Né en 1888, le Saint Hiéromartyr Nikon (Beliaev) fut hiéromoine à la Skite du Monastère d’Optina. Il en fut un des derniers startsy, ayant eu pour père spirituel Saint Barsanuphe, lui-même fils spirituel du Saint Starets Anatole (Zertsalov) d’Optina. Un récit de sa vie a été traduit en plusieurs parties sur le présent blogue et est accessible ici. Le Monastère a publié le journal tenu par le novice Nicolas pendant les trois premières années de sa vie monastique. (Дневник послушника Николая Беляева (преподобного Оптинского старца Никона). Le texte ci-dessous est la traduction (sur base de l’édition de 2016) des premières pages de cet ouvrage remarquable, inédit en français. Le début de la traduction se trouve ici.

(…) Dimanche 11 janvier
Le 9, Batiouchka m’a donné à lire un livre intitulé «Récits sincères d’un ermite à son père spirituel».
Récemment, Batiouchka m’a dit ce qui suit par rapport à cela: « Je voudrais vous parler d’un anglais… Je ne sais pas si les Anglais contemporains s’occupent de telles questions… Eh bien, un jour, cet Anglais était assis et regardait fixement par la fenêtre. Soudain, il dit:– Maintenant, je comprends!
– Qu’est-ce que tu comprends? demanda son épouse, ou peut-être quelqu’un d’autre.
– Maintenant, je comprends, dit-il, comment nos corps seront transparents après la résurrection de tous les morts.
– Pourquoi as-tu compris ça? Lui a-t-on demandé.
– Voilà, répondit-il, je regarde le verre et je me dis: malgré tout, le verre est transparent, alors que ses composants, terre, charbon et autres, n’ont pas cette transparence. Par conséquent, le corps de l’homme, réduit à sa mort en poussière et en terre, pourra, quand Dieu l’ordonnera, se relever sous une forme différente, incorruptible, lumineuse.»
Lundi 12 janvier
Récemment, Batiouchka m’a raconté ce qui suit:
«J’étudiais bien au Gymnase, j’étais première de classe. Nous avions alors des répétitions semestrielles. J’avais tout bien réussi et, en rentrant chez moi, j’ai réfléchi à ce que j’allais lire. Je fis plusieurs plans dans ma tête, car on avait environ deux semaines de vacances: du 24 décembre au 7 janvier. Je m’avançai et m’assis à la table. Il y avait du papier devant moi. Je pris un stylo et j’écrivis «Renaissance». Qu’était-ce? Quelle Renaissance? Et je continuai à écrire «Il y a Longtemps, au temps passé de ma jeunesse…» Mais je n’avais alors que 15 ans.
Renaissance
Il y a longtemps, dans les jours passés de la jeunesse,
Brûlait en moi un saint feu.
Alors le repos de mon âme
Était serein, et vivant.
En elle, l’Esprit invisible
Protégeait de la malice, du doute,
Du vide, de la mélancolie, de la langueur
Et la vivifiait d’une force merveilleuse.
Mais je me lançai dans la vie bruyamment:
Et, insensé,
Je ne pus conserver
Mon innocence, ma beauté,
La paix lumineuse et la pureté!
Et par le tourbillon des passions,
Je fus pris, emporté,
Et me perdis…
Mais à nouveau, j’appelai Dieu
Avec larmes de regrets amers,
Et Il se pencha sur mes gémissements,
Et envoya un Ange de paix,
Et à la vie merveilleuse je fus à nouveau appelé,
Et Il guérit mes souffrances.
N’est-ce pas merveilleux? J’avais seulement 15 ans et j’ai écrit toute ma vie…»
Aujourd’hui, j’ai vu ce poème sur la table. Quelqu’un l’a envoyé à Batiouchka en une centaine d’exemplaires. J’en ai pris deux avec la bénédiction de Batiouchka. Et maintenant je l’ai recopié, car il m’a plu.
Vendredi 16 janvier
Le 13, j’ai travaillé avec Batiouchka le soir jusqu’à minuit, et le 14, jusqu’à dix heures, et de dix heures à minuit nous avons parlé.
Nous avons beaucoup parlé, je ne pourrai me souvenir de tout. Mais quelque chose de saint, de grand, de merveilleux, d’élevé, de céleste, de divin a clignoté dans mon esprit, dans ma conscience, pendant la conversation. Je n’ose pas dire que j’ai compris, car je ne suis pas encore assez spirituel pour comprendre de telles choses. La conversation a touché à la vie spirituelle monastique, à l’humilité, et l’élévation de l’humilité sembla se montrer un peu à mon homme intérieur.
Vendredi 16 janvier
Batiouchka, pour expliquer la vie monastique, a pris pour exemple parmi les vies des saints, celle de Saint Jean Damascène. Batiouchka a raconté l’histoire que j’avais déjà entendue de l’amputation et de la guérison de sa main.
Puis Batiouchka a commencé à raconter:
«Quand le Calife de Damas vit qu’un miracle avait été accompli sur Jean, il crut en Dieu, reconnut l’innocence de Jean. Et il lui offrit une place dans sa cour. Mais Jean refusa et ne demanda qu’une chose: qu’on le laisse entrer dans un monastère. Ne pouvant rien y faire, le Calife le laissa partir. Jean se rendit alors au monastère de Saint-Sabbas. Il arriva et annonça son désir de se consacrer à la vie monastique. Bien sûr, ils l’acceptèrent et le confièrent à l’ancien pour son obédience.
L’ancien, recevant Jean, lui demanda:
– Pourquoi es-tu venu ici? Cherches-tu des révélations merveilleuses, des visions des mystères les plus élevés?.. Non ! Il est trop tôt, tu n’es pas digne! Tu dois d’abord acquérir l’humilité.
Jean répondit:
– Je cherche le salut de mon âme.
– Oui, mais tu dois d’abord acquérir l’humilité et l’obéissance.
– Je suis prêt à tout.
– D’accord, d’accord! Voici ton obédience: ne t’aventure pas à écrire quoi que ce soit.
Jean ne répondit rien et cessa d’écrire, bien que ce ne soit pas facile pour lui, car il ne pouvait plus écrire en défense des saintes icônes.
Finalement, il ne put résister et écrivit l’office des funérailles, qui est pleinement accepté par l’Église et que nous célébrons encore aujourd’hui. Alors l’ancien de Jean lui dit: «Alors! Tu as désobéi. Vas et nettoie les toilettes partout!» Jean se fit humble et alla accomplir sa nouvelle obédience et il l’accomplit probablement pendant longtemps.
Alors, qu’en pensez-vous? L’ancien imposa-t-il, par stupidité et grossièreté, à Jean deux pénibles obédiences? Non ! L’ancien a fait preuve d’une grande sagesse. Le sens de tout devient clair dès les premiers mots que l’ancien a prononcé en accueillant Jean. Il a placé l’humilité au-dessus de tout, car elle mène plus haut que quoi que ce soit celui qui l’acquiert. Les saints Pères appellent l’humilité la chasuble de la divinité. L’humilité est la première condition du salut: c’est par elle seulement que nous pouvons être sauvés.» (A suivre)

Traduit du russe
Source :

Saint Père Nikon, prie Dieu pour nous.