Né en 1888, le Saint Hiéromartyr Nikon (Beliaev) fut hiéromoine à la Skite du Monastère d’Optina. Il en fut un des derniers startsy, ayant eu pour père spirituel Saint Barsanuphe, lui-même fils spirituel du Saint Starets Anatole (Zertsalov) d’Optina. Un récit de sa vie a été traduit en plusieurs parties sur le présent blogue et est accessible ici. Le Monastère a publié le journal tenu par le novice Nicolas pendant les trois premières années de sa vie monastique. (Дневник послушника Николая Беляева (преподобного Оптинского старца Никона). Le texte ci-dessous est la traduction (sur base de l’édition de 2016) des premières pages de cet ouvrage remarquable, inédit en français. Le début de la traduction se trouve ici.
(…) 29 décembre
Batiouchka peine à travailler quand le feu est allumé. Par conséquent, Batiouchka et moi attendons le matin, jusqu’à ce qu’il soit possible de travailler sans feu.
Cette circonstance a suscité à plusieurs reprises une remarque de Batiouchka: «Regardez comme il fait clair tard : presque déjà huit heures et demie, et il est impossible de travailler. En outre, les jours sont sombres, le ciel est nuageux. Et de tout l’hiver, seulement deux ou trois jours furent tout clairs. Pas de soleil. On se souvient involontairement de la célèbre homélie du Père Jean de Kronstadt. «Regardez, dit-il en tapotant son doigt sur le lutrin, le tiers du soleil ne s’est-il pas éteint, comme il est dit dans l’Apocalypse!»
Oui, mais moi personnellement, bien que ma vie soit encore courte, je me souviens de jours clairs et lumineux. Je me souviens que pour Pâques, pour cette Fête Lumineuse, il y avait généralement un beau temps clair. J’ai même demandé «Et quoi, il fait toujours beau à Pâques?» Mais les trois ou quatre dernières années, tout le printemps en général, et en particulier Pâques, fut couvert par la grisaille.
Les nuits illuminées par la lune sont rares. Il n’y a pas eu de belle nuit ni au cours de la dernière nouvelle lune et ni de la pleine lune qui a suivi.
Batiouchka m’a aussi parlé de quelqu’un, pas un évêque, mais du moins revêtu d’un certain rang, de toutes façons, ordonné prêtre, qui a dit ce qui suit:
«Certes, maintenant dans l’Église, nous n’avons pas de sources vivantes, de prophéties, mais il y a des signes des temps qui nous sont donnés pour connaître nos temps, et qui sont clairement visibles par ceux qui ont un esprit spirituel.
(…) Partout le déclin, la décomposition. L’Antéchrist se meut clairement dans le monde. Mais le monde ne veut pas l’admettre. On lie tout ça au fait que de tels moments ont déjà eu lieu, et rien ne s’est passé de spécial. Il en est de même maintenant: «Ça va passer, ce sont des bagatelles, buvons du thé et mangeons des friandises.» Quelle terrible insouciance. Ils seront assis, et une demi-heure plus tard surviendra le Jugement Dernier! Que leur arrivera-t-il alors?.. D’ici, du monastère, on aperçoit le plus clairement les rets du malin, ici les yeux s’ouvrent, mais là, dans le monde, ils ne comprennent vraiment rien. Rendons grâce au Créateur que nous nous sommes éloignés du monde, de ce monstre…»
30 décembre
Je souhaitais recopier le poème de Batiouchka «la Prière de Jésus». Donc je le copie ici:
La Prière De Jésus
Son début est un chemin étroit.
L’âme est troublée, nulle part où se reposer:
Maladies, labeurs, grandes souffrances,
Tourbillon de troubles, mépris, blâme
Sont le lot du héros de l’ascèse; il voit
Comment les tribulations se lèvent de tous les côtés,
Et il se tient, plein de doutes,
Pensées troublantes, perplexité.
Étreint par le tourment et la tristesse.
Joie et paix lui sont inconnues,
De l’aide, il n’en attend de nulle part,
Sinon du Christ Sauveur.
Et les ennemis maléfiques lui crient de partout:
«Ah! Qu’il descende de la Croix».
Mon ami dans le Seigneur! Tiens bon!
N’arrête pas le grand et pénible combat
Et ne quitte pas le champ de bataille,
N’abandonne pas la Divine Prière!
Reste dans le podvig jusqu’à la mort, jusqu’à la fin:
La victoire t’attend, lutteur spirituel.
Que ton âme ne se froisse pas les os,
Que ses bastions et piliers ne vacillent pas,
Quand s’avancent les visiteurs du malin,
Multitude innombrable des pensées démoniaques.
Frappe-les avec le Nom tout-puissant du Seigneur;
Pourchassés, ils se disperseront!
Revêts-toi de l’humble sagesse,
Cette chasuble incorruptible de Dieu,
Et aux ennemis invisibles du salut spirituel
N’offre pas la triomphale victoire!
Tolère sans murmure griefs et persécution,
Ne quitte pas la voie des afflictions,
promesse sacrée des biens spirituels;
Vis pour l’éternité, pour Dieu,
Seule vraie et éternelle beauté,
Consacre-Lui toute ta vie,
Abandonne les faux espoirs et les rêves,
Sois fort jusqu’au martyre dans le dur podvig
Et tu verras la vie dans le monde nouveau.
Et l’heure sonnera, l’heure viendra,
Ta lutte spirituelle se taira;
Tribut involontaire et douloureux aux passions,
Mais avec joie, tu soulèveras le fardeau
Des attaques,des malheurs, des persécutions et afflictions.
Dans ton âme, libre de passion,
Les doutes pesants et l’anxiété disparaîtront,
Et la lumière spirituelle brillera en elle,
Héritière du Palais Céleste.
Une Paix merveilleux règne, le Paradis,
Et culminera Son union avec le Seigneur,
Ta tristesse disparaîtra sans laisser de trace,
Et tu verras plein d’étonnement,
Rayonnant au loin, un autre pays,
Le pays des vivants, pays de la promesse,
récompense à venir pour le podvig,
La limite extrême de tes désirs…
J’aime beaucoup ce poème. J’aime sa profondeur, sa force; je l’aime parce que c’est un enseignement qui affirme et élève les forces de celui qui le lit. C’est la vision la plus fidèle et la plus vraie du podvig de la prière. J’ai acquis ce point de vue; que le Seigneur m’aide à le mettre en œuvre dans la mesure de mes forces. Le Frère Kyrill me l’a donné à lire pour la première fois. J’ai pris le feuillet, pensant que ce poème était simple, ordinaire, à en juger par le titre, bien que spirituel, mais je ne pouvais pas supposer cette profondeur. J’ai commencé à lire, et quand je l’ai lu, mon cœur a immédiatement répondu comme face à quelque chose de cher, bien que je ne savais pas que c’était Batiouchka qui l’avait écrit. J’ai immédiatement vu qu’il n’y avait pas de belles paroles creuses, mais qu’il s’agissait d’un esprit vivifiant. Par la suite, en le lisant, j’ai commencé à remarquer un sens profond dans les expressions mêmes… Oui, en effet, «il n’y a rien decomposé ici, tout cela est sorti du cœur», car la bouche parle de l’abondance du cœur [Math.12;34]. (A suivre)
Traduit du russe
Source :
Saint Père Nikon, prie Dieu pour nous.