Né en 1888, le Saint Hiéromartyr Nikon (Beliaev) fut hiéromoine à la Skite du Monastère d’Optina. Il en fut un des derniers startsy, ayant eu pour père spirituel Saint Barsanuphe, lui-même fils spirituel du Saint Starets Anatole (Zertsalov) d’Optina. Un récit de sa vie a été traduit en plusieurs parties sur le présent blogue et est accessible ici. Le Monastère a publié le journal tenu par le novice Nicolas pendant les trois premières années de sa vie monastique. (Дневник послушника Николая Беляева (преподобного Оптинского старца Никона). Le texte ci-dessous est la traduction (sur base de l’édition de 2016) des premières pages de cet ouvrage remarquable, inédit en français. Le début de la traduction se trouve ici.

(…) Un autre cas survint dans mon enfance. J’étais un garçon fringant, malgré une certaine maladresse; j’étais très capable et habile dans les jeux simples pour enfants, par exemple, dans le jeu d’osselets. ainsi, un jour, lors d’une partie d’osselets, mon jeu favori à ce moment-là, je me tenais imprudemment près d’un mur contre lequel nous lancions les osselets, ou, comme on disait, on «tapait». Un garçon, qui avait beaucoup de force, tapa l’osselet coulé en plomb («cochonnet»). Il ne me dit pas, par imprudence typique dans de tels jeux, de me mettre sur le côté, et tapa, comme d’habitude, très fortement. Et le cochonnet qu’il avait tapé, rempli de plomb,  rebondit sur le sol, et heurta le mur juste au-dessus de ma tête avec une force terrible. Il m’aurait fracassé la tête s’il avait touché mon front…
Ces incidents mis à part, il y en eut plusieurs autres, similaires; j’en ai oublié certains, comme ceux que je viens de rapporter avaient été oubliés et sont revenus seulement récemment à ma mémoire. J’en ai déjà décrits plusieurs; d’autres encore, bien que je m’en souvienne partiellement, ne sont pas tout à fait clairs, ou ils sont moins frappants.
En réponse à cela, Batiouchka a dit ce qui suit.
«Alors que je revenais de Mandchourie, en chemin de fer, je voulus, une nuit, m’isoler. Étais-je attristé par l’une ou l’autre chose, je ne sais plus. Je suis allé dans le compartiment-vestibule, si je puis l’appeler ainsi, je veut dire une des deux petites pièces, qui se trouvent généralement dans chaque wagon, l’une à l’avant et l’autre à l’arrière. Elles ont quatre portes : l’une donne dans la voiture, celle en face donne sur la plate-forme vers la voiture suivante, et deux à droite et à gauche permettent la sortie des passagers. Je suis entré là et je me suis appuyé sur une porte latérale et j’ai pensé : «Gloire à toi, Seigneur. Je rentre dans mon cher Optina». Et je voulus aller m’appuyer contre la porte latérale opposée; j’y étais, et tout à coup, il y eut comme une force qui me repoussa. Je me suis retrouvé au milieu du compartiment. Après avoir regardé, j’ai aperçu que cette porte avait glissé latéralement (C’était alors le système d’ouverture des portes dans ces convois). Dans l’obscurité, je ne l’avais pas remarqué, et je voulais m’y appuyer. Et quelle aurait été la suite!.. Dieu m’a sauvé…»

Saint Nikon (Fragment de la Synaxe des Saints Startsy d’Optina. T.A. Mouchketov)

Mon attention revint à moi-même et à l’événement suivant. L’Évêque Tryphon m”avait dit de venir au Monastère de la Théophanie pour les vêpres, avec maman et le Père Piotr Sakharov. C’était le dimanche du fils prodigue. Et nous y sommes allés. Mgr Tryphon prononça une très belle homélie sur le sujet du jour. Après les vêpres, nous sommes allés le voir. Nous sommes entrés tous les quatre, et à ce moment-là s’avançait également le Père Gabriel, comme s’il venait à notre rencontre. «Vous voyez, c’est l’Archange Gabriel qui vous a été envoyé, dit Vladika en plaisantant à moitié mais aussi à moitié sérieux. Vous partirez avec lui». C’est précisément ce dimanche, que notre voyage à Optina fut finalement décidé. Comme si Optina m’avait déjà pris, moi, fils prodigue, dans ses bras. Tout cela n’est pas un simple hasard, non, tout cela a beaucoup de sens.
Jusqu’à ce moment-là, je ne voulais pas soumettre ma volonté et mon intelligence à qui que ce soit, et il est surprenant que pour l’entrée à Optina et à la Skite, c’est comme si ma volonté n’y avait absolument pas participé : tout a été fait selon les instructions et la bénédiction de personnes spirituelles.
Mercredi 25 février
Aujourd’hui, pour la première fois de l’hiver et de l’été, Batiouchka a décidé d’aller se promener dans les bois. Il m’a invité et nous sommes partis, bras dessus, bras dessous, sur le chemin menant à la datcha de la Skite. Arrivés à la prairie, de laquelle on voit les propriétés de Prijka et de Kochkinski, nous avons fait demi-tour et sommes rentrés, empruntant un autre chemin, celui qui longe la lisière de la forêt. Je ne transcrirai pas toute notre conversation, mais j’en retiendrai une chose.
Sur le chemin du retour, j’ai rappelé à Batiouchka qu’aujourd’hui, c’est-à-dire le 25 février, c’est le jour où je l’ai vu pour la première fois, «Vous Batiouchka, et la Skite», ai-je ajouté ensuite. Batiouchka a demandé: «Comment? Vous avez oublié. Vous m’avez effectivement vu le dimanche 25 lors d’un entretien au monastère, mais c’est le lundi 26 que vous êtes venu chez moi à la Skite». Je me rappelle, et je crois que Batiouchka a raison. Je me souviens que Batiouchka a réagi alors, quand j’ai mentionné cela pour la première fois: «Je n’y avais pas prêté attention, mais maintenant que vous le rappelez, je commence à me souvenir que vous étiez debout, non loin, sur le côté…»
Ainsi, j’ai vu Batiouchka pour la première fois le 25 février 1907 dans la soirée, et le 26 février pour la première fois j’ai vu la Skite, avec Ivanouchka et le Père Gabriel. Si ailleurs j’ai décrit cela autrement, alors je me suis trompé c’est par erreur.
Dimanche 1er mars
Le 23 et le 24 j’ai révélé à Batiouchka mes pensées relatives à la chair, et d’autres. En réponse, Batiouchka m’a dit:
– Ces pensées ne vous seront pas comptées comme péchés, si vous ne vous êtes pas complu en elles…
– Oui, Batiouchka, je ne m’y complais pas vraiment, mais je tarde un peu, je ne les repousse pas immédiatement, comme si je ne comprenais pas que je dois résister.
– Chasser les pensées, s’y opposer, seuls les saints le peuvent, nous, nous devons nous sauver en courant…
– Oui, Batiouchka, alors quand je me réveille, je commence à dire la prière de Jésus.
– C’est ce que je voulais vous dire. Puisque Vous n’avez pas la force de combattre vos pensées, appelons le Seigneur Jésus, et son nom chassera nos pensées. Comme je l’ai dit, elles ne peuvent être comptées comme péchés. Par exemple, est-ce votre faute si, lorsque vous avez ouvert la porte de la kelia, Vous avez été surpris par le vent et couvert de neige? Il n’y a pas de faute. Et quand vous voyez que vous ne pouvez pas marcher dans une telle tempête de neige, vous ne pouvez être sauvé que par la fuite, c’est-à-dire, claquer la porte. Un autre, plus fort, peut-être avancera-t-il dans cette tempête de neige. Mais nous en sommes si loin. Ils peuvent, comme David, combattre en duel, mais pas à mains nues. Remarquez, avec quoi David est-il allé vers Goliath? Avec une pierre. Et que signifie la pierre, ce morceau de roc? «Ce roc, c’est le Christ» [1Cor.10;4]. Réfléchissez-y. Donc, il n’a pas avancé seul pour se battre, mais avec le «Roc».
Le même soir, Batiouchka m’a dit:
«Nous, qui devons tenir et remplir un tel rôle, porter un telle obédience, ne pouvons pas nous reposer. Aujourd’hui, je me suis senti très mal et j’ai pensé : il faut que je me repose, je vais me coucher. «Frère Nikita», dis-je, «aujourd’hui, nous ne nourrirons pas spirituellement la partie féminine des visiteurs, pour la première fois en trois ans. Et je vais me coucher et ne me réveillez pas avant trois heures». Je m’allongeai, et une pensée me dit: peut-être y a-t-il une servante du Christ qui est venue avec une affliction ou un autre besoin essentiel urgent pour elle. Comment puis-je donc…? Je dois les accueillir… J’appelai Frère Nikita, lui dis d’ouvrir, et je me suis levé; et bientôt toute ma faiblesse avait disparu. Et, en effet, il en était qui devaient vraiment être nourries. Et voilà comment le Seigneur nous renforce dans de tels cas…»
Des incidents similaires m’ont déjà été racontés par Batiouchka. Par exemple, Batiouchka ne pouvait absolument pas lire quand le poêle chauffait, en raison d’une terrible douleur aux yeux. Lorsque Batiouchka a été ordonné hiéromoine, il a déclaré qu’il ne pouvait pas célébrer dans la chaleur du feu, et l’Archimandrite a répondu que Dieu aiderait. Et en effet, Batiouchka a eu l’occasion de célébrer alors que le feu chauffait. Et maintenant, il écrit et lit, et même, en général il parvient à travailler près du feu, car sa position l’exige.
À plusieurs reprises, j’ai entendu Batiouchka dire: «Je suis resté assis à travailler jusqu’à une heure hier soir, donc je me suis levé avec difficulté pour les matines.»
Ici, je comprends dans tout cela et d’autres événements similaires que pour l’accomplissement d’une obédience qui dépasse nos forces naturelles, mais que le novice ou le moine, ou en général l’homme prend sur lui précisément par obéissance, le Seigneur donne la force, comme par la main du Seigneur, comme une manifestation de la volonté de Dieu. Batiouchka a dit que nous pouvons avec humilité rappeler notre incapacité à accomplir une obédience quand c’est vraiment le cas, mais nous ne pouvons vraiment pas nous attacher à notre propre entendement, nous devons assumer l’obédience avec l’espoir dans la volonté et l’aide de Dieu.(A suivre)

Traduit du russe
Source :

Saint Père Nikon, prie Dieu pour nous.