Né en 1888, le Saint Hiéromartyr Nikon (Beliaev) fut hiéromoine à la Skite du Monastère d’Optina. Il en fut un des derniers startsy, ayant eu pour père spirituel Saint Barsanuphe, lui-même fils spirituel du Saint Starets Anatole (Zertsalov) d’Optina. Un récit de sa vie a été traduit en plusieurs parties sur le présent blogue et est accessible ici. Le Monastère a publié le journal tenu par le novice Nicolas pendant les trois premières années de sa vie monastique. (Дневник послушника Николая Беляева (преподобного Оптинского старца Никона). Le texte ci-dessous est la traduction (sur base de l’édition de 2016) des premières pages de cet ouvrage remarquable, inédit en français. Le début de la traduction se trouve ici.
(…) Le 25, quand j’ai déjeuné avec Batiouchka, nous avons entamé une conversation et beaucoup de bonnes choses furent dites. Batiouchka m’a dit que je devais lire maintenant dans «La Lutte Invisible» au sujet des quatre terribles et dernières tentations qui se produisent avant la mort: «Il faut les connaître et s’y préparer…»
Le 25 au matin, Batiouchka m’a aussi parlé du journal du Starets Zosime Verkhovsky. J’aurais bien aimé le lire; mais Batiouchka a ajouté qu’il y avait quelques incohérences dans l’exemplaire (nous avons ce journal sous forme manuscrite dans la bibliothèque). Batiouchka, alors qu’il était encore novice, voulut, avec la bénédiction du Père Joseph, se mettre en relation le Désert féminin Saint Zosime, où l’original est conservé, mais suite à certaines circonstances, rien de tout cela ne s’est produit.
J’ai commencé à écrire là-bas, mais je n’ai pas fini le travail, peut-être que je terminerai aujourd’hui. Les seize ou dix-sept septembre, je ne me souviens pas bien, Batiouchka m’a lu un petit extrait de son journal et a dit: «J’écrivais alors tous les jours et relisais mon journal comme ceci: disons que nous étions le vingt août, ou une autre date, et je prenais tous mes journaux et lisais ce que j’avais pensé et ressenti et fait ces jours-là, les années précédentes. C’est un gros travail, mais c’est comme ça…»
Le même jour, j’ai lu une homélie de Saint Jean de Kronstadt, publiée par Son Éminence Michée. C’est un livret de dix à quinze petites feuilles. Et là, j’ai lu ces mots:
«J’essayais chaque jour d’écrire quelque chose pour que, en relisant mes journaux, je puisse voir si j’avançais ou si je reculais…» Et plus loin : «Je me suis rendu compte que, sans un état de vigilance constante envers moi-même et sans une prière incessante, je ne serais pas en mesure de repousser toutes les machinations du malin, et ainsi les premiers temps de mon activité pastorale se déroulés dans une lutte et des labeurs difficiles».
J’ai remarqué cette coïncidence et je voulus en parler à Batiouchka. Et le 21 septembre, je suis entré pour la bénédiction après tout le monde, et m’étant repenti de certaines de mes erreurs, j’ai dit à Batiouchka :
– Voilà, Batiouchka, je voudrais vous dire ceci. Vous rappelez-vous que vous m’avez lu un peu de votre journal et que vous m’avez dit que vous écriviez chaque jour? Ainsi, le même jour, j’ai lu au sujet de Jean de Kronstadt qu’il écrivait aussi un journal (et j’ai raconté tout ce qui précède à Batiouchka). C’est une coïncidence que j’ai remarquée involontairement.
– Oui, dit Batiouchka, c’est une idée parfaitement correcte. Cela signifie que le Père Jean a apposé le sceau impérial sur mes paroles. Oui, c’est un grand travail…
J’ai ressenti un sentiment qui ressemblait à un vif intérêt pour quelque chose. Peut-être avais-je aussi touché Batiouchka dans ses sentiments et ses pensées profonds, car il s’est levé, m’a dit d’appeler Frère Nikita, lui a donné sa bénédiction pour aller se coucher et l’a laissé partir, et je suis resté seul avec Batiouchka. «Oui, dit batiouchka, je voulais passer cette fin de journée avec vous.»
Commença alors une conversation qui a duré de neuf heures à presque minuit. J’ai beaucoup parlé à Batiouchka de moi-même, de ma vie, extérieure et intérieure. Et Batiouchka m’a aussi beaucoup parlé.
Il a dit que toute notre vie est merveilleusement disposée selon un plan mystérieux que nous ne remarquons pas ou ne comprenons pas.
«Je pense même, dit Batiouchka, que c’est parce que nous vivons très négligemment et péchons, que nous ne comprenons pas le sens intérieur des événements de notre vie. Par exemple, des saints nous protègent et de nombreux événements merveilleux nous arrivent le jour de leur commémoration.»
Ainsi, dans la vie de Batiouchka, beaucoup de choses sont reliées à Saint Mitrophane, l’évêque de Voronège, et à Saint Macaire d’Égypte. Par exemple, le jour où Batiouchka devint père spirituel, starets, coïncida avec le jour de commémoration du Starets le Père Macaire, le 7 septembre. Et Batiouchka vit et exerce son rôle de starets là où Batiouchka Macaire vécut et exerça ce même rôle. Le 7 septembre, Batiouchka ouvrit pour la première fois la porte au peuple, avec la bénédiction de l’évêque (je n’ai pas le temps de tout décrire, j’écris brièvement ce dont je me souviens le mieux).
«En 1883, le 17 septembre, j’ai fais un rêve», déclara Batiouchka, «C’était comme si un starets entrait dans ma chambre et, indiquant l’horloge, me dit:
– Quelle heure?
Je répondis en regardant l’horloge.:
– Six heures trente.
Le starets répéta:
– Quelle heure?
Et moi:
– Six heures trente.
Le starets répéta à nouveau:
– Quelle heure?
Moi, avec même une certaine irritation:
– Six heures trente.
Le starets dit alors:
– Dans trois ans, ce jour et à cette heure, tu vas mourir…
Et je me suis réveillé. Je me suis approché de la fenêtre, j’ai tiré de côté le rideau, pris la montre sur la table et regardé: elle indiquait six heures 35 minutes. J’ai été étonné: il y a des rêves qui correspondent à la réalité. Et je me suis dit: il faut que je corrige ma vie. Deux ans se sont écoulés, et la troisième arriva à sa fin, le mois de septembre était déjà là. J’allais bientôt mourir. Je me rendis alors au Désert de Raifa; je suis arrivé là juste le 13 septembre, le jour de l’inauguration de l’église de la Résurrection. C’était un vendredi. Le 14 septembre c’était l’Exaltation de la Croix, et justement, ils ont hissé une croix sur le nouveau clocher, et je me suis dit: n’est-ce pas ma croix qui monte? Le 15, c’était dimanche. Je me suis préparé, et le 17, j’ai communié aux Saints Mystères du Christ, et je ne mourus pas. Je suis rentré dans ma chambre à l’hôtellerie et je me suis dit: n’entrerais-je dans un saint monastère? Et j’ai commencé à chercher ma place. Et en 1891, le 17 septembre, j’ai reçu de Batiouchka Ambroise sa bénédiction pour entrer à la Skite (la mort au monde). Ce jour-là, j’ai reçu sa dernière bénédiction. Voyez donc comment tout ce miracle s’est déroulé… (A suivre)
Traduit du russe
Source :
Saint Père Nikon, prie Dieu pour nous.