Né en 1888, le Saint Hiéromartyr Nikon (Beliaev) fut hiéromoine à la Skite du Monastère d’Optina. Il en fut un des derniers startsy, ayant eu pour père spirituel Saint Barsanuphe, lui-même fils spirituel du Saint Starets Anatole (Zertsalov) d’Optina. Un récit de sa vie a été traduit en plusieurs parties sur le présent blogue et est accessible ici. Le Monastère a publié le journal tenu par le novice Nicolas pendant les trois premières années de sa vie monastique. (Дневник послушника Николая Беляева (преподобного Оптинского старца Никона). Le texte ci-dessous est la traduction (sur base de l’édition de 2016) des premières pages de cet ouvrage remarquable, inédit en français. Le début de la traduction se trouve ici.

(…) George le Reclus, bien qu’il vécut dans la plus complète réclusion, entretenait une correspondance, et voici ce qu’il a écrit un jour: «J’ai lu autrefois des livres profanes, mais maintenant j’ai décidé de ne plus en lire: il y a de beaux mots, de belles pensées… et rien d’autre. Alors que les Saintes Écritures sont baignées dans les Mystères…Elles ont de la profondeur, un sens inépuisable. Il est impossible de tout comprendre. Tout comme on peut enlever une pelure d’oignon, puis une autre, une troisième, etc…,il en va de même avec les Saintes Écritures: l’homme en comprend un sens, puis un autre, plus profond, et ensuite un autre, un troisième, etc. C’est ainsi que le Seigneur éclaire l’esprit de ses héros de l’ascèse».
24 décembre
Aujourd’hui, c’est un grand jour, un jour heureux pour moi: nous avons commencé notre vie à la Skite parmi les frères en ce jour saint, la veille de la Nativité du Seigneur. Oui, la miséricorde de Dieu pour moi, indigne, est grande et indicible. Mon entrée à la Skite est un grand, un énorme miracle de la miséricorde de Dieu. Donc, aujourd’hui voilà exactement un an que nous sommes à la Skite. Gloire à notre Dieu!
25 décembre
L’année dernière, ce jour-là, j’étais encore un étranger arrivé du monde, dans des vêtements du monde, et maintenant, par la grâce de Dieu, je suis «des nôtres». Mais malgré le fait que je sois «des nôtres», les frères me regardent un peu différemment de tout le monde. C’est parce que je crois qu’ils pensent trop à mon éducation et à ma position dans le monde; en plus, nous avons aussi de l’argent. C’est en conséquence de cela probablement, comme je l’ai deviné d’abord, puis appris de Batiouchka, qu’ils pensent venir à moi pour louer le Christ, mais ça, je ne le souhaite pas. Une chose est de louer le Christ auprès du Starets, du Supérieur, du Père Joseph, mais c’en est une autre que de choisir quelqu’un au milieu de la fraternité, à mon avis, cela ne se fait pas. Alors je l’ai dit à Batiouchka, qui m’a répondu: «C’est bien, c’est bien». Puis Batiouchka m’a dit qu’à son époque, ils avaient essayé de venir à lui, mais il se détourna, bien qu’il dût alors subir une certaine affliction suite au mécontentement de la fraternité. Je veux agir comme agit Batiouchka, afin d’être son disciple. Mais de façon générale, tout va bien, Dieu merci. Je suis un peu fatigué des longs offices. En outre, j’étais responsable du thé pour la communauté, probablement suite à l’humilité du Père Alexis, qui a été nommé responsable hier. Mais j’ai été responsable du thé uniquement pour tester ma vanité et mon orgueil. Quoi qu’il en soit, on est infiniment mieux ici que dans le monde. Gloire à Dieu!
Aujourd’hui, j’ai appris dans les conversations entre les frères que dans le monastère pendant la Liturgie, il y a eu un incendie à la briqueterie, et que récemment le Père Héliodore, responsable de l’ordre, est décédé subitement (Il était allé célébrer quelque part dans un village, la Liturgie était terminée). Il était vers deux heures chez Batiouchka, pour la bénédiction. Donc, il est mort il y a quelques heures à peine, d’un accident cardiaque, dit-on.
28 décembre
Un jour, Batiouchka m’a dit que dans la Bible, en plus de la dimension extérieure, il y a aussi l’intérieure, c’est-à-dire qu’en plus des faits bruts, il y a un sens profond de prototype revêtu par ces mêmes faits. Ce sens s’ouvre à mesure que l’esprit du lecteur est purifié.
«Ainsi, par exemple, le passage des Juifs à travers la Mer Rouge est le prototype du Baptême du Nouveau Testament, sans lequel personne ne peut entrer dans le Royaume des Cieux. Ce fait, le passage à travers la Mer Rouge, eut vraiment lieu. Les choses furent ainsi. Les Juifs s’approchèrent de la mer. Ils étaient poursuivis par Pharaon avec tous ses guerriers, et sur les côtés, c’était le désert. Peut-être y avait-il un passage, mais à travers les peuplades sauvages, ce qui représentait un danger considérable.
En un mot, les Hébreux se trouvaient dans une position très malaisée. Que faire? Où aller? Et Moïse reçut de Dieu une instruction (comment il l’a reçue, nous ne le savons pas): frapper la mer avec un bâton. Il frappa et traça une ligne droite dans le sens vertical. La mer se sépara jusqu’au fond, et les Hébreux se retrouvèrent sur le fond de la mer, comme à pied sec, et ils commencèrent à traverser entre les deux murs d’eau. Combien de verstes ont-ils donc parcouru au fond de la mer, je ne sais pas; mais néanmoins, leur passage n’a pas duré une heure ou deux, mais un temps plus long. Ainsi, ils sont d’abord descendus jusqu’au fond de la mer, puis ont commencé à remonter vers l’autre rivage, et Pharaon et son armée ont alors décidé de les poursuivre au fond de la mer. De sorte que les troupes égyptiennes commençaient leur descente alors que les Hébreux avaient déjà commencé à sortir de l’autre côté. Finalement, ils furent tous sortis et les égyptiens descendaient. Alors Moïse reçut de nouveau l’ordre de Dieu de frapper avec le bâton. Et il frappa de la façon suivante: il prit le bâton des deux mains et, le tenant à l’horizontale, il frappa vers le côté, ordonnant ainsi aux eaux de se refermer. Et effectivement, les eaux se refermèrent, et toute l’armée égyptienne, avec Pharaon à sa tête, périt dans les eaux, et il n’y eut pas un seul survivant…
Tout se déroula ainsi et cela constitue l’aspect extérieur du fait. Mais le sens intérieur est le suivant: le premier mouvement de la baguette de Moïse a tracé une ligne droite verticale, et le second, une ligne horizontale. Les deux lignes forment ensemble une croix. Moïse le comprit-il, lui qui obéissait exactement aux ordres de Dieu? On peut supposer qu’il le comprit, lui, le seul dans tout l’Ancien Testament. La conjonction des différentes parties de cet événement, comme je l’ai dit, a façonné le Sacrement du Baptême. Au baptême, l’homme est immergé dans l’eau et il abandonne dans les fonts baptismaux, préfigurés par la Mer Rouge, tout son péché; et il en sort parfaitement pur, saint. Ainsi, Pharaon avec son armée représente le péché qui fait violence à l’homme, le pouvoir du malin, car avant le Baptême, c’est-à-dire avant la rédemption de l’homme par le Christ, tous étaient sous le pouvoir du malin, quelle qu’ait pu être la justesse de leur vie. Par le Baptême, l’homme est libéré de tout cela, comme les Israélites furent libérés de Pharaon, et sortirent de la mer en sécurité vis-à-vis de leurs poursuivants.» (A suivre)
Traduit du russe
Source :

Saint Père Nikon, prie Dieu pour nous.