Né en 1888, le Saint Hiéromartyr Nikon (Beliaev) fut hiéromoine à la Skite du Monastère d’Optina. Il en fut un des derniers startsy, ayant eu pour père spirituel Saint Barsanuphe, lui-même fils spirituel du Saint Starets Anatole (Zertsalov) d’Optina. Un récit de sa vie a été traduit en plusieurs parties sur le présent blogue et est accessible ici. Le Monastère a publié le journal tenu par le novice Nicolas pendant les trois premières années de sa vie monastique. (Дневник послушника Николая Беляева (преподобного Оптинского старца Никона). Le texte ci-dessous est la traduction (sur base de l’édition de 2016) des premières pages de cet ouvrage remarquable, inédit en français. Le début de la traduction se trouve ici.
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Samedi 24 janvier
Je continue…
«Et ces tourments seront ressentis dans leurs corps par les pécheurs. Le feu sera réel, cela ne se limitera pas à des remords, etc. Non, c’est vraiment un feu sensible. Cela semble aller de soi, et cela va de soi. Seulement, tout comme les corps, ce feu sera beaucoup plus mince, tout ne sera que ressemblant à ce qui est terrestre.
Quand j’ai lu «Propos au sujet de la mort» de Mgr Ignace Briantchaninov, j’ai compris beaucoup de choses, que je ne comprenais pas du tout auparavant. Ce livre est irremplaçable en son genre… Maintenant, je vois en rêve divers tourments, par exemple, aujourd’hui… Mon Dieu, Mon Dieu! Corrige-moi ici comme Tu veux, mais délivre-moi du tourment éternel! Ainsi, peut-être, les auxiliaires de cellule remarquent que parfois je me lève un peu irritable; je ne leur en parle pas, et, en réalité, parfois je ne suis pas moi-même pendant une demi-journée…
Il est remarquable que les gens qui ne croient pas ou qui croient peu, par exemple les matérialistes et autres, ne vont pas plus loin que le corps, plus loin que le visible, rejetant l’existence de l’âme, des Anges, des esprits mauvais, même de Dieu; mais quand ils parlent des tourments éternels, ils ne veulent pas admettre que ce soit réel, ils les considèrent toutefois comme des remords et des sentiments pareils. Cette contradiction chez eux a été remarquée par de grands hommes, il semble que le Métropolite Philarète l’ait remarqué…
Parfois, il faut croire aux rêves. Ce sont des rêves qui, principalement, représentent les tourments éternel de l’enfer, quand nous frémissons suite à de tels rêves, nous arrivons à un sentiment de contrition au sujet de nos péchés, de remords et de repentir. Mais quand ces rêves deviennent fréquents et nous mènent au désespoir en ce qui concerne notre salut, ils viennent du malin. Mais je ne suis pas désespéré. Oui, je me considère, bien sûr, comme le plus grand pécheur et digne de toutes sortes de tourments, mais j’espère en la miséricorde de Dieu, car le Seigneur, par Sa miséricorde, peut me pardonner tous mes péchés.»
Récemment, Batiouchka m’a également dit ce qui suit. «Quand j’étais encore dans le monde, un homme m’a dit:
– Voulez-vous que je vous dise comment connaître une personne?
– Dites.
– Bien. Vous lui demanderez comment il se positionne face à la question juive. Et s’il est favorable aux Juifs, alors soit c’est un impie, soit un incroyant, soit il s’éloigne de l’unité de la foi, soit c’est un révolutionnaire, etc. En un mot, il ne faut pas se rapprocher de cette personne.
Et depuis ce moment, j’ai observé cela, et il s’est avéré que c’était vraiment la règle afin de connaître une personne, c’était juste. Certes, en tant qu’individus, il y a de bonnes personnes parmi les Juifs, mais dans l’ensemble qu’ils forment, ils constituent un élément très nocif…»
Dimanche 25 janvier
Le 22, j’ai commencé à lire l’ensemble de l’Évangile pour la deuxième fois pendant ma règle de cellule.
Batiouchka m’a dit à plusieurs reprises qu’il aimait beaucoup les enfants, et une fois dit ce qui suit:
«J’aimais beaucoup organiser des «fêtes d’enfants». Ces festins m’apportaient la même joie à moi qu’aux enfants. Je les organisais généralement lors des fêtes. Ces pauvres enfants venaient me voir dans mon appartement, tous vêtus d’habits de fête, bien sûr très modestes, car beaucoup d’entre eux venaient des sous-sols.
Je choisissais un ou deux garçons parmi les plus grands et leur indiquais où aller; ils me répondaient en criant : “Nous savons, nous savons!». Et tous, environ une douzaine, jamais plus de vingt, les garçons ayant au moins 4-5 ans, et jusqu’à 10-11 ans, et les filles, moins de 8 ans (pour éviter la tentation), traversaient la ville sur trois verstes jusqu’à la forêt. Moi je prenais un fiacre, à cause de ma faiblesse. Un peu plus tôt, mon ordonnance était également parti là-bas avec de mystérieux paquets. Quand tout le monde était arrivé à l’endroit désigné, je laissais d’abord les enfants courir dans les bois, jouer beaucoup. Puis, quand ils étaient un peu fatigués de courir, et affamés, je les faisais asseoir sur l’herbe au bord d’une longue et large nappe étalée à même le sol, sur laquelle il y avait des assiettes avec de la crème aigre, du tvorog, du bœuf bouilli, en gelée, des œufs, du pain noir et blanc; il me semble que c’était tout, et peut-être y avait-il autre chose, du beurre sans doute, mais voilà, rien de plus.
Quand ils avaient fini de manger, je leur versais du thé, et je leur donnais des friandises bon marché et du pain d’épice; bien sûr, il y avait du sucre, peut-être un peu de confiture, et c’est tout. En même temps, nous parlions; parfois, ils me lançaient leurs questions. Et je leur parlais aussi de choses utiles à l’âme, de la vie des saints, ou de quelque chose de spirituel en général. Tout le monde écoutait avec plaisir et attention. Parfois, pour plus d’édification, j’invitais un moine ou un hiéromoine avec moi, le laissant parler, ce qui, bien sûr, impressionnait encore plus.
Parfois, nous restions assis dans la forêt sur la petite colline des heures durant, jusqu’à dix heures, onze heures du soir. La lune se levait… La vue déjà magnifique sur Kazan était plus belle encore. Il y avait une clairière devant nous, et au-delà, une rivière, et derrière la rivière, Kazan avec son merveilleux étalement des maisons, des jardins et des églises… Et je me sentais bien alors; combien de joie, et de joie pure, j’ai ressenti à ce moment-là, et combien de bonnes graines furent semées dans ces âmes d’enfants réceptives ! Et tout ce plaisir me coûtait dix roubles, et qu’était-ce que dix roubles 10 pour moi?!
Enfin, il fallait rentrer à la maison. Je prenais encore un fiacre et je m’en allais, rempli d’une joie tranquille. Je rentrais à la maison, je me couchais et me levais le lendemain en bonne santé, joyeux et j’allais accomplir mon service.
Je repensais au «festin» et me disais: «Où sont-ils mes petits camarades? Comment passent-ils maintenant leur temps dans les restaurants, les lieux de loisirs, les maisons où elles mettent du rouges à lèvres et les lieux de perdition avec des filles prostituées et dépravées? Seigneur, Seigneur…»
Et on disait de moi.:
– N’est-il pas devenu fou? Avec des enfants et des moines… Avez-vous entendu?
– Avec des moines?
– Oui! Enfin, y aller une fois, revenir, ça va. Mais lors de chaque fête! Il y trouve du plaisir!
Mais certains regardaient ces «festins» avec condescendance. Étonnamment, car en général, beaucoup de mes collègues camarades de service étaient de bonnes gens… Je me sentais bien à ces «festins», toute la tension des relations disparaissait, elle était remplacée par la simplicité des relations amicales, il n’y avait ni ruse ni hypocrisie, il y avait une simplicité enfantine sincère… Et combien j’aimerais que cette simplicité existe dans ma relation avec les frères!
Mais aujourd’hui, j’ai déjà reçu une réprimande pour avoir été trop simple… Le même reproche a été fait à un Saint Père, et il a répondu à celui qui l’avait réprimandé: «Tu veux que j’abandonne cette simplicité? Non! Tu ne sais pas que je l’ai cherchée pendant trente ans. Et ainsi, je l’abandonnerais en un jour?» (A suivre
Traduit du russe
Source :
Saint Père Nikon, prie Dieu pour nous.