps plus tard, je suis arrivé, et j’ai été placé justement dans ce bâtiment, et j’aurais probablement pris le thé dans le bosquet, mais ils avaient presque tout coupé; il restait ces deux ou trois arbres… (C’est derrière le côté Sud de la nouvelle église entre les deux bâtiments)». Et voilà que je voyais qu’on abattait ces arbres; maintenant, il n’en restait plus un seul là-bas. Je suis allé le dire à Batiouchka. L’ayant appris, Batiouchka appela l’auxiliaire du père économe et le réprimanda, il lui ôta son rason et lui ordonna de faire des grandes métanies dans le réfectoire. Batiouchka m’a couvert, mais ils devineront toujours que c’est moi qui l’ai dit. Peut-être que je devrais endurer des afflictions à cause de cela, mais je ne pouvais pas me taire. Que la volonté de Dieu soit faite en toutes choses!..
Quand j’étais dans le magasin, pour y acheter de l’huile, il y avait là Dariouchka, qui avait été tonsurée par le Père Ambroise, une moniale en secret dans le monde. Ce qu’elle a dit, je ne le transmettrai pas, seulement elle m’a demandé de prier, elle a dit qu’elle allait à Moscou pour auprès de la Sainte Icône de la Très Sainte Mère de Dieu des Ibères, car elle allait mourir bientôt.
Mardi 24 novembre
Aujourd’hui, pour la deuxième fois, l’auxiliaire de cellule du Père Hilarion, l’auteur du livre «Sur les Monts du Caucase», est venu voir Batiouchka. Il a amené un garçon de 18 ans avec lui et a demandé qu’il soit accueilli dans notre monastère.
Aujourd’hui, pendant la bénédiction, j’ai dit à Batiouchka que des pensées m’ont attaqué, surtout pendant la prière, diverses pensées, en particulier de vanité, de jugement et d’autres.

Saint Nikon (Fragment de la Synaxe des Saints Startsy d’Optina. T.A. Mouchketov)

– Oui, bien sûr, elles attaquent, dit Batiouchka, toute la vie d’un moine est une lutte contre les pensées, c’est pour cela que la prière de Jésus est nécessaire…
Au fait, je vais écrire les paroles de Saint Siméon Le Nouveau Théologien à propos de la prière de Jésus: «Si quelqu’un ne s’unit pas au Seigneur Jésus ici sur terre, il ne s’unira jamais à Lui.» Cela, Batiouchka et moi l’avons lu dans le livre «Sur les Monts du Caucase» le 15 novembre à l’endroit où est expliquée la nécessité de la prière de Jésus.
– Ce sont des paroles terribles, dit Batiouchka. Quand j’ai lu cela, j’étais encore novice et j’ai commencé à en chercher la confirmation, car un seul saint, Saint Siméon, l’affirme. Je me suis alors souvenu du texte de l’Évangile, dans les Béatitudes : bienheureux les cœurs purs, car ils verront Dieu. Si vous réorganisez les mots, il s’avère que «seuls les cœurs purs verront Dieu». Et la prière intérieure de Jésus est l’union de l’esprit et du cœur dans leurs aspirations à Dieu…
Je ne me souviens plus exactement des mots de Batiouchka, et j’ai donc peur d’écrire trop hardiment, car je pourrais écrire quelque chose d’incorrect.
Jeudi 26 novembre
Hier soir, nous sommes restés longtemps assis à converser, Batiouchka et moi, jusqu’à minuit. Et nous avons travaillé. Ce n’est qu’à la fin que Batiouchka m’a raconté comment le Seigneur l’avait protégé de la gent féminine dans le monde, comment Il ne l’avait pas laissé se marier, bien qu’il y ait eu beaucoup de prétendantes.
«Comme des mouches sur le miel, elles avançaient vers moi. Je n’ai jamais été beau, vraiment, mais je n’ai pas été monstrueux non plus. C’est pourquoi j’attribue donc cela au fait que le malin les a lancées sur moi. Il a un bon flair, et il a senti qu’il y avait quelque chose en moi, c’est-à-dire une propension au monachisme, et il voulait l’éliminer, mais le Seigneur m’a sauvé…»
Vendredi 27 novembre
Je suis allé à la Liturgie; je me suis levé pour y aller dès qu’on a sonné. De façon générale, ces derniers temps, j’ai tendance à être vaincu par le sommeil. J’ai bu le thé avec Ivanouchka, puis suis allé chez Batiouchka, mais je ne l’a pas trouvé chez lui: Batiouchka était allé chez le Supérieur pour affaires. Hier, pendant les vigiles, Batiouchka nous a lu le « Paterikon » de l’Évêque Ignace. Hier après les vigiles, j’ai écrit une lettre à la maison.
Le 25 novembre, Batiouchka et le Père Nikita ont mangé ensemble, après la bénédiction, je me suis joint à eux, et nous avons parlé. Je pensais que si les esprits malins peuvent nous inspirer des pensées et si l’âme peut entendre les paroles des esprits mauvais, alors ceux-ci voient et entendent nos pensées.
Batiouchka a dit que ce n’était pas le cas:
– Les esprits mauvais peuvent nous inspirer des pensées, mais ils ne peuvent pas savoir si nous les avons acceptées ou non. C’est pourquoi ils font ceci: ils nous inspirent la pensée et nous regardent en face, voulant par l’expression de notre visage savoir comment nous avons réagi à ces pensées.
Cela m’a ouvert et éclairci beaucoup de choses. (A suivre)

Traduit du russe
Source :

Saint Père Nikon, prie Dieu pour nous.