Né en 1888, le Saint Hiéromartyr Nikon (Beliaev) fut hiéromoine à la Skite du Monastère d’Optina. Il en fut un des derniers startsy, ayant eu pour père spirituel Saint Barsanuphe, lui-même fils spirituel du Saint Starets Anatole (Zertsalov) d’Optina. Un récit de sa vie a été traduit en plusieurs parties sur le présent blogue et est accessible ici. Le Monastère a publié le journal tenu par le novice Nicolas pendant les trois premières années de sa vie monastique. (Дневник послушника Николая Беляева (преподобного Оптинского старца Никона). Le texte ci-dessous est la traduction (sur base de l’édition de 2016) des premières pages de cet ouvrage remarquable, inédit en français. Le début de la traduction se trouve ici.

(…) [N.d.T. Le Saint Starets Barsanuphe poursuit ici le récit d’un épisode de sa propre jeunesse] Je me suis souvenu aussi de la façon dont j’ai vécu avant de venir à Optina pour la première fois, c’est-à-dire lorsque la grâce du Seigneur m’a touché. Quand j’étais au Gymnase, je ne voulais pas manquer les cours et je fréquentais le Gymnase avec diligence et régularité, bien qu’à la fin, je ne travaillais pas beaucoup à la maison. En outre, j’ai fréquenté assidûment l’université, bien que je ne révisais pas du tout à la maison. À l’université, j’ai eu le temps d’étudier un peu plus de six mois. J’étais dans le même cours et la même faculté que mon frère Serge. Lui et moi avons suivi les cours à l’université avec assiduité. Cela a duré jusqu’à la Nativité. Après la Nativité, mes pensées et mes aspirations à plaire à Dieu ont commencé quelque peu à prendre forme, et je fréquentais encore l’université quotidiennement, mais dans un certain but. Voici de quoi il s’agissait : sous prétexte de cours à l’université, je quittais la maison le matin. J’arrivais à l’université et y restais jusqu’à neuf heures, et à partir de neuf heures, je me dirigeais vers la Cathédrale de Kazan pour la Liturgie, en passant par l’église de l’icône de la Très Sainte Mère de Dieu d’Iviron, pour voir s’il n’y avait pas trop de monde là-bas. Après avoir assisté à la Liturgie, parfois même à toute la Liturgie à genoux, je retournais à la maison sans me presser. En chemin, j’entrais dans la Chapelle du Sauveur et, après y avoir prié, je rentrais chez moi sans tarder. À la maison, je buvais le thé et je m’installais pour lire l’Évangile, que j’ai lu pendant plus d’un mois, ou de plusieurs mois. Quand l’Évangile fut lu, j’ai commencé à lire l’Apôtre et «Le chemin du salut» de l’évêque Théophane. Je lisais parfois des feuillets et des brochures au contenu spirituel. Le soir, je me mettais à la rédaction de mon journal, puis je priais un peu et me couchais. C’est ainsi que chaque jour passait, l’un après l’autre. Je ressentais de plus en plus le besoin de changer de vie, de commencer une vie différente et j’ai prié à ce sujet, bien sûr, avec mes propres mots. Le Seigneur entendit ma prière pécheresse et, par Ses voies insondables, il m’envoya à Optina pour y vivre la vie monastique.
Quand j’allais à l’église de l’icône de la Très Sainte Mère de Dieu d’Iviron, je n’y priais presque pas à cause de la grande foule qui s’y bousculait. Je vénérais seulement l’icône, et rapidement je me rendais à la cathédrale de Kazan. Là, je me tenais, quand on célébrait l’office, sur le côté gauche de l’église, je m’agenouillais et priais, surtout notre Sauveur, vénérant Sa sainte icône. Je priais aussi et vénérais les reliques de Saint Barnabé. Ensuite, je priais devant l’icône de la Très Sainte Mère de Dieu de Kazan et devant l’icône de la Très Sainte Mère de Dieu «allaitante». Dans la Chapelle du Sauveur, je priais d’abord notre Seigneur Jésus, puis la Très Sainte Mère de Dieu, le Saint-Esprit et Saint Nicolas Le Thaumaturge. À la maison, ils pensaient que j’étais à l’université, alors que je me trouvais à la Cathédrale de Kazan, car je n’avais rien dit à personne de la maison. J’ai seulement dit la vérité à Ivanouchka, quand le Seigneur m’emmena avec lui.»
18 avril
Le temps commence à se réchauffer, la neige a presque entièrement fondu. Aujourd’hui et les jours précédents, ont été très doux.
Hier soir, Batiouchka a d’abord parlé de son unique rendez-vous avec le Père Jean de Kronstadt à Moscou, au Monastère de l’Ascension. Puis nous avons parlé de mon grand-père, de la révolte de 1905 à Moscou. Notre conversation s’est terminée par la bénédiction de la fraternité.
Entre autre, Batiouchka a dit ce qui suit:

Saint Barsanuphe d’Optina

– Je vous regarde et je pense: voilà devant moi un jeune moine à l’âme pieuse, qui vivait au milieu de tous les gens dans le monde… Il vit dans la Skite du Désert d’Optina, sous la protection de la grâce de Dieu. Mais il se pourrait qu’il soit fasciné par la tendance générale pendant la révolution, qu’il perde la foi en Dieu, qu’il désespère de tout dans sa vie, qu’il monte aux barricades et tombe avec le crâne fracturé… et descende au fond de l’enfer. Cela pourrait-il être? Que dites-vous?
– Cela aurait pu être possible, Batiouchka. Après tout, j’ai même assisté plusieurs fois aux réunions, même si j’y ressentais un peu d’ennui et de vide, et je ne pouvais pas tout à fait partager les «idées rouges».
– Oui, c’est sûr, c’était possible, cela aurait pu être possible.
Batiouchka a dit que j’ai été éloigné du précipice de la perdition par les prières de mon grand-père.
21 avril
Aujourd’hui, alors que j’étais occupé à travailler chez Batiouchka, le portier, le Père Alexis, est entré et lui a apporté un schème, transmis par une moniale, enveloppé dans un linge blanc.
Quand le Père Alexis fut sorti, Batiouchka, s’approchant de moi (j’étais occupé à écrire), me dit: «J’ai éprouvé le désir d’accepter le saint schème avant de mourir; bien sûr, je n’en ai parlé à personne, à l’exception du Père Archimandrite. Mais ce désir de revêtir le schème en secret, est maintenant devenu irréalisable en raison de ma position.» Disant cela, Batiouchka montra de la main les piles de lettres, papiers, factures, etc., qui parfois abondent sur le bureau. «Mais j’espère, continua Batiouchka, que, peut-être, le Seigneur réalisera mon désir, car peut-être devrai-je mourir dans l’heure. Je le répète, je n’en ai parlé à personne, et voici le schème. Je le considère comme un présage de ma mort imminente. En fait, je pense qu’il ne me reste pas longtemps à demeurer avec vous. Le schème m’a été apporté en votre présence, mais reste la question de savoir si je le revêtirai en votre présence…»
Le matin, Batiouchka m’a parlé de la détresse spirituelle des Juifs, de la haine qu’ils ont pour Christ. Un ami de Batiouchka, un ancien rabbin juif, lui a dit: «Croyez-moi, je sais le très bien, beaucoup de Juifs voient le Christ avant leur mort, qui vient comme pour les exhorter une dernière fois de se tourner vers la vraie foi. C’est visible pour l’entourage, surtout parce que le juif mourant se met à rassembler ses forces et commence à faire le signe de la Croix…»
«Oui, continua Batiouchka, il n’y a pas de peuple plus malheureux que ce peuple… Beaucoup de Saints Pères interprètent que l’abomination de la désolation, prononcée par le Prophète Daniel, se trouvera sur le saint lieu : un temple juif construit sur la tombe du Sauveur. Dans ce temple, qui sera construit lors de la venue de l’Antéchrist, ce dernier lui-même sera assis sur le trône. Alors la prophétie du Prophète Daniel sera accomplie…
Ici, je vous regarde, jeune homme encore vert, et je pense que je ne vivrai pas jusqu’à ces jours terribles, mais vous les vivrez. Rappelez-vous ma parole : vous verrez «le jour mauvais». Mais une fois encore je répète que vous n’avez rien à craindre, la grâce de Dieu vous couvrira. Par conséquent, exercez-vous à obéir aux Commandements de Dieu.»
Ce que Batiouchka dit ensuite, je ne m’en souviens plus; peut-être n’a-t-il rien dit, car notre conversation fut interrompue par le Père Jean, le sacristain. (A suivre)

Traduit du russe
Source :

Saint Père Nikon, prie Dieu pour nous.