Journal du novice Nicolas (Saint Nikon) d’Optina (82)

Né en 1888, le Saint Hiéromartyr Nikon (Beliaev) fut hiéromoine à la Skite du Monastère d’Optina. Il en fut un des derniers startsy, ayant eu pour père spirituel Saint Barsanuphe, lui-même fils spirituel du Saint Starets Anatole (Zertsalov) d’Optina. Un récit de sa vie a été traduit en plusieurs parties sur le présent blogue et est accessible ici. Le Monastère a publié le journal tenu par le novice Nicolas pendant les trois premières années de sa vie monastique. (Дневник послушника Николая Беляева (преподобного Оптинского старца Никона). Le texte ci-dessous est la traduction (sur base de l’édition de 2016) des premières pages de cet ouvrage remarquable, inédit en français. Le début de la traduction se trouve ici.

28 juillet
Le 26, Batiouchka m’a béni avec Frère Nikita pour nous promener un peu dans la forêt, et a indiqué un endroit appelé «Jelezenka». Ou alors la rivière qui y coule dans un ravin s’appelle Jelezenka, je ne sais pas très bien. Cet endroit est très beau.
«Un jour, je souffrais beaucoup», dit Batiouchka, «le moment de ma délivrance était proche. Remarquez, comment cela arrive toujours: de fortes tribulations sont toujours un signe d’une grâce spéciale de Dieu, mais vous devez les supporter. C’était le cas pour moi. Et voilà, ce jour-là (le 9 septembre), le Père Nectaire m’a proposé d’aller dans la forêt. J’ai accepté, et nous sommes allés jusqu’à Jelezenka. La vue magnifique de cet endroit m’a tellement plu que même mon âme s’est reposée, je ne voulais tout simplement plus partir de là… »
Bien sûr, j’ai aimé cet endroit charmant, mais pas autant que Batiouchka, car Batiouchka est un grand artiste de l’âme.
On répare le bâtiment dans lequel Ivanouchka et moi avons effectué nos premiers pas dans la vie monastique. Je ressens même un peu de respect pour le bâtiment lui-même. J’y suis allé l’autre jour. Dans ma cellule, il est écrit sur le mur: «Le 13 mars, travail manuel». Cela signifie que le 13 mars 1908, j’ai reçu pour la première fois la bénédiction d’effectuer des travaux manuels, afin de ne pas tomber dans l’oisiveté. Batiouchka m’a dit qu’il arrive un moment où d’une manière ou d’une autre, l’homme est fatigué et incapable de prier, d’écrire ou de lire, alors il doit faire des travaux manuels, ce que faisait notre évêque lui-même en fait, car il avait, semble-t-il, un tour.
2 août
Frère Ivan, avec qui je partageais ma cellule, a retrouvé une meilleure santé, peut-être pas complètement, mais il est tout de même revenu à la Skite.
Récemment, Batiouchka m’a parlé de la prière de Jésus: «les Écrits de l’évêque Ignace Briantchaninov sont incontournables, ils sont, pour ainsi dire, l’abc, la base. Les écrits de l’Évêque Théophane Vychenski sont déjà de la grammaire, ils sont plus profonds. On ne réussi même à les lire qu’avec une certaine difficulté.
Récemment, un hiéromoine m’a écrit pour m’interroger au sujet de la prière de Jésus, il m’a demandé de lui recommander des livres. Je lui ai répondu. Mais visiblement, il veut connaître la prière de Jésus à partir d’une seule lecture. C’est impossible. Il est nécessaire d’apprendre à la connaître par l’expérience personnelle, il est nécessaire de la pratiquer. La prière de Jésus est une mer sans limite, il est impossible de l’épuiser. Il est impossible de tout décrire dans les livres… Beaucoup commencent, mais peu arrivent au bout. Par conséquent, peu nombreux sont ceux qui acquièrent la prière intérieure. Cette grande entreprise est maintenant presque complètement oubliée. Personne ne parle d’elle…
Nous pensons trop abstraitement aux tourments infernaux, de sorte que nous les oublions. Dans le monde, on les a complètement oubliés. Le malin a enfoncé dans l’esprit de tout le monde que ni lui (c’est-à-dire le mauvais), ni les tourments infernaux n’existent. Mais les Saints Pères enseignent que les accordailles avec la géhenne, tout comme avec la béatitude, commence sur terre, c’est-à-dire que les pécheurs sur terre commencent à éprouver les tourments infernaux, et les justes, la béatitude, à la seule différence que dans le siècle à venir, les deux seront incomparablement plus forts.»
4 août
Aujourd’hui, le Seigneur m’a permis de recevoir le Mystère de la confession.
6 août
Aujourd’hui, le Seigneur m’a permis de recevoir le Mystère des Saints Dons du Christ.
Le Père Archimandrite a envoyé dire à la Skite que les moines qui y vivent aillent communier au monastère, ce que, bien sûr, nous avons fait.
Selon ce que j’ai entendu, c’est un cas sans précédent, que les moines de la Skite communient au monastère.
9 août
Le 1er août à 8 heures du matin, la Sainte icône de la Très Sainte Mère de Dieu de Kalouga fut apportée à Optina. Il y eut des vigiles au monastère, auxquelles nous avons participé, et après les vigiles, avec le chant des tropaires et des kondaks de la Très Sainte Mère de Dieu, nous avons emmené l’icône Sainte à la Skite, où elle demeura dans l’ancienne église toute la nuit, et hier matin, à trois heures, Batiouchka et d’autres ont célébré un moleben et un acathiste devant l’icône et ont ensuite parcouru les cellules avec celle-ci. Et hier, tous, nous avons accompagné l’icône sainte jusqu’au ferry, et les célébrants et les chantres l’ont accompagnée plus loin;  jusqu’où, je ne sais pas.
16 août
Hier, notre Vladika Benjamin est venu et a célébré les vigiles. Et ce matin, à 8 heures, il est parti célébrer à Kozelsk, après avoir béni toute la fraternité et les laïcs qui se trouvaient là. Batiouchka et le Père Archimandrite sont allés à Kozelsk avec Vladika.
26 août
J’ai écrit peu et rarement, je n’en avais absolument pas le temps.
Voici quelques jours, Batiouchka a parlé de la dangerosité de quitter le monastère et a finalement raconté les deux cas suivants. Le premier semble être récent, c’est-à-dire datant, peut-être, d’il y cinq ou dix ans.
«Un riche marchand avait un fils, ce fils entra dans l’une des saintes demeures, mais ne s’y plut pas et retourna dans le monde, c’est-à-dire dans les palais impériaux, dans le marais nauséabond. Il se maria et vécut avec sa femme et ses enfants dans sa maison. Peu de temps après avoir quitté le monastère, il comprit ce qu’il avait perdu, mais il était trop tard. Et puis un jour, il réussit à obtenir auprès d’un petit vieillard une vielle soutane en lambeaux. Il l’a ramenée à la maison et, lors des grandes fêtes, il se retirait dans la pièce la plus éloignée, celle où on priait, il enfilait la soutane et s’abandonnait à des pleurs amers, se souvenant de sa vie dans le saint monastère…
Et voilà l’autre cas. Un jour, un homme est venu au bain avec son jeune fils. Ils se dévêtirent. Le père s’assit sur le banc, et son fils regardait sans cesse son dos. Le père demanda alors à son fils:
– Tu regardes mon dos?
– Tu as une tache noire sur le dos, papa.
Le père s’est rendu compte que les yeux intérieurs de son enfant innocent et pur avaient été ouverts, et que cette tache noire n’était rien d’autre que son paraman, car auparavant il avait été moine…»
Frère Ivan, avec qui j’ai partagé ma cellule, est parti quelque part pour se soigner. (A suivre)

Traduit du russe
Source :

Saint Père Nikon, prie Dieu pour nous.