Né en 1888, le Saint Hiéromartyr Nikon (Beliaev) fut hiéromoine à la Skite du Monastère d’Optina. Il en fut un des derniers startsy, ayant eu pour père spirituel Saint Barsanuphe, lui-même fils spirituel du Saint Starets Anatole (Zertsalov) d’Optina. Un récit de sa vie a été traduit en plusieurs parties sur le présent blogue et est accessible ici. Le Monastère a publié le journal tenu par le novice Nicolas pendant les trois premières années de sa vie monastique. (Дневник послушника Николая Беляева (преподобного Оптинского старца Никона). Le texte ci-dessous est la traduction (sur base de l’édition de 2016) des premières pages de cet ouvrage remarquable, inédit en français. Le début de la traduction se trouve ici.

27 septembre
(…) «Tout cela annonçait ce qui allait m’arriver dans ma vie spirituelle», continua Batiouchka. Le 13 septembre, l’inauguration de l’église, cela signifiait que je devais d’abord renouveler mon temple spirituel; puis le 14 septembre, l’Exaltation de la Sainte Croix, c’est-à-dire que lorsque le temple est renouvelé, il faut y ériger une croix, la croix de la vie spirituelle. Cette exaltation est à la fois générale et privée. Cela arrive à chaque personne, mais beaucoup ont vécu toute leur vie sans rien remarquer de pareil. Et enfin, le 15 septembre c’était un dimanche, c’est-à-dire que quand la croix a été érigée sur mon temple spirituel, mon âme ne pouvait que ressusciter à la vie spirituelle.
Vous voyez, la séquence des événements survenus jadis, doit se répéter réellement dans la vie spirituelle de l’homme…»
Puis Batiouchka a parlé des tribulations qu’il a endurées en tant que novice, et auxquelles il a répondu dans son âme: «Je préfère mourir, mais je ne quitterai pas la Skite.» Le Père Joseph, supérieur de la Skite, perturbé par d’autres sous l’influence du malin, n’était pas bien disposé envers Batiouchka. Sachant cela, j’ai demandé à Batiouchka:
– Comment étaient vos relations avec le Père Joseph?
– Je le considérais comme mon supérieur. Avant de faire quoi que ce soit sans exception, je lui demandais sa bénédiction : par exemple, pour sortir de la Skite, etc. J’ai seulement cessé de lui révéler mes pensées, et j’ai commencé à les révéler au Père Benoît, et je ne l’ai fait qu’avec la bénédiction du Père Joseph. J’avais la conviction que compte tenu du rang qui lui avait été conféré, la grâce agissait.
Batiouchka m’a raconté qu’il était arrivé à la Skite un 24 décembre (Qui est aussi le jour de notre admission à la Skite et de notre passage de l’hôtellerie à notre cellule), et que le 26 décembre, il s’était déjà installé dans sa cellule à la Skite…
Je ne me souviens plus du reste de la conversation avec Batiouchka.
Hier, pendant les vigiles, Batiouchka a prononcé une homélie et lu, au sujet de la prière de Jésus, un extrait des Lettres sur la Vie spirituelle de l’Évêque Théophane.
Aujourd’hui, j’ai cassé la pince à thé de Batiouchka, ce qui lui a causé une certaine tristesse, car cette pince à thé, il semble que Batiouchka l’avait depuis 1890 et lui était chère dans ses souvenirs.
28 septembre
Aujourd’hui, j’ai dormi jusqu’à 7 heures et n’ai même pas eu le temps de lire les heures. J’ai demandé à Batiouchka, pendant le thé, quand j’irais à Moscou, ce à quoi Batiouchka a répondu: «Eh bien, allez-y le 1er octobre dans la soirée, veille de la fête des saints Cyprien et Justine, à qui fut donnée la grâce de protéger dans la lutte contre les passions charnelles et contre toute sollicitation charnelle. C’est ce qui vous attend…»
Mardi 29 septembre
Le dimanche 27, Batiouchka m’a dit: «Si Dieu le veut, vous occuperez l’une ou l’autre position de supérieur dans le monastère, mais sachez d’avance que c’est une croix lourde. Les Saints Pères ont dit que les croix les plus lourdes sont au nombre de deux: la première croix est celle du Tsar, la seconde, celle de supérieur d’un monastère… Remarquez aussi que cela fut dit à une époque bienheureuse ; sur l’époque présente, il vaut mieux ne rien dire … Batiouchka Ambroise a dit: ‘Au simple moine il faut un wagon de patience, au supérieur, tout un convoi’».
Aujourd’hui, je suis arrivé un peu en retard aux matines. Batiouchka était aux matines et a lu une homélie, dont l’idée principale était la suivante. Batiouchka lut l’irmos bien connu : «Traversant la mer à pieds secs et fuyant la servitude des Égyptiens, le peuple d’Israël s’écria : Chantons pour notre Dieu qui nous a délivrés». Il demanda quelle était la relation de cet irmos avec la vie monastique. Et il répondit lui-même: «Le Moine doit être comme un enfant selon la parole de l’Évangile: si vous n’êtes pas comme des petits enfants, vous n’entrerez pas dans le Royaume des Cieux. Dans quel sens faut-il être un petit enfant? La pureté du cœur. ‘Ne soyez pas des enfants pour la raison, mais pour la malice’ [1Cor.18;20), dit l’Apôtre».
Ensuite, Batiouchka a dit comment vaincre les passions pour acquérir la pureté du cœur, et qu’il est nécessaire de lire les vies des saints et des ascètes contemporains comme des exemples vivants de cette lutte contre les passions, et en général toutes les Écritures Saintes…
Aujourd’hui, je suis allé avec Ivanouchka auprès du Père Archimandrite afin de recevoir sa bénédiction pour aller à Moscou. Il nous a bénis et nous a remis une attestation. Puis Ivanouchka est retourné à la Skite, et je suis allé auprès de l’économe.
Mercredi 30 septembre
Frère Kyrill repart ce soir.
Je commence à m’inquiéter un peu, si je peux m’exprimer ainsi, comme si j’anticipais la séparation à venir, mais je ne peux pas déterminer mon sentiment. Plus que tout, je pense que ce sentiment est comme une tristesse silencieuse et inconsciente dans l’attente de quelque chose. Je ne peux pas dire que je sois heureux; non, il me semble plutôt le contraire. Je dirai juste une chose: que la volonté du Seigneur soit faite.
Jeudi 1er octobre
Ce soir, nous nous sommes décidés à sortir de la Skite. Je suis allé au monastère, à la boutique et auprès des tombes de nos Startsy. Je leur ai demandé leurs saintes prières. À 9 heures, on a célébré un office de prière au Sauveur, à la Très Sainte Mère de Dieu, à Saint Jean le Baptiste, à Saint Nicolas, à Saint Cyprien et à la Saint Vierge Justine, et à tous les saints. Je me suis promené dans la Skite, je me suis assis derrière la plantation, sur le canapé.
Quel silence dans la Skite! On entendait même tomber une feuille dans la forêt. De ce silence, j’allais devoir maintenant passer dans l’agitation et le bruit de la vie urbaine de Moscou. Toute la nature gelait, l’hiver était là, les feuilles jaunissaient, même beaucoup d’arbres étaient complètement nus. Tout a dit au revoir à la chaleur. Ce sentiment, c’est un sentiment de séparation avec quelque chose à laquelle je suis si habitué et que peut-être j’ai tellement aimée… (A suivre)

Traduit du russe
Source :

Saint Père Nikon, prie Dieu pour nous.