Né en 1888, le Saint Hiéromartyr Nikon (Beliaev) fut hiéromoine à la Skite du Monastère d’Optina. Il en fut un des derniers startsy, ayant eu pour père spirituel Saint Barsanuphe, lui-même fils spirituel du Saint Starets Anatole (Zertsalov) d’Optina. Un récit de sa vie a été traduit en plusieurs parties sur le présent blogue et est accessible ici. Le Monastère a publié le journal tenu par le novice Nicolas pendant les trois premières années de sa vie monastique. (Дневник послушника Николая Беляева (преподобного Оптинского старца Никона). Le texte ci-dessous est la traduction (sur base de l’édition de 2016) des premières pages de cet ouvrage remarquable, inédit en français. Le début de la traduction se trouve ici.
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29 novembre
Aujourd’hui, j’ai été désigné pour lire l’Apôtre pour la première fois à la liturgie, et je l’ai lu. J’ai dû lire dans Galates chapitre 3, le péricope 205 (8-12), au sujet du juste qui vit dans la foi, et des œuvres de la loi qui ne peuvent justifier devant Dieu ceux qui s’appuient sur elle. Et l’Apôtre du samedi, jour des défunts.
1er décembre
Aujourd’hui, c’est le jour de la commémoration de Saint Philarète le Miséricordieux, le Juste. A l’occasion du jour de l’ange du métropolite de Kiev et du métropolite de Moscou c’était un grand office avec polyeleos, suivi d’une pannychide. J’ai lu lors de tous les offices de ce jour. Le Métropolite Philarète de Kiev a établi les bases de notre Skite, et donc ceux qui y vivent prient obligatoirement pour lui. Batiouchka a dit à Ivanouchka que l’effondrement et la désertion des monastères commencera par l’oubli de leurs fondateurs et de leurs héros de l’ascèse.
Aujourd’hui, Batiouchka a envoyé Ivanouchka à l’infirmerie. Il ressentait une sorte de faiblesse. Il ne m’en a rien dit. C’est vrai qu’en général, nous nous parlons rarement et, quand nous le faisons, c’est comme si ce n’était pas dans une relation particulièrement étroite; je l’ai moi-même ressenti parfois. Mais moi, par la grâce de Dieu, mon âme est toute paisible, je n’ai pas de chagrin, j’ai beaucoup d’obédiences et le temps passe sans que je m’en aperçoive. Je n’ai donc pas vécu de circonstances difficiles et je ne comprends donc pas les personnes affligées. Bien sûr, je suis plus âgé qu’Ivanouchka, je dois m’occuper de lui, donc je suis coupable. Je vais faire preuve de plus d’humilité avec lui et prendre soin de lui. Le Frère Nikita m’a dit aujourd’hui qu’Ivanouchka souffrait de découragement, mais lui ne m’a rien dit à ce sujet. Peut-être que je le consolerai d’une manière ou d’une autre, bien que je ne le comprenne pas.
Et Batiouchka aussi m’a dit aujourd’hui que, c’est vraiment comme la peste; une sorte de maladie mentale, attaque tous ceux qui sont dans le découragement, l’angoisse; la vie n’est pas belle, ils décident de se suicider, ils ne veulent plus rien faire. Batiouchka a donné l’exemple d’une jeune femme qui était venue chez lui: «Elle restait assise toute la journée dans un coin sans rien faire. „Que ressentez-vous?“ „De la tristesse“. Et la belle, riche jeune femme, avait récemment obtenu son diplôme du gymnase avec une médaille d’or. Peut-être avait-elle été amoureuse, car après cela, il y a une sorte de folie? Non, une authentique vierge… Aie pitié, Seigneur. Sauve-la!» Batiouchka se signa..
Ce doit être vraiment une situation très difficile, mais je ne l’ai pas vécue, par la grâce de Dieu. Et dans le monde aussi, Ivanouchka a parfois souffert de découragement. Même une fois, il me semble qu’il a voulu se pendre, mais je ne sais pas à quel point cette pensée était forte. Dieu nous en garde! C’est effrayant d’y penser! Comment pourrais-je remercier le Seigneur pour ses grandes grâces pour mon cœur endurci!
2 décembre
Il s’avère qu’Ivanouchka a mangé quelque chose qui ne convenait pas, mais, Dieu merci, tout s’est bien passé, bien que son estomac ne soit pas tout à fait rétabli. «C’est Philarète le Miséricordieux qui l’a sauvé», a déclaré Batiouchka.
Batiouchka m’a donné la bénédiction pour lire «L’Échelle». Vraiment, c’est un livre merveilleux et profond: une merveilleuse preuve de la fertilité de l’obéissance, car il concerne l’obéissance. Par exemple, j’y ai lu récemment ces paroles: «Ne fuis pas la main de celui qui t’a conduit au Seigneur, car de toute ta vie tu ne devrais jamais éprouver la même vénération envers qui que ce soit d’autre». Et je me suis dit: qui donc m’a conduit au Seigneur? Qui m’a nourri spirituellement (si je puis dire), qui m’a ouvert les yeux sur la vie, qui m’a montré le monachisme, dans la mesure où tout cela peut être compris par mon âme endormie, sinon morte, à laquelle je tiens? C’est Batiouchka, envers lui, je ressens de l’amour, si seulement suis capable d’aimer, et je suis bien disposé envers lui, plus qu’envers qui que ce soit. Je lui dois le fait que je ne suis plus dans le monde, je lui dois plus qu’à quiconque (je laisse de côté mes parents selon la chair).
Mais, à part Batiouchka, nombreux sont ceux envers qui je suis redevable, et je vais les énumérer. Tout d’abord, nous avons parlé de notre intention d’entrer au monastère au Père Piotr Sakharov, notre professeur de religion au gymnase. Il renonça à répondre avec précision et nous conduisit à Mgr Tryphon, son condisciple de l’Académie (il semble que c’était bien le cas). L’Évêque Tryphon nous a envoyés à Batiouchka à la Skite. C’était avant le Grand Carême, la semaine du fils prodigue. Nous venions tous de sortir des vêpres, quand Vladika a parlé du fils prodigue et lu l’Acathiste au Saint Martyr Tryphon.
Alors qu’Ivanouchka, maman, le Père Piotr Sakharov, le Père Gabriel arrivé à l’improviste (maintenant il est l’économe de son Éminence l’Évêque de Kalouga) et moi, étions assis dans le bureau de Vladika, celui-ci a répondu à l’inquiétude de maman à notre sujet : «Ne vous inquiétez pas, ils ne verront que le bien là-bas, et ils le conserveront pour la vie. Laissez-les partir…» Je ne me souviens pas exactement de ses mots, peut-être ainsi: «Ne vous inquiétez pas, ils recevront d’Optina d’excellentes impressions qui les soutiendront toute leur vie…» Quelque chose comme ça.
J’ai oublié de mentionner que le Père Piotr nous a conduit vers le Seigneur. Entre autres choses, il a dit «Je vais vous envoyer à Optina, peut-être vais-je ainsi provoquer une querelle de famille?» Nous avons répondu que nous avions la bénédiction de maman, mais le Père Piotr a probablement eu peur de ce que Vladika demandait et en a informé le Père Siméon Liapidevski, et ils sont tous deux venus auprès de maman le jour-même, semble-t-il, lui rendre visite et, bien sûr, ils furent rassurés.
Ensuite, il y a encore le Père Seraphim du monastère de Tchoudov, qui m’a aussi, d’une certaine façon conduit vers le Seigneur, car c’est chez lui que je me suis confessé pour la première fois, n’en faisant pas une simple formalité, mais voulant une confession en pleine conscience. C’était la première confession sincère pendant laquelle tout fut dit, au sujet de toute ma vie, à moins que quelque chose n’ait été oublié par inadvertance. Ma première confession auprès de Batiouchka fut semblable, quand j’étais encore du monde, elle ne fut pas moins sincère. Donc, le Père Seraphim, fut pour ainsi dire le premier à commencer à me réconcilier avec Dieu.
Et il y a encore l’higoumène Jonas (Du monastère de l’Épiphanie à Moscou), qui nous a été indiqué par Vladika comme pouvant remplacer Batiouchka, lorsque nous avons vécu huit mois dans le monde après notre première visite à Optina.
Il a insisté pour que nous abandonnions au plus vite le monde. La conséquence de sa persuasion et de ses conseils fut qu’Ivanouchka se retrouva dans un état d’esprit très difficile, et avec la bénédiction de Vladika, nous sommes partis à Optina. Ivanouchka y allait avec l’espoir que nous serions acceptés, en d’autres termes, il avait décidé de demander vigoureusement à entrer à la Skite. Et nous avons été acceptés. Je décrirai la façon dont nous avons été reçus, plus tard si Dieu le veut.
Donc, voici ceux qui, d’une manière ou d’une autre, ont plus ou moins contribué à notre entrée à la Skite: 1) le Père Seraphim; 2) le Père Piotr Sakharov; 3) le Père Siméon Liapidevski, 4)son Éminence Tryphon; 5) le Père Gabriel; 6) le Père Ioann Vassilievitch de «Joie Inattendue»; 7) l’Higoumène Jonas et 8) Batiouchka qui nous a pris dans ses bras affectueux.
L’Évêque de Tryphon, pointant vers Batiouchka, a dit : «Que le Père Barsanuphe soit votre guide permanent».
Tous les pères mentionnés et Vladika m’ont amené à Batiouchka et m’ont remis à lui, nous confiant à ce havre tranquille. (A suivre)
Traduit du russe
Source :
Saint Père Nikon, prie Dieu pour nous.