Né en 1888, le Saint Hiéromartyr Nikon (Beliaev) fut hiéromoine à la Skite du Monastère d’Optina. Il en fut un des derniers startsy, ayant eu pour père spirituel Saint Barsanuphe, lui-même fils spirituel du Saint Starets Anatole (Zertsalov) d’Optina. Un récit de sa vie a été traduit en plusieurs parties sur le présent blogue et est accessible ici. Le Monastère a publié le journal tenu par le novice Nicolas pendant les trois premières années de sa vie monastique. (Дневник послушника Николая Беляева (преподобного Оптинского старца Никона). Le texte ci-dessous est la traduction (sur base de l’édition de 2016) des premières pages de cet ouvrage remarquable, inédit en français. Le début de la traduction se trouve ici.
(…) Samedi 31 janvier
Hier, je n’ai pas eu le temps d’écrire plus. Si Dieu le veut, je finirai ce soir.
Quand Batiouchka raconta cela à son sujet et à propos de son starets, je me suis dit: mais tout cela est possible pour moi. Et cela d’autant plus que Batiouchka a commencé à parler de lui-même, justement après mes pensées concernant la mort de Batiouchka.
Aujourd’hui, lors des matines, j’ai été désigné pour lire les cathismes. Quand les cathismes furent terminés, je suis allé auprès de Batiouchka, qui me dit:
– Vous remarquez cette chaleur dans ma main?
– Oui.
– Je me sens mieux maintenant…
Quand je suis arrivé chez Batiouchka pour mon travail, il m’a dit: «La nuit dernière, j’ai pensé que je allais mourir. J’ai eu du mal à tenir jusqu’aux matines… Au début, c’était très pénible, mais quand je suis entré dans l’église, c’était comme si une main m’enlevait tout ça, c’est immédiatement devenu plus facile. A la liturgie, c’était aussi très pénible de me lever, mais ensuite, Gloire à Dieu, j’ai pu marcher allègrement et même lire les synodiques». (Aujourd’hui, c’est le samedi des défunts qui précède la semaine des laitages.)
Un jour, poussé par des circonstances semblables, j’ai demandé à Batiouchka:
– Batiouchka, tout est possible, alors comment faire après votre mort, auprès de qui aller?
– Tout ce que je peux dire c’est que le Seigneur ne vous laissera pas. Dans la vie des saints, nous voyons que cela arrive souvent. Le starets se meurt, il est déjà couché sur son lit de mort. Les frères l’entourent et lui demandent: «À qui nous laissez-vous, Abba?». Celui-ci porte un regard circulaire autour de lui, il regarde ici, là, comme s’il cherchait quelqu’un, et ne trouvait personne. Enfin, il dit: «Je vous laisse à Dieu ». Et en effet, Dieu leur envoie soudainement un guide, ou par Sa miséricorde Il délivre Lui-même de divers malheurs. C’est tout ce que je peux que vous dire suite à votre question…
Lundi 2 février
Il y a exactement deux ans, ce jour-là, le jour de la Saint Rencontre du Seigneur, dans le Monastère Tchoudov de Moscou, un miracle de la miséricorde de Dieu fut accompli pour nous. Le Seigneur nous a rencontrés, nous a reçus.
De moi-même, je dis franchement que j’étais un fils prodigue, comme il est dit dans l’Évangile, et la miséricorde de Dieu ne m’a pas repoussé: je fus trouvé digne de la grande grâce de Dieu…
Hier, pendant les vigiles, j’ai dû surveiller la Skite. Et samedi, je suis venu aux vigiles avec Batiouchka seulement au moment des cathismes, car j’ai dû m’attarder chez Batiouchka, où il m’a raconté qu’une nuit il avait fait un rêve, au cours duquel il recevait la chirotonie. À propos de ce rêve, Batiouchka voulut que je lise, comment il l’avait relaté dans son journal,
Au cours des vigiles, Batiouchka a prononcé quelques mots sur la nécessité et les bienfaits pour nous des larmes du repentir, comment elles sont agréables à Dieu et où elles conduisent celui qui pleure.
Maintenant, je viens d’écrire une lettre à l’higoumène Jonas et je pense l’envoyer par Piotr Gavrilovitch.
Le soir
J’ai remis la lettre.
Maintenant, lors de la bénédiction, Batiouchka a annoncé aux frères rassemblés que le Père Piotr, notre boulanger et fabricant de kvas à la Skite a été transféré à l’hôtellerie du monastère. Batiouchka a demandé aux frères leurs saintes prières pour le Père Piotr, car il s’agit pour lui d’une obédience nouvelle et bruyante, surtout après le calme de la Skite.
8 février, dimanche
Toute cette semaine est passée rapidement, sans que je m’en rende compte. J’ai eu beaucoup de travail, avec Batiouchka et dans ma kelia, Aujourd’hui seulement, il semble avoir respiré un peu plus librement.
C’est le dimanche du pardon. Le temps est beau, printanier. Le soleil scintille joyeusement sur la neige, l’eau coule des toits et des arbres. Les sapins et les pins sont recouverts de neige, qui est tombée abondamment avant-hier et a recouvert toute la Skite d’une couche blanche, de sorte que les sommets des pins et des sapins brillent au soleil, et la neige, couchée sur les aiguilles vert foncé, semble encore plus blanche.
Récemment, Batiouchka m’a dit ce qui suit à propos du monachisme: «Le monachisme est la béatitude accessible à l’homme sur terre. Il n’y a rien au-dessus de ce bonheur. Et cela, parce que le monachisme donne la clé de la vie intérieure. La béatitude est en nous, il suffit d’ouvrir. Le bonheur total est dans le Ciel dans la vie à venir, mais son degré le plus bas est déjà sur terre, dans l’autre vie, il ne fait que se prolonger…»
Quand Batiouchka dit des choses comme ça, je ressens quelque chose de grand, de saint, mais cela me semble comme un clignement des yeux, et ça disparaît.
Il est vrai que cela n’arrive pas toujours, et même moi, quand je rentre dans ma cellule, je pourrais exprimer cette pensée sur papier; mais parfois, je n’ai pas assez de force pour cela.
Maintenant, ils sont allés prendre congé au monastère. Demain, c’est le premier jour du Saint Grand Carême.
Le Frère Kyrill est rentré ces jours-ci, il est reparti aujourd’hui. Batiouchka l’aime paternellement, et il répond apparemment de la même manière.
Alors qu’il venait de partir, Batiouchka a parlé comme s’il pensait tout haut et ce qu’il disait n’avait aucun lien avec ce qu’il venait juste de dire avant : «Me sera-t-il encore donné de revoir Lioucha?» (C’est ainsi que Batiouchka appelait généralement le frère Kyrill, le frère de Nikitouchka, et parfois moi-même). Je n’ai rien répondu à ce sujet mais j’ai gardé ces paroles dans mon cœur.
Lundi 9 février
Aujourd’hui, le Père Kouchka est rentré à la Skite. Il était parti à Kalouga pour l’ordination d’un hiéromoine.
Mardi 10 février
C’est déjà le mardi de la première semaine du Grand Carême.
Aujourd’hui, Batiouchka a dit qu’il lui était annoncé que l’ennemi voulait semer de l’ivraie entre Ivanouchka et moi, pour établir entre nous l’inimitié, la séparation, la haine. Et Batiouchka m’a mis en garde contre ce mal, il m’a dit que nous devions maintenir l’amour entre nous, afin de ne pas laisser l’ennemi dévorer quoi que ce soit. C’est la même chose que Batiouchka nous avait annoncé l’année dernière, sous une autre forme, alors que nous venions de revêtir l’habit monastique. Et je dois observer scrupuleusement cela, c’est-à-dire maintenir l’unité et l’amour de toutes les manières possibles. (A suivre)
Traduit du russe
Source :
Saint Père Nikon, prie Dieu pour nous.