Né en 1888, le Saint Hiéromartyr Nikon (Beliaev) fut hiéromoine à la Skite du Monastère d’Optina. Il en fut un des derniers startsy, ayant eu pour père spirituel Saint Barsanuphe, lui-même fils spirituel du Saint Starets Anatole (Zertsalov) d’Optina. Un récit de sa vie a été traduit en plusieurs parties sur le présent blogue et est accessible ici. Le Monastère a publié le journal tenu par le novice Nicolas pendant les trois premières années de sa vie monastique. (Дневник послушника Николая Беляева (преподобного Оптинского старца Никона). Le texte ci-dessous est la traduction (sur base de l’édition de 2016) des premières pages de cet ouvrage remarquable, inédit en français. Le début de la traduction se trouve ici.
Lundi 19 octobre
Je suis de retour à la Skite. A nouveau, les mêmes pins me regardent de leur hauteur. A nouveau, la même simplicité et le silence… Mais je vais essayer d’écrire tout dans l’ordre. Jusqu’au seize, j’ai tenu un petit journal spécial. Mais le seize, je n’y ai rien écrit, c’est pourquoi je commencerai par là. Le matin du 16, Ivanouchka et moi sommes allés voir l’Évêque Tryphon. Sur le chemin, nous sommes allés à la chapelle du Sauveur et à la Cathédrale de Kazan. Là, j’ai remis, pour qu’elles soient sanctifiées, les icônes que j’avais apportées de la Laure de la Trinité-Saint Serge. On y célébrait la liturgie. Je me suis souvenu de tout le monde lors de la commémoration des vivants et des défunts.
De la cathédrale de Kazan nous sommes allés directement chez l’Évêque Tryphon. Nous avons dû attendre un peu. Quand nous sommes entrés, Vladika nous a bénis, nous a installés sur des chaises, mais lui a commencé à marcher dans la pièce; il était très contrarié.
– Eh bien, que Dieu vous bénisse, dit Vladika, vous pouvez aller. Remettez au Père Archimandrite et au Père Higoumène ma salutation fraternelle (et Vladika a demandé de transmettre quelque chose à Batiouchka de la part de la Grande-Duchesse). Oui, mes amis, continua Vladika, il est difficile de vivre dans le monde. Qu’en dites-vous?
– Jusqu’ici, Vladika, j’ai l’âme en paix. Répondis-je.
– Oui, mais cette humeur paisible devrait bientôt passer, elle sera remplacée par une lutte acharnée…
Je me suis souvenu de ces paroles, et il ne me semble pas que Vladika ait dit autre chose de spécial. Il était tellement contrarié qu’il ne pouvait même pas parler. Nous lui avons demandé ses saintes prières et ses saintes bénédictions pour le voyage, et nous sommes allés de chez lui auprès du Père Jonas. Comme d’habitude, le Père Jonas nous accueillit chaleureusement, avec le sourire. Nous avons bu une tasse de thé avec lui, avons discuté et pris congé de lui et de ses compagnons de cellule.
Tout d’abord, nous sommes allés à la chapelle du Monastère de la Théophanie, puis à l’église Saint Nicolas le Thaumaturge et à celle de la Très Sainte Mère de Dieu d’Iviron. Ici, nous nous sommes séparés: je suis rentré à la maison, et Ivanouchka est allé au Kremlin, car moi j’étais déjà allé vénérer toutes les saintes icônes et reliques du Kremlin, alors que lui ne l’avait pas encore fait.
J’ai passé le reste de la journée à la maison. En guise de congé, j’ai lu des extraits d’Abba Dorothée, de l’Évêque Ignace, etc. Le soir, quand tout était déjà empaqueté et ficelé, et alors que nous étions tout à fait sur le point de partir, je me suis souvenu que maman souhaitait nous bénir, Ivanouchka et moi, avec les icônes qu’elle nous avait apportées et remises le 13 octobre, et je lui en ai parlé, mais maman a répondu: «Je vous ai déjà béni, cela suffit». Pourquoi maman a dit ça, je n’en sais rien.
Quand tout fut prêt, maman a dit «Laisse-moi te signer>. Je me suis agenouillé et ma mère m’a signé trois fois. Puis j’ai dit au revoir à tout le monde et nous sommes allés à la gare avec nos deux frères, Serguei et Mitrophane. Nous avons pris place aisément dans le convoi et avons rejoint Optina en toute sécurité. Nous avons roulé, comme toujours, toute la nuit du seize au dix-sept.
Le matin du dix-sept, vers dix heures, nous sommes entrés dans la cour de l’écurie de la Skite, nous sommes descendus de la télègue et sommes allés chez Batiouchka. Il ne m’attendait apparemment pas, et quand je suis entré, il a été quelque peu surpris et puis ravi: le sourire illuminait son visage. Après m’avoir béni, Batiouchka m’a étreint la tête et m’a embrassé.
Il n’était pas possible de parler longtemps car le cocher nous attendait, il fallait décharger et emmener les bagages à la cellule.
De chez Batiouchka, je suis rentré à ma cellule. A nouveau, je voyais notre belle église, notre chère vieille église, les mêmes allées, les mêmes arbres et les mêmes buissons. Je suis entré dans ma cellule, et toujours la même fenêtre, le poêle, les livres, les icônes, la table… tout se trouvait à nouveau sous mes yeux. Doucement, je me suis posé un peu, et j’ai apporté quelques friandises à Batiouchka. Déjà, il était temps de passer à table.
Au réfectoire, il y avait un certain Posselianine, Batiouchka m’avait déjà parlé de lui. Après le repas, je me suis allongé pour me reposer de la nuit sans sommeil. C’était un samedi, avec vêpres et vigiles. Dès lors, il ne fut pas possible d’aller saluer le Père Archimandrite. Nous y sommes allés le dix-huit avant le repas. Et de chez lui nous sommes allés sur les tombes des startsy. Toute la journée passa sans qu’on s’en rendît compte, car il y avait de nouveau des vigiles, pour la fête de Saint Jean de Rila à la Skite (La nouvelle église).
Je ne suis pas encore parvenu à parler à Batiouchka comme il se doit, souvent seulement par bribes, et en présence des gens. Mais je vois souvent que Batiouchka me fait confiance et m’aime.
Quand nous étions chez Vladika Tryphon, il nous a demandé: «Eh bien, comment vivez-vous là-bas, comment vous sentez-vous?» J’ai répondu que, Gloire à Dieu, tout allait bien». «Oui, continua Vladika, quand le Père Archimandrite et le Père Higoumène se sont arrêtés chez moi sur le chemin de la Laure, j’ai interrogé le Père Higoumène à votre sujet. Et je vous dirai qu’ il s’est montré très cordial envers vous».
Jeudi 22 octobre
Je suis allé à la liturgie «tardive», car par faiblesse, j’ai dormi trop tard pour aller à la première. Après la liturgie et le repas, j’ai passé tout le temps avec Batiouchka. Il ne s’est pas reposé aujourd’hui, car il est revenu tard de la liturgie. J’ai regardé le courrier. On a bu une tasse de thé. Puis Batiouchka m’a donné le livre «Sur les Monts du Caucase», que j’ai déjà lu plus d’une fois, et m’a renvoyé à ma cellule.
Le vingt, il y eut des vigiles au monastère, mais je n’y suis pas allé; j’étais chez Batiouchka. Nous avons d’abord lu les prières du soir. Ensuite, j’ai lu la première heure, et après celle-ci, le Père Nikita a lu le Canon [N.d.T. de Saint Théodore le Studite] «Nous sommes frappés par tant de malheurs», mais les irmos nous les avons chantés tous ensemble. On peut dire qu’on n’a pas eu le temps de converser; nous nous sommes assis pour le courrier et avons expédié les lettres les plus urgentes.
Aujourd’hui, Batiouchka a célébré dans l’église principale du monastère, et donc hier il y était pour les complies, et il a lu l’acathiste à l’icône de la Très Sainte Mère de Dieu de Kazan, et au début des complies, j’ai lu pour Batiouchka le Canon au Doux Jésus, et j’ai chanté les irmos avec Batiouchka. (A suivre)
Traduit du russe
Source :
Saint Père Nikon, prie Dieu pour nous.