Né en 1888, le Saint Hiéromartyr Nikon (Beliaev) fut hiéromoine à la Skite du Monastère d’Optina. Il en fut un des derniers startsy, ayant eu pour père spirituel Saint Barsanuphe, lui-même fils spirituel du Saint Starets Anatole (Zertsalov) d’Optina. Un récit de sa vie a été traduit en plusieurs parties sur le présent blogue et est accessible ici. Le Monastère a publié le journal tenu par le novice Nicolas pendant les trois premières années de sa vie monastique. (Дневник послушника Николая Беляева (преподобного Оптинского старца Никона). Le texte ci-dessous est la traduction (sur base de l’édition de 2016) des premières pages de cet ouvrage remarquable, inédit en français. Le début de la traduction se trouve ici.

(…)
Batiouchka m’a dit que le Père Ambroise et le Père Anatole l’avaient reçu très joyeusement.
Le Père Ambroise était debout quand il a reçu Batiouchka, ce qui n’était pas encore arrivé auparavant. Généralement il recevait tout le monde couché ou assis: «Il venait de recevoir Matouchka Paraskeva (Une pauvre bienheureuse, semble-t-il). Elle a dit au Père Ambroise: «Pavel Ivanovitch est arrivé». «Gloire à Dieu», avait répondu le Père Ambroise. Peut-être avait-il vu que j’allais devenir résident à la Skite et starets».
Je n’ai pas tout mentionné, car je n’ai pas très bien compris tout. Batiouchka est également arrivé à la Skite un 24 décembre.
25 octobre
Hier, lors de la bénédiction, je me suis repenti auprès de Batiouchka d’avoir dormi trop longtemps pour arriver à la première liturgie au monastère. Batiouchka répondit à cela:
– Dieu pardonnera. Réprimandez-vous.
– Batiouchka, comment, en fait, faut-il se réprimander?
– Comment se réprimander? C’est très simple: la conscience en parlera immédiatement, elle accusera immédiatement, et vous n’avez qu’à accepter que vous avez mal fait, à vous adresser humblement à Dieu avec une prière demandant pardon.
– Oui, Batiouchka, au début, ce sera désagréable, je me réprimanderai, mais après très peu de temps, j’oublierai cela, comme s’il n’y avait rien eu.
– Au moins une minute, au moins une demi-minute, mais vous devez vous réprimander de cette façon. Il est de notre devoir de nous réprimander, ne serait-ce que pour très peu de temps, et pour le reste, on s’en remet à Dieu. C’est bien, si nous nous réprimandons un peu. Chez l’un, cette situation se prolongera, chez l’autre elle durera moins. Et il y eut des Saints Pères qui vécurent l’auto-réprimande continuelle toute leur vie, une ligne droite sans interruption… Mais nous en sommes loin. Lorsque nous nous réprimandons, nous sommes remplis de force, nous devenons plus forts spirituellement. Bien sûr, pourquoi en est-il ainsi, nous ne le savons pas. C’est une loi de la vie spirituelle.

Saint Nikon (Fragment de la Synaxe des Saints Startsy d’Optina. T.A. Mouchketov)

Tout comme dans notre vie corporelle, dans notre vie spirituelle, nous affermissons nos forces spirituelles par la nourriture. Vous mangez de la soupe, de la kacha, vous devenez plus forts. Vous avalez juste la nourriture dans votre estomac, mais comment elle est transformé en sucs digestifs, comment votre corps les assimile, vous ne savez pas. Votre rôle est seulement d’ingurgiter la nourriture, et l’estomac sait déjà comment la digérer, comment l’utiliser comme il convient. Nous savons que tout cela se passe vraiment, mais nous ne comprenons pas pourquoi et nous ne voyons pas comment cela se passe. Il en va de même dans la vie spirituelle: nous nous nourrissons de l’auto-réprimande, qui, selon les enseignements des Saints Pères, est une ascension invisible, mais nous ne savons pas pourquoi ni comment. C’est une loi de la vie spirituelle. Quand nous mangeons spirituellement, nous devenons spirituellement plus vigoureux, plus forts. Et qu’est-ce que l’auto-réprimande? L’humilité.
Se considérer pécheur, coupable, c’est se faire humble. Qu’est-ce que l’humilité? C’est la chasuble de la divinité, selon la parole de Saint Jean Climaque. Nous allons atteindre cette chasuble quand nous nous réprimandons. Vous souvenez-vous de la femme hémorroïsse de l’Évangile? Elle avança humblement à travers la foule et toucha le bord du vêtement du Christ, et elle fut guérie. C’était tout, vraiment. C’est ce qui est écrit dans l’Évangile, c’était tout, vraiment. Mais prenez le sens spirituel de cet événement et examinez-le… Avez-vous tout compris?
– Oui.
– Tout?
– Tout, il me semble.
– Est-ce bien sûr?
– Je crois.
Il me semblait et il semble que j’ai vraiment compris ce dont Batiouchka parlait. Et hier, j’en ai écrit un petit plan pour ne pas oublier.
Mais puisque Batiouchka m’a mis en garde avec ses questions, j’émets la présente réserve, je le fais juste au cas où, peut-être, il y aurait un sens caché, pour moi incompréhensible maintenant, mais qui s’ouvrira plus tard.
Batiouchka, d’ailleurs, a dit «Il me semble que je n’ai pas rencontré de Saint Père qui ait analysé l’auto-réprimande…»
À ma question, s’il est nécessaire d’aller à la liturgie, si je m’éveille alors qu’elle a commencé depuis longtemps, Batiouchka a répondu: «Obligatoirement!»
26 octobre
Le moment est venu pour le frère Kyril de commencer le service militaire; il est retourné dans sa région natale et vient de revenir à la Skite aujourd’hui. Bientôt, il sera appelé à Kozelsk. Batiouchka m’a dit que Kirioucha vivait en faisant attention à lui-même et en ne s’occupant pas des autres. Je lui ai parlé; il dit qu’il est difficile et ennuyeux de vivre dans le monde, que tout moine est un étranger dans sa famille. En pensant à Kirioucha, je pense à moi-même, car ce qu’il va faire maintenant, c’est ce que je devrai faire l’année prochaine.
Je crains moi-même le service militaire et je ne le souhaite donc pas aux autres.
Je note encore quelques instructions de Batiouchka:
«Chaque livre de la bibliothèque doit être pris après en avoir reçu la bénédiction.»
«Derrière l’orgueil, littéralement sur ses talons, il y a toujours le péché de la chair.»
«C’est seulement quand on vit dans l’attention qu’il fait bon vivre dans un monastère», a dit, me semble-t-il, Batiouchka, et il a ajouté: «Je vous le dis: commencez par l’humilité.»
«Il y a des péchés mortels et d’autres non mortels; le péché mortel est un péché dans lequel, si tu ne te repens pas et que la mort te prend, tu vas en enfer; mais si tu te repens, il t’est pardonné immédiatement. Il est appelé mortel parce que l’âme meurt à cause de lui et ne peut reprendre vie que par le repentir. Le péché pour l’âme est le même que la blessure corporelle pour le corps. Il y a des blessures qui peuvent être guéries, qui ne causent pas la mort du corps, mais il y a des blessures mortelles. Il en va de même pour les péchés. Le péché mortel tue l’âme, la rend incapable de béatitude spirituelle. Si, par exemple, une personne aveugle est placée à un endroit où une vue merveilleuse s’ouvre et qu’on lui demande: «N’est-ce pas vrai, quelle vue merveilleuse, quelle beauté?» L’aveugle répondra certainement qu’il ne perçoit pas cette beauté, car il n’a pas d’yeux, pas de vision. La même chose peut être dite de l’incapacité d’une âme tuée par le péché, morte à la béatitude éternelle». (A suivre)
Traduit du russe
Source :

Saint Père Nikon, prie Dieu pour nous.